Referendum – législatives : L’impossible couplage?

Le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation propose la tenue couplée des législatives et du referendum le 9 juin. Même si la date n’est pas encore officielle, cette possibilité s’avère être un vrai challenge dans un contexte incertain.  

« Ce sont  des propositions. Rien n’est définitivement arrêté. Il faut attendre que ce soit définitivement adopté », dit Brahima Coulibaly, conseiller technique au ministère  de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Alors que le temps presse, chez les différents acteurs des réflexions sont engagées pour s’accorder sur les dates des élections législatives et référendaire. « Rien n’est calé complètement, parce que nous sommes avec des partenaires dans la réflexion. Il est trop prématuré de dire ce qu’il y aura », abonde un autre responsable du ministère.

Les deux échéances sont au devant des questions actuelles. Reportées à maintes reprises, les élections législatives doivent se tenir avant la fin du mandat des députés  le 30 juin. Au même moment, le processus de révision constitutionnelle nécessite du temps pour que l’ensemble des acteurs s’accorde sur la forme et le contenu. Le comité d’experts mis en place doit rendre au Président de la République début avril l’avant-projet, pour amendement ou validation, avant que le gouvernement ne le présente à l’Assemblée nationale. Présent à l’ouverture des assises de l’alliance Ensemble pour le Mali (EPM), samedi dernier à l’ex-Cres de Badalabougou, le Premier ministre est très prudent sur le calendrier électoral. « Si le referendum se tient fin avril, la Cour constitutionnelle a deux mois pour le valider, ce qui peut aller jusqu’en juin. Malheureusement, le mandat des députés finit fin juin », fait remarquer  Soumeylou Boubeye Maiga. Selon lui, « s’il n’y a pas d’assemblée, il n’y a pas de referendum, en tout cas au stade actuel », car, explique-t-il, « le comité d’experts va remettre l’avant-projet au Président le 3 avril (…) ». C’est à la suite de cela qu’il sera envoyé à l’Assemblée nationale par le gouvernement, « car il faut une loi constitutionnelle pour aller au referendum », justifie le chef du gouvernement.

Des désaccords à dépasser

Au ministère de l’Administration territoriale siège chaque semaine le Cadre de concertation national regroupant tous les partis politiques, les conseillers techniques de certains ministères et des responsables de la société civile et des mouvements signataires de l’Accord. Cependant, certains partis, comme l’URD du chef de file de l’opposition, boudent les rencontres depuis plus de deux semaines. « Cette date me parait juste, mais certaines choses ne sont pas encore réglées pour l’opposition. Nous ne participons pas au cadre de concertation et, dès lors, nous n’avons pas suffisamment d’éléments pour pouvoir juger », estime Ibrahima N’Diaye, directeur de cabinet de chef de file de l’opposition. Selon lui, la solution  est dans « un dialogue sincère » entre tous les acteurs. « C’est vrai que le mandat des députés arrive à échéance en juin, mais si en même temps d’autres problèmes se posent, il faut les évoquer pour trouver des solutions qui puissent satisfaire tout le monde. Tout ce qui peut réussir, nous le souhaitons », plaide-t-il.

Pour l’analyste politique Boubacar Bocoum, il sera difficile de tenir les deux scrutins en même temps le 9 juin. « Pour le referendum, il y a non seulement le manque de temps, mais aussi de l’impréparation. Le gouvernement n’a pas la bonne méthode pour échanger avec la population », note-t-il. Mais l’exigence de la communauté internationale d’obtenir des résultats concrets dans la mise en œuvre de l’Accord met les protagonistes dos au mur. « Si aujourd’hui cette révision constitutionnelle  s’avère être indispensable pour l’État malien, il est évident que Soumaila Cissé ne pourra que l’accompagner, parce que la communauté internationale met la pression. Mais cela ne changera pas grande chose pour le peuple », précise l’analyste. Il ajoute « si on est en phase avec nos partenaires techniques et financiers,  ils mettront la main à la poche » pour le financement des élections.

Autre problème, en plus de quelques partis qui posent certains préalables à leur retour dans le cadre de concertation, la CMA et la Plateforme, quant à elles, veulent que l’on revienne à la première « formule » de celui-ci.

Cadre national de concertation : Toujours viable?

Dans le but de traiter les questions liées aux réformes à venir et pour organiser les élections, le Premier ministre a signé un décret, le 17 janvier, portant création du Cadre national de concertation. Cependant, certains partis politiques, comme l’URD et la CODEM, se sont retirés de l’initiative en attendant la prise en compte de leurs observations. Le cadre sera-t-il vide de sens ?

« Ce cadre de concertation a été initié pour concilier la nécessité de dégager un consensus autour des grandes questions qui concernent la Nation et le temps limité que nous avons devant nous. Normalement, tous les citoyens, à tous les niveaux, doivent être associés pour aboutir aux concertations nationales, mais nous devons aller aux élections législatives au plus tard le 30 juin », justifie au préalable Brahima Coulibaly, conseiller technique au ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation. La première réunion depuis la mise en place de cette nouvelle formule du cadre national de concertation date du 31 janvier. Depuis, plusieurs rencontres se sont tenues pour aborder les questions à l’ordre du jour. Mais, dans une correspondance en date du 1er février, l’URD a adressé ses observations et recommandations sur le cadre national de concertation. Le parti du chef de file de l’opposition réclame un dialogue qui « doit aboutir à un accord permettant le consensus nécessaire sur les réformes institutionnelles et politiques pour une sortie de crise réussie », indique la lettre. « Cet accord politique déterminera les mécanismes de l’organisation d’un large débat national, sincère, global, inclusif, interactif, dynamique et transparent, avec l’ensemble des forces vives de la Nation », poursuit le document. Mais, quelques jours après, la CODEM, parti de l’ancien ministre des Sports, suspend aussi sa participation à ce cadre. Pour le parti de la quenouille, le cadre, « tel que proposé suivant l’arrêté du 17 janvier, dans sa composition, ses missions et son fonctionnement, ne correspond pas aux attentes de notre peuple ». La CODEM estime qu’il « n’obéit pas aux conditions d’inclusivité pour traiter des grandes questions qui assaillent notre Nation », dit le communiqué.

Pour donner suite à certaines de ces observations, le ministère en charge de la question a pris en début de semaine des nouvelles mesures. « Le ministre a pris  une nouvelle décision, dans laquelle le  cadre va être ouvert à tous les partis politiques, sans distinction, à toutes les organisations de la société civile et à tous les mouvements signataires de l’Accord. Tout cela pour qu’on soit d’accord sur ce qu’on va faire sur la Constitution, le découpage territorial, les élections des députés, celles des sénateurs, etc. », informe le conseiller technique du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation.

Un cadre vital

La volonté de réussir les réformes à venir et les enjeux du moment obligent le gouvernement à prôner le consensus. Une convergence de toutes les forces vives est nécessaire pour maintenir l’équilibre national. « Au départ, on avait dit qu’il fallait représenter les partis politiques en fonction de leur poids, mais aujourd’hui, même si vous êtes seul dans votre parti vous pourrez venir. Il y aura deux instances. D’abord une pour les formations politiques, qui regroupe les présidents des partis qui donneront les grandes orientations sur toutes ces questions. Ensuite il y aura la commission technique, composée des experts du ministère de l’Administration territoriale et des départements  ministériels concernés », détaille Brahima Coulibaly.  Selon lui, la tenue des  élections législatives avant fin juin, conformément à la loi électorale, est indispensable. Mais pour l’heure, le chargé de communication de l’URD, Me Demba Traoré, dit s’en tenir à leur lettre d’observations et de recommandations. « S’il y a des actes officiels qui sont pris, on va les analyser, mais pour l’instant c’est le status quo. On s’en tient à tout ce qu’on a développé dans la lettre », fait-il brièvement savoir. « Dans tous les cas, si l’opposition ne vient pas, il y aura un goût d’inachevé, mais la démocratie, c’est la loi de la majorité. Nous nous sommes engagés à mener toutes ces réformes et en même temps il y a la communauté internationale qui nous regarde », explique le conseiller technique.