Condé touché par le syndrome de l’opposant historique ?

Pour de nombreux observateurs, le pouvoir a changé en Guinée, sans rien changer. Avec, entre autres, la détérioration continue du niveau de vie, les dérives autoritaires, les problèmes d’électricité, de route… Les inquiétudes de la société civile… Selon la Société civile guinéenne, tout se passe comme si le président Alpha Condé avait oublié ses promesses électorales. Ces derniers évoquent et regrettent les « dérives autoritaires » du président guinéen «alors que le dialogue piétine avec l’opposition ». Ce sont surtout les évènements des trois derniers mois qui inquiètent. Ils se sont traduits, entre autre, par la répression contre les militants de l’UFDG qui s’était soldée par la mort d’un jeune militant, la descente de certains agents des forces de l’ordre dans des rédactions des médias privés, la suspension de certains journalistes du service public…« De nombreuses décisions prises par le nouveau pouvoir constituent des obstacles à  la mise en place d’un à‰tat de droit », juge le secrétaire exécutif de ce regroupement d’ONG et d’associations. Mais la société civile consent tout de même à  pointer certains progrès, notamment en matière de lutte contre la corruption et les détournements de fonds. Alors que, pour Sidya Touré, le comité d’audit pour lutter contre l’impunité et la corruption mis en place par Alpha Condé, est mort-né. Car, dit-il, même des proches collaborateurs du général Lansana Conté entoureraient désormais le président Condé. « Il regroupe désormais autour de lui, la quasi-totalité des cadres que le peuple juge comme étant des principaux responsables du marasme économique dont souffre la Guinée d’aujourd’hui ». …Et de la classe politique Sur le plan politique, à  quelques encablures des législatives programmées pour fin novembre, les autorités veulent lancer un nouveau recensement de la population. Cette décision, selon Alpha Condé, se justifie par le fait que beaucoup de gens ne se sont pas fait recenser à  cause de l’impôt de capitation. « Beaucoup de paysans ont refusé parce que lorsque vous recensez 8 personnes, vous payez 8 fois l’impôt. J’ai commencé par supprimer cet impôt. Deuxièmement, il y a eu beaucoup de double recensement, des enfants de 14 ans qui ont voté etC’… Et ensuite, l’étape alphanumérique n’a pas pu être utilisée. Aujourd’hui, nous faisons exactement ce qui a été fait au Congo-Kinshasa, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, C’’est-à -dire que nous allons donner la carte d’électeur en même temps que la carte d’identité. Mais je ne vois pas en quoi recenser la population peut-être gênant ? On ne va pas aller chercher des Guinéens sur la planète Mars, donc il s’agit de donner la chance aux paysans qui n’avaient pas pu être recensés ». Pour Cellou Dalein Diallo le bilan du président Alpha Condé est plutôt décevant. « On ne va pas lui demander de régler les questions d’électricité en six mois, mais on peut apprécier les actes qu’il a posés. Nous avons d’abord constaté la violation fréquente de la Constitution et des lois de la République. Il a dissous les conseils communaux dont les maires n’ont pas voulu lui apporter le soutien pendant la campagne du deuxième tour et il a installé en place des délégations spéciales composées de gens à  sa dévotion. C’’est une violation flagrante de la loi et C’’est pour permettre naturellement d’organiser la fraude électorale dont il aura besoin pour se donner une majorité au Parlement… » Des bons points cependant Il faut toutefois signaler que sur le plan économique, le régime a réussi à  stabiliser l’inflation. « Je savais déjà  à  peu près que la situation était très difficile, mais je ne me rendais pas compte de l’ampleur réellement de l’état parce que lorsque J’ai pris mon poste, la Banque centrale était en quasi-faillite et n’avait même pas quinze jours d’importation. Nous avons trouvé vraiment une situation financière beaucoup plus catastrophique que nous le pensions. Je ne savais pas que le mal était si profond » a récemment déclaré le président guinéen. Au-delà  des reformes financières, Alpha Condé s’est attaqué à  celles du code minier. Ce qui l’a amené à  négocier avec Rio Tinto avec lequel il a obtenu le paiement de 700 millions de dollars de pénalité. « Nous négocierons avec les autres sociétés », a-t-il promis. « Je ne dis pas que Conakry aura le courant 24 heures sur 24, mais au moins 18 heures sur 24. Pour avoir du courant 24 heures sur 24 à  Conakry, il faut 300 mégawatts. D’ici la fin de l’année, nous aurons au moins 250 mégawatts. Et ensuite, d’ici quatre ans, nous allons passer à  l’énergie hydraulique par les barrages » déclarait Condé…Pour les conakrykas, toutes ces paroles ne sont que du vent, leurs problèmes l’eau et l’électricité sont loin d’être résolus.

Alpha Condé, l’opposant de toujours à tous les régimes en Guinée

Svelte, boitant légèrement, vêtu le plus souvent d’une chemise saharienne, Alpha Condé, qui défend des valeurs de gauche, communique peu avec la presse, mais a le sens de la formule et sait enthousiasmer son auditoire. Mais s’ils reconnaissent son charisme et son intelligence, certains de ses proches et tous ses adversaires le décrivent comme un homme autoritaire et impulsif, qui écoute peu, agit le plus souvent seul. Ses électeurs le considèrent comme « un homme neuf » qui n’a jamais eu l’occasion de « participer au pillage du pays ». « C’est un homme qui a quand même affronté tous les régimes, de Sékou Touré à  Lansana Conté », reconnaissait à  Conakry un électeur de son adversaire, Cellou Dalein Diallo, tout en lui reprochant d’avoir « joué avec le feu » des arguments ethniques, durant la campagne, quand il fustigeait la « mafia peule ». Né le 4 mars 1938 à  Boké, en Basse-Guinée, Alpha Condé est issu de l’ethnie malinké, majoritairement installée en Haute-Guinée (est). Il part en France dès l’âge de 15 ans pour y poursuivre ses études et y obtient des diplômes en économie, droit et sociologie. Il va ensuite enseigner à  la prestigieuse université parisienne de la Sorbonne. Parallèlement, il dirige dans les années 60 la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et anime des mouvements d’opposition au régime dictatorial d’Ahmed Sékou Touré, « père de l’indépendance » de la Guinée, ex-colonie française qui a acquis sa souveraineté en 1958. Sékou Touré condamne Alpha Condé à  mort par contumace en 1970. Pendant son exil d’une trentaine d’années, l’opposant se lie d’amitié avec plusieurs personnalités, dont le ministre français sortant des Affaires étrangères Bernard Kouchner. Il rentre au pays en 1991, sept ans après la mort de Sékou Touré. Au dictateur a succédé un caporal autoritaire, Lansana Conté qui a dû accepter une timide démocratisation permettant à  Condé de se présenter à  la présidentielle en 1993, puis en 1998. Ces scrutins ne sont ni libres ni transparents mais Alpha Condé est officiellement crédité de 27% et 18% des voix. Le fondateur du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) fait peur à  Lansana Conté qui le fait arrêter juste après la présidentielle de 1998, avant même la proclamation des résultats. Il est condamné en 2000 à  cinq ans de prison pour « atteintes à  l’autorité de l’Etat et à  l’intégrité du territoire national ». Il purgera en partie sa peine: sous la pression internationale, il est « gracié » en 2001. A sa sortie de prison, il assure que son « modèle » est Nelson Mandela, ancien prisonnier devenu en 1994 le premier président noir d’Afrique du Sud. « Il faut faire comme lui, pardonner mais ne pas oublier », dit-il alors. En 2003, il boycotte la présidentielle, comme les autres candidats des grands partis d’opposition. Après la mort de Conté et la prise du pouvoir par une junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara, fin 2008, Alpha Condé réclame des élections et reste dans l’opposition. Il est en visite à  New York quand l’armée réprime dans le sang un rassemblement de l’opposition à  Conakry, le 28 septembre 2008, tuant 157 civils. Condé est alors l’un des premiers opposants à  fustiger le « pouvoir criminel » et à  dénoncer la responsabilité du chef de la junte dans le massacre. Il a été marié trois fois et est père d’un garçon.

Guinée : Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé sont au 2è tour de la présidentielle

Initialement prévus pour le 30 juin dernier, les résultats du premier tour de l’élection présidentielle guinéenne ne sont tombés que ce vendredi 2 juillet 2010 sous les coups de 23h heure locale alors que les guinéens étaient scotchés à  leurs transistors. Les résultats ont été retransmis en direct sur la télévision guinéenne (RTG). Le président de la commission électorale nationale indépendante (CENI), Ben Sékou Sylla proclame l’ex-premier ministre Cellou Dalein Diallo en tête des suffrages. Le président de l’union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) a recueilli 39,72% des voix, contre 20,67% pour son principal challenger Alpha Condé. Le président du rassemblement du peuple de Guinée (RPG) Alpha Condé devra impérativement nouer des alliances avec certains des 22 partis recalé pour espérer rattraper son adversaire au deuxième tour. Idem pour l’UFDG s’il veut conserver son avance sur le camp adverse. Ces résultats qui sont bien entendu provisoires, seront confirmés par la cour constitutionnelle les jours suivants. Le poids de l’ethnicité Au cours de cette présidentielle du 27 juin, le problème ethnique a beaucoup pesé dans les votes des électeurs. La Guinée est le pays ouest africain o๠les problèmes ethniques interfèrent énormément dans la sphère politique. Ainsi Cellou Dalein Diallo a bénéficié d’un vote massif des peulhs et inversement, Alpha Condé a été largement soutenu par les malinkés du pays. Cependant, les électeurs ne se sont pas uniquement basés sur le critère ethnique. En effet, quatre principaux partis du pays ont su convaincre les électeurs qui sont sortis massivement ce fameux dimanche 27 juin 2010. Une date unique qui restera à  jamais gravée dans les annales du pays parce qu’étant le 1er scrutin libre depuis 1958. Ainsi sur 24 candidats en lice, seuls 4 ont réussis à  dépasser les 5% des suffrages exprimés. Cela démontre à  quel point les favoris étaient présents. En ce qui concerne le parti du président défunt Lansana Conté, il a été quasi inexistant dans ce scrutin auquel il a présenté un candidat. Opération séduction des candidats recalés A la proclamation des résultats ce vendredi soir, la joie était perceptible dans les deux camps. Cependant, elle l’était plus dans celui de l’UFDG en tête avec plus de 20 points d’avance. C’’était la fête au domicile de Cellou Dalein Diallo o๠les femmes chantaient et dansaient. Face aux journalistes ayant envahi son domicile, l’homme présentait un visage assez satisfait et sourire aux lèvres malgré, le fait qu’il s’attendait à  un peu plus de voix. Il avait effectivement dès le lendemain du vote, dénoncé des cas de fraudes. Il a ainsi lancé un appel de rassemblement aux autres partis politiques, en prélude au second tour qui s’annonce dans un peu plus de deux semaines. Alpha Condé quant à  lui, n’a pas voulu s’exprimer sur les résultats, probablement dessus et insatisfait. Cependant, un de ses portes parole a indiqué qu’ils sont heureux d’être au second tour et feront le nécessaire pour compenser l’écart avec le principale adversaire. Le second tour du scrutin est prévu pour le dimanche 18 juillet prochain.

Présidentielle Guinée : Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé au second tour, selon les résultats provisoires

La Commission électorale a annoncé, vendredi 2 juillet vers 22h45, les résultats provisoires de l’élection présidentielle du 27 juin dernier. Cellou Dalein Diallo arrive en tête avec 39, 72 % des suffrages et sera donc présent au deuxième tour de l’élection, prévu le 18 juillet. Il devrait alors affronter Alpha Condé, l’opposant historique à  la dictature de Lansana Conté, qui a récolté 20,67 % des voix. Sidya Touré, quant à  lui, porte la casquette du troisième homme avec 15,60 % des voix. La participation, très haute, s’élève à  77 %. Une heureuse surprise, alors que la préparation du scrutin accusait encore du retard quelques jours avant le jour fatidique et que l’accès aux bureaux de vote n’était pas toujours évident. Certains électeurs ont dû ainsi parcourir plus de trente km – parfois à  pied ou en vélo – pour accomplir leur devoir civique. Les deux finalistes ont des profils très différents. Cellou Dalein Diallo, 58 ans et père de trois enfants, a été pendant onze ans ministre de Conté et même son Premier ministre (2004 à  2006), avant d’être débarqué pour « faute lourde ». Son origine peule – la plus forte composante ethnique d’un pays o๠le vote est très identitaire – est un atout de taille. Il est très populaire en Moyenne-Guinée et dans les banlieues de Conakry. Quant à  Alpha Condé, 72 ans, qui est d’origine malinké et père d’un enfant, son fief est situé en Haute-Guinée, o๠il est souvent vu en martyr pour avoir été persécuté par le régime de Lansana Conté. Election historique Un peu plus de 3,3 millions de votants se sont pressés aux urnes dimanche 27 juin pour élire leur nouveau président . Le vote s’est déroulé dans le calme, sans incident et sous la surveillance de plus de 500 observateurs internationaux. Mais des affrontements à  Forécariah en Basse Guinée, qui ont fait quatre morts, font craindre d’autres dérapages. Après le scrutin, vingt des vingt-quatre candidats en lice ont vivement dénoncé des fraudes. Edem Kodjo, le chef de la mission d’observation de l’Union africaine, a dû les rappeler au calme, dans les colonnes de jeuneafrique.com. Après des mois d’instabilité, le général Sékouba Konaté, président de la Guinée par intérim, avait imposé la tenue d’un scrutin dans les plus brefs délais, afin d’e mettre fin à  la période de transition. Cette élection est donc historique puisque c’est la première démocratique d’un pays o๠les dictatures se sont succédées depuis la proclamation de l’Indépendance en 1958. Depuis cette date, l’ex-colonie française a connu la « présidence à  vie » d’Ahmed Sékou Touré pendant 26 ans (1958-1984), les 24 années de règne du militaire Lansana Conté (1984-2008), puis une année de gestion catastrophique du pays par une junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara. Victime d’une tentative d’assassinat le 3 décembre dernier – après le massacre de dizaines d’opposants le 28 septembre 2009 au stade de Conakry – celui-ci avait été contraint de s’exiler du pays, puis de se retier de la vie politique, presque un an jour pour jour après avoir pris le pouvoir au lendemain de la mort de Lansana Conté.

Sékouba Konaté : « Cette élection est une victoire collective »

Dimanche, après avoir accordé son « devoir de citoyen », le général Sékouba Konaté est resté une partie de l’après-midi devant son écran de télévision, dans sa résidence privée de Taouyah, en compagnie de quelques proches. Alors que des milliers de Guinéens faisaient encore la queue devant les centres de vote (plus de 8 000 à  travers le pays), il zappait entre les chaà®nes d’information. Attentif à  tous les commentaires des journalistes, des candidats et surtout des populations, C’’est à  peine s’il se laissait distraire par les apparitions de soldats enthousiastes venus le remercier de leur avoir permis de voter en exhibant un index taché d’encre noire indélébile, preuve de leur devoir accompli. « Général, tout ça, C’’est grâce à  vous. Vous resterez dans l’histoire ! » « Vous avez tenu parole : nous sommes fiers et heureux d’avoir voté aujourd’hui. » Bénédictions et compliments fusent. Le « Tigre » (surnom provenant de son ardeur au combat) est plutôt détendu. Lui-même a voté, à  midi, au palais Sékoutoureya, en même temps que plusieurs autres officiers. Jeuneafrique.com : Ce 27 juin, comme beaucoup de vos compatriotes, vous avez voté. Que représente ce geste pour vous ? Sékouba Konaté : Ce geste est celui d’un citoyen et d’un patriote. Je n’avais jamais voté auparavant. C’’est une élection libre. C’’était donc important que je vote. Les militaires se sont massivement rendus aux urnes. Comment expliquez-vous leur engouement ? Ils ont compris le sens de la démocratie. C’’est aussi une garantie de leur engagement à  respecter les futures institutions. Ils savent que la Guinée doit passer à  autre chose. Les résultats tomberont dans les prochains jours. Quel comportement attendez-vous des populations et des candidats ? Je leur demande de respecter le verdit des urnes et de veiller à  préserver la paix dans notre pays qui a déjà  connu trop de martyrs. Lors de la rencontre du 26 juin avec les 24 candidats à  la présidentielle, vous avez dit que vous ne vouliez pas de guerre fratricide. Ce risque est-il réel ? Les leaders se sont battus pour la démocratie. Nous sommes tous des Guinéens. Nous sommes ensemble. La paix est essentielle. Lorsque vous vous êtes engagé, le 15 janvier 2010 à  Ouagadougou, à  organiser des élections, beaucoup n’y ont pas cru. Vous venez donc de remporter une victoire… à€ Ouagadougou, je considère qu’on m’a confié une mission, mais C’’est la Ceni (Commission nationale électorale indépendante) qui a proposé la date et organisé ces élections. Moi, je n’ai fait que suivre. C’’est donc une victoire pour la Ceni, pour le gouvernement de transition, et pour moi-même. C’’est une victoire collective. Vous n’en tirez aucune gloire personnelle ? Je suis fier, mais je suis quelqu’un de modeste. C’’est mon éducation. Et je suis musulman croyant et pratiquant. C’’est ce que ma religion m’enseigne. En plus, quand on ne fait pas ce qu’on dit, Dieu n’aime pas ça. Mais vous avez quand même un sentiment de devoir accompli ? C’’est comme au combat. Quand je suis à  trente kilomètres d’une position et qu’on me donne pour mission de me diriger vers cette position, quand J’y arrive, C’’est que J’ai réussi. C’’est la même chose. J’ai agi en soldat. Que ferez-vous après l’investiture du nouveau président ? l’homme propose, Dieu dispose.

Fort engouement en Guinée pour l’élection présidentielle

En Guinée plus de 4,2 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour élire leur président. Les bureaux de vote ont ouvert aux alentours de 7h00 en heure locale ce dimanche 27 juin 2010 et depuis ils ne désemplissent pas malgré quelques problèmes techniques. La première chose notable est l’incroyable engouement des électeurs guinéens pour ce scrutin. Devant les bureaux de vote il y a des files d’attente très importantes – parfois sur 40 ou 50 mètres – et on devrait, selon toute vraisemblance, battre tous les records de participation, pour ce premier scrutin libre et réputé transparent. La deuxième chose frappante C’’est la multiplication des problèmes techniques. Dans beaucoup de bureaux de vote, il manque, soit de l’encre indélébile, soit des enveloppes, soit des procès verbaux. Les délégués de la commission électorale indépendante ou des commissions locales font le tour des bureaux pour tenter de régler ces questions. Alors tout cela a provoqué, bien sûr, des petits retards au démarrage, mais dans l’ensemble les opérations ont bien débuté à  Conakry. Par ailleurs, il y a un autre problème plus complexe : C’’est celui des 450 000 électeurs qui votent sans carte d’électeur, mais avec un récépissé d’enregistrement obtenu lorsqu’ils se font enrôler. Ces récépissés ne comportant pas de numéro de bureau de vote et les électeurs ne savent pas trop o๠aller. Théoriquement, ils devraient voter là  o๠ils ont été enregistrés, mais les présidents des bureaux de vote les refoulent très souvent parce qu’ils ne savent pas trop quoi faire, malgré les instructions de la commission électorale. Il y a encore donc beaucoup de problèmes à  ce niveau et un peu d’excitation dans certains bureaux de vote. On attend des instructions très précises de la commission électorale indépendante pour régler tous ces problèmes ; mais dans l’ensemble, il y a un réel engouement et, selon toute vraisemblance, on devrait enregistrer un très fort taux de participation. Conakry est restée calme. Les habitants vaquent à  leurs occupations qui se résument essentiellement, ce jour, à  s’acquitter des devoirs civiques : voter. Les citoyens ont bien conscience qu’ils vivent un moment important de leur nation, traumatisés qu’ils sont encore par la répression violente de la manifestation du 28 septembre 2009. En attendant les résultats, ce 27 juin 2010 est déjà  pour le commun des Guinéens une date historique.

Guinée Conakry : fallait-il hâter les élections ?

La junte au pouvoir en Guinée Conakry a confirmé la tenue des présidentielles le 27 juin 2010. La campagne électorale a été lancée le lundi 17 mai, la liste des candidats retenus a été rendue publique pourtant, les avis sur la tenue de l’élection au 27 juin restent partagés. Faut-il organiser la présidentielle le plus vite possible même si toutes les conditions ne sont pas encore réunies ou faut-il attendre ? Pour les défenseurs de la tenue de la présidentielle le 27 juin, il n’est plus question d’attendre longtemps, il faut vite aller aux élections car le peuple veut tourner la page de quarante ans de dictature de Lansana Conté, il veut élire ses dirigeants et a soif de la démocratie. Certains pensent même qu’il faut vite les organiser pour éviter que les militaires actuellement au pouvoir s’y éternisent, ils estiment qu’il faut aller aux élections parce que la situation socio-économique du pays est catastrophique. Les investisseurs étrangers hésitent à  investir à  cause de l’instabilité politique, les bailleurs de fonds également, ils pensent que seul un gouvernement élu démocratiquement peut garantir leurs investissements. De même, le pays a besoin de l’aide au développement qui est présentement suspendue. La Guinée a également besoin d’une reconnaissance internationale et veut effacer l’image de pays instable. Mais l’enjeu est-il de vite faire partir les militaires et d’obtenir de la communauté internationale une certaine reconnaissance ? Cela aiderait dans une certaine mesure. Il faut reconnaà®tre que les temps ont changé, les militaires aujourd’hui ne peuvent plus se permettre tout. Cependant, qu’en est-il sur le terrain ? Il semble que la constitution a été révisée, la junte au pouvoir l’a promulguée par décret au lieu du référendum constitutionnel, le recensement a été effectué, la Commission électorale nationale indépendante, mise en place. En apparence, tout est prêt pour aller aux élections à  la date indiquée. Mais, cela suffit-il? Des voix continuent à  dire que les conditions ne sont pas encore réunies. Certains ont en effet, critiqué le fait que le peuple n’ait pas été consulté pour l’adoption de la constitution révisée et voient en cet acte un mauvais départ pour la démocratie. D’autres dénoncent le fait que la campagne électorale a été lancée une semaine avant la date fixée par la loi électorale et avant la publication de la liste définitive des candidats retenus. D’autres encore dénoncent l’enclavement des régions comme un élément à  prendre en compte. Car, beaucoup des régions sont défavorisées du point de vue notamment du recensement des électeurs, la révision des listes électorales, l’établissement et la distribution des cartes et bulletins d’électeurs, l’acheminement du matériel électoral et même le déploiement de toute la logistique liée à  l’élection. Au fond, la vraie question qu’on peut se poser est celle de savoir si les Guinéens qui ont vécu quarante ans durant dans un système politique monopartite et dictatorial, sont préparés à  s’accommoder à  la nouvelle donne ? Les Guinéens doivent prendre la mesure de l’événement pour éviter de tomber dans des violences post-électorales. Des exemples comme celui du Congo Brazzaville devaient attirer leur attention. En effet, le Congo Brazzaville, voulant vite se débarrasser du président en place à  l’époque, avait précipité les choses. Le recensement électoral était réalisé avec la plus grande vitesse, les listes électorales publiées mais avec beaucoup de noms d’électeurs absents dans celles-ci, une commission électorale dite indépendante, et pourtant les revendications sur sa neutralité n’ont pas manqué. A cause de l’enclavement des régions, certains matériels électoraux n’ont pas pu être acheminés à  temps et beaucoup d’électeurs n’ont pas été recensés, la loi électorale votée n’a pas été respectée par les différentes parties. Pourtant, on ne cessait de dire que les conditions étaient réunies pour aller aux élections. Aujourd’hui en Guinée, la question de la sécurité se pose encore. Tout le monde se rappelle des fusillades de septembre 2009 au stade de Conakry au cours d’un meeting de l’opposition par les militaires. Cette question est-elle réglée et prise en compte dans le processus électoral qui débute le 27 juin prochain ? Depuis le mois d’avril 2010, des pays comme le Canada appellent les principaux candidats à  cette élection au respect du verdict des urnes : est-ce prémonitoire de ce qui risque d’arriver ? Il est important de régler toutes ces questions car, de leur non prise en compte naissent les contestations et au-delà  les conflits. La communauté internationale devrait inciter la junte au pouvoir à  réunir toutes les conditions afin d’éviter au peuple des conflits fratricides au lendemain de cette élection. Angus Lembikissa, Institut national du patrimoine culturel de Paris Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org