Reportage : le calvaire hivernal des SDF…

« Après la pluie, le beau temps » dit l’adage. Cette assertion bien admise est récusée par les mendiants et les sans domicile fixe de la capitale. On les retrouve aux feux tricolores, devant les grands restaurants et dans certains jardins publics transformés en chambre de fortune. Dimanche matin, le soleil peine à  éjecter ses rayons du fait de nuages menaçants. Les nantis se parent de couvertures lourdes dans l’espoir de voir le ciel ouvrir ses vannes pour une pluie annonciatrice de fraà®cheur. Parallèlement, aux abords du monument Al Qoods au carrefour du marché de Rail – Da, des hommes et des femmes avec une ribambelle d’enfants prient pour que la pluie ne tombe. Adossé au magasin de friperie, nous offrons des victuailles et quelques pièces de monnaie à  une femme à  l’épiderme malmené par les moustiques. Touchée par l’aumône qui lui permet de nourrir ses jumelles, elle nous pose quelques questions sur notre identité puisque selon elle « notre accent ne sonne pas Malien » ! La remarque permit d’établir le dialogue. Batoma, à  l’état civil, dit être originaire de Koro qu’elle a quitté « pour rejoindre son mari à  Bamako mais une fois sur place, J’ai appris que le père de mes jumelles est en Angola. Confrontée à  des difficultés financières avec deux enfants à  nourrir, je me suis mise à  la mendicité. Le jour, je m’installe non loin des feux tricolores et les automobilistes me jettent des pièces d’argent, des sachets contenant de la cola, du sucre, du lait ou des biscuits. Les parents des malades internés à  l’hôpital Gabriel Touré passent parfois pour donner du riz, des poulets, du mil et même des habits. La nuit, je me déplace vers le restaurant Le Nid pour attirer l’attention des couples de passage là -bas ». A la question « o๠dormez-vous » ? Batoma regarde le ciel. « Nous dormons à  la belle étoile et chaque mendiant a sa place le long du mur du monument. Certains installent des moustiquaires et d’autres comme moi se couvrent entièrement pour se protéger des insectes. Avec les pluies, la situation est intenable car parfois on se réveille en pleine nuit pour trouver un refuge. Lasse de chercher avec les jumelles, J’attends sous les eaux torrentielles la fin de la pluie ». Notre interlocutrice écarte toute idée de retourner au village ou d’aller voir les responsables du fonds de solidarité nationale pour une aide financière susceptible de lui permettre de lancer un petit commerce. Même scénario chez les mendiants qui occupent le carrefour du Grand Hôtel de Bamako. SDF du troisième âge Ici, la particularité est que les maà®tres les lieux sont tous d’un âge avancé. On y voit surtout des femmes au visage défait par les produits dépigmentant, des chevilles écaillées, des foulards cachant mal une chevelure ébouriffée, un regard pittoresque, une bouche d’o๠sortent des mots récités telle une litanie et pour finir des baluchons cachés derrière les fleurs pour ne pas perdre le fruit d’une journée de pitance. Un vieux frêle et grelottant après une pluie qui aura mis du temps à  se terminer accepte de se confier à  notre micro « je suis un ancien conducteur de grue aujourd’hui obligé de mendier pour vivre. Mes enfants vivent à  Bamako, mais ils refusent de m’aider depuis le décès de leur mère. Je passe mes journées ici, je ne quitte le feu qu’aux environs de quatre heures du matin après le passage de ceux qui étaient en boà®te de nuit puisque ces fêtards savent donner de l’aumône. Je dors donc ici mais avec l’hivernage, les affaires ne marchent pas d’autant que la pluie peut venir à  tout moment et quand C’’est la nuit, les vigiles refusent de nous laisser entrer dans l’hôtel ou dans l’espace ferroviaire. J’ai une bicoque à  Dialakorodji o๠je me rends deux fois par semaine pour changer d’habit et bien me laver ». Se laver et se doucher sont les deux préoccupations des sans domicile fixe de la capitale Malienne. Les SDF qui squattent les abords du monument Hippopotame sur le boulevard de l’indépendance n’ont pas, heureusement, de problème pour se doucher. La famille de l’imam Haidara leur offre ces commodités et la nuit tombée, ils dorment dans les jardins publics. En période hivernale, ils se réfugient dans la cour de l’imam. Pourquoi les autres SDF ne rejoignent pas cette cour ? Un SDF rétorque « chaque sans domicile fixe est tenu de ne pas violer l’espace des autres ». C’’est dire que même dans la misère, il y a une catégorisation.

Retour à la campagne : le calvaire des aides ménagères

Les premières pluies sont tombées sur la capitale Bamako depuis quelques semaines. Si pour certaines, ces pluies viennent anéantir la canicule qui s’abattait sur la ville, pour d’autres, C’’est l’annonce du retour vers le village. Ces jeunes filles, tous âges confondus, qui avaient pris d’assaut la capitale après les dernières pluies de l’année passée, afin d’y trouver des emplois temporaires, veulent à  présent rentrer au village le temps de l’hivernage. La seule possibilité à  Bamako, C’’est le service de « bonne » pour un modeste salaire entre 5 000 et 10 000 FCFA. Traitées comme des esclaves, ces jeunes filles font l’objet de tous les abus, humiliations, et violences parfois sexuelles. Après un an vécu stoà¯quement, aujourd’hui, elles cherchent à  retourner à  la maison : un autre calvaire qui débute. Le cas de Sanata En effet, le cas de Sanata illustre bien des situations que vivent les aides ménagères lors des préparatifs du retour. Agée de 18 ans, la jeune Sanata comme nombre de ses paires, a choisi Bamako pour faire fortune après les dernières récoltes dans son village en septembre dernier. La jeune servante n’avait alors que 17 ans. Très vite, elle fut embauchée par une enseignante. Son travail consistait à  s’occuper des enfants pendant que Madame était au service. Elle était tellement belle Sanata que les jeunes du quartier n’ont pas perdu leur temps. Trois mois après sa venue à  Bamako, la jeune servante a contracté une grossesse. Devenue encombrante pour madame l’enseignante, celle-ci la renvoya. Sanata a ensuite sillonné la ville, mais personne ne voulait d’une servante enceinte. Au lieu de rentrer au village, la jeune fille préféra rester à  Bamako car ses parents ne lui pardonneraient jamais sa « faute ». C’’est pourquoi, la pauvre fille qui avait déjà  utilisé ses économies pour survivre, rôda dans les rues et continua à  y vivre grâce à  la solidarité de ses camarades. Elle n’ira donc pas cette année au village et trouvera des explications à  fournir à  ses parents par l’intermédiaire de ses copines qui iront au village. Bloquées à  Bamako Quant à  Sitan, cette autre servante, elle n’est âgée d’à  peine 13 ans et depuis 7 mois, celle pour laquelle elle travaille à  Lafiabougou, ne lui a jamais versé un sou. Et au moment o๠les camarades de la gamine s’apprêtent à  rentrer au village, sa protégée lui a promis d’attendre un peu. Celle qui l’a embauchée, vient pourtant partir pour le Burkina Faso. Quand reviendra-t-elle ? Sitan ne le sait pas, mais, les larmes aux yeux, elle dit n’avoir pas le choix. Elle doit attendre, même s’il le faut pendant plusieurs années, ne pouvant rentrer au village sans son argent. Bintou elle, est régulièrement payée par ses patrons. Il y a deux ans cependant qu’elle n’est pas repartie au village. A travers une correspondance adressée à  ses parents, elle leur avait expliqué que le double de son salaire lui est payé afin qu’elle reste à  Bamako pendant un certain temps. Elle a même pris le soin d’envoyer un peu d’argent à  la famille. Mais, toute cette histoire est fausse. Bintou a plutôt été enceinte et mis au monde un petit garçon. Ne pouvant rentrer au village avec le « colis » embarrassant, elle a décidé de rester à  Bamako en attendant de trouver à  qui le confier. En vain. Cette année encore, elle n’ira pas au village. Mariam elle compte rentrer dès la semaine prochaine à  la maison. Hélas, ses patrons ne lui ont rien versé depuis 4 mois avec la seule explication : « Nous n’avons pas d’argent et n’allons pas nous transformer en argent ». La jeune « 52 » de son côté n’est pas restée les mains croisées. Elle a contacté la police et espère dans les jours à  venir, être en possession du fruit de sa sueur. Démission de la société Voilà  le quotidien de centaines de jeunes maliennes, victimes d’une société o๠les plus forts écrasent les plus petits. Le problème des jeunes filles rurales dans la capitale malienne nous interpelle tous. Personnes ne doit rester indifférent à  l’esclavage de ces jeunes femmes qui n’ont commis qu’un seul crime : celui d’être pauvre, de vouloir lutter pour la survie. Que sont-elles devenues, ces nombreuses associations pour la promotion de la femme, pour la protection de la femme, etC’…? Que font-elles fait ces associations de femmes qui se paient des voitures au luxe et oublient les campagnes afin de « sensibiliser » les femmes ? A quoi ont servi les nombreux séminaires, rencontres, réunions, et débats sur la situation de la femme malienne ?