Taximan : travail précaire et peu rémunérateur

Ces transporteurs, qui circulent dans toute la ville pendant de longues heures quotidiennement, connaissent énormément de difficultés dans l’exercice de leur profession.

À Bamako, Youssouf, taximan, confie que « le métier n’est plus aussi rentable qu’avant. Il y a de plus en plus de taximans ». Une hausse qui s’explique, car « il y a trop de chômage », nous confie Adama, chauffeur depuis 10 ans. En dépit de leurs longues heures de conduite à sillonner la capitale, la recette est bien maigre. Pour une majorité de chauffeurs, leur outil de travail ne leur appartient pas, ce qui explique que l’intégralité de la recette journalière ne leur revienne pas. « Quand tu n’es pas le propriétaire du véhicule, tu dois reverser une partie de ton argent à celui-ci », explique Youssouf. Une somme convenue (10 000 francs) entre le chauffeur et le détenteur du taxi, qui fait l’objet d’un accord tacite. Sur les 25 000 voire 30 000 francs CFA récoltés en fin de journée, dans le meilleur des cas, « il faut retirer de 12 500 à 13 000 francs CFA pour le carburant », explique Adama, en plus de la recette destinée au propriétaire. À la fin de la journée, « je ne perçois que 1500 francs. Cela couvre juste mon prix du condiments », déplore Mamoutou, un chauffeur qui approche de la retraite.

Devenir taximan demande un certain investissement. Compter 800 voire 900 000 francs CFA pour acquérir un véhicule au Mali. « Acheter une voiture depuis l’Europe n’est pas rentable. Tu dois payer les taxes pour les affaires économiques et le dédouanement, en plus d’autres frais », souligne Mamoutou. Outre l’achat du véhicule, « il y a l’assurance, la carte de stationnement et de transport et les pièces à remplacer », déclare Adama. Sans oublier que le métier contraint les chauffeurs à être en contact permanent avec la pollution. « Nous ne sommes pas affiliés à l’INPS. Comme nous n’avons pas assez d’argent, nous faisons souvent recours aux pharmacies par terre, parce que nous n’avons pas les moyens de payer une ordonnance de 7 500 francs », dit Mamoutou, d’un ton amer.

La corporation est structurée en syndicats qui regroupent différents comités. « Le syndicat est une couverture. En cas d’accident, le syndicat intervient s’il y a un procès. Tous les mois nous versons à notre caisse une somme qui permet de secourir le conducteur en cas de litige », explique Mamoutou.

Alou Doumbia, le bouc émissaire ?

L’histoire pourrait s’arrêter là , mais ses proches, ses amis et collègues, dépeignent un jeune homme aux antipodes de l’islamiste affiché par les médias. à€ Magnanbougou, dans la maison familiale d’Alou Doumbia, on oscille entre tristesse, colère et incompréhension. Le père, la cinquantaine passée, les yeux rougis, n’en revient toujours pas. « Alou est un garçon simple et gentil. Il n’a jamais eu d’antécédents avec la police. Baladez-vous dans le quartier, poser des questions sur mon fils, tout le monde peut témoigner! ». Dans le voisinage, les gens ont été très surpris de voir la photo d’Alou dans les journaux, désigné comme le 2ème cerveau du massacre de Bassam. Au fil des personnes interrogées, l’homme décrit dans les journaux semble diamétralement opposé à  celui que la plupart connaissent. « Le « petit » ne faisait que son travail ». « C’est un chauffeur, il a l’habitude d’aller chercher des voitures que ce soit à  Dakar, Lomé ou Abidjan», expliquent des voisins. « Il s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Avec la pression qu’ils ont dû lui mettre, il a dû avouer que c’était lui », résume une connaissance de la famille. Le portrait que tous brossent est celui d’un jeune homme, immature, pas vraiment outillé pour être le bras droit du cerveau qui a planifié le massacre de Grand Bassam. Bamako-Abidjan Selon son entourage, c’est Kounta Dallah, le cerveau présumé des attentats, plus connu dans le quartier comme « Mimi », qui lui aurait demandé d’amener une Toyota 105 V8 sur Abidjan. La famille de « Mimi » vit dans une grande maison blanche à  100 mètres de celle des Doumbia. « Ce monsieur (Kounta Dallah) est un tamasheq. Le reste de la famille habite à  Gao. Il venait souvent à  Bamako quand son père n’était pas là . Ils sont intégrés dans le quartier et parlent à  tout le monde », explique le frère d’Alou. Man travaillait pour Kounta Dallah depuis 5 ou 6 ans. Dans les fréquents voyages que ce dernier faisait vers Gao, Kidal ou Tikret, Man était son chauffeur. Le 11 avril au matin, Man grimpe dans le 4/4 Toyota, seul, et prend la route pour Abidjan. « Il a pris la voiture mais ne l’a évidemment pas fouillée, il ne savait pas qu’il y avait des armes à  l’intérieur », ajoute son frère. Pour agrémenter la paie qui n’est pas fameuse, Man, comme c’est souvent le cas dans le métier, fait monter des personnes sur la route allant dans la même direction que lui. Aller et retour se déroule sans encombre. Il regagne, quelques jours plus tard, la capitale malienne et reprend sa vie comme si de rien n’était. « Il ne se cachait pas. Il était là  avec nous comme à  son habitude » décrit un ancien du parking. Quelques jours plus tard, la sauvagerie meurtrière des attentats de Grand Bassam plonge la Côte d’Ivoire dans l’effroi. L’ennemi public n°2? C’’est le samedi 16 avril, peu avant 19h30 que tout bascule. Le téléphone de Man sonne. Un ami le convie à  le rejoindre derrière le parking à  200 mètres pour prendre le thé. Le jeune homme rejoint son grin et y trouve ses amis dont l’un est commissaire de police. Ce dernier l’attire à  l’écart. Une voiture grise débouche alors en trombe et s’arrête à  leur niveau, des hommes armés en sortent et les embarquent. Son ami est immédiatement relâché. On ne le reverra plus dans le quartier. La nouvelle se propage rapidement, la bête médiatique s’emballe faisant voler en éclat cette mince notion qu’est la présomption d’innocence. Man, le « petit » n’est plus, les journaux titrent « le terroriste », « le n°2 », la « tête pensante des attentats ». Les jours passent, la tension retombe. Depuis son arrestation, aucune force de police n’était venue interroger la famille Doumbia, à  la date du 26 avril, ou ses collègues au parking, et la maison blanche des Dallah n’a pas été perquisitionnée. Interrogé à  ce sujet, le procureur général ne souhaite pas s’exprimer pour le moment au sujet de ce dossier sensible. Sur « Mimi », les rumeurs du quartier disent qu’il aurait fui, quelque part entre Kidal et la frontière algérienne. Aujourd’hui, la famille est sans nouvelles d’Alou, son lieu de détention étant tenu secret. Tous vivent dans l’angoisse du sort qui sera réservé à  celui à  qui l’on fait porter un costume qui semble bien trop grand…

Dernier stop pour « Bébé »

« Bébé » C’’était une célébrité. De Gao à  Koulikoro en passant par Djénné ou Bamako, tout le monde se souviendra d’elle comme de la seule femme chauffeur de taxi de l’histoire du Mali. Françoise Prévost a tiré sa révérence. C’’est au détour d’une conversation que J’apprends le « départ » de cette grande dame. Elle était la Tantie ou la Maman de tous ceux qui la côtoyaient assez longtemps pour la connaà®tre. «CONDUIRE, C’’est la liberté » et Françoise, 61 ans, n’en manquait pas. Dans un métier encore absolument masculin, à  bord de sa Peugeot 505 break diesel, huit places, elle a réussi, par son professionnalisme, à  montrer que rien n’est impossible si l’on veut et qu’on s’en donne les moyens. Les touristes (du temps o๠ils venaient), se l’arrachaient pour les conduire découvrir le pays dogon et les plus beaux sites du Mali. « Bébé », on la voyait au moins une fois par an à  la télé. Reportage en hommage aux femmes à  l’occasion du 8 mars tourné en 1998 et maintes fois passé tant l’image de cette belle dame au volant de sa voiture plait. Un véhicule offert par un couple d’amis français, avec lequel elle a bourlingué sur les routes pour balader les touristes. « C’’est une femme vraiment intéressante », témoigne Koumba, qui l’a rencontrée à  maintes reprises. Comme moi, elle est surprise d’apprendre le décès de celle qui était devenue une vraie star. Son titre de seule femme taxi du Mali, elle le défendait jalousement, même si elle déplore justement d’être la seule. « Les femmes doivent cesser d’être dominées, moi je conduis sûrement mieux que la plupart des hommes ! » disait-elle à  un reporter en 2004. De son défunt mari, elle a eu une fille, qui vit à  Koulikoro, sa ville natale, o๠Bébé est propriétaire d’un hôtel, une « occupation » qu’elle avait entre deux excursions. « Je travaille beaucoup, C’’est dans ma nature franco-malienne ». Son père militaire français était originaire de Longvic, en banlieue de Dijon. Mais elle n’a jamais vécu comme la métisse du coin qui a des problèmes d’identité. Elle est malienne, fière de l’être, toujours à  fédérer et à  pousser les gens à  aller de l’avant. Elle avait même envisagé se présenter à  des élections… Mais, à  peine la soixantaine passée, « bébé » a décidé de tirer sa révérence. La Tantie, la Maman s’en est allée, sans bruit. Pas eu le temps de la remercier, pour son leadership, son engagement, son amour du Mali, pour son métier. Françoise est partie vers d’autres horizons. Adieu Bébé, reposes en paix.

Après la mort par balles du « chauffeur » de Kita, on s’interroge sur les causes de cet acte ultime…

La mort d’un automobiliste aurait-elle pu être évitée, ainsi que l’escalade de violences qui a suivi, à  Kita, ce 15 juillet ? Les faits Situé à  165 km de la capitale, la ville de Kita, vit sous haute tension, après qu’un automobiliste, interpellé par un homme en uniforme pour un contrôle, ait été tué par balles. On se demande bien ce qui a pu motiver le militaire à  tirer. Dans quelle zone et quels étaient les enjeux géostratégiques de cet endroit, pour que le pire ait eu lieu. Selon un communiqué du ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, c’est au niveau du village de Kobri, dans le cercle de Kita, qu’une mission du service des impôts en contrôle des vignettes a interpellé le véhicule de transport public dont le conducteur a refusé de se soumettre à  l’injonction. Certains parlent de réglements de comptes et d’autres évoquent une bévue militaire. Toujours est-il qu’après l’incident, des manifestants en colère se sont mis à  saccager des maisons et des bâtiments appartenant aux services de sécurité, de même qu’un centre d’impôts. Pour l’heure, les sources convergent, vers la même version, celle d’une mort rapide et incomprise. Réactions ! L’indignation mêlé à  la stupeur… Pour beaucoup, il est aberrant qu’on ait tiré sur ce pauvre homme ! Khadija Fofana, journaliste TV, est indignée :  » Si le chauffeur, a qui on a demandé de s’arrêter, a refusé d’obéir, il n’était pas nécessaire de le tuer, mais simplement de chercher à  le dissuader ! Il y a quand même des étapes ! Est-ce que le militaire qui a tiré, respecte t-il son uniforme ? Pour d’ autres comme Youssouf T, commerçant, l’uniforme exige le respect. « Si un homme à  qui on a donné un ordre, refuse d’obtempérer, alors, le militaire est en droit de tirer ! Ce sont les codes de l’armée, ajoute Boubacar, enseignant ! C’est sans doute difficile à  comprendre pour le simple citoyen, qui voit là  un acte gratuit, mais on ne badine pas avec les militaires ! » En temps normal, une sentinelle, chargée de la sécurité d’une aire particulière, a l’ordre de tirer sur tout ce qui bouge. », rapporte Youssouf T. Pour autant, la mort de ce chauffeur a installé un climat de terreur à  Kita, une ville de l’ouest du Mali, réputée pour être calme ? Région agricole, Kita n’avait pas connu d’incidents majeurs depuis lors.  » Cet évènement est révélateur d’un malaise dans notre pays, tente d’expliquer, Sékou, commercial ! Celui du non respect des autorités. On vit dans un pays, o๠l’on a plus aucune considération pour l’uniforme ! Il est déplorable que cet homme ait été tué, mais quelque part, il a cherché cette mort, en n’obéissant pas aux ordres ». Depuis quelque temps, le Mali affronte la mort et la terreur au Nord avec les Salafistes du groupe AQMI( Al Qaeda au Maghreb Islamique) et les prises d’otage régulières. Il n’y a pas si longtemmps, un lieutenant colonel était assassiné à  son domicile. Et ce nouvel incident de Kita, si tant est qu’il n’ait aucun lien avec le terrorisme, plonge les maliens dans l’incrédulité et occasionne, un regain de violences inattendues de la part des citoyens. La mort de ce chauffeur étant alors un prétexte, pour réveiller les frustrations et déclencher cette agitation contre les symboles de l’autorité militaire ?