Carla Del Ponte jette l’éponge

Carla Del Ponte, la magistrate suisse, quitte la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, après 5 ans passé à lister crimes de guerre et violations des droits de l’homme, frustrée et découragée par la portée quasi nulle du travail effectué et le manque de volonté politique de mettre en œuvre la justice.

« Je suis frustrée, j’abandonne ! J’ai déjà écrit ma lettre de démission et vais l’envoyer dans les prochains jours », c’est par ces mots, lâchés lors d’une interview au journal suisse Blick, dimanche dernier, que Carla Del Ponte, l’ex-procureure des tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie, connue pour son franc-parler, a annoncé qu’elle démissionnait de la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, dans laquelle elle siégeait depuis 2012. Durant 5 ans dans cette commission, forte de trois membres, Carla Del Ponte a participé à l’élaboration d’une douzaine de rapports sur les atrocités commises en Syrie, comme les génocides contre la population irakienne yazidi, les attaques aux armes chimiques et les bombardements de convois humanitaires. En mai 2013, Carla Del Ponte choquait l’opinion internationale en affirmant avoir « de forts soupçons » que les rebelles en Syrie utilisaient du gaz sarin. Dans un autre rapport, elle pointait du doigt la responsabilité du gouvernement de Bachar al-Assad, dans le bombardement de convois humanitaires, mais la commission, qui a pourtant a documenté de nombreuses violations des droits de l’homme et crimes de guerre, n’a jamais été entendue pour que la Cour pénale internationale se saisisse des cas exposés dans ces rapports.

Tout ça pour rien « Je ne peux pas rester dans cette commission, qui ne fait absolument rien », a poursuivi Mme Del Ponte, frustrée face à l’incapacité de traduire les auteurs devant la justice et qui dit n’avoir jamais vu de tels crimes commis ailleurs, se référant à l’ex-Yougoslavie et au Rwanda, où elle a également étudié de manière approfondie les atrocités de la guerre. Pour cette ancienne avocate, impulsive et au caractère bien trempé, qui auparavant enquêtait sur les milieux mafieux, « tout le monde en Syrie est du mauvais côté ». Pour elle, le gouvernement Assad a perpétré des crimes horribles contre l’humanité et utilisé des armes chimiques et l’opposition compte dans ses rangs des extrémistes et des terroristes. Carle Del Ponte claque la porte pour d’autres horizons, où ses investigations auront un effet réel. Elle laisse à ses ex-deux collègues, un Brésilien et une Américaine, le soin d’investiguer les atrocités quotidiennes d’une guerre qui a tué 330 000 personnes et en a déplacé des millions.