Birahim Soumaré : « L’enfermement diplomatique n’est pas une option »

À l’approche du sommet de Bamako des 22 et 23 décembre 2025, Birahim Soumaré analyse les enjeux diplomatiques de l’Alliance des États du Sahel. L’ancien ambassadeur plaide pour une diplomatie unifiée, ouverte et fondée sur la coopération régionale et la sécurité des populations.

Le sommet de Bamako des 22 et 23 décembre 2025 est-il, selon vous, une étape de consolidation diplomatique de l’AES ou surtout un acte politique ?

Birahim Soumaré : Le sommet de Bamako va constituer une étape importante. Il peut être perçu comme une consolidation diplomatique, mais également comme un acte politique majeur pour les États de l’AES.

Il s’agira surtout de faire en sorte que les annonces politiques, la création d’institutions et le renforcement de la coopération militaire et économique puissent se traduire par une voie diplomatique unifiée. À certains moments, des nuances ont pu être observées dans les prises de position, notamment sur des dossiers régionaux sensibles. Ce sommet pourrait permettre d’harmoniser davantage le discours, compte tenu des enjeux sécuritaires et de développement.

Les experts et les ministres des Affaires étrangères ont travaillé sur des rapports et des textes préparatoires afin de donner une structuration durable à l’Alliance. Pour autant, cette structuration doit rester ouverte.

La rupture avec la CEDEAO est-elle tenable dans la durée, ou l’AES devra-t-elle recréer des canaux de dialogue régionaux ?

Birahim Soumaré : La sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO a été actée en janvier 2025. À partir de cette date, l’organisation ouest-africaine a été reconfigurée par le départ de ces trois États.

Cependant, aussi bien la CEDEAO que l’AES ont intérêt à négocier des accords bilatéraux ou ad hoc, en particulier pour les États enclavés. Les défis sécuritaires dépassent les appartenances institutionnelles.

Les groupes armés opèrent selon leurs propres logiques stratégiques, indépendamment des cadres régionaux. Il est donc indispensable d’harmoniser la coopération, notamment en matière d’échange d’informations et d’opérations, afin de limiter l’impact sur les populations.

L’exemple des tensions sur l’approvisionnement en carburant au Mali illustre la nécessité de coopérer avec les États côtiers. Les trois pays de l’AES étant enclavés, l’isolement diplomatique ne constitue pas une option viable.

Comment les États voisins non membres de l’AES devraient-ils regarder cette alliance ?

Birahim Soumaré : Certains États perçoivent l’AES comme une rupture susceptible d’affecter la stabilité de la sous-région. Il s’agit néanmoins d’une initiative souverainiste affirmée. Sur le plan politique, cette dynamique peut apparaître ambivalente, car elle met parfois en tension souverainisme et intégration régionale.

L’essentiel est que l’AES se positionne comme un acteur de sa propre trajectoire, cherchant à s’autodéterminer, sans pour autant se fermer à des partenariats avec d’autres pays, y compris avec d’anciennes puissances, dès lors que les intérêts stratégiques et ceux des populations sont respectés.

La diversification des partenariats demeure essentielle. L’AES doit rester ouverte au monde.

Après le sommet de Bamako, quel sera selon vous l’enjeu diplomatique le plus urgent pour l’AES ?

Birahim Soumaré : L’enjeu principal réside dans le renforcement de l’intégration des forces de défense et de sécurité et dans la mise en place d’une diplomatie unifiée, sans confrontation directe avec la CEDEAO. Les trois États de l’AES constituent le Sahel central et sont confrontés à des défis sécuritaires, d’influence et de désinformation majeurs.

Il existe également des risques de frictions entre États de la sous-région, ce qui impose une vigilance accrue.

Sans coordination stratégique sécuritaire à l’échelle sous-régionale, il sera difficile de contenir durablement la menace armée. Ces dynamiques sont étroitement liées à des enjeux de contrôle et d’exploitation des ressources stratégiques, soutenues par des intérêts extérieurs.

Il est important que le sommet mette en évidence ces réalités, notamment autour des ressources minières. Enfin, une évolution de la CEDEAO vers une organisation davantage centrée sur les peuples pourrait faciliter une coopération fonctionnelle avec l’AES. L’espace sous-régional ne doit pas devenir un terrain d’influence de puissances extérieures, mais un cadre de coopération équilibrée au service des populations.

 

68e sommet de la CEDEAO : un réveil sous pression

Réunis à Abuja le 14 décembre 2025, les dirigeants ouest-africains ont acté une série de décisions sécuritaires, politiques et économiques pour tenter de reprendre la main dans une région fracturée. Le communiqué final révèle une volonté de fermeté et d’accélération, sur fond de crises récentes au Bénin et en Guinée-Bissau et d’une CEDEAO désormais à douze États.

Le 68e sommet ordinaire de la CEDEAO s’est tenu à Abuja, sous la présidence du chef de l’État sierra-léonais Julius Maada Bio, avec un agenda officiellement centré sur l’avenir de la Communauté, la paix et la sécurité, l’intégration et la transformation économique et numérique.

Dans le communiqué final, l’axe sécuritaire prend une place dominante, au point de donner le ton politique de la rencontre. Les chefs d’État y réaffirment leur engagement à endiguer le terrorisme dans l’espace communautaire et condamnent la recrudescence des enlèvements, notamment d’écoliers dans le nord du Nigeria. Surtout, ils arrêtent une mesure chiffrée immédiatement lisible : la Commission est instruite de décaisser en urgence 2 850 000 dollars au profit de chacun des États membres “affectés”, à savoir le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et le Togo, via le Fonds régional de sécurité. Cette décision, inhabituelle par sa précision budgétaire dans un communiqué de sommet, vise à matérialiser un tournant opérationnel que l’organisation a longtemps peiné à afficher, alors même que la pression sécuritaire s’est déplacée du Sahel vers les pays côtiers.

Le communiqué s’inscrit aussi dans une logique de doctrine : l’épisode béninois est explicitement traité, avec une condamnation de la tentative de coup d’État et une mise en avant de la Force en attente. Les chefs d’État demandent en outre à la Commission de proposer des textes encadrant cette Force afin de permettre une intervention plus rapide en cas d’urgence. Cette séquence, replacée dans la chronologie des crises récentes, nourrit l’idée d’un “réveil” qui se veut désormais assumé, mais qui intervient après des années durant lesquelles la CEDEAO a été accusée de réagir tard et sous contrainte.

C’est toutefois le dossier bissau-guinéen qui donne au sommet une gravité particulière. Le communiqué ne se contente pas d’un appel général au dialogue dans la mesure où il exige la libération immédiate des détenus politiques, demande la mise en place d’une transition courte dirigée par un gouvernement inclusif, et fixe clairement un levier coercitif, en prévoyant des sanctions ciblées contre les individus ou groupes qui feraient obstacle au retour à l’ordre constitutionnel. Le texte va plus loin en autorisant la mission de la CEDEAO en Guinée-Bissau à assurer la protection des dirigeants politiques et des institutions nationales, tout en annonçant un renforcement de la mission d’appui à la stabilisation et l’envoi de démarches de haut niveau, y compris auprès des autorités militaires. À la lecture, la CEDEAO veut signifier que la “tolérance zéro” n’est plus seulement un slogan de circonstance mais un cadre d’action, même si la crédibilité se jouera, ensuite, dans l’exécution et la constance.

Au-delà des crises, le communiqué cherche à réinstaller la CEDEAO sur ses fondamentaux économiques et d’intégration, avec des messages politiques très concrets. Sur la monnaie unique ECO, les dirigeants constatent des retards et une convergence macroéconomique jugée insuffisante, et chargent la Commission de réactiver la task force présidentielle sur le programme de monnaie unique. Sur la libre circulation, ils saluent le Nigeria pour le déploiement de la carte d’identité biométrique CEDEAO, tout en relevant que sept États seulement l’ont déployée et en exhortant les autres à accélérer. Dans le commerce, la CEDEAO et l’UEMOA sont mandatées pour harmoniser les règles d’origine et traiter le dossier sensible de la taxe de solidarité communautaire.

Un autre marqueur, plus technique mais politiquement utile, concerne l’énergie : le communiqué relève la synchronisation “historique” des réseaux électriques ouest-africains interconnectés le 8 novembre 2025, tout en avertissant que les défauts de paiement des États menacent le fonctionnement du WAPP (Système d’échanges d’énergie électrique de l’Afrique de l’Ouest) et le lancement du marché régional de l’électricité. Enfin, sur le transport aérien, la Commission est chargée de travailler avec les ministères compétents pour appliquer un acte additionnel prévoyant, à compter du 1er janvier 2026, une réduction de 25 % de certaines redevances passagers et de sécurité et la suppression de taxes sur les services de transport aérien.

Le sommet assume aussi une recomposition institutionnelle de la CEDEAO à douze, sans rompre tous les liens avec les pays de l’AES. Le communiqué acte en effet la poursuite de la participation du Burkina Faso, du Mali et du Niger à la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO comme membres non-régionaux, et leur accorde un statut de membres non-CEDEAO au GIABA. Dans la même logique de réagencement, le transfert du siège de l’OOAS (Organisation Ouest-Africaine de la Santé) en Côte d’Ivoire est également acté.

CEDEAO : des mesures adoptées pour réduire le coût des billets d’avion à partir de 2026

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a arrêté une réforme destinée à alléger le coût du transport aérien dans l’espace communautaire. Adoptée par les chefs d’État et de gouvernement lors du sommet tenu à Abuja en décembre 2024, la décision entrera en application à compter du 1er janvier 2026.

La réforme prévoit l’abolition des taxes appliquées au transport aérien ainsi qu’une réduction de 25 % des redevances passagers et de sécurité. Ces dispositions sont encadrées par un Acte additionnel relatif aux redevances, taxes et frais aéronautiques, adopté au niveau communautaire. À l’approche de l’entrée en vigueur des mesures, la CEDEAO a procédé, en décembre 2025, à des communications et rappels institutionnels portant sur les modalités de mise en œuvre de la réforme.

Les charges concernées relèvent du cadre fiscal et parafiscal appliqué aux billets d’avion et aux services aéroportuaires. Elles se distinguent des tarifs commerciaux fixés par les compagnies aériennes, qui demeurent de leur ressort. La réforme vise à agir sur les composantes réglementaires du prix du billet, identifiées par les institutions communautaires comme un facteur de renchérissement des déplacements aériens dans la région.

La décision concerne les États membres de la CEDEAO au moment de l’entrée en vigueur de la réforme. Les pays ayant formellement quitté l’organisation, dont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ne sont pas concernés par l’application de ces mesures.

La Commission de la CEDEAO est chargée du suivi de la mise en œuvre à travers un mécanisme régional de surveillance économique du transport aérien. Ce dispositif a pour mission de vérifier l’application effective des mesures par les États concernés et d’en évaluer les effets sur le secteur aérien régional.

Les autorités communautaires indiquent que l’allègement des taxes et redevances devrait contribuer à une baisse des tarifs aériens, à une augmentation du trafic passagers et à un renforcement des compagnies opérant dans l’espace communautaire. La réforme s’inscrit dans les objectifs de facilitation de la mobilité et des échanges entre les États membres.

Ces mesures sont l’aboutissement de plusieurs années de travaux menés au sein des institutions de la CEDEAO, notamment au niveau des commissions techniques et du Parlement communautaire, qui avaient relevé le poids des charges fiscales dans le coût des billets d’avion. Leur entrée en vigueur en 2026 constituera une étape importante dans l’évolution du cadre réglementaire du transport aérien ouest-africain.

Lutte contre le terrorisme : Les violences progressent malgré les initiatives régionales

La région ouest-africaine fait face à une intensification des violences armées qui oblige les organisations sous-régionales à renforcer leurs dispositifs collectifs de sécurité. Les attaques répétées contre les corridors maliens et les données alarmantes publiées par la CEDEAO, l’AES et divers organismes spécialisés témoignent d’une menace désormais pleinement transfrontalière.

La coordination sécuritaire en Afrique de l’Ouest se trouve à un moment charnière. Selon les chiffres présentés en novembre 2025 au Conseil de sécurité de l’ONU par le Président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray, l’espace communautaire a enregistré environ 450 incidents terroristes et plus de 1 900 morts entre janvier et novembre. Le Sahel central concentre à lui seul près de 80% des attaques et plus de 85% des victimes, confirmant les tendances relevées par l’ACLED et l’Index mondial du terrorisme.

Les attaques contre les convois de carburant reliant le Mali à ses ports ont mis en évidence une fragilité logistique qui dépasse les frontières nationales. Cette pression a précipité la mise en place de réponses collectives mieux structurées, fondées sur un renseignement partagé et une coordination opérationnelle renforcée.

Dans ce contexte, l’Alliance des États du Sahel s’affirme comme un acteur central, même si sa force unifiée est en phase de mise en place et loin de son plein potentiel. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger multiplient néanmoins les opérations coordonnées pour sécuriser les corridors vitaux et commencent à mutualiser plus systématiquement leurs capacités de renseignement et de riposte.

Parallèlement, la CEDEAO poursuit ses propres initiatives, malgré les tensions politiques qui l’opposent à certains États sahéliens. Sa Force d’intervention régionale, annoncée en 2023, dispose d’une capacité initiale de 1 650 personnels et pourrait atteindre 5 000 hommes selon les contributions des États membres. Touray a rappelé que le terrorisme constitue désormais une menace existentielle, y compris pour les pays côtiers, où des cellules dormantes ont été détectées. Le mécanisme d’alerte précoce de la CEDEAO demeure un instrument majeur d’anticipation et d’analyse.

Des mécanismes déjà disponibles

La région bénéficie également du Processus de Nouakchott, lancé en 2013 par l’Union africaine pour renforcer la coopération sécuritaire sahélienne. Ce mécanisme facilite la circulation des renseignements et l’harmonisation des stratégies de surveillance frontalière tout en intensifiant les formations spécialisées destinées aux forces des pays membres. Son rôle est devenu plus visible à mesure que les groupes armés étendaient leurs zones d’influence.

Par ailleurs, le CEMOC, basé à Tamanrasset et réunissant l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie, est un cadre de coopération axé sur le partage du renseignement et la surveillance des zones frontalières. Bien que moins visible ces dernières années, il continue d’alimenter les échanges stratégiques entre États sahéliens, en complément des autres dispositifs régionaux.

À ces dispositifs s’ajoutent l’Initiative d’Accra et la Force Multinationale Mixte du Lac Tchad, deux architectures complémentaires dans la lutte contre l’expansion djihadiste. L’Initiative d’Accra, regroupant notamment le Ghana, le Togo, le Bénin et la Côte d’Ivoire, mène des opérations coordonnées pour contenir la progression des groupes armés vers le Golfe de Guinée. Tandis que la Force du lac Tchad, engagée contre Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest, est l’un des cadres opérationnels les plus actifs du continent.

Violences armées

Pourtant, les données d’ACLED montrent que le Sahel central était en 2024 et au premier semestre 2025 l’un des foyers de violences les plus meurtriers hors zones de guerre. Les attaques visent aussi bien les villages que les forces armées et les axes économiques. L’Index mondial du terrorisme classe le Mali, le Burkina Faso et le Niger parmi les pays les plus touchés au monde.

Ces dynamiques mettent en relief à la fois la multiplication des initiatives régionales et les tensions qui subsistent entre certaines organisations. Les divergences institutionnelles ne masquent toutefois pas une réalité largement partagée. En effet, il est évident qu’aucune réponse strictement nationale ne peut enrayer une menace qui ignore les frontières et exploite les vulnérabilités structurelles des États.

Les attaques visant les civils, les services locaux et les infrastructures économiques rappellent l’urgence d’une action régionale réellement coordonnée. La protection des corridors maliens a montré que l’efficacité collective repose avant tout sur la mutualisation des moyens, la rapidité de réaction et le partage du renseignement. Malgré les dispositifs complémentaires qui se renforcent, la réponse reste encore insuffisante face à l’ampleur de la menace.

Massiré Diop

Sommet africain sur la sécurité : Le Mali et Burkina Faso absents

 Le Sommet des chefs d’état-major africains s’est tenu du 25 au 27 août 2025 à Abuja. Durant trois jours, les responsables de la sécurité ont échangé sur les perspectives de la sécurisation des territoires de l’ensemble du continent. Le Burkina Faso et le Mali n’ont pas pris part à la rencontre.

La rencontre qui a regroupé des officiers de haut rang, venus de l’ensemble du continent,  visait notamment à « discuter des défis communs du continent, parler des stratégies collectives » afin de trouver « des solutions locales aux besoins de l’Afrique en termes de défense ».

Sur les trois pays de l’AES, seul le Niger était représenté, le Burkina Faso et le Mali ayant choisi de ne pas répondre à l’invitation des autorités nigérianes.

 

En présence de nombreux chefs  d’état-major d’Afrique, les questions relatives aux menaces sécuritaires et la multiplication des groupes armés terroristes dans la région ouest-africaine, notamment, ont été abordées. Selon le chef d’état-major nigérian, Christopher Musa, il est important d’aller à une coopération en matière de sécurité en vue de mener les actions en synergie.

« La véritable sécurité ne s’obtient pas dans l’isolement », a fait savoir le chef d’état-major nigérian aux officiers présents à ce sommet.  Sans doute, un appel aux pays de l’AES qui envisagent désormais une défense commune aux trois Etats. Les tensions entre la CEDEAO et l’AES, s’étaient  accentuées, après les sanctions prises par la CEDEAO, contre le Niger, suite au coup d’Etat de juillet 2023.

 

Depuis leur retrait de la CEDEAO, en janvier 2025, les trois pays de l’AES, confrontés à des défis sécuritaires depuis plus d’une décennie, ont décidé de fédérer leurs moyens pour une lutte coordonnée contre le terrorisme. Ils ont notamment crée une force commune constituée de 5 000 hommes, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Ali Sankaré

 

Cédéao : vers l’opérationnalisation d’une brigade antiterroriste régionale

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a annoncé, le lundi 25 août 2025 à Abuja, la création d’une brigade antiterroriste de 260 000 hommes, financée à hauteur de 2,5 milliards de dollars par an. Les ministres des Finances et de la Défense se réuniront vendredi 29 août 2025, toujours dans la capitale nigériane, pour arrêter les modalités de financement et d’opérationnalisation de cette force.

La décision du 25 août s’inscrit dans une série d’initiatives déjà engagées par l’organisation régionale. En mars 2025, la Cédéao avait officiellement annoncé l’activation de sa Force en attente, considérée comme une première étape vers une riposte régionale coordonnée contre le terrorisme. Cette force de plusieurs milliers d’hommes avait été présentée comme un dispositif transitoire destiné à préparer un déploiement de plus grande ampleur.

En juin 2025, à Abuja, les chefs d’État et de gouvernement réunis en sommet ordinaire avaient entériné le principe d’une montée en puissance de cette capacité militaire, insistant sur la nécessité d’un financement durable et de mécanismes de commandement adaptés à la menace sécuritaire croissante dans la sous-région.

L’annonce de la création d’une brigade de 260 000 hommes représente l’aboutissement de ces discussions. Selon la Commission de la Cédéao, dirigée par le Dr Omar Touray, cette force sera dotée d’un budget annuel de 2,5 milliards de dollars afin de couvrir les besoins logistiques, opérationnels et de coordination.

Le calendrier prévoit désormais la réunion ministérielle du vendredi 29 août 2025 à Abuja. Celle-ci devra préciser les modalités de financement, la répartition des contributions nationales et les premières étapes de l’opérationnalisation de la brigade.

En parallèle, la Cédéao poursuit ses échanges avec l’Alliance des États du Sahel (AES) — regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger — qui a, de son côté, annoncé l’opérationnalisation d’une force unifiée de 5 000 hommes. Les discussions portent sur les formes possibles de coopération et de complémentarité entre ces deux dispositifs, dans un contexte où l’Afrique de l’Ouest est devenue l’une des principales zones d’activité des groupes armés.

L’ensemble de ces décisions illustre la volonté des États ouest-africains de renforcer la coordination militaire face à l’expansion du terrorisme. La réunion de ce vendredi devrait marquer une étape décisive dans le passage de l’annonce à la mise en œuvre concrète de la brigade régionale.

CEDEAO : le sommet acte la rupture avec l’AES et annonce une réforme de fond

Réunis à Abuja ce dimanche 22 juin 2025, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont tenu leur 67e sommet ordinaire dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques liées au départ acté du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

Cette session, présidée par le président nigérian Bola Ahmed Tinubu, a abouti à plusieurs décisions structurantes pour l’avenir de l’organisation régionale.

La Conférence des chefs d’État a désigné Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, pour assurer la présidence tournante de la CEDEAO pour l’exercice 2025–2026. Il succède ainsi à M. Tinubu, dont le mandat a été caractérisé par la tentative, restée sans effet, de dialogue avec les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES). La nomination de M. Bio intervient à un moment charnière où l’organisation, créée en 1975, cherche à réaffirmer sa légitimité face aux critiques croissantes sur son efficacité politique et sécuritaire.

Concernant le retrait de l’AES, le sommet a entériné une période de transition fixée au 29 juillet 2025, correspondant au terme du délai de six mois prévu par les textes en cas de retrait d’un État membre. La CEDEAO maintient, jusqu’à cette échéance, les discussions avec les autorités de transition de Bamako, Ouagadougou et Niamey. Les présidents du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, et du Togo, Faure Gnassingbé, poursuivent la médiation en vue d’un dialogue politique et sécuritaire structuré, bien qu’aucune avancée significative n’ait été enregistrée à ce jour.

Sur le volet sécuritaire, la Conférence a réaffirmé sa volonté d’intensifier la lutte contre le terrorisme, en mettant en œuvre les recommandations du Plan d’action régional 2020–2024, notamment à travers le déploiement d’une force conjointe. Le mécanisme de coordination avec la Force multinationale mixte, l’Initiative d’Accra et les partenaires multilatéraux comme l’Union africaine et les Nations Unies a également été reconduit.

L’ordre du jour a aussi inclus une évaluation des progrès de l’intégration économique régionale. La Commission a présenté une mise à jour technique sur la future monnaie unique, l’ECO, dont le lancement est désormais envisagé pour 2027, sous réserve de la convergence macroéconomique entre États membres. Des engagements ont été pris pour renforcer l’harmonisation fiscale, le commerce intra-régional et les mécanismes de solidarité face aux crises alimentaires et humanitaires qui affectent durablement certaines zones frontalières.

Enfin, les chefs d’État ont exprimé un consensus sur la nécessité d’une réforme institutionnelle profonde de la CEDEAO. Plusieurs délégations, notamment celle du Bénin, ont insisté sur la révision des protocoles de gouvernance, une plus grande transparence dans les prises de décisions et un recentrage sur les missions de base de l’organisation. Cette orientation pourrait donner lieu à la convocation d’un sommet extraordinaire dans les prochains mois, destiné à réviser certains textes fondamentaux.

Ce sommet, malgré l’absence des représentants des pays sahéliens en rupture, confirme la volonté des États membres de préserver un cadre régional structuré, capable d’anticiper les défis de sécurité, de développement et d’intégration. La CEDEAO devra toutefois démontrer, au-delà des déclarations d’intention, sa capacité à se réinventer dans un environnement géopolitique en recomposition rapide.

AES : Vers une union douanière

Le 15 mai 2025, les Directeurs généraux des Douanes des États de l’AES se sont retrouvés à Bamako autour de l’harmonisation des procédures douanières dans l’espace confédéral. Une étape importante destinée à faire le point sur les recommandations antérieures et à progresser vers un espace douanier unifié.

Les États de la Confédération de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger) sont désormais engagés dans un processus d’unification de leurs procédures et de leurs textes douaniers. Si la construction de cette nouvelle architecture juridique comporte des défis, elle s’inscrit dans la continuité logique du processus enclenché par ces États depuis leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Pour les futures négociations avec la CEDEAO, l’AES souhaite adopter une position commune, exprimée de manière collective et coordonnée, affirmant ainsi son unité. Une telle orientation ne suscite pas de blocages particuliers à ce stade. « En théorie, le retrait des États de l’AES de la CEDEAO ne devrait pas empêcher les pays de la sous-région de négocier des accords de partenariat dans des domaines stratégiques tels que la sécurité transfrontalière, les tarifs extérieurs communs, ainsi que la libre circulation des personnes et des capitaux », expliquait le Dr Abdoul Sogodogo, dans une étude intitulée « AES, Défis et Perspectives », publiée en septembre 2024.

La coexistence de plusieurs organisations dans l’espace sous-régional n’est d’ailleurs pas une réalité nouvelle, poursuit-il. Celle de la CEDEAO et de l’UEMOA en est une illustration. L’avènement de la nouvelle entité, l’AES, pourrait même représenter une opportunité pour attribuer à chaque organisation un mandat spécifique : à l’UEMOA, les questions monétaires ; à la CEDEAO, le développement intégré et la démocratisation ; à l’AES, les questions de sécurité, pour combler les lacunes des initiatives précédentes.

Dès sa création, l’AES s’est positionnée non seulement comme un instrument sécuritaire face aux défis communs, mais aussi comme un levier diplomatique et économique au service des trois États qui la composent.

Un espace intégré en construction

Avant la rencontre des Directeurs généraux des Douanes de l’AES à Bamako, plusieurs réunions avaient jeté les bases d’une coopération douanière plus étroite entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

À Niamey, en juillet 2024, la rencontre des DG des Douanes de l’AES a permis de créer des groupes de travail sur le transit, le Code des douanes, les tarifs communs et les règles d’origine. L’interconnexion des systèmes douaniers est apparue comme une priorité pour répondre aux difficultés d’approvisionnement et sécuriser les recettes douanières.

Ce processus s’est poursuivi lors de la réunion de Lomé, en septembre 2024, avec une recommandation forte en faveur de l’interconnexion des systèmes douaniers, y compris avec le Togo.

En janvier 2025, à Ouagadougou, les autorités douanières des trois pays ont évalué l’état d’avancement de cette interconnexion, notamment avec l’administration douanière togolaise.

La réunion de Bamako visait donc à dresser un état des lieux de l’évolution des chantiers engagés et des projets de textes. Parmi les dossiers examinés figuraient : l’encadrement du métier de Commissionnaire en douanes, l’adoption d’un Code des douanes unifié, l’établissement de règles d’origine spécifiques à l’AES, le régime de transit communautaire et l’élaboration de tarifs extérieurs communs (TEC) et préférentiels.

À l’issue des travaux, les Directeurs généraux ont validé le chronogramme proposé pour la finalisation du Code confédéral des douanes et des TEC entre le 28 et le 31 juillet 2025. Ils ont également fait le point sur les recommandations de Lomé : 7 sur 16 ont été réalisées, 6 sont en cours, et 3 restent à mettre en œuvre.

L’un des objectifs de cette réunion était de formuler des propositions concrètes à transmettre aux autorités de l’AES en vue des prochaines discussions avec la CEDEAO.

Interdépendance et dialogue

Le 22 mai 2025, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’AES ont rencontré à Bamako le Président de la Commission de la CEDEAO. Cette première session de consultations visait à organiser les négociations entre les deux entités, après la formalisation du retrait de l’AES.

Les discussions ont porté sur les aspects politiques, diplomatiques, institutionnels, juridiques et sécuritaires, mais aussi sur le développement économique et social. Les deux parties ont souligné leur volonté de préserver les acquis majeurs de l’intégration régionale, en particulier la libre circulation des personnes et des biens.

La situation sécuritaire, point de friction majeur entre les États du Sahel et la CEDEAO, a également été abordée. Face à la menace persistante du terrorisme, les deux blocs ont réaffirmé leur volonté de coopérer dans ce domaine, essentiel à la stabilité régionale. Un impératif partagé dans un espace où les économies sont étroitement liées.

En 2024, 22,6% des importations du Mali provenaient de la CEDEAO, contre 31,3% pour le Burkina Faso. En 2022, les exportations du Niger vers la France, le Mali et le Burkina Faso représentaient 35,3% de son PIB. Ses importations – évaluées à environ 4 milliards de dollars – provenaient principalement de la France, de la Chine et des États-Unis.

Cadre parallèle avec l’UEMOA

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger restent membres de l’UEMOA. Dans son rapport annuel 2024, l’Union mentionne des progrès en matière d’union douanière, notamment avec l’élaboration d’un avant-projet de règlement sur les procédures simplifiées de dédouanement.

La Commission a poursuivi ses efforts pour dématérialiser l’octroi d’agrément de l’origine et a reconnu l’origine communautaire de 111 produits. Elle a aussi renforcé le système d’alerte contre les entraves à la libre circulation et au droit d’établissement. Toutefois, elle admet que la mise en œuvre de ces dispositifs reste incomplète. Des campagnes de plaidoyer, de sensibilisation et de renforcement des capacités ont été menées dans les postes de contrôle pour améliorer la situation sur les corridors commerciaux.

Trois mois après la sortie formelle de la CEDEAO, les autorités de l’AES se sont réunies à Bamako le 28 mars 2025. Dans une logique d’autofinancement, elles ont adopté un prélèvement communautaire de 0,5% sur les importations provenant de pays tiers non membres de l’AES, à l’exception des États de l’UEMOA, de l’aide humanitaire et des biens diplomatiques. Ce prélèvement (PC-AES) concerne uniquement les pays n’ayant pas d’accord douanier avec l’AES. L’issue des négociations en cours avec la CEDEAO permettra de savoir si cette mesure s’y appliquera.

Vers une Banque confédérale

Le 16 janvier 2025, les États de l’AES ont entamé des discussions sur la création d’une Banque d’investissement. Le 23 mai 2025, les ministres des Finances de l’AES ont adopté les documents fondateurs de la Banque Confédérale pour l’Investissement et le Développement (BCID). Doté d’un capital initial de 500 milliards de francs CFA, cet instrument vise à financer des projets structurants dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, de l’éducation et de l’industrialisation.

Estimée à 6,9% du PIB de la CEDEAO et à 28,4% de celui de l’UEMOA, la production économique de l’AES reste encore modeste, mais ses États membres souhaitent se doter d’un instrument vital pour soutenir leur développement.

Les défis sont immenses pour cette nouvelle institution, pensée pour réduire la dépendance des économies aux financements extérieurs. Elle devra répondre aux nombreuses attentes, notamment en matière de dynamisation des économies locales, de lutte contre le chômage des jeunes, de promotion de l’entrepreneuriat et de modernisation des infrastructures.

CEDEAO : 50e anniversaire sous le signe de la résilience  

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a célébré ce mercredi son cinquantième anniversaire à Lagos, au Nigeria. Fondée en 1975 par 15 États, l’organisation régionale traverse aujourd’hui l’une des périodes les plus sensibles de son histoire, marquée par le retrait officiel du Mali, du Burkina Faso et du Niger — désormais regroupés au sein de la Confédération AES.

La cérémonie, tenue à l’Eko Hotel & Suites en présence de onze chefs d’État, a été présidée par Bola Ahmed Tinubu, président du Nigeria et président en exercice de la CEDEAO. Dans un discours volontariste, il a rappelé que l’intégration régionale restait « une nécessité vitale pour relever les défis sécuritaires, économiques et sociaux ». Avec un PIB cumulé estimé à 761 milliards de dollars et une population dépassant les 400 millions d’habitants, l’espace CEDEAO représente le plus vaste marché régional du continent après la SADC.
Pourtant, l’absence des trois États sahéliens a conféré à l’événement un ton nettement moins consensuel. Le départ formalisé en janvier 2024 par Bamako, Ouagadougou et Niamey a réduit le nombre d’États membres à douze, rompant l’unité politique que l’organisation s’était efforcée de préserver depuis les années 1990.
Le poids croissant de l’AES
Créée officiellement en septembre 2023, puis transformée en Confédération en juillet 2024, l’AES regroupe plus de 70 millions d’habitants sur une superficie équivalente à 2,4 millions de km². L’AES a revendiqué son droit à une intégration alternative, fondée sur « la souveraineté assumée, la coopération de sécurité horizontale et le développement endogène ». Les trois États membres justifient leur départ de la CEDEAO par une série de sanctions jugées injustes, un manque de concertation et un éloignement des priorités sahéliennes.
Depuis leur retrait, l’AES travaille à la mise en place de son propre tarif extérieur commun, d’un passeport confédéral et d’un mécanisme de défense mutuelle. Autant d’initiatives qui résonnent comme une rupture avec les normes communautaires portées par Abuja.
Des signes de dialogue à Bamako
Le 22 mai 2025, dans un geste d’apaisement, le président de la Commission de la CEDEAO, Dr Omar Alieu Touray, a entamé à Bamako une série de consultations discrètes avec les ministres des Affaires étrangères des pays de l’AES. Cette première réunion « historique », visait à définir un cadre de dialogue sur les conséquences juridiques et techniques du retrait de la CEDEAO.
Reçu le lendemain par le général Assimi Goïta, président de la Transition malienne et président en exercice de la Confédération, le chef de la Commission a exprimé son attachement à la stabilité régionale et à la préservation des acquis communs, notamment en matière de libre circulation, d’électricité et d’infrastructures transfrontalières.
Malgré ces signaux d’ouverture, le fossé reste profond. La CEDEAO continue de plaider pour la réintégration à terme des pays sahéliens dans son giron. Mais les capitales de l’AES, elles, semblent vouloir construire une architecture propre, fondée sur une lecture réaliste des alliances militaires et économiques.
Alors que l’organisation célèbre un demi-siècle d’existence, la question de son avenir reste ouverte. Peut-elle encore incarner l’unité ouest-africaine sans ses membres sahéliens historiques ? Ou doit-elle accepter une coexistence institutionnelle, marquée par des pôles d’influence différenciés ?
Une chose est sûre, l’anniversaire des 50 ans de la CEDEAO restera comme celui d’un tournant. Moins festif, plus géopolitique.

Mali–CEDEAO : Bamako relance le dialogue ouest-africain dans un esprit de responsabilité

Bamako a été le théâtre, le 22 mai 2025, d’une rencontre diplomatique d’une portée exceptionnelle. Les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger et du Burkina Faso, regroupés au sein de la Confédération des États du Sahel (AES), ont tenu des consultations directes avec le président de la Commission de la CEDEAO, le Dr Omar Alieu Touray.

Cette initiative intervient à un moment charnière, quelques mois après le retrait officiel des trois États de l’organisation sous-régionale. Elle marque une tentative sérieuse de renouer les fils du dialogue entre deux blocs que tout semblait opposer jusqu’ici.

Les entretiens ont permis l’adoption d’un relevé de conclusions servant de base au lancement de futures négociations. Dans une atmosphère jugée constructive par toutes les parties, les représentants ont convenu de préserver les droits fondamentaux acquis au fil de l’intégration régionale. La libre circulation des personnes et des biens reste garantie jusqu’à la mise en place de nouveaux accords. Loin des déclarations symboliques, ce cadre de discussions pose les fondations d’un mécanisme de coopération qui pourrait s’avérer décisif pour les millions de citoyens concernés.

Le climat sécuritaire a largement orienté les débats. La situation dans le Sahel est critique. Selon le rapport 2024 de l’Index mondial du terrorisme, le Burkina Faso est désormais classé premier pays le plus touché au monde, avec près de deux mille morts et 258 attaques enregistrées en une année. Le Niger connaît une dégradation brutale avec une hausse de 94 % du nombre de décès liés au terrorisme, atteignant 930 victimes. Le Mali occupe la troisième place mondiale du classement, consolidant le triste constat selon lequel les trois pays de l’AES cumulent à eux seuls plus de 4 700 morts liés au terrorisme en 2024. Ces chiffres sont glaçants. Ils confirment que le Sahel central concentre aujourd’hui plus de la moitié des victimes du terrorisme dans le monde. Dans ce contexte, la relance du dialogue initiée à Bamako dépasse le cadre diplomatique pour devenir une nécessité humanitaire et stratégique.

Au-delà de la sécurité, l’économie constitue un autre défi majeur. En 2024, le PIB réel du Mali est estimé à 18,3 milliards de dollars, avec une croissance de 4 % portée par les performances agricoles, malgré des ralentissements dans le secteur industriel. Le Niger a enregistré une croissance remarquable de 9,9 %, grâce à la reprise minière et à la hausse des investissements publics. Le Burkina Faso a, pour sa part, maintenu une croissance de 5,5 %, malgré la pression sécuritaire persistante. L’ensemble de l’espace AES, fort de plus de soixante-dix millions d’habitants, génère un PIB cumulé supérieur à 62 milliards de dollars. Pourtant, les besoins restent immenses et les déséquilibres flagrants. La vulnérabilité alimentaire, la dépendance énergétique et l’accès limité aux services sociaux de base aggravent les fractures.

Nouvelle ère

Les autorités présentes à Bamako ont reconnu l’urgence d’ouvrir une nouvelle ère de coopération, dans le respect des choix souverains et des intérêts des populations. L’idée d’une rupture brutale est désormais dépassée. Le ton, désormais, est à la réinvention. L’avenir dira si cette rencontre constitue une simple trêve diplomatique ou l’amorce d’une nouvelle architecture régionale plus souple, plus réaliste, et centrée sur les besoins concrets des citoyens.

La tenue des consultations du 22 mai 2025 introduit une nouvelle phase dans les relations entre les parties concernées. Dans un environnement régional traversé par des ruptures et des incertitudes, le choix d’un échange direct et structuré témoigne d’un repositionnement stratégique. À mesure que les tensions institutionnelles se recomposent, la mise en place d’un canal de discussion offre une base de travail susceptible de faire évoluer les équilibres. La suite dépendra de la capacité des acteurs à ancrer ce dialogue dans des mécanismes concrets, visibles et durables, au bénéfice des populations sahéliennes.

Liberté de la presse en Afrique de l’Ouest : Entre espoirs et reculs

Le dernier classement de Reporters Sans Frontières (RSF) révèle une situation contrastée en Afrique de l’Ouest. Si certains pays enregistrent des avancées notables, d’autres connaissent des reculs préoccupants.

Au Burkina Faso, la situation s’est nettement détériorée. Le pays, confronté à une explosion de la désinformation alimentée par la menace sécuritaire, a chuté de 19 places, passant de la 86ème position en 2024 à la 119ème dans le nouveau classement.

RSF impute cette dégringolade à la montée de l’insécurité et à l’instabilité politique, liée aux deux coups d’État, survenus en janvier et en septembre 2022, qui ont « considérablement dégradé les conditions d’accès à une information plurielle et l’exercice d’un journalisme libre ».

L’autre pays membre de la Confédération AES, le Niger, a également régressé en matière de liberté de la presse. Cependant, ce recul de 3 places (de la 80ème en 2024 à la 83ème en 2025) est le moins important au sein de l’AES.

Cette disparité dans l’AES se retrouve également dans la CEDEAO, l’autre organisation sous-régionale. La Côte d’Ivoire a perdu 11 places et est désormais classée 64ème, tandis que le Sénégal continue de progresser dans ses efforts pour garantir une liberté de presse accrue dans le pays.

Avec 20 places gagnées par rapport au classement 2024, le pays de la Téranga se positionne comme l’un des plus sûrs pour l’exercice du journalisme et le travail des médias en Afrique occidentale.

Cependant, c’est le Cap-Vert (30ème), 3ème en Afrique derrière l’Afrique du Sud et la Namibie, qui vient en tête du classement RSF pour la région ouest-africaine. « Le pays se distingue dans la région par un cadre de travail favorable pour les journalistes. La liberté de la presse est garantie par la Constitution », souligne le rapport.

Même si, de son côté, la Gambie n’a pas progressé et a conservé sa place de 58ème du classement précédent de 2024, le pays montre des signes positifs en matière de liberté de la presse depuis quelques années.

Des avancées telles que des réformes législatives, notamment l’adoption d’une loi d’accès à l’information et la dépénalisation de la diffamation, ont contribué à une baisse des attaques visant les journalistes et à une amélioration du climat médiatique.

Mohamed Kenouvi

Modibo Sidibé : « La démocratie ne se décrète pas, elle s’organise et se nourrit de participation »

Président du parti Les Fare Anka Wili et du Comité stratégique du M5-RFP Malikura, Modibo Sidibé aborde les enjeux de la Transition au Mali : gouvernance, sécurité, libertés, services sociaux, intégration régionale… Il appelle à un sursaut démocratique fondé sur l’inclusivité, la responsabilité et la transparence. Propos recueillis par Massiré Diop.

Pensez-vous que les conditions actuelles permettent l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles au Mali ?

Le mouvement de l’Appel du 31 mars, dont le M5-RFP Mali Kura est membre, s’est exprimé à ce sujet. Nous sommes dans une période transitoire qui, comme toute transition, doit impérativement aboutir à un retour à l’ordre constitutionnel à travers des élections. Cela implique un dialogue ouvert et inclusif entre les autorités, les acteurs politiques, la société civile et les forces vives du pays pour convenir d’un calendrier électoral clair, assorti de garanties sur les conditions d’organisation.

Il ne suffit pas d’organiser des élections, encore faut-il qu’elles soient crédibles, transparentes et conformes à l’esprit de la nouvelle Constitution. Cela suppose aussi une volonté politique affirmée de mettre en place les dispositifs techniques, logistiques et institutionnels adaptés. La Transition n’a de sens que si elle permet une refondation du système, une réforme du cadre électoral et un retour durable à une gouvernance démocratique.

Le M5-RFP Malikura envisage-t-il de désigner un candidat unique pour la prochaine présidentielle ?

Depuis plusieurs mois, le M5-RFP Malikura a clairement exprimé son engagement dans une troisième phase de son combat : la conquête du pouvoir à travers les urnes, pour mettre en œuvre les valeurs et objectifs du Mali Kura. Nous travaillons à la construction d’un projet politique partagé, autour duquel nous pourrons rassembler nos forces et les élargir à tous ceux qui partagent nos valeurs et notre projet. L’idée d’un candidat unique est bien actée : il  portera en toute légitimité ce projet collectif. C’est dans ce cadre que les procédures internes seront définies afin de désigner un candidat qui incarne les principes de refondation, de souveraineté et de justice sociale que nous défendons.

Quelle est votre position sur la réforme de la Charte des partis visant à réorganiser le paysage politique ?

Il est indéniable que notre système politique souffre de nombreux dysfonctionnements : prolifération de partis sans projet réel, nomadisme politique, manque d’éthique. Mais une simple réforme technique ne suffira pas. Le véritable enjeu, c’est la refondation du politique autour de quatre axes : un renouveau de la démocratie, de la gouvernance, du politique lui-même et surtout du citoyen. La classe politique doit faire son introspection, scruter les pratiques politiques négatives, afin de redonner du sens à l’engagement politique et de recentrer l’action publique sur les valeurs de servir, d’être au service, d’intérêt général et de responsabilité. Ce n’est pas tant le nombre de partis qui pose problème, mais la qualité de leur engagement. La réforme doit donc être accompagnée d’un véritable dialogue politique, d’un Code d’éthique partagé et d’une politique d’appui aux partis politiques basée sur des critères d’information et d’éducation citoyenne, de représentativité et de transparence.

S’agissant du mode de « financement » des partis politiques, le M5-RFP MaliKura propose le décrochage des recettes fiscales annuelles (0,25%) dont la hausse constante provoque une croissance automatique de l’appui aux partis sans raison aucune et de convenir plutôt d’un montant révisable périodiquement, de moduler les critères en ajoutant à l’existence légale un élu au moins et davantage d’équité dans la répartition.

La Confédération AES peut-elle, selon vous, jouer un rôle moteur dans l’intégration régionale ?

La CEDEAO est une construction régionale importante, issue d’une vision historique d’intégration ouest-africaine que les peuples ont soutenue dès les années 1990. Le Mali y a longtemps joué un rôle actif. Cela dit, les décisions récentes, notamment en matière de sanctions, ont mis en lumière ses limites et suscité de profondes interrogations. La Confédération AES, en tant qu’espace de coopération sécuritaire et politique, peut représenter une dynamique complémentaire si elle est portée par une vision stratégique claire. Mais l’objectif ne doit pas être de fragmenter la région. Il faut travailler à une CEDEAO refondée, au service des peuples, intégrant les aspirations légitimes des États membres à plus de souveraineté et d’efficacité. L’intégration régionale ne doit pas être sacrifiée mais repensée, pour devenir plus juste, plus solidaire et plus respectueuse des réalités de chaque nation.

Quels avantages concrets le Mali peut-il espérer de l’AES sur les plans économique, sécuritaire et monétaire ?

L’AES peut constituer dans la CEDEAO un pôle de stabilité et de développement, une plate-forme pertinente pour renforcer la coopération en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme. Elle y trouvera la profondeur stratégique utile.

La CEDEAO a engrangé des acquis importants en matière d’intégration régionale et il ne faut ni l’oublier ni vouloir en déprécier la portée. C’est le cas de la liberté de circulation au sein de l’espace communautaire, du droit d’établissement, de certains projets d’infrastructures, de corridors économiques, d’interconnexions énergétiques, d’une monnaie commune en gestation, pour ne citer que cela.

L’AES, comme pôle de stabilité et de développement, peut être un levier pour nos pays, qui partagent des défis communs en matière notamment de sécurité, de développement économique et d’aménagement du territoire. Cette alliance ne doit pas être guidée par l’isolement, mais par une vision d’intégration régionale et continentale au service des citoyens.

Comment soulager les Maliens face à la pression fiscale croissante, notamment avec les taxes sur les télécommunications ?

Nous avons exprimé notre désaccord dans un communiqué conjoint du M5-RFP Malikura et du parti YÉLÉMA, sur la taxe imposée aux usagers des télécommunications. Non seulement elle pèse lourdement sur les citoyens, déjà éprouvés, mais nous avons aussi dénoncé le fait que les fonds issus de cette taxe soient logés à la Présidence, sans mécanisme clair de transparence ni de redevabilité.

La mobilisation des ressources publiques est légitime, mais elle doit reposer sur une gouvernance éthique, équitable et responsable. C’est pourquoi nous appelons à un véritable choc de gouvernance, fondé sur l’utilité de la dépense publique, le respect du citoyen et la traçabilité des fonds collectés.

Si des sacrifices sont nécessaires, alors ils doivent être partagés et orientés vers des résultats tangibles pour la population, en matière notamment d’infrastructures économiques et d’accès aux services sociaux de base.

La crise entre le SYNABEF et EDM-SA illustre les tensions sociales dans les entreprises publiques. Quelles solutions proposez-vous pour renforcer le dialogue social ?

Le dialogue social doit être une constante, pas une option. Trop souvent, les conflits éclatent parce que les mécanismes de concertation ne sont pas respectés ou sont instrumentalisés. Il est urgent d’institutionnaliser un cadre de négociation permanent entre les syndicats, les directions d’entreprises publiques et l’État. Les partenaires sociaux doivent être considérés comme des acteurs à part entière du développement. Il faut restaurer la confiance à travers la transparence, l’écoute, la recherche de compromis durables, et, surtout, l’implication des travailleurs dans la gouvernance des entreprises. La paix sociale est un pilier de la performance économique et de la stabilité nationale.

Une Charte nationale pour la paix et la réconciliation est en cours d’élaboration. Est-il possible de bâtir une paix durable sans inclure toutes les parties prenantes ?

Une paix durable ne peut se construire sans un dialogue inclusif, franc et structuré. La méthode employée aujourd’hui pour la Charte nationale nous interpelle. Il ne suffit pas d’écrire un texte et de le proclamer au nom de la paix. Il faut construire une adhésion nationale autour des principes, des objectifs et des mécanismes de réconciliation. Le dialogue, même difficile, est la seule voie pour fonder une paix authentique. Le Mali que nous avons en commun a besoin d’une démarche qui respecte les sensibilités, implique toutes les composantes de la Nation, y compris celles qui sont critiques ou marginalisées, et s’ancre dans les principes républicains et démocratiques consacrés par notre Constitution. Nous l’avons toujours dit, il nous faut un Agenda consensuel de sortie de crise du Mali.

L’insécurité persiste malgré le renforcement des FAMAs. Quelle stratégie complémentaire proposez-vous pour restaurer la sécurité ?

Je salue d’abord les FAMAs et je rends hommage à leur bravoure, à leur engagement et aux sacrifices qu’ils consentent quotidiennement pour assurer la sécurité du territoire national et des populations maliennes, souvent au prix de leur propre vie.

La réponse à la crise ne peut pas être uniquement militaire. Il faut un véritable triptyque Sécurité, Développement et Gouvernance locale. Les populations doivent sentir la présence de l’État, non seulement à travers les forces armées, mais aussi par l’accès aux services publics, à la justice, à l’éducation et à la santé. Il faut associer les communautés aux stratégies locales de sécurité, renforcer la cohésion sociale et donner aux collectivités les moyens d’agir. Il est également essentiel de refonder notre système de défense pour l’adapter aux réalités, actuelles et futures. La sécurité durable repose sur la confiance entre l’État et les citoyens.

La lutte contre la corruption reste une priorité nationale. Qu’en pensez-vous ?

Il faut passer des discours aux actes. Faut-il rappeler ici les recommandations pertinentes des États généraux sur la Corruption et la délinquance financière? La lutte contre la corruption doit devenir une politique d’État, avec des institutions fortes, indépendantes et crédibles. Nous proposons de renforcer les organes de contrôle (BVG, OCLEI, Justice) en leur garantissant autonomie et protection, tout en instaurant un système de redevabilité citoyenne, à travers la publication systématique des rapports de gestion, de contrôle et de suivi des recommandations. Il faut aussi renforcer la formation éthique dans l’administration, instaurer des sanctions exemplaires et revoir les circuits de dépenses pour réduire les zones d’opacité. Enfin, nous militons pour l’adoption d’un Pacte de gouvernance éthique signé par tous les dirigeants publics, engageant leur responsabilité personnelle.

Face à l’immigration clandestine, notamment des jeunes, quelles réponses structurelles envisagez-vous ?

L’immigration clandestine est un drame révélateur de l’ampleur de la crise. Elle traduit l’absence de perspectives, la perte d’espoir. Quand les jeunes prennent la mer au péril de leur vie, c’est un cri. Ce que nous devons faire, c’est de recréer l’espérance ici. Cela passe par l’éducation, la formation professionnelle, l’emploi, l’inclusion économique et sociale. Il faut aussi que l’État montre qu’il est là pour eux. Si un jeune se sent utile chez lui, il ne partira pas. Il faut faire du territoire national un espace d’opportunités, pas de survie.

Si vous deviez choisir une priorité pour le Mali, laquelle serait-ce ?

La priorité, c’est de rétablir la confiance. Cela commence par une gouvernance exemplaire, un État juste, éthique et efficace. Ensuite, il faut remettre l’éducation et la santé au cœur de la République. Investir dans les services de base, les infrastructures et réorganiser notre économie pour qu’elle crée de la valeur et de l’emploi. Il faut aussi réconcilier les Maliens entre eux et avec leurs institutions. Le pays a besoin de paix, de justice et d’un projet fédérateur. C’est cette vision que je défends, dans la fidélité aux idéaux du MaliKura.

Le retrait du Mali de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) suscite le débat. Quelle est votre lecture de cette décision ?

Il faut replacer cette décision dans son contexte historique. Le Mali a été à l’initiative de la tenue à Bamako du Symposium francophone sur le bilan des pratiques démocratiques, qui a adopté la Déclaration de Bamako de 2000, qui posait les fondements démocratiques que les États membres devaient respecter. Cette déclaration engageait l’OIF à défendre la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme. Bamako a abrité en 2005 les travaux d’évaluation de cette Déclaration.

L’OIF ne se résume pas au partage d’une langue, c’est aussi un cadre de coopération en matière d’éducation, de culture et d’économie.

La refondation est au cœur du discours politique. Que signifie-t-elle concrètement pour vous ?

La refondation ne peut être un simple slogan. Elle doit se traduire par des transformations concrètes dans la manière de gouverner, d’éduquer, de rendre justice, de répartir les ressources. Refonder, c’est reconstruire le contrat social entre l’État et les citoyens. Cela implique des institutions légitimes, une démocratie vivante, une économie au service du peuple. C’est aussi refonder l’éthique publique et la responsabilité individuelle. Ce n’est ni un repli identitaire ni un rejet du monde, mais une exigence de dignité, d’efficacité et de souveraineté bien assumée.

De nombreuses voix s’élèvent contre les restrictions des libertés publiques. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Il ne faut jamais perdre de vue que la Charte de la Transition, la Constitution du 22 juillet 2023 et même la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiée par notre pays, affirment toutes notre engagement pour les libertés fondamentales. C’est un socle que nul ne devrait piétiner.

Aujourd’hui, nous voyons une montée des atteintes aux libertés : détentions arbitraires, restrictions à la presse, interdictions de manifestations. Cela est contraire à l’esprit même de la Transition. On ne peut pas parler de refondation démocratique tout en restreignant les droits des citoyens. Les libertés publiques sont non négociables. Elles sont le miroir de la vitalité démocratique du pays. Il ne faut jamais perdre de vue le sens du 26 mars et ses acquis. Nous appelons à leur respect strict, sans condition et à la libération des détenus d’opinion, parce que le Mali démocratique ne devrait pas en avoir.

Santé et éducation restent inégalement accessibles, surtout en zones rurales. Comment y remédier ?

L’éducation et la santé sont les deux piliers du développement humain. Des efforts ont été faits, c’est vrai, mais les inégalités persistent, notamment dans les zones rurales. Le problème, ce n’est pas seulement l’existence d’écoles ou de centres de santé, mais leur qualité, leur accessibilité et leur adéquation aux réalités locales.

Dans le domaine de la santé, nous avons trois secteurs : le public, le privé et le communautaire. Il faut les renforcer tous, avec une attention particulière au niveau primaire, souvent le parent pauvre du système. Cela passe par des moyens, des équipements, mais aussi une gouvernance rigoureuse.

Pour l’éducation, il faut une vision claire. Les enfants doivent pouvoir aller à l’école partout, apprendre dans leur langue maternelle si besoin, accéder à des formations techniques, professionnelles et universitaires. Il faut également valoriser les filières courtes, développer des instituts technologiques et ne pas avoir uniquement une vision académique classique. L’éducation doit déboucher sur des compétences utiles à la société, à l’économie, au développement local. C’est une vision intégrée, inclusive et territorialisée que nous portons.

Avec les multiples reports des élections locales et l’installation de délégations spéciales, comment garantir une gouvernance locale représentative ?

Ce qui se passe aujourd’hui est extrêmement préoccupant. Le report des élections locales à répétition et l’installation systématique de délégations spéciales nous éloignent de l’esprit républicain et démocratique de la Décentralisation. On assiste à une mise sous tutelle des collectivités, à une confiscation de la parole des citoyens.

Or la gouvernance locale, c’est le socle de la participation citoyenne. C’est là que les décisions doivent être prises, au plus proche des besoins réels. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est un affaiblissement de l’ancrage local de la démocratie, une rupture du lien de confiance entre élus et populations.

Il faut rétablir l’élection comme mode normal de désignation des responsables locaux et cesser d’improviser des solutions administratives. Il faut aussi repenser les relations entre l’État et les collectivités : redonner les compétences, transférer réellement les ressources et professionnaliser la gestion locale. La démocratie ne se décrète pas, elle s’organise, elle se nourrit de participation, d’échanges, de transparence. Il en va de la stabilité de nos territoires et de la confiance dans nos institutions.

Guinée-Bissau : Embaló joue son avenir face à l’opposition et à la CEDEAO

La Guinée-Bissau fait face à une crise politique depuis l’annonce, le 3 mars 2025, du Président Umaro Sissoco Embaló de briguer un second mandat à la présidentielle du 30 novembre 2025, alors qu’il avait promis de ne pas se représenter en septembre 2024.

La Cour Suprême a fixé la présidentielle au 4 septembre 2025, mais l’opposition affirme que le mandat d’Embaló a expiré le 27 février 2025. Initialement prévue en novembre 2024, l’élection avait été repoussée à novembre 2025 par Embaló, qui évoquait des raisons logistiques, mais ses adversaires y ont vu une manœuvre pour prolonger son pouvoir.

Le 21 février 2025, une délégation de la CEDEAO a tenté une médiation à Bissau, mais a quitté le pays le 28 février après des menaces d’Embaló, qui rejette toute ingérence au nom de la « souveraineté nationale ».

Depuis son indépendance, en 1974, la Guinée-Bissau a connu de nombreux coups d’État et Embaló lui-même a survécu à deux tentatives d’assassinat. Le 30 novembre 2023, des affrontements entre la garde nationale et la garde présidentielle avaient conduit à la dissolution du Parlement.

La CEDEAO, déjà affaiblie par le départ des États de l’Alliance des États du Sahel (AES), doit gérer la crise en Guinée-Bissau tout en faisant face à des situations complexes en Guinée et en Côte d’Ivoire, où des candidatures des Présidents en exercice sont envisagées.

Alors que l’opposition menace de paralyser le pays, la CEDEAO, l’ONU et l’Union Africaine surveillent la situation, l’avenir de la Guinée-Bissau dépendant des décisions d’Embaló et d’une armée habituée aux renversements inconstitutionnels.

La CEDEAO avait déployé l’ECOMIB de 2012 à 2020 pour stabiliser le pays après un coup d’État. Après son retrait, une nouvelle force de 600 soldats avait été envoyée en juin 2022, mais son rôle était resté limité face à l’influence des cartels de la drogue, qui avaient transformé la Guinée-Bissau en un « narco-État ».

L’AES se dote d’un drapeau : un symbole fort pour l’unité et la souveraineté au Sahel

La Confédération des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a franchi une étape importante dans son processus d’intégration régionale avec la présentation officielle de son drapeau. Cet événement a eu lieu à Bamako les 22 et 23 février 2025, lors d’une réunion ministérielle cruciale consacrée aux enjeux de défense, de sécurité, de diplomatie et de développement.

Le dévoilement du drapeau de l’AES constitue un moment historique pour les trois pays engagés dans cette initiative souverainiste. Arborant un fond vert, il porte en son centre un logo symbolisant l’unité et la résilience des peuples sahéliens. La couleur verte, souvent associée à la prospérité et à l’espoir, reflète aussi la richesse naturelle et l’ambition des États membres de bâtir une économie forte et autonome.
Ce drapeau incarne l’engagement du Burkina Faso, du Mali et du Niger à renforcer leur coopération et à s’affranchir des contraintes géopolitiques extérieures. Il traduit leur volonté de consolider une intégration sous-régionale fondée sur des valeurs communes de solidarité et d’indépendance politique.
Au-delà de la présentation du drapeau, la réunion ministérielle de Bamako a été l’occasion pour les dirigeants des trois pays de faire le point sur les avancées de la Confédération et de coordonner leurs actions face aux défis sécuritaires et économiques.
L’un des sujets centraux des discussions a été la lutte contre le terrorisme, une menace persistante dans la région. Les représentants des ministères de la Défense et de la Sécurité ont salué les succès des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) des trois États, mettant en avant les résultats obtenus par la Force unifiée de l’AES, récemment mise en place pour assurer une meilleure coordination militaire.
Les ministres ont réaffirmé leur détermination à poursuivre cette coopération sécuritaire et à intensifier les efforts pour stabiliser la région. Ils ont rendu hommage aux soldats et aux populations victimes du conflit et ont insisté sur l’importance de renforcer les moyens militaires et logistiques pour faire face aux menaces.
L’AES veut parler d’une seule voix sur les dossiers internationaux. Les ministres ont insisté sur la nécessité de renforcer les consultations politiques et diplomatiques afin de mieux défendre les intérêts de la Confédération sur la scène africaine et mondiale.
Cette approche commune vise notamment à éviter l’isolement politique et à contrer les pressions extérieures. Elle s’inscrit dans une dynamique panafricaniste qui prône une souveraineté renforcée des États du Sahel et une coopération régionale indépendante des ingérences extérieures.
Développement économique : bâtir un avenir prospère
L’un des piliers fondamentaux de cette réunion a été la question du développement économique. Les discussions ont porté sur la mise en place de projets structurants destinés à accélérer la croissance des pays membres. Parmi les initiatives envisagées figurent la création d’une banque confédérale pour financer les grands projets d’infrastructure et d’investissement, ainsi que le lancement d’une compagnie aérienne régionale visant à améliorer la connectivité entre les trois États.
Les ministres ont également abordé les stratégies visant à renforcer les infrastructures, notamment dans les secteurs de l’énergie, des mines et des transports. L’objectif est de créer un environnement économique favorable au développement des entreprises locales et à l’essor de l’industrialisation dans la région.
AES et CEDEAO : vers une nouvelle ère de relations ?
Le retrait officiel du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), acté le 28 janvier 2024, a marqué une rupture dans les relations sous-régionales. Lors de cette réunion ministérielle, les représentants des trois pays ont examiné les prochaines étapes du dialogue avec la CEDEAO.
Ils ont réaffirmé leur attachement aux valeurs de fraternité et de coopération avec les autres États de l’Afrique de l’Ouest, malgré les divergences politiques. L’AES entend mener des négociations avec la CEDEAO dans un esprit constructif, tout en préservant les intérêts de ses populations et en garantissant leur souveraineté politique et économique.
La réunion ministérielle de Bamako a permis de poser des bases solides pour l’avenir de l’AES. Elle a démontré la détermination des trois États membres à renforcer leur intégration et à consolider leur indépendance sur les plans politique, militaire et économique.
Le drapeau de la Confédération devient ainsi le symbole d’une nouvelle ère pour le Sahel, une ère marquée par la résilience, l’unité et l’ambition de bâtir une alliance régionale forte et prospère.

Niger : Cinq ans de transition et amnistie réclamée  

Les Assises Nationales pour la Refondation du Niger se sont conclues le 20 février 2025, proposant une transition d’une durée minimale de cinq ans, potentiellement renouvelable. Cette recommandation vise à permettre au Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), dirigé par le général Abdourahamane Tchiani, de restructurer les institutions politiques et sécuritaires du pays.

Parallèlement, les participants ont suggéré une amnistie pour les auteurs du coup d’État du 26 juillet 2023, qui avait renversé le président élu Mohamed Bazoum. Cette mesure inclurait également des grâces pour les militaires condamnés au cours des dix dernières années pour tentatives de déstabilisation.
Ces propositions interviennent dans un contexte où le Niger, aux côtés du Mali et du Burkina Faso, a officialisé son retrait de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le 28 janvier 2025. Cette décision fait suite aux tensions avec l’organisation régionale, notamment après les sanctions imposées à la suite des coups d’État successifs dans ces pays. Le retrait de la CEDEAO est perçu par les autorités nigériennes comme une opportunité de mener à bien leur agenda de transition sans ingérence extérieure.
La durée prolongée de la transition et l’amnistie proposée suscitent des débats au sein de la communauté internationale et de la société civile nigérienne. Si certains estiment que ces mesures sont nécessaires pour assurer une stabilité durable et réformer en profondeur les institutions, d’autres craignent qu’elles n’entérinent la mainmise militaire sur le pouvoir et retardent le retour à un ordre constitutionnel démocratique.
Le CNSP n’a pas encore officiellement adopté ces recommandations. Leur mise en œuvre pourrait redéfinir le paysage politique du Niger et influencer les relations du pays avec ses partenaires internationaux, notamment dans le cadre de la lutte contre l’insécurité au Sahel.

Gilles Yabi : « le retrait simultané de ces pays est un coup dur porté à l’organisation, et surtout à l’intégration régionale »

Gilles Yabi, chercheur et fondateur du think tank WATHI, analyse les défis actuels en Afrique de l’Ouest. Dans cet entretien exclusif, il évoque l’avenir de la CEDEAO après le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la lutte contre le terrorisme sans les forces occidentales, l’impact des régimes militaires sur la sécurité, la crise sahélienne et l’immigration clandestine, ainsi que l’influence grandissante de nouveaux partenaires comme la Russie, la Chine et la Turquie.

Quel avenir pour la CEDEAO après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger ?
La CEDEAO, après le départ de ces trois pays, reste une organisation qui regroupe 12 États membres en Afrique de l’Ouest. Parmi eux, le Nigeria représente plus de 60% du PIB régional, suivi du Ghana et de la Côte d’Ivoire, deux pays clés en termes économiques et démographiques.
On ne peut donc pas comparer le bloc de la CEDEAO, même à 12, avec celui des trois États du Sahel, car la CEDEAO demeure le bloc le plus important de la région. Cependant, le retrait simultané de ces pays est un coup dur porté à l’organisation, et surtout à l’intégration régionale.
Ces trois pays du Sahel représentent environ 20% de la population de la région et plus de la moitié de sa superficie. Leur départ fragilise la continuité géographique de l’espace ouest-africain et pourrait raviver des tensions entre États, ce que la CEDEAO vise justement à prévenir.
Aujourd’hui, les tensions sont fortes, et même si aucun affrontement direct n’a lieu, l’absence de coopération pourrait réactiver des risques de confrontation, y compris militaire.
La CEDEAO ne doit pas être perçue uniquement comme un cadre économique. Son rôle est aussi politique et sécuritaire. Elle permet d’éviter les conflits entre États et de construire des liens solides entre les populations.
Je pense qu’à nouveau, l’organisation a été affaiblie, mais c’est aussi, d’une certaine manière, une opportunité pour qu’elle fasse vraiment le bilan de son action, de son évolution, et pour qu’elle puisse se projeter dans les prochaines décennies avec tout de suite un agenda de réformes qui doit être mis en œuvre assez rapidement.
Les crises politiques des dernières années ont révélé des défaillances au sein de la CEDEAO, mais les États membres en portent la plus grande responsabilité. Les décisions sont prises par les chefs d’État, issus de leurs processus politiques internes, démocratiques ou non.
La remise en cause de l’organisation à cause des mauvaises décisions prises par certains dirigeants serait une erreur. L’intégration régionale est un projet à long terme, qui dépasse les choix de leaders momentanés.
Enfin, il faut penser à l’avenir des populations ouest-africaines. La CEDEAO doit permettre des politiques communes dans des secteurs clés comme l’agriculture, la santé, la recherche et l’éducation. Malgré un bilan imparfait, des agences spécialisées existent déjà, et elles devraient être renforcées pour répondre aux besoins réels des citoyens.
Comment les États sahéliens peuvent-ils faire face à la menace terroriste sans les forces occidentales ?
Les changements de régime ont causé une instabilité politique, ce qui nuit à la continuité des stratégies de défense. En principe, un coup d’État pourrait amener un gouvernement plus efficace, mais le manque de coordination avec des experts civils limite souvent l’impact des militaires au pouvoir.
Les armées restent au cœur des stratégies sécuritaires, même sous des régimes civils. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir un militaire à la tête de l’État pour qu’une réponse militaire soit efficace.
Le vrai problème avec ces régimes, c’est l’absence de concertation avec d’autres expertises. Une réponse sécuritaire efficace exige une réflexion large, prenant en compte les impacts politiques, sociaux et communautaires des actions militaires.
Quels sont les effets de la crise sahélienne sur l’immigration clandestine vers l’Europe ?
Lier directement la crise sécuritaire sahélienne à l’immigration vers l’Europe serait une erreur d’analyse.
Certes, l’insécurité pousse des populations à fuir, mais elles se déplacent majoritairement à l’intérieur de leur pays ou vers des États voisins.
L’immigration vers l’Europe est davantage motivée par des raisons économiques et l’existence de réseaux migratoires. Le Sénégal et la Gambie, qui ne sont pas touchés par le terrorisme, connaissent pourtant une forte migration clandestine.
Lutter contre l’immigration irrégulière nécessite une approche plus large, qui inclut le développement économique et social.
Comment la montée en puissance de nouveaux partenaires redéfinit-elle l’équilibre géopolitique au Sahel ?
Il faut relativiser le terme « nouveaux partenaires ». La Russie et la Chine ne sont pas nouveaux dans la région.
L’Union soviétique avait des rapports très importants avec le Mali, y compris une importante coopération militaire.
La Chine est aussi présente depuis longtemps, notamment à travers ses investissements économiques et diplomatiques.
La Turquie est sans doute le partenaire qui a le plus progressé récemment. Son influence s’est renforcée en 10-15 ans, grâce à des investissements, des ouvertures d’ambassades et une industrie militaire compétitive.
Sur le plan global, le monde est devenu multipolaire. L’Afrique bénéficie de plus d’options de partenariat, mais cela ne signifie pas nécessairement une meilleure souveraineté.
Ce n’est pas parce que vous avez plus d’opportunités que vous faites nécessairement les bons choix.
Enfin, la diversification des alliances ne garantit ni la stabilité ni le développement. Sans une vision claire et une politique stratégique, ces nouvelles influences risquent d’augmenter les rivalités géopolitiques plutôt que d’apporter des solutions durables.

Gilles Yabi : « La CEDEAO doit saisir cette crise comme une opportunité de réforme »

Gilles Yabi, chercheur et fondateur de WATHI, analyse les défis actuels en Afrique de l’Ouest. Dans cet entretien exclusif, il évoque l’avenir de la CEDEAO après le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la lutte contre le terrorisme sans les forces occidentales, l’impact des régimes militaires sur la sécurité, la crise sahélienne et l’immigration clandestine, ainsi que l’influence croissante de nouveaux partenaires comme la Russie, la Chine et la Turquie. Propos recueillis par Massiré Diop

Quel avenir pour la CEDEAO après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger ?

La CEDEAO reste économiquement puissante grâce à des pays comme le Nigeria, qui représente plus de 60% du PIB régional, mais son affaiblissement politique est indéniable. Ce départ compromet l’intégration régionale et accentue les tensions. Toutefois, cette crise peut être une opportunité pour réformer l’organisation et renforcer son efficacité.

Comment les États sahéliens peuvent-ils faire face à la menace terroriste sans les forces occidentales ?

L’instabilité politique causée par les coups d’État fragilise la lutte contre le terrorisme. Bien que les militaires au pouvoir promettent une meilleure réponse sécuritaire, l’absence de coordination avec des experts civils limite leur efficacité. Une stratégie intégrée, impliquant civils et militaires, est essentielle pour stabiliser durablement la région.

Les changements de régimes successifs au Sahel ont-ils renforcé ou affaibli la lutte contre le terrorisme ?

Les coups d’État perturbent la continuité des politiques sécuritaires. Si un gouvernement militaire peut théoriquement être plus efficace qu’un régime civil défaillant, la marginalisation des experts et l’absence d’une vision globale affaiblissent la réponse sécuritaire. Une gouvernance inclusive reste indispensable.

Quels sont les effets de la crise sahélienne sur l’immigration clandestine vers l’Europe ?

L’insécurité pousse les populations à se déplacer, mais majoritairement à l’intérieur de leur pays ou vers des États voisins. L’immigration vers l’Europe est surtout liée aux difficultés économiques et aux réseaux de migrants établis. Réduire ce phénomène nécessite une approche globale, au-delà des seuls enjeux sécuritaires.

Comment la montée en puissance de nouveaux partenaires redéfinit-elle l’équilibre géopolitique au Sahel ?

La Russie, la Chine et la Turquie ne sont pas de nouveaux acteurs en Afrique, mais leur influence croissante reconfigure les rapports de force. Leur présence offre des alternatives aux pays sahéliens, mais accroît aussi les rivalités géopolitiques. Sans vision stratégique propre, ces nations risquent de rester dépendantes d’intérêts étrangers plutôt que de renforcer leur souveraineté et leur développement.

AES/CEDEAO : Un tournant dans les relations régionales

Ce mercredi 29 janvier 2025 marque le premier anniversaire de l’annonce par les pays de l’AES de leur sortie de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette date acte également le retrait officiel du Burkina Faso, du Mali et du Niger de l’organisation ouest-africaine. Cette décision, résultant d’une série de tensions politiques et sécuritaires, modifie profondément le paysage régional.

La décision des trois pays de quitter la CEDEAO est le point culminant de plusieurs mois de détérioration des relations avec l’organisation. En 2022 et 2023, la prise de pouvoir par des coups d’État a exacerbé les divergences avec l’institution régionale. La CEDEAO, traditionnellement soucieuse de défendre la stabilité démocratique, a adopté des mesures de rétorsion, allant jusqu’à imposer des sanctions économiques et diplomatiques à l’encontre des trois pays.
Le retrait de ces États est donc perçu comme une réponse directe à la pression exercée par la CEDEAO, mais aussi comme une tentative d’affirmer leur autonomie face à une organisation qu’ils estiment ne pas répondre adéquatement aux défis internes qu’ils rencontrent, notamment en matière de sécurité et de gestion politique.
Bien que ces trois pays aient cessé d’être membres de la CEDEAO, l’organisation a opté pour une approche mesurée, prévoyant une période de transition de six mois, allant du 29 janvier au 29 juillet 2025. Durant cette période, certaines dispositions restent en place pour éviter des perturbations majeures dans les échanges régionaux.
Parmi ces mesures, on trouve la reconnaissance des documents d’identité, y compris les passeports et cartes d’identité portant le logo de la CEDEAO, pour les citoyens des pays concernés. Les échanges commerciaux entre ces pays et les autres membres de la communauté continuent sous les termes du Schéma de libéralisation des échanges (SLEC). De même, les citoyens des trois pays conservent leur droit de circuler sans visa, une mesure qui permet de maintenir un minimum de fluidité dans les relations humaines et économiques au sein de la région.
Cependant, ces mesures ne sont que temporaires. Il est clair que la CEDEAO cherche à éviter une rupture totale. L’organisation a en effet souligné sa volonté de poursuivre le dialogue avec les trois pays et d’envisager des modalités de coopération futures, bien que cela dépende de l’évolution de la situation politique et sécuritaire.
Le retrait de la CEDEAO représente un défi majeur pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger, tant sur le plan économique que social. Les sanctions économiques imposées par la CEDEAO avaient déjà perturbé les échanges commerciaux et les investissements dans ces pays. Reste à savoir si la fin de la participation à l’organisation n’entraînera pas une aggravation de ces difficultés.
La suspension des programmes d’aide régionaux et des projets d’infrastructure initiés par la CEDEAO pourrait avoir des répercussions significatives, notamment dans la lutte contre l’insécurité et le terrorisme. En 2023, l’économie du Burkina Faso a enregistré une croissance modeste de 3,2 %, après une performance particulièrement faible de 1,8 % en 2022, selon la Banque Mondiale. Toutefois, cette reprise reste fragile en raison des perturbations causées par l’insécurité, qui ont entraîné environ 8 500 décès liés aux conflits en 2023. De plus, la pauvreté reste élevée, touchant 43,2 % de la population en 2021/22. La situation humanitaire reste également critique, avec plus de 2 millions de personnes déplacées et environ 2,3 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire grave. En revanche, pour le Mali, les données de la Banque Mondiale montrent que l’extrême pauvreté a atteint 19,1 % en 2022, exacerbée par l’envolée des prix et la faible croissance économique. Bien que la libre circulation des personnes et des biens puisse aider à atténuer certains impacts économiques, elle ne compensera pas entièrement les effets de la suspension des programmes d’infrastructure avec des menaces sur l’accès aux marchés et le développement local.
En tout état de cause, ce retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger constitue aussi une épreuve pour la CEDEAO, une organisation qui prône l’intégration régionale et la coopération sur de nombreux fronts, y compris la sécurité, les échanges commerciaux et la gouvernance. Cette situation révèle en même temps les limites de l’influence de la CEDEAO lorsqu’elle est confrontée à des changements politiques internes significatifs dans ses États membres.
L’une des grandes interrogations réside dans la capacité de la CEDEAO à maintenir son rôle de médiateur en Afrique de l’Ouest. Le blocage actuel illustre les fractures qui existent au sein de l’organisation, entre ceux qui défendent une ligne plus autoritaire et ceux qui préconisent une approche plus conciliatrice. Si l’intégration économique demeure une priorité pour la CEDEAO, la gestion des tensions internes pourrait sérieusement compromettre la cohésion de l’ensemble.
Le retrait des trois pays de la CEDEAO pourrait marquer le début d’une nouvelle dynamique régionale. Bien que les discussions soient encore en cours, il apparaît que les pays concernés chercheront de nouvelles alliances pour compenser les impacts liés à leur retrait de la CEDEAO. Les relations avec des puissances extérieures, comme la Chine ou la Russie, pourraient se renforcer, notamment dans le domaine économique et militaire.
De son côté, la CEDEAO devra repenser sa stratégie vis-à-vis de l’AES, tout en tentant de rétablir un dialogue avec les trois pays, sans renoncer à ses principes de gouvernance démocratique. Le mois de juillet 2025 sera décisif pour déterminer si un rapprochement est possible ou si la séparation sera définitive.

Retrait du Mali : la CEDEAO propose un dialogue avant l’échéance du 29 janvier 2025

À l’approche du retrait officiel du Mali de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), prévu pour le 29 janvier 2025, l’organisation régionale a adressé, le 13 janvier, une invitation aux autorités maliennes pour des discussions techniques. Cette initiative vise à encadrer une séparation ordonnée et à limiter les impacts économiques et politiques.

La décision malienne de quitter la CEDEAO, annoncée en janvier 2024, est le fruit de relations tendues entre Bamako et l’organisation, exacerbées par des sanctions imposées après les coups d’État au Mali et au Burkina Faso. En septembre 2024, le Mali a rejoint le Burkina Faso et le Niger pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), marquant un tournant dans la dynamique régionale.
Le Président de la Commission de la CEDEAO, Dr. Omar Alieu Touray, a souligné l’importance d’un dialogue pour discuter des modalités pratiques du retrait, notamment sur les aspects économiques et sécuritaires. Cette démarche vise également à prévenir l’émergence d’un précédent qui pourrait affaiblir l’organisation régionale.
L’AES, appuyée par le Mali, a rejeté tout report de cette décision, invoquant une volonté de souveraineté face à une CEDEAO perçue comme influencée par des intérêts extérieurs.
Le départ du Mali pourrait perturber les échanges commerciaux et la coopération sécuritaire dans une région déjà fragilisée par l’insécurité. Malgré ces défis, la proposition de dialogue de la CEDEAO représente une chance d’atténuer les impacts de cette rupture.

Renommage des espaces publics : L’absence remarquée de femmes et d’anciens dirigeants 

Le mercredi 25 décembre, les autorités ont procédé à la rebaptisation de plusieurs lieux publics emblématiques à travers le pays. Ce processus s’inscrit dans une démarche globale visant à tourner la page de l’héritage colonial tout en promouvant des figures et valeurs nationales. Parmi les espaces concernés figurent des rues, des avenues, des boulevards, des places publiques et des institutions académiques.

Dans la capitale Bamako, plusieurs lieux emblématiques ont été renommés dans le cadre d’un effort de valorisation de l’histoire nationale et de décolonisation symbolique. La Rue Faidherbe est désormais connue sous le nom de Rue Mamadou Lamine Dramé, en hommage à un résistant de renom contre la colonisation. De même, l’Avenue Ruault a été rebaptisée Avenue Capitaine Sékou Traoré, honorant un héros national de la défense de la souveraineté.

Par ailleurs, la Rue Archinard porte désormais le nom de Rue El Hadj Cheick Oumar Tall, une figure clé de la résistance anticoloniale et de la spiritualité islamique. La Rue Borgnis-Desbordes, autrefois associée à une figure coloniale, est devenue la Rue Samory Touré, en l’honneur de l’empereur ouest-africain qui a mené une lutte acharnée contre la colonisation.

Dans le cadre des grandes artères, le Boulevard Soundjata Keïta, en référence au fondateur de l’Empire du Mali, remplace la Route régionale n°9, reliant le Rond-point de Koulouba à l’entrée du Camp Soundjata Keïta à Kati. Le Boulevard Damaguilé Diawara, nommé d’après un acteur historique majeur, relie Samé au rond-point du Camp Soundjata à Kati via la Route nationale n°3.

Enfin, les places publiques ne sont pas en reste. La Place du Sommet Afrique-France a été rebaptisée Place de la Confédération des États du Sahel, marquant une nouvelle ère de coopération régionale et de souveraineté renforcée. L’Avenue CEDEAO a été renommée Avenue de l’Alliance des États du Sahel (AES), en référence à l’organisation régionale créée en 2023.

Ce changement vise à marquer une symbolique avec des institutions internationales perçues comme héritières d’une influence étrangère.

Cependant, une critique majeure s’élève : aucun des nouveaux noms ne met à l’honneur les femmes, bien qu’elles aient joué un rôle déterminant dans l’histoire du Mali. Des figures féminines telles qu’Aoua Kéita, première femme députée du Mali et militante anticolonialiste, Sira Diop, pionnière de l’éducation féminine, Inna Sissoko Cissé, première femme membre du gouvernement ou encore Mariam Travélé, Enseignante, militante pour l’indépendance et première Première Dame du Mali, épouse du président Modibo Keïta, etc. n’ont pas été intégrées au projet. Cette omission suscite des interrogations sur l’inclusivité et la reconnaissance du rôle des femmes dans la construction nationale.

Autre aspect controversé, aucun des anciens présidents élus comme Alpha Oumar Konaré (1992-2002) et Ibrahim Boubacar Keïta (2013-2020), n’a été honoré. Leur exclusion des nouvelles dénominations étonne, étant donné leur contribution respective à l’histoire contemporaine du Mali. Alpha Oumar Konaré, premier président démocratiquement élu, est reconnu pour ses efforts de réforme institutionnelle et culturelle. Ibrahim Boubacar Keïta, malgré les critiques, reste associé à des avancées économiques et diplomatiques durant son mandat.

Un débat national en cours

Le processus de débaptisation a relancé le débat sur l’équilibre à trouver entre mémoire historique, souveraineté nationale et inclusivité. Si la démarche est saluée par certains comme une étape importante de décolonisation, d’autres critiquent une approche jugée incomplète. Des voix s’élèvent pour réclamer une seconde phase intégrant des femmes et des figures politiques contemporaines, afin de refléter la diversité et la richesse de l’histoire malienne.

Ce projet de renommage pourrait s’étendre à d’autres villes du pays, comme Tombouctou, Gao ou Kidal, où des figures locales attendent également une reconnaissance nationale. Cependant, pour éviter les critiques persistantes, les autorités devront faire preuve d’une plus grande inclusivité, notamment en intégrant des figures féminines et contemporaines dans leur démarche.

 

Sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO : l’ONU alerte sur un risque pour la démocratie en Afrique de l’Ouest

Depuis l’annonce, le 28 janvier 2024, du retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les développements se sont accélérés, suscitant de vives préoccupations quant à l’avenir de la démocratie et de la stabilité dans la région.

Le 13 décembre 2024, les autorités militaires des trois pays ont réaffirmé le caractère « irréversible » de leur décision de quitter la CEDEAO, malgré les tentatives de médiation de l’organisation régionale.
En réponse, lors du sommet du 15 décembre 2024 à Abuja, la CEDEAO a pris acte de cette décision et a établi une période de transition du 29 janvier au 29 juillet 2025 pour formaliser le départ des trois États.
L’Organisation des Nations Unies (ONU) et plusieurs acteurs internationaux ont exprimé leur préoccupation face à cette situation, craignant une déstabilisation de la région et une remise en cause des efforts prodémocratiques. Des craintes subsistent quant au fait que le retrait de ces pays puisse affaiblir les mécanismes régionaux de promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, qui sont essentiels pour la stabilité de l’Afrique de l’Ouest.
Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO pose un défi majeur aux initiatives prodémocratiques de l’organisation. La CEDEAO, qui a joué un rôle clé dans la promotion de la démocratie et la prévention des coups d’État dans la région, voit son influence potentiellement diminuée. Les programmes visant à renforcer la gouvernance démocratique, les droits de l’homme et l’État de droit pourraient être entravés par l’absence de ces États membres.
Perspectives d’avenir
Face à cette situation, l’ONU et d’autres partenaires internationaux appellent au dialogue entre la CEDEAO et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) afin de trouver des solutions consensuelles. L’objectif est de préserver les acquis démocratiques dans la région et d’assurer une coopération efficace contre les défis communs, notamment le terrorisme et l’insécurité.
C’est ainsi que des appels ont été lancés aux acteurs régionaux et internationaux pour qu’ils travaillent ensemble au renforcement des mécanismes de gouvernance démocratique et évitent une érosion des progrès réalisés au cours des dernières décennies en Afrique de l’Ouest. Le maintien de la stabilité et de la démocratie dans la région dépendra de la capacité des parties prenantes à surmonter ces défis par le dialogue et la coopération.

AES vs CEDEAO : Refus du délai, alerte maximale et rappel des tensions au Sommet d’Abuja

Ce dimanche 22 décembre 2024, le Collège des Chefs d’État de la Confédération des États du Sahel (AES) a diffusé un communiqué ferme et sans concession, lu au journal de 20 heures sur la télévision nationale malienne. Cette déclaration, portée par le Général Assimi Goïta, président de l’AES, rejette catégoriquement la proposition de la CEDEAO de prolonger de six mois le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger.

Selon l’AES, cette décision est perçue comme une « tentative de déstabilisation orchestrée par des puissances néocoloniales, notamment la France, appuyées par certains États membres de la CEDEAO ». En réponse, l’AES a décrété une mise en alerte maximale de ses forces de défense et de sécurité et a appelé à la vigilance accrue des populations.

Le sommet extraordinaire de la CEDEAO, tenu le 15 décembre 2024 à Abuja, avait marqué une étape clé dans la gestion des relations tendues avec les trois pays membres de l’AES. Lors de cette rencontre, les chefs d’État de la CEDEAO ont décidé d’acter le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger, prévu initialement pour le 29 janvier 2024, tout en proposant une période de six mois supplémentaires, jusqu’en juillet 2024, pour définir les modalités pratiques de ce départ. Cette décision visait à explorer une éventuelle réintégration de ces États tout en permettant à la CEDEAO de mieux préparer la transition, notamment à travers la délocalisation de ses bureaux et la réorganisation institutionnelle. Toutefois, cette proposition a été rejetée catégoriquement par l’AES.
Dans son communiqué, l’AES a réaffirmé le caractère irréversible et immédiat du retrait de ses membres de la CEDEAO, qualifiant la prolongation de six mois de « tentative dilatoire ». Selon les dirigeants de l’AES, cette décision aurait pour but de permettre aux puissances étrangères, notamment la France, de renforcer des stratégies de déstabilisation dans la région. L’AES accuse également certains dirigeants de la CEDEAO d’être manipulés par des agendas étrangers, sapant ainsi les efforts de souveraineté et d’intégration régionale que la Confédération des États du Sahel entend incarner.
En réponse à cette situation, l’AES a pris des décisions sécuritaires d’envergure. Les forces armées des trois pays membres ont été placées en état d’alerte maximale pour contrer toute menace, qu’elle soit interne ou externe. L’AES a également annoncé la mise en place d’un théâtre unique d’opérations militaires couvrant l’ensemble de l’espace confédéral, ce qui permet une coordination renforcée face aux défis sécuritaires communs, tout en maintenant les opérations militaires nationales. Par ailleurs, un appel a été lancé aux populations pour redoubler de vigilance et collaborer étroitement avec les forces de sécurité. Elles sont invitées à signaler tout comportement suspect et à rejeter catégoriquement toute tentative d’enrôlement dans des groupes terroristes.
Le communiqué de l’AES accuse ouvertement la France de dissimuler ses ambitions néocoloniales derrière la fermeture apparente de certaines bases militaires. Selon l’AES, ces bases seraient remplacées par des dispositifs plus discrets mais tout aussi opérationnels. L’AES dénonce également un soutien logistique et financier apporté à des groupes armés dans des zones frontalières sensibles, notamment entre le Niger et le Nigeria, le Niger et le Bénin, ainsi que le Burkina Faso et le Bénin. Ces activités viseraient à alimenter une instabilité régionale, compromettant ainsi les efforts sécuritaires de l’AES.
Incident diplomatique entre le Niger et le Nigeria
La situation s’est également tendue sur le plan diplomatique, notamment entre le Niger et le Nigeria. Récemment, le ministre des Affaires étrangères du Niger a convoqué la chargée d’affaires de l’ambassade du Nigeria à Niamey pour protester contre l’installation présumée de bases militaires étrangères à la frontière entre les deux pays. L’AES soupçonne que ces installations pourraient servir de plateforme pour des actions visant à déstabiliser la région et compromettre la souveraineté du Niger.
Les tensions entre l’AES et la CEDEAO démontrent des divergences profondes sur les questions de souveraineté et de gouvernance régionale. Alors que la CEDEAO cherche à préserver son intégrité et son influence dans la région, l’AES entend s’affirmer comme une entité souveraine et indépendante, rejetant toute ingérence étrangère. Toutefois, cette crise risque d’avoir des répercussions majeures sur la stabilité régionale, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires.
À l’approche de l’échéance de janvier 2025, les tensions entre l’AES et la CEDEAO semblent s’aggraver, laissant peu de place à un compromis. L’AES, forte de sa dynamique souverainiste, devra relever des défis sécuritaires et diplomatiques de taille, tandis que la CEDEAO devra ajuster ses stratégies pour éviter une escalade régionale. La stabilité et la paix au Sahel restent suspendues à l’issue de cette confrontation entre deux visions diamétralement opposées de l’avenir de la région.

CEDEAO – AES : Une période transitoire pour éviter le divorce ?

À l’issue de la 66ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, tenue à Abuja le 15 décembre 2024, l’organisation a décidé d’octroyer une période de transition supplémentaire de six mois avant d’acter définitivement le retrait des pays de l’AES.

Bien que le divorce semble inévitable entre les deux organisations, la CEDEAO laisse ses portes ouvertes à un retour en son sein du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tout en examinant les modalités de leur départ.

Dans le communiqué final de ce 66ème sommet, la CEDEAO indique avoir pris note de la notification par la République du Mali, la République du Niger et le Burkina Faso de leur décision de se retirer de l’organisation. Elle reconnaît que, conformément aux dispositions de l’article 91 du Traité révisé de 1993, les trois pays cesseront officiellement d’être membres de la CEDEAO à partir du 29 janvier 2025.

Cependant, la note précise que « la Conférence décide de fixer la période du 29 janvier au 29 juillet 2025 comme période de transition au cours de laquelle les portes de la CEDEAO resteront ouvertes au retour des trois pays ».

Pendant cette période, la Commission de la CEDEAO devra gérer la situation des salariés contractuels de l’organisation originaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tout en préparant le déménagement des différentes agences communautaires dont les sièges sont situés dans ces trois États, membres fondateurs de la communauté ouest-africaine.

Une session extraordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO se tiendra également au cours du deuxième trimestre 2025 pour examiner et adopter à la fois les modalités de séparation et le plan de contingence couvrant les relations politiques et économiques entre la CEDEAO et les trois pays de la Confédération des États du Sahel.

Ultime médiation

Parallèlement à la finalisation du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger, la CEDEAO continuera de dialoguer avec les dirigeants de ces trois pays pour tenter de les convaincre de revenir sur leur décision de quitter le bloc sous-régional.

Le sommet du 15 décembre a décidé de proroger le mandat des Présidents sénégalais et togolais, Bassirou Diomaye Dhiakar Faye et Faure Essozimna Gnassingbé, « pour poursuivre leur médiation jusqu’à la fin de la période de transition, en vue du retour des trois pays ».

Selon la Présidence sénégalaise, le Président Faye devrait effectuer une visite dans les prochaines semaines dans les trois pays pour « poursuivre le dialogue diplomatique en vue de leur réintégration ». Bassirou Diomaye Dhiakar Faye s’était déjà rendu au Mali et au Burkina Faso le 30 mai dernier.

Cependant, l’hypothèse d’un retour des trois pays membres de l’AES au sein de la CEDEAO semble peu probable. Réunis à Niamey le 13 décembre dernier pour débattre de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace AES, les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont réaffirmé le caractère irréversible de leur décision de quitter la CEDEAO.

La période supplémentaire de dialogue entre les médiateurs de la CEDEAO et les dirigeants des pays de l’AES pourrait-elle aboutir à une réconciliation entre les deux blocs ? « Rien n’est exclu. Les lignes peuvent encore bouger, mais, au vu de la situation actuelle, il sera très difficile pour les médiateurs de la CEDEAO de convaincre les chefs d’État de l’AES de retourner au sein de l’organisation ouest-africaine. Je pense qu’il faudrait plutôt discuter des modalités de ce retrait et surtout de la cohabitation future entre la CEDEAO et l’AES », répond Ibrahim Sidibé, analyste politique.

Dr Amidou Tidiani, enseignant-chercheur à l’Université Paris-13, partage cet avis. Selon lui, il est très peu probable que le Mali, le Niger et le Burkina Faso, avec leurs autorités actuelles, décident de revenir au sein de la CEDEAO. « Encore plus si la CEDEAO s’inscrit dans une dynamique purement politique, elle n’obtiendra pas de fléchissement de la part des pays de l’AES », conclut-il.

Mohamed Kenouvi

66e sommet de la CEDEAO : un délai de six mois accordé aux pays membres de l’AES pour finaliser leur retrait

Lors du 66ᵉ sommet ordinaire tenu le 15 décembre 2024 à Abuja, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a approuvé le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), en fixant une période de transition du 29 janvier au 29 juillet 2025.

Cette décision fait suite à l’annonce, en janvier 2024, par les trois pays de leur intention de quitter la CEDEAO, accusant l’organisation de sanctions « inhumaines et irresponsables » et d’inaction face à leurs crises sécuritaires internes.
La période transitoire vise à permettre une évaluation approfondie de la situation des employés de la CEDEAO présents dans ces pays. De plus, il va falloir aussi organiser le transfert des sièges et bureaux de l’organisation situés sur leurs territoires.
La Conférence des chefs d’État a mandaté le Conseil des Ministres pour convoquer une session extraordinaire au deuxième trimestre de 2025 afin d’examiner et adopter les modalités de départ, ainsi qu’un plan d’urgence concernant les relations politiques et économiques avec ces trois nations.
Les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Burkina Faso et du Niger, réunis la veille du sommet, ont réaffirmé le caractère irréversible de leur décision de retrait de la CEDEAO.
Par ailleurs, le Collège des chefs d’État de l’AES a annoncé que les ressortissants de la CEDEAO pourront entrer, résider et exercer des activités au sein de l’espace AES sans nécessiter de visa, témoignant ainsi de leur volonté de maintenir des liens avec les populations de la région.
Le retrait de ces trois pays, confrontés à des défis sécuritaires majeurs liés à des insurrections djihadistes, soulève des préoccupations quant à l’avenir de la coopération régionale en matière de sécurité et d’économie.
La CEDEAO, créée en 1975, a pour mission de promouvoir l’intégration économique et politique en Afrique de l’Ouest.
Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger pourrait fragiliser les acquis de l’organisation, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens, ainsi que les efforts conjoints de lutte contre le terrorisme.
Perspectives d’avenir
La période transitoire offre une opportunité aux deux parties de définir les modalités précises du retrait et d’explorer de nouveaux cadres de coopération.

Ibrahim Maïga, Conseiller principal pour le Sahel à l’ICG : « Le souverainisme répond à un double mécontentement populaire »

Alors que la CEDEAO se prépare à un sommet décisif le 15 décembre 2024 pour discuter du retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Ibrahim Maïga, Conseiller principal pour le Sahel à l’International Crisis Group (ICG), analyse les dynamiques du souverainisme malien, son impact sur la jeunesse et les défis régionaux. 

Quels éléments expliquent le choix souverainiste des autorités maliennes après le double coup d’État ?

Deux raisons-clés motivent ce tournant souverainiste. D’abord, les autorités maliennes ont adopté cette posture comme un moyen de renforcer leur légitimité et de résister aux pressions extérieures, notamment après un second coup d’État en moins de neuf mois. Ensuite, ce souverainisme répond à un double mécontentement populaire. D’une part, face à des élites politiques nationales jugées corrompues et inefficaces. D’autre part, en réaction aux forces internationales, qui, depuis 2013, n’ont pas réussi à endiguer la dégradation sécuritaire marquée par l’expansion des groupes jihadistes.

 

Comment le discours souverainiste est-il perçu par la jeunesse malienne ?

Le souverainisme bénéficie d’une large adhésion parmi les jeunes Maliens, notamment grâce à l’essor d’Internet et des réseaux sociaux. Depuis la fin des années 2010, ces canaux ont permis de diffuser ces idées et de renforcer leur popularité. Cependant, la situation économique actuelle, marquée par une crise énergétique sans précédent et un chômage élevé, fragilise cette adhésion. Les frustrations liées au manque d’opportunités économiques remettent en question l’efficacité des politiques des autorités souverainistes, surtout auprès de cette frange de la population.

Quelles sont les attentes pour le sommet de la CEDEAO, prévu le 15 décembre prochain, concernant le retrait du Mali et des autres pays de l’AES ?

Le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO constitue un défi majeur pour l’intégration régionale. Cette décision aura des répercussions sécuritaires, politiques et économiques, bien qu’il soit difficile de les évaluer à ce stade. Une possibilité pour le sommet serait d’envisager une prorogation du délai de retrait, initialement fixé au 29 janvier 2025. Cette prolongation offrirait une opportunité de négocier une séparation en douceur afin d’atténuer ses impacts sur les populations ou même solution ambitieuse : ramener les Etats de l’AES à faire marche arrière.

 

La montée du souverainisme s’accompagne-t-elle de dérives ?

Oui, on observe un rétrécissement de l’espace civique sous prétexte de défendre l’intérêt national. Certains perçoivent ce durcissement comme une tentative des autorités de renforcer leur contrôle et de conserver le pouvoir. Cependant, il est important de noter que la popularité actuelle du régime ne signifie pas un rejet des principes démocratiques par les Maliens. Elle traduit plutôt une désillusion envers les régimes précédents, accusés d’avoir échoué à répondre aux aspirations populaires.

 

L’ICG insiste sur l’importance d’un dialogue politique inclusif au Mali. Pourquoi est-ce crucial ?

Les autorités maliennes devraient adopter un souverainisme plus ouvert et plus inclusif. Le pays traverse une crise multiforme qui ne peut être résolue sans un consensus national impliquant tous les segments de la société. En l’absence de ce dialogue, les divisions internes risquent de s’aggraver, rendant encore plus complexe la résolution des problèmes sécuritaires et économiques. De manière concrète, les autorités de transition doivent saisir l’opportunité de l’élaboration d’une charte pour la paix, l’une des recommandations issues du dialogue intermalien de mai 2024, pour apaiser le climat politique et relancer des pourparlers avec les forces belligérantes.

 

Un dernier mot sur les défis régionaux et le rôle de la CEDEAO ?

La CEDEAO est à un moment charnière de son histoire. Elle doit trouver un équilibre entre fermeté et diplomatie pour gérer la crise actuelle. Le sommet du 15 décembre sera crucial pour redéfinir ses relations avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Si l’organisation parvient à préserver son unité tout en répondant aux aspirations souverainistes de ces États, elle pourra non seulement renforcer son rôle régional, mais aussi démontrer sa capacité à concilier stabilité, sécurité et respect des souverainetés nationales.

CEDEAO : Préserver l’unité régionale face au défi du retrait des membres de l’AES

À deux jours du sommet du 15 décembre 2024, la CEDEAO fait face à un défi historique. Lequel consiste à gérer le retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, prévu pour janvier 2025.

Si la situation met en péril la cohésion régionale, elle offre aussi une opportunité d’explorer des solutions diplomatiques pour maintenir l’intégrité de l’organisation et éviter une désintégration aux conséquences multiples et incertaines.
Le Parlement de la CEDEAO a lancé un signal fort lors de sa réunion du 11 décembre 2024. Tout en adoptant un avis favorable au budget communautaire, il a demandé une mesure extraordinaire à savoir la prorogation du délai de retrait des trois pays. Prévu pour le 29 janvier 2025, ce retrait pourrait entraîner une fragmentation majeure de l’organisation régionale.
Les parlementaires souhaitent ainsi offrir une nouvelle chance à des négociations constructives. L’objectif est de préserver l’unité de la CEDEAO et éviter un affaiblissement de son rôle dans la résolution des défis transnationaux, tels que la sécurité, la migration et le développement économique.
Le président nigérian Bola Tinubu, président en exercice de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, a mis en avant une approche diplomatique et pragmatique pour gérer cette crise. Lors de sa récente rencontre avec le président allemand Frank-Walter Steinmeier, il a réaffirmé que le bien-être des populations du Mali, du Burkina Faso et du Niger reste une priorité absolue.
Cependant, il a aussi souligné les défis rencontrés. Pour lui, les autorités de ces trois pays ont jusqu’à présent refusé de soumettre des calendriers précis pour leurs transitions politiques. Cette situation limite les marges de manœuvre de la CEDEAO et nécessite une réévaluation constante des stratégies à adopter.
Pour la CEDEAO, plusieurs enjeux majeurs se dessinent face à cette nouvelle donne. Le retrait des trois pays pourrait affaiblir la CEDEAO et remettre en question sa capacité à promouvoir l’intégration régionale. Une telle désintégration risquerait d’accentuer les divergences entre États membres. Aussi, ces trois pays jouent un rôle important dans la lutte contre les groupes armés au Sahel. Leur retrait compromettrait la coordination régionale dans la lutte contre le terrorisme, un problème qui dépasse leurs frontières nationales. Par ailleurs, ce retrait conjugué au contexte pourrait aggraver les disparités économiques dans la région, impactant à la fois leurs populations et leurs voisins. Cette crise constitue ainsi un véritable test pour la CEDEAO dans la mesure où elle est appelée à réussir à réintégrer ces pays sans compromettre ses principes démocratiques renforcerait sa crédibilité internationale.
Un sommet sous haute tension
Le sommet du 15 décembre 2024 sera un moment décisif. Les chefs d’État devront s’accorder sur une stratégie commune pour gérer cette crise sans précédent. Parmi les options sur la table figure la prorogation du délai de retrait, qui offrirait un cadre temporel pour des négociations approfondies. Toutefois, cette mesure ne sera utile que si elle est accompagnée d’un engagement clair des trois pays concernés à définir des plans de transition politique crédibles et assortis d’échéances.

Retrait de la CEDEAO : L’AES face à la pression internationale

Alors que la fin de l’échéance pour le retrait effectif du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO approche à grands pas, la médiation de la dernière chance tentée par la communauté sous-régionale se prépare. En attendant son issue, l’Union africaine et les Nations unies, dans une moindre mesure, maintiennent une certaine pression sur les dirigeants de la Confédération de l’AES. 

La médiation annoncée par la CEDEAO à l’issue de son sommet du 7 juillet 2024 pour dialoguer avec les pays de l’AES, qui avaient annoncé fin janvier leur retrait de l’institution sous-régionale, n’est pas encore entrée dans sa phase active.

Désigné facilitateur, aux côtés du Président Faure Gnassingbé, par ses pairs de la CEDEAO, le Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a indiqué le 13 juillet dernier qu’il allait se rendre, sans préciser de date, chez son homologue togolais pour « définir ensemble les voies et moyens pour trouver au moins une plage de discussion » avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Bassirou Diomaye Faye, qui s’exprimait lors d’une interview avec la presse nationale à l’occasion de ses 100 jours au pouvoir, ne se « fait pas d’illusions » et ira chez ses homologues de la Confédération AES « avec beaucoup d’humilité ».

« J’ai eu la chance ou la malchance de ne pas être là quand les sanctions étaient prises par la CEDEAO contre les États de l’AES.  Ces États ne me regardent pas comme quelqu’un qui était parmi ceux qui les ont sanctionnés, donc ils ont une facilité à me parler plus qu’ils ne peuvent en avoir pour les autres. C’est un atout qu’il faut mettre au service de la communauté pour faire en sorte que la réconciliation renforce l’objectif d’intégration », a souligné par ailleurs le Président sénégalais.

« Inacceptable pour l’UA »

Lors de son allocution d’ouverture du 65ème Sommet de la CEDEAO, le 7 juillet à Abuja, le Président de la Commission de l’institution ouest africaine, Omar Alieu Touray, avait mis en garde les pays de la Confédération de l’AES sur les éventuelles conséquences négatives qui pourraient découler de leur retrait du bloc sous-régional. Une sorte d’intimidation envers eux, selon certains analystes. Le Chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, avait d’ailleurs dénoncé cette démarche comme une tentative de retournement des populations contre les dirigeants de l’AES.

« Le retrait des 3 pays de la CEDEAO est inacceptable pour l’Union africaine et nous croyons en une seule CEDEAO », avait déclaré de son côté le représentant de l’Union africaine à ce sommet, Bankole Adeoye, Commissaire en charge des Affaires politiques, paix et sécurité. Ces propos ont provoqué le courroux des États de l’AES, que les ministres des Affaires étrangères ont souligné dans une déclaration commune en date du 11 juillet 2024.

« Les ministres des Affaires étrangères de la Confédération des États du Sahel désapprouvent et condamnent avec la dernière rigueur cette attitude, contraire au devoir de réserve et à l’obligation d’impartialité qui incombe à tout fonctionnaire d’une organisation intergouvernementale », ont-ils répliqué.

L’ONU pour l’unité régionale

Le 12 juillet, le Chef du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Représentant spécial du Secrétaire général, Leonardo Santos Simão, a également appelé à la préservation de l’unité régionale en Afrique de l’ouest, tout en s’inquiétant de la réduction de la participation des pays de l’AES aux mécanismes régionaux de coopération en matière de sécurité.

« La position de L’Union Africaine, comme celle des Nations Unies, se comprend. Ce sont des réactions tout à fait normales dans le sens où c’est l’architecture même des organismes internationaux qui est ainsi faite », estime l’analyste en stratégie internationale et ancien ambassadeur du Mali en Turquie Birahim Soumaré.

« En dehors d’un compromis avec la CEDEAO, j’ai bien peur qu’il y ait une sorte d’isolement qui s’installe au niveau des pays de l’AES par rapport aux organisations internationales, tant au niveau de l’Union Africaine que du Système des Nations Unies », craint l’ancien diplomate.

Le ton est tout autre chez le Premier ministre burkinabé. Dans une intervention, le 10 juillet lors d’une rencontre avec les Directeurs régionaux des Nations Unies, Dr. Apollinaire Joachimson Kyélem de Tambèla a déclaré que son pays (membre de l’AES) n’hésiterait pas à quitter l’Union africaine et l’ONU si elles se comportaient comme la CEDEAO.

AES – CEDEAO : l’inévitable divorce

L’adoption le 6 juillet 2024 à Niamey du traité instituant la Confédération « Alliance des États du Sahel », regroupant le Burkina Faso, le Mali et le Niger, lors du 1er sommet des Chefs d’États de l’Alliance, marque une étape décisive dans la séparation des trois pays d’avec la CEDEAO. Même si le bloc sous-régional ouest-africain s’active toujours pour leur retour au sein de la Communauté, le divorce entre les deux entités semble de plus en plus inévitable et pourrait bouleverser les dynamiques d’intégration politique et institutionnelle en Afrique de l’ouest.

C’était attendu depuis quelques mois. Le 1er sommet des Chefs d’États des pays membres de l’Alliance des États du Sahel, tenu à Niamey le 6 juillet, a consacré la naissance de la Confédération « AES » entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, après la volonté commune des trois pays, en septembre 2023, de mettre en place une architecture de défense collective.

« Les Chefs d’États ont décidé de franchir une étape supplémentaire vers une intégration plus poussée entre les pays membres. À cet effet, ils ont adopté le traité instituant une Confédération entre le Burkina Faso, la République du Mali et la République du Niger, dénommée Confédération « Alliance des États du Sahel », en abrégé Confédération AES », indique le communiqué final du sommet.

Outre la concrétisation de la Confédération, les trois chefs d’États, le Capitaine Ibrahim Traoré, le Colonel Assimi Goïta et le Général Abdourahamane Tiani, ont souligné la nécessité d’une coordination de l’action diplomatique ainsi que l’importance de parler d’une seule voix et celle de mutualiser leurs moyens en vue de mettre en place des projets structurants et intégrateurs dans des secteurs stratégiques, tels qu’entre autres l’agriculture et la sécurité alimentaire, l’énergie et les mines, la communication et les télécommunications, ainsi que l’éducation et la formation professionnelle. Ils ont par ailleurs décidé de la création d’une Banque d’investissement de l’AES et de la mise en place d’un fonds de stabilisation.

Rupture presque consommée

Alors qu’en parallèle au sommet des Chefs d’États des pays membres de l’AES le 65ème sommet ordinaire des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, tenu le 7 juillet 2024 à Abuja, aurait pu définitivement prendre acte du retrait annoncé des pays de l’AES, les dirigeants de l’institution ouest-africaine ont décidé de poursuivre la dynamique de discussion avec les trois pays concernés en vue d’éviter leur départ du bloc sous-régional.

En reconnaissant le « manque de progrès dans les interactions avec les autorités des trois pays », la Conférence des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO a décidé d’entamer une « approche plus vigoureuse » et a désigné le Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, en collaboration avec son homologue togolais Faure Gnassingbé, comme facilitateur de la CEDEAO dans les discussions de la Communauté avec l’AES.

Pour Bassirou Diomaye Faye, qui avait déjà rencontré les Présidents de transition Goïta et Traoré lors de sa visite au Mali et au Burkina Faso le 30 mai dernier, le retrait des pays de l’AES de la CEDEAO serait « le pire des scénarios et une grande blessure au panafricanisme que les pères fondateurs nous ont légué et que nous avons la responsabilité historique de sauvegarder et de transmettre aux générations futures ».

Mais si le Président sénégalais affiche son optimisme par rapport à un rapprochement des positions d’ici la fin du délai du « préavis » de retrait, la plupart des analystes jugent infimes les chances d’un retour des pays de l’AES au sein de la CEDEAO. D’ailleurs, pour les militaires aux commandes de la Confédération AES, comme souligné pendant les prises de paroles et consigné dans le communiqué final, le retrait de la CEDEAO est « irrévocable et sans délai ».

« Par rapport à la CEDEAO, nos Chefs d’États ont été très clairs à Niamey en indiquant que le retrait des trois pays de la CEDEAO est irrévocable et qu’à partir de cet instant nous devons cesser de regarder dans le rétroviseur », a clamé lundi à la télévision nationale le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop.

Selon Boubacar Bocoum, analyste politique au Centre d’études stratégiques Sénè, la voie prise par les dirigeants des pays de l’AES est un chemin de non-retour, parce que, soutient-il, la CEDEAO a été arrogante envers ces trois pays et a montré son incapacité à aller vers un une intégration économique.

« Nous ne sommes pas isolés, ni sortis de l’esprit de fédéralisme et de solidarité entre les peuples prônés par les pères fondateurs de la CEDEAO. L’AES, au contraire, est l’embryon d’une nouvelle CEDEAO, propulseuse des États Unis d’Afrique », affirme-t-il.

Quelle cohabitation ?

Si les dirigeants de l’AES et de la CEDEAO sont loin d’un compromis pouvant permettre un maintien du Burkina Faso, du Mali et du Niger dans la communauté sous-régionale ouest africaine, ils sont conscients, d’un côté comme de l’autre, de la nécessité d’une cohabitation pacifique entre deux blocs partageant le même espace géographique.

« Nous restons ouverts à un travail avec nos voisins et d’autres organisations, avec lesquelles nous partageons cet espace et avec lesquelles nous sommes condamnés à vivre. Nous allons devoir maintenir les discussions avec les autres pour avancer », a déclaré le ministre Abdoulaye Diop. « Dans tous les cas, dans un processus d’intégration, il y a des gains et des pertes pour tout le monde. Mais nous devons travailler à en minimiser l’impact pour nos populations et c’est à cela que s’attèlent nos autorités », a assuré le Chef de la diplomatie malienne.

La Conférence des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, parallèlement à la mission de facilitation assignée au Président Diomaye Faye, qui sera épaulé par le Président Faure Gnassingbé, se prépare aussi au changement de nature des relations de l’institution avec les pays membres de la Confédération AES après l’effectivité de leur retrait, en janvier 2025. Ainsi, les dirigeants ouest-africains ont demandé à la Commission d’élaborer un plan d’urgence prospectif à leur intention pour « faire face à toutes les éventualités dans les relations avec les pays de l’AES », en tenant compte des exigences de l’article 91 du Traité révisé de la CEDEAO de 1993.

Parmi les conséquences du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO, le Président de la Commission de la CEDEAO, Omar  Alieu Touray, avait  évoqué, lors de l’ouverture du sommet d’Abuja du 7 juillet, l’éventualité pour les ressortissants des trois pays de devoir mener des démarches en vue de l’obtention d’un visa avant de voyager dans la sous-région et la fin pour eux du bénéfice des facilités de la CEDEAO pour résider ou créer librement des entreprises dans les différents pays où ils seraient alors soumis à diverses lois nationales.

Pour l’analyste Ousmane Bamba, modérateur du « Forum du Kenoudougou », de telles mesures, si elles venaient à être prises par les pays de la CEDEAO, vont entraîner de facto le principe de réciprocité du côté des pays de la Confédération AES.

« On peut divorcer en sauvant les meubles. Nous avons intérêt à nous entendre », glisse-t-il, prenant l’exemple sur l’importance de l’espace aérien de l’AES pour les vols de la sous-région vers l’Europe, dont l’imposition d’un contournement entraînerait un véritable renchérissement des billets d’avion.

Le sociologue Bréhima Ely Dicko souligne pour sa part la nécessité d’aller vers des accords en termes de relecture du protocole de libre circulation des personnes et des biens de la CEDEAO, 84% des Maliens vivant à l’étranger étant installés dans les pays de la CEDEAO. « Si nous sortons de la CEDEAO, il faut aller vers des accords avec les pays membres pour que nos populations qui résident dans ces pays ne soient pas victimes des mesures que la CEDEAO pourrait être amenée à prendre », alerte-t-il.

CEDEAO : quelles chances pour un retour des pays de l’AES ?

Les appels du pied et les initiatives pour ramener le Burkina Faso, le Mali et le Niger dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se multiplient depuis un moment. Alors que les trois pays, qui ont annoncé leur départ du bloc sous-régional fin janvier, sont pleinement tournés vers la création de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel, un retour dans la CEDEAO est-il envisageable ?

La CEDEAO est visiblement décidée à tout mettre en œuvre pour ne pas laisser s’en aller le Burkina Faso, le Mali et le Niger de la communauté sous-régionale. D’ailleurs, dès l’annonce du retrait des trois pays, le 29 janvier 2024, l’institution ouest africaine a affiché son intention de privilégier le dialogue avec les pays concernés pour parvenir à un compromis.

À l’issue de la deuxième Session extraordinaire du Parlement de la CEDEAO de l’année 2024, tenue du 20 au 25 mai dernier à Kano, au Nigéria, il a été décidé  de la création d’une Commission ad hoc de facilitation, de médiation et de réconciliation pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Objectif, « trouver des compromis entre les États membres désireux de quitter la CEDEAO et les instances dirigeantes de la Communauté ».

« Je ne pense pas que cette commission pourra faire des miracles parce que tant que les questions sécuritaires ne seront pas réglés, les militaires au pouvoir dans ces 3 pays n’organiseront pas les  élections. Si la CEDEAO est capable de laisser tomber toutes ses exigences, il y a peut-être une chance que ces pays reviennent », estime un analyste.

Plus tôt, le 16 mai, lors de la visite du Président Bassirou Diomaye Faye au Nigéria, le Président nigérian Bola Ahmed Tinubu, par ailleurs Président en exercice de la CEDEAO, avait invité son homologue sénégalais à « collaborer et à rencontrer les autres frères (le Mali, le Burkina Faso et le Niger) pour les persuader de revenir au bercail ». Ce dernier vient d’ailleurs d’effectuer le 30 mai une visite de travail au Mali et au Burkina Faso. A Bamako, le chef de l’Etat Sénégalais a assuré qu’il n’était pas là en tant que médiateur de la CEDEAO avant d’ajouter : « Je ne désespère pas de voir la CEDEAO repartir sur de nouvelles bases qui nous évite la situation que nous traversons aujourd’hui. Tant que nous sommes dans cet élan, je considère qu’il nous faut travailler au sein de la CEDEAO avec les différentes parties prenantes pour voir comment réconcilier les positions ». Il a également fait que ce n’était pas à l’ordre du jour pour le Sénégal de rejoindre l’AES.

Le 30 avril, réuni à Abidjan, le Conseil des sages de la CEDEAO, présidé par l’ancien Président nigérian et ancien médiateur de la CEDEAO au Mali Goodluck Jonathan, avait également exprimé des inquiétudes et invité les trois pays membres de l’AES à « reconsidérer leur position dans l’intérêt de l’unité de la Communauté ».

Un retour difficile 

Malgré la volonté affichée des dirigeants de la CEDEAO de faire revenir le Burkina Faso, le Mali et le Niger dans le bloc régional, la tâche s’annonce compliquée, d’autant plus que les trois pays semblent bien engagés dans une dynamique de non retour.

« Notre itinéraire est un chemin de non retour. Les chaînes que nous sommes en train de briser, c’est pour toujours. C’est fini, plus de CEDEAO », avait d’ailleurs martelé le Président de la transition du Burkina Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, le 31 janvier dans un entretien accordé au journaliste Alain Foka.

Pour Boubacar Bocoum, analyste politique et en économie de guerre au Centre d’études stratégiques Sènè, la décision de l’AES est une décision « mûrement réfléchie et responsable » et il est  hors de question de retourner dans le giron de la CEDEAO.

« Ce serait totalement illogique, parce que ce qui est reproché à la CEDEAO n’a pas changé, rien n’a évolué. Je ne vois donc pas comment les pays de l’AES décideraient aujourd’hui d’arrêter leur projet de confédération pour retourner au sein de la CEDEAO », clame-t-il.

Pour lui, par ailleurs, c’est à la CEDEAO de se reconvertir vers l’Alliance des États du Sahel et non le contraire. « Les États de la CEDEAO qui souhaiteraient une union monétaire et une cohésion des États en Afrique de l’Ouest doivent muter vers une nouvelle dynamique fédérative qui prenne en compte les intérêts des communautés », soutient M. Bocoum.

Naira, Cédi, Franc guinéen : Des fortunes diverses

Le Naira a atteint un niveau historiquement bas ce 20 février 2024. Il fallait 1 712 unités pour un dollar sur le marché officiel. Même si les autorités de la banque centrale assurent que les devises en monnaie étrangère s’améliorent, le Nigeria est confronté à une pénurie de dollars qui pousse sa monnaie locale à la baisse. De la même manière, d’autres pays d’Afrique de l’Ouest qui disposent de leur propre monnaie ont également été confrontés à une crise.

La crise d’argent liquide a coûté à l’économie nigériane un montant estimé à 20 000 milliards de nairas, en raison de la paralysie des activités commerciales, de l’étouffement de l’économie informelle et de la contraction du secteur agricole, a déclaré l’organisation pour la promotion des entreprises privées du pays. Elle a aussi estimé que la situation avait réduit le nombre de travailleurs et d’entreprises dans un pays où 63% de la population est pauvre et 33% est au chômage.

La plus grande économie du continent fait face à une inflation record, 29,9% en janvier, jamais connue depuis 1996. La population, confrontée à la hausse du prix du gaz suite à l’arrêt des subventions, manifeste son mécontentement. Le Nigeria, dépendant des importations pour satisfaire ses besoins, est vulnérable aux chocs externes.

Premier producteur africain d’or, le Ghana est également confronté à une grave crise économique. Sa monnaie, le Cedi, a perdu environ 81% de sa valeur fin 2022. Une baisse significative qui la classe au 4ème rang des 20 monnaies africaines les moins performantes, après la Sierra Leone (6èmeet le Nigeria (12ème). Selon la Banque mondiale, le pays est devenu le 8ème pays plus endetté du continent, avec une dette publique estimée à 90,7% du PIB fin 2022. Le Ghana, talonné par l’Angola au classement des monnaies les moins performantes, traverse une grave crise malgré sa richesse en matières premières. La faute à une mauvaise gouvernance et à peu de diversification, surtout pour l’Angola.

Dans ses perspectives économiques d’octobre 2023, la Banque africaine de développement note que la croissance, estimée à 4,4% en 2022, contenue d’être soutenue par la production minière et la résilience en Guinée. L’inflation a baissé à 12,2%, contre 12,6% en 2021. « Importée (elle) est partiellement compensée par l’appréciation du Franc Guinéen ». La croissance du PIB devrait atteindre 5,6% en 2024 grâce à la production minière et la disponibilité en énergie. L’inflation est prévue à la baisse à 9,9% en 2024.

Mais le faible regain d’activités dans les branches non extractives, les effets de la crise russo-ukrainienne et la faible mobilisation des ressources internes (12,6% du PIB en 2022), contre 20% dans la Zone CEDEAO, et les tensions sociopolitiques, continueront d’être des risques pour une croissance durable.