La fermeture du camp de Dadaab annulée

Au Kenya, la Haute cour de Nairobi, saisie par deux ONG, a déclaré, jeudi 9 février, «nulle et non avenue » la décision prise par le gouvernement Kenyan de fermer le camp de Dadaab d’ici mai 2017.

Le gouvernement kenyan avait annoncé mercredi 16 novembre reporter de six mois la date de fermeture du camp de Dadaab, le plus grand camp de réfugiés au monde. Cette annonce fait suite à une requête du Haut-Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (HCR), qui a annulé ce jeudi, la décision prise par le Gouvernement. L’annonce de cette annulation a été saluée par les organisations de défense des droits humains, tandis que le gouvernement, lui, a annoncé vouloir faire appel. Le camp de Dadaab abrite aujourd’hui plus de 250 000 réfugiés, majoritairement des Somaliens ayant fui, depuis 1991 la guerre civile, les exactions des islamistes radicaux et des sécheresses à répétition.

Pour mettre sur pied la fermeture du camp, le gouvernement kényan avait pour la énième fois, soulevé l’argument sécuritaire. Déjà en novembre dernier, la date de fermeture avait été repoussée, alors que près de 26 000 réfugiés étaient déjà rentrés en Somalie depuis le début de l’année 2016, dans le cadre d’un accord tripartite entre le Kenya, la Somalie et le HCR. Dans un communiqué publié jeudi soir, son porte-parole écrit que Dadaab « a perdu sa vocation humanitaire, et est devenu un lieu de terrorisme et d’activités criminelles ». Depuis l’attentat contre le centre commercial Westgate en 2013, les autorités présentent le camp comme une base arrière des Shebabs, qui terrorisent le pays. En vue de l’élection présidentielle d’août prochain, sa fermeture devait donc constituer un outil de campagne pour Uhuru Kenyatta. Mais le projet, très populaire au début, a fait l’objet de nombreux problèmes, notamment les nombreuses ONG internationales qui ont dénoncé des retours forcés vers la Somalie, mais aussi le défi logistique, car Dadaab est une véritable ville, avec ses commerces et ses écoles.

Selon les défenseurs des réfugiés, le gouvernement Kenyan en ferait même trop, et dénoncent une politique de « refoulement ». En effet, le fait de renvoyer un réfugié dans son pays d’origine contre son gré est une pratique illégale au regard du droit international depuis 1951. Cependant, la directrice régionale d’Amnesty International en Afrique de l’Est a déclaré que «Les études montrent que beaucoup de combattants des shebabs ne sont même pas somaliens mais… kényans ! ».

« Bienvenue au Réfugistan »

La journaliste et réalisatrice Anne Poiret s’est plongée dans la réalité des camps de réfugiés, véritable villes d’apatrides, et nous ouvre les portes d’un univers déroutant.

Les images de réfugiés, en nombre, sur les routes, ou parqués dans les camps , nous connaissons. Mais quand est-il de leur vie dans ces camps de tente où ils résident pendant une période indéterminée. C’est cet aspect méconnu de la vie des réfugiés que dépeint « Bienvenue au Réfugistan », le documentaire de la journaliste-réalisatrice Anne Poiret, qui sera diffusé à partir du 21 juin sur la chaîne de télévison ARTE ainsi que sur son site internet. En 52 minutes, le film nous immerge dans ces camps «  pays virtuel de la taille des Pays-Bas ». le film mène l’enquête sur ce gigantesque dispositif, où des ONG comme le HCR ont mis en place un système à la fois efficace et absurde.

Le « Réfugistan », c’est un pays qui n’existe pas, un camp aux allures de bidonvilles avec ces tentes de toile, ces bâches en plastique. Là-bas, le temps passe, dans la chaleur, la saleté et la promiscuité, on ne peut ni sortir ni travailler. Pourtant, chose absurde, on y trouve un supermarché, où l’on touche les produits du regard, car la population du camp n’a pas les moyens de payer ces produits vendus chers.

Le film, invite le spectateur à se placer dans la peau d’un réfugié, fraîchement débarqué dans un camp surpeuplé et qui découvre au bout du compte, qu’enfin sortie du pays qu’il fuyait, la vie qu’il mène n’y est guère plus enviable.

Dans ces « nations d’exilés », où vivent ces apatrides miséreux, le temps est une angoisse partagée : combien de mois, d’années, vais-je rester ici ? En moyenne, la durée d’un séjour dans un camp est de 17 ans. 17 ans d’une vie dépensée dans un univers fait de misère, de trafic et de privations, de quoi laisser des traces indélébiles.
La tentation du retour peut être grande, et certains au bout de quelques mois s’en retournent, quels que soient les danger qu’ils connaîtront. Quand à ceux qui restent dans l’espoir d’obtenir le statut de réfugié ou un droit d’asile, les élus sont peu nombreux, environ mille par année pour des centaines de milliers qui restent à espèrer.

On ressort du documentaire d’Anne Poiret un peu groggy, face à la difficile gestion de ces gens qui ont fuit pour un avenir meilleur, au casse-tête de l’organisation de ces ces camps au quotidien en terme de nourriture, d’hygiène ou de sécurité. Le film nous emmène du camp de Dadaab au Kenya, le plus grand du monde, à celui d’Azraq en Jordanie, en Tanzanie jusqu’à la frontière Grèce/Macédoine, ainsi qu’au siège du HCR à Genève et en Norvège. Il donne la parole aux réfugiés comme aux humanitaires du HCR et d’autres ONG. Alors que le 20 juin est la journée mondiale des réfugiés, ce documentaire vient nous éclairer sur la situation et la vie réelle de ces déplacés, fuyant les crises et les guerres, pour terminer dans ces camps, sorte de « prisons à ciel ouvert ».