L’appel de Konaré

La maison d’édition Cauris livres a publié trois recueils de discours d’Alpha Oumar Konaré, dont le deuxième coffret, « Ensemble debout » vient de paraître.

C’est un recueil de discours d’Alpha Oumar Konaré en deux volumes thématiques. Intitulé « Ensemble debout », le coffret, qui sonne comme un appel à la vigilance démocratique, rassemble deux volumes : « À ton appel Mali » et « Oser lutter ». Le premier, selon l’éditeur Cauris livres, retrace les principales étapes de l’engagement politique de l’auteur, tandis que le second porte sur l’importance de la démocratie. Bien sûr, il y a les discours d’Alpha Oumar Konaré, historien, archéologue, enseignant et Premier président démocratiquement élu du Mali. Mais il y a surtout dans ces textes, qui s’étalent de 1967 à 2002, l’appel de Konaré. Le premier volume est un appel lancé d’abord au peuple malien, à l’union, car, dit-il, « L’histoire nous enseigne que chaque fois que nous avons été désunis nous avons souffert, nous avons peiné : c’était à Tondibi, c’était à Sikasso. Chaque fois que nous sommes restés unis, notre peuple a triomphé : c’était le 22 septembre 1960 ». On appréciera aussi cette exhortation des jeunes à aimer le pays, à apporter leurs pierres à sa refonte pour en faire « une terre de travail, de justice, de liberté, une terre d’hommes… ».

À son investiture, en 1991, en tant que candidat de l’Alliance pour la démocratie au Mali, le futur président de la République, déclare que « la bataille pour le Mali (…) vaut largement la peine et vaut tous les prix ». Le second volume s’attarde sur les difficultés auxquelles est confrontée l’Afrique : croissance démographique, crise de croissance démocratique. Aussi, s’interroge-t-il sur les enjeux, les défis et les perspectives de la démocratie, un processus qui, à l’époque, venait à peine de germer et qu’il considère comme étant « une entreprise hardie ». Pour Alpha Oumar Konaré, la réussite de la démocratie exige de nous débarrasser du manteau corrodant de « l’esprit de système », du « parti pris idéologique ou doctrinaire » et « les schémas stérilisants ». D’où son appel à « oser la démocratie ». Autant de réflexions qui trouvent encore leur écho dans le Mali d’aujourd’hui.

A travers John Dube et Wilcocks, le Pr. Chérif Keita fait découvrir l’Afrique du Sud aux Maliens

En partenariat avec les éditions Cauris, l’espace culturel Blonba a consacré une soirée à  Chérif Keita, célèbre réalisateur malien, pour la projection d’un film mémorable. De nombreuses personnalités y ont tenu à  être témoin de l’évènement. Faire découvrir l’Afrique du Sud aux Maliens l’objectif de cette projection était de faire découvrir aux maliens, l’impressionnant talent de cet jeune aventurier malien, qui au départ, s’est persuadé du rayonnement de la culture universelle. Parti du principe que « nul n’est prophète chez soi », l’homme s’est lancé dans une vaste aventure mondiale qui l’a conduit (dès l’age de 18 ans) aux Etats-Unis d’Amériques. Plus tard, ses pas le guideront dans la République Zoulou, l’Afrique du sud. Dans son chef d’œuvre, le réalisateur fait l’apologie, et démystifie les origines profondes de deux familles sud-africaines qui se sont fait distinguer à  travers des valeurs humanistes rares : les familles Wilcocks, et Dube. Le public venu nombreux à  Blonba était visiblement fasciné de la production de Chérif Keita. En fait, voilà  un homme dont la passion l’a conduit au bien delà  du microcosme malien.Comme toutes recherches, l’homme n’a pas hésité à  descendre dans les tranchées pour s’abreuver dans l’immense culture sud-africaine. Chérif Keita a merveilleusement rapproché l’Afrique du sud des autres nations, dont principalement les Etats-Unis d’Amérique. Et mieux, il s’est dit, au départ, inspiré par l’anecdotique expérience de son père. Le réalisateur a démontré dans son œuvre le rôle prépondérant que John Dube a joué dans l’implantation de l’ANC. En effet, C’’est John Dube qui fut le tout premier président (de 1912 à  1917) de ce légendaire parti politique sud-africain. Après avoir cartonné au pays Zoulou, les films ont connu un foudroyant succès à  travers le monde, à  travers de nombreuses distinctions. De longues années de recherche Ces réalisations sont l’œuvre de longues années de recherches entamées en 2006. Celui que toute l’Afrique du sud appelle « le Zoulou malien » aura appris aux citoyens sud-africains un pan important de leur histoire. Quand je commençais à  découvrir les familles Dube et Wilcocks, comme une toison de neige, un grand changement spirituel est survenu dans ma vie. « Ce sont les dieux quoi ont guidé mes pas vers l’Afrique du sud. A travers cette réalisation, J’entend marquer, avec énergie, mon adhésion à  la vision de liberté et d’humanité. Et je suis plus qu’heureux d’avoir établi le lien de similarité entre ces deux familles et la mienne ». Le réalisateur indiquera que sa production a eu de nombreuses retombées politiques et sociales. En effet, de la réalisation du film, il s’en est sorti de grandes décisions politiques en Afrique de sud. Pour sa part, la directrice des éditions Cauris, Mme Dramé Kadiatou Konaré, saluera l’enthousiasme qui a caractérisé le réalisateur dans les différents compartiments de ses recherches. Selon Mme Dramé, Cherrif joue véritablement un rôle de passerelle entre l’Afrique du Sud et les Etats-Unis. Celui qu’elle appelle « le Pasteur de culture » est, dit-elle, un citoyen du monde qui joue merveilleusement son rôle. Pour le Pr Keita, c’est simple : « Cette histoire me fait communier avec l’esprit de son père, dont le décès coà¯ncidait miraculeusement avec son séjour sud-africain. J’ai compris que son défunt père avait quelque chose de commun avec John Dube. C’’est pourquoi J’ai entamé des recherches qui au bout du compte m’ont donné raison ». Agé de plus de 50 ans, Chérif Keita a derrière lui, 12 années de carrières dans la réalisation.

Rentrée littéraire 2010 au Mali : «l’œuvre doit épouser son public !»

« l’œuvre doit épouser son public », dixit Kadiatou Konaré, Editions cauris Organisée par le Fond du prix littéraire, la rentrée littéraire est une opportunité pour découvrir l’immense talent des écrivains africains. Cette année, plus de 80 auteurs se sont inscrits auprès du Fond. Après la tenue d’une conférence sur le prix littéraire, il y a quelques semaines, les organisateurs de la Rentrée littéraire étaient à  nouveau face à  la presse ce jeudi au Musée national, pour dévoiler le riche programme de la Rentrée littéraire. Prévue du 9 au 12 février prochain, la capitale malienne vibrera au rythme de la littérature. l’événement qui est à  sa 2ème édition a toujours suscité un engouement. Le co-directeur du Fond de la rentrée littéraire, Ibrahim Aya a fait l’inventaire des activités. Il s’agira de la remise de prix littéraires à  des auteurs qui seront distingués pour la qualité de leurs écrits, mais aussi la mise à  dispositions de nombreux livres dans les librairies de Bamako. Deux grandes conférences se tiendront avec la participation d’auteurs africains qui viendront entre autres, de l’Algérie, de la Guinée Conakry, du Congo… Foire et cafés littéraires Au programme de cette rentrée, une foire pour promouvoir les manuscrits, et un café littéraire. Aussi, les jeunes scolaires participeront à  des concours d’écritures poétiques. En outre, poursuit, M Aya, tous les débats se tiendront au Palais de la Culture Amadou Ampaté Ba, haut lieu de la culture. Avant de clore son intervention, M Aya a vivement remercié les partenaires techniques de l’évènement, dont la coopération française, l’université de Bamako, l’Association des Professeurs de langues françaises, le Centre national de cinématographie du Mali (CNCM)…qui y ont toujours manifesté leur intérêt. Il y’a davantage de manuscrits dans ce pays qu’il n’y a de livres ! Dans la société, l’écrivain a généralement la réputation d’être un personnage aigri, tapis dans l’ombre dont les objectifs ne sont que « de tremper la plume dans la plaie ». Dans sa fonction, l’écrivain, n’évolue généralement qu’avec ses moyens. C’’est pourquoi, la rentrée littéraire est perçue comme une aubaine pouvant ouvrir les portes à  ces « bourreaux de la plume ». La particularité de cette 2ème édition est sans doute, la participation de 20 auteurs nouveaux. Selon le représentant du Ministère de la Culture, la Rentrée littéraire est un espace permettant aux écrivains d’entrer en contact avec un public large. Et d’ailleurs, le meilleur compte-rendu littéraire sera récompensé.

Kadiatou Konaré :  » La littérature malienne ne me fait plus rêver « 

L’amour du livre Après la création de la maison d’édition : «Â Cauris » en 2001, celle qu’on appelle affectueusement «Â Atou », se bat sur tous les fronts pour rehausser l’image de la femme. C’’est ainsi qu’entourée de femmes convaincues et pleinement engagées pour la cause féminine, elle a réussi à  monter une association dénommée «Â Image au Féminin ». Très courtoise et affable, Atou est ouverte et reste très à  l’aise avec tous ceux qui l’approchent (même pour la toute première fois), et n’hésitent pas à  partager ses convictions avec eux. Elle reconnaà®t être née dans le livre, d’o๠son choix d’être éditrice. Né d’un père homme politique et d’une mère historienne, Kadiatou Konaré a choisi d’emboà®ter le pas aux siens en se positionnant autrement. Aujourd’hui, elle est l’une des grandes figures du monde des lettres Maliens. Du livre à  l’édition Son idée de créer une maison d’édition n‘était pas évidente au départ. La création de Cauris édition est le fruit d’un hasard, raconte t-elle. «Â Je suis tombéE dans l’édition, mais bien avant, je suis tombée dans le livre et j’ai grandi avec. Et tout mon parcours, qu’il soit familial ou scolaire, m’a orienté vers le livre ». Sa toute première œuvre éditée est intitulée : «Â le Mali de talents ». «Â Il y a une petite dizaine d’année, J’ai eu l’idée de faire un livre sur le Mali, mon pays. Au moment ou J’avais beaucoup avancé dans la concrétisation du projet, mon éditeur (un français) m’a opposé son incapacité de parachever le travail. Alors, l’idée m’est toute suite venue de créer moi-même une structure pour le faire. Voilà  comment est né Cauris édition ». Je ne pouvais pas abandonner le projet, vu que J’avais énormément avancé dans sa matérialisation, après avoir engagé une équipe sur le terrain… ». Ainsi, juste après la publication du «Â Mali de talents » en 2001, l’éditrice s’est convaincue de la nécessité de pérenniser la structure, en la mettant au service des œuvres littéraires tous azimut. «Â Editer signifiait pour moi de rendre hommage au livre ». Autant Kadiatou Konaré exerce dans le livre, autant elle fait une large ouverture sur tout ce qui a trait à  l’identité de l’Afrique et du monde. « Dans tout ce que Cauris Edition a eu à  publier, très peu de place était accordé à  la littérature ». l’édition est une chaà®ne de métiers, dans laquelle se côtoient écrivains (ou auteurs), dessinateurs, imprimeurs, photographes, ceux qui font les maquettes, les agents commerciaux… Tout cela reste, bien sur, coordonné par un chef d’orchestre, l’éditeur. Créer des liens entre l’Afrique et le monde, à  travers Cauris Editions l’une des missions que s’est assignée « Cauris édition », C’’est d’être un pont entre le Mali et l’extérieur, entre l’Afrique et le reste du monde. « Cauris édition se veut une passerelle ». En plus de la littérature, Cauris Edition s’investit dans la publication d’autres d’œuvres : les essais, les guides touristiques, bref, tout ce qui contribue à  parler du continent africain ». Par ailleurs, elle reconnaà®t que le Mali est un grand pays de lettres Pour avoir produit des sommités dans le domaine tels que Seydou Badian, Amadou Ampathé Bah, Massa Makan Diabaté… Pour Kadiatou Dramé Cauris Edition se veut un instrument au service de tous. l’éditrice pense qu’on ne peut pas parler d’œuvres littéraires sans prendre en compte les besoins du lectorat.  » Le lectorat malien est entrain de rompre avec les œuvres littéraires, pour des raisons dues certainement au manque de créativité en la matière  » Manque de créativité littéraire Se démarquant de toute forme de jugement, Kadiatou Konaré pose un constat amer sur la littérature de son pays : « La littérature de mon pays ne me fait pas tant rêver. J’en suis frustrée. Car, en réalité, je voudrais autre chose en terme de créativité, d’innovation ». Elle reconnait cependant qu’il est important pour les maliens de lire ce qui est produit à  l’échelle nationale, car C’’est en cela que s’affirme l’identité culturelle. Quant aux frustrations, Kadiatou Konaré dira qu’elles sont d’abord intellectuelles, ensuite matérielles et financières. « Faire des livres, demande énormément de moyens financiers, et malheureusement, C’’est un métier ou la rentabilité n’est pas aussi réelle et évidente. Cauris et le cinquantenaire La structure entend marquer le Cinquantenaire du Mali par des écrits. « Nous projetons de consigner dans des ouvrages les faits marquants du Mali indépendant. Cela me semble urgent. Car l’on ne saurait passer sous silence les 50 ans du Mali ». Des projets de livre sur les grands témoins du cinquantenaire, un dictionnaire du cinquantenaire, les hommes et les femmes qui ont fait le cinquantenaire, des bibliographies sur les pères de l’indépendance, à  savoir Modibo Keita, Mamadou Konaté…sont entre autre projets de « Cauris Editions ». Une maison à  soutenir.

Moustapha Diallo : un féticheur hors pair au Mali

Nous sommes dimanche et le trafic de Bamako est très faible. Peut-être à  cause du Ramadan qui tire vers sa fin. Quelques véhicules seulement font le concert dominical de la capitale malienne. A l’ouest de Bamako, on emprunte la route de Farabana au niveau de Sébénikoro. Dans une Corola, mon collègue Hamidou Diarra dit Dragon et moi-même roulèrent à  80km/h. à  cause du mauvais état de la route, on peut pas aller plus vite que çà . Après une demi-heure de voyage, nous voilà  enfin à  Farabana. Bonjour Madame ! Salua mon collègue une dame au bord de la route. Nous cherchons le domicile de Moustapha Diallo. C’’est sur votre droite répond la quinquagénaire. Sur ses conseils, nous nous rendons jusqu’ à  la maison de Moustapha Diallo. Sur place C’’est un spectacle. Un des rares, une affluence digne du nom. Des hommes, des femmes, des autochtones, des étrangers… la cour de près 50m² est presque pleine d’hommes et de véhicules. O๠est le féticheur ? Après les salamalèques, mon collègue nous introduit. « Nous cherchons Moustapha Diallo ». « C’’est moi Moustapha Diallo », répond un homme habillé en basket derrière ses fétiches. Nous sommes surpris de voir Moustapha, puisqu’à  la veille, le commissariat du 6e arrondissement avait arrêté un homme qui se faisait passer pour notre hôte. Un « faux Moustapha, trafiquant d’armes et de drogue entre le Mali et la Guinée ». D’ailleurs, C’’est cette information qui nous a conduit à  Farabana d’o๠vie le féticheur. « Après les présentations, Moustapha accepta de répondre à  nos questions. Le mythe d’une pratique Poules attachées en troupes, chèvres égorgées ici, colas mâchées et versées sur des fétiches, des plantes mises au soleil là , et pourtant, Moustapha ne peut pas prononcer deux phrases sans rendre hommage à  Allah, le Dieu des musulmans, Ce Dieu Omniscient et Omnipotent. Et pourtant, Moustapha est l’un des rares Maliens à  se consacrer à  cette pratique aussi vieille que de la terre. Il ne prie pas comme les autres membres de sa famille qui sont musulmans. Mais il affirme être croyant. « Avant de prendre les fétiches, nous sommes d’abord crées par Un àŠtre Suprême et Invisible », explique t-il. Quand nous avons surpris Moustapha évoquant son fétiche, tous ses propos étaient compréhensifs. s’adressant en malinké à  son fétiche, on pouvait comprendre : , implore t-il à  son fétiche. La gloire du fétichisme Moustapha Diallo est un homme connu au Mali et à  l’extérieur. Son nom est chanté par les artistes. Chasseur, féticheur, guérisseur etc. on entend surtout ses louanges dans les chansons de Sékouba Traoré dit Sékoubani. Dans la cassette enregistrée lors d’une cérémonie de chasseur, Moustapha fait des promesses à  Sékoubani. Il lui promet un gigot d’antilope qu’il tuerait lui-même en brousse, sachant qu’il n’y a plus de gibier dans les brousses maliennes. C’’est en général des défis que se lancent les chasseurs. Et Moustapha en a relevé plusieurs défis selon son entourage. Autour de la cinquantaine, ce malien boit aujourd’hui dans son gobelet. Sa folie, C’’est de collectionner les marques de véhicule. Dans sa cour de Farabana, il échange Hummer et V8, deux marques qui font la une des marques prisées au Mali. telles sont les explications que donne le jeune chasseur à  ses détracteurs. Une clientèle élargie Le jeune féticheur n’a pas besoin de publicité autour de sa personne pour avoir des clients. Il reçoit en moyenne 80 visiteurs dans son Farabana natal. « Mes clients viennent de partout. Je dois recevoir cette semaine un arabe. Mes clients viennent de partout le monde. Au moment ou arriviez, je venais de libérer deux jeunes ivoiriens », a-t-il ajouté. Chrétiens, musulmans, animistes, Maliens et étrangers, bref il est sollicité par tout le monde. De grandes personnalités lui rendent nuitamment visite. Malgré notre insistance, il n’a pas cité de nom. [c Moustapha Diallo ]  » Quand J’ai payé ma Hummer, on m’a accusé de trafic d’armes et de drogue. Mais puisque vous voyez, je ne me reproche rien  » [c/] Un homme envié Le fétichisme est métier assez difficile pour ses pratiquants d’aujourd’hui à  cause de l’influence des religions musulmane et chrétienne. Ces religions dites révélées n’acceptent pas que leurs adeptes pratiquent ce « métier ». Quand on est alors féticheur, on est perçu autrement par société. Mécréant, infidèle, les qualificatifs n’en manquent pas. Les quelques personnes qui ont choisi le fétichisme se regardent en chien de faience. a déploré Moustapha. Le féticheur pense que les rumeurs qui courent dans son dos sont des machinations d’autres féticheurs qui n’ont pas encore eu son sacre. Intouchable, il croit bien mériter sa gloire.