Société civile malienne : immobile et aphone

La société civile est ce secteur de la vie sociale regroupant des organisations ayant pour but de soutenir l’Etat, de mieux prendre en charge les domaines souvent laissés en friche par celui-ci. Elle se caractérise par sa pugnacité, son engagement et surtout son autosuffisance et son indépendance vis-à -vis de l’Etat pour mener à  bien ses entreprises. Or le triste constat est que la société civile, version malienne, est à  mille lieues de s’inscrire dans cette dynamique. Du moins dans une large mesure. Au contraire, elle s’est longtemps inféodée au pouvoir pour des raisons inavouées. Ces dernières années, certains leaders de la société civile au Mali se sont illustrés, mais de la mauvaise manière. Ces acteurs ont en effet développé des capacités de s’acoquiner au pouvoir en place en toute ignorance que cela compromet sérieusement leur lutte pour le bien-être des populations. Quoi de plus intriguant que de voir une personne se coiffer de la double casquette de leader d’une organisation de la société civile et de président ou vice-président d’une institution ou encore président du conseil d’administration d’un service public. C’’est à  dire être juge et partie. Un pari perdu d’avance ? En tout cas le résultat d’un tel mélange pour le moins hétérogène ne peut qu’être décevant. Les Maliens laissés pour compte! Devant la montée en flèche des prix des denrées de premières nécessité et autres mesures de l’Etat ayant des répercutions difficiles sur le commun des Maliens, les acteurs de la société civile ont, dans la plupart des cas, brillé par leur mutisme et leur apathie. Ce, à  telle enseigne que les Maliens se demandent s’ils sont bien là  pour la défense des intérêts des masses populaires. La récente augmentation de l’eau et l’électricité par la société Energie du Mali (EDM S.A) et la hausse des prix des transports en commun n’ont pas pu faire sortir les associations de défense des consommateurs de leur léthargie. Face à  la déliquescence de l’éducation au Mali, la réaction de la société civile est pour le moins mitigée. La société civile malienne n’a pas su véritablement gagner le pari de se poser en force de propositions alternatives pour les citoyens dans leur orientation économique, sociale et politique. Par exemple, la période électorale est un moment idéal pour les acteurs de la société civile de se mettre en valeur à  travers une vaste campagne d’information, d’éducation et de sensibilisation en faveur des électeurs pas souvent imprégnés des enjeux électoraux. Beaucoup d’électeurs pourraient ainsi éviter être mieux informés et faire un choix judicieux. La société civile sénégalaise a brillamment relevé ce défi lors des élections présidentielles de 2012 qui porté Macky Sall au pouvoir. Un exemple que la société civile du Mali pourra et devra suivre à  l’occasion des élections prévues au mois de juillet prochain. Pour, enfin, redorer son blason !

Mangues douces-amères

Les sept pour mille francs !!! On se croirait en décembre o๠elles sont un plaisir coupable, étant produites à  contre-saison et coutant donc bonbon…Mais non ! Nous sommes bien en avril et pour les amateurs de douceurs, la période pour les déguster a commencé. Les mangues non greffées, les « nounkourouni» comme on les appelle en bamanan sont bel et bien sur le marché. Mais, début de saison et crise obligent, elles sont « inachetables » comme s’exclame ce client qui repart, dépité, avec son envie au creux de l’estomac ! Pas possible pour les petits portemonnaies de s’offrir les fruits délicieux. Adja vient juste d’arriver de Siby ! Elle a avec elle deux paniers de mangues non greffées, muries sur l’arbre « balamon », comme elle dit ! Elle assure qu’elles sont bien fermes et sucrées au possible. Leur prix? à‡a dépend de la taille : les petites sont à  6 pour 500 francs et les grosses à  7 pour 1000 francs. « Inachetables »! La raison est pourtant simple selon Adja. « On est au début de la saison et les récoltes ont à  peine commencé ». Pour trouver des mangues de bonne qualité, pas celles qu’on fait murir artificiellement, il faut aller loin, dans les champs. « Ce qui nous revient assez cher surtout en terme de transport. En fait, on attend tous la « pluie des mangues ». D’habitude, C’’est vers la fin avril, donc à  partir de là , ça devrait aller » nous confie la revendeuse qui fait pourtant de bonnes affaires. En quelques minutes, le stock de mangues a sensiblement diminué et certains commerçants des boutiques environnantes viennent en chercher. « C’’est pour Madame, nous confie un monsieur d’un certain âge qui passe à  moto. Elle est enceinte et exige les mangues de Siby !» Il continue son chemin après en avoir acheté pour deux mille francs, de quoi calmer maman et bébé pour quelques jours… Comme la grande majorité des bamakois, « pour l’instant, je passe sans les regarder, même si ça me fait envie de les voir étalées au bord du goudron » s’amuse Bouba, étudiant. Son camarade, lui, a plus de chance, car originaire de Siby, il reçoit déjà  des petites cargaisons des parents qui en savent leur petit friand. « Viens à  la maison, je t’en donnerai quelques-unes contre quelques exercices de statistique»Â… à‰change de bon procédé, le marché « exos contre mangos » semble équitable pour Booba … Qui finalement en mangera quelques-unes, de ces mangues si douces mais au prix si amer pour l’instant.

A quoi servent les associations de consommateurs?

Les plus connues sont de l’ASCOMA et REDECOMA. Ce sont des associations de défense des droits des consommateurs. Les Maliens ont pourtant bien l’impression qu’elles ne défendent pas grand-chose, tant le consommateur malien est laissé à  lui-même face à  une inflation galopante et à  la cherté de la vie. Après l’augmentation des prix du gaz, des hydrocarbures C’’est maintenant la tarification de l’électricité et de l’eau qui prend l’ascenseur, au grand dam des chefs de famille qui sont déjà  à  bout de souffle. Créée en 1991, l’Association des Consommateurs du Mali (ASCOMA) est présente partout au Mali et a pour objectif est de faire connaà®tre aux consommateurs leurs droits et leurs devoirs, leur favoriser l’accès aux produits et services de qualité, veiller à  la qualité des produits et services ainsi qu’au respect des usagers; sensibiliser l’Etat, le législateur, les autorités locales, les opérateurs économiques sur les conditions des consommateurs. Quant au Regroupement pour la Défense des Consommateurs du Mali (REDECOMA), il est né en 1992 pour défendre le droit des consommateurs maliens. Son objectif fixé est d’imposer des produits de qualité aux opérateurs économiques à  des prix à  la portée des consommateurs. Mais aujourd’hui, nombreux sont les consommateurs maliens qui pensent que ces deux organisations sont des coquilles vides tant elles peinent à  remplir le rôle qu’elles se sont assigné. Ces associations n’existent-elles donc que sur le papier ? Face aux augmentations récurrentes des prix des produits de première nécessité, les consommateurs maliens se sentent abusés par les opérateurs économiques et fustigent que les associations des consommateurs qui pour eux n’existent que sur le papier. On salue volontiers la vigilance il y a quelques années de l’ASCOMA qui avait dénoncé le scandale de l’huile frelatée. Mais aujourd’hui, alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter dans un contexte de crise économique et sociale, le silence assourdissants de ces organisations ne cesse de surprendre les maliens. Habib Sidibé est fonctionnaire. Il pense que ces associations ne servent qu’au folklore. «l’ASCOMA ou le REDECOMA n’est qu’une boà®te privée au profit de ceux qui la dirigent » ironise –t-il. Un autre interlocuteur, professeur des droits de consommateur d’une université privée de Bamako explique qu’au Mali les associations des consommateurs n’ont assez de pouvoir ni les moyens pour défendre les consommateurs. « Elles n’existent que sur le papier pour faire seulement la figuration. Ces associations ne sont pas des moyens de pression », déclare –t-il. Par conséquent les produits de consommation sont préparés et vendus dans de mauvaises conditions d’hygiène. Les dates de consommation des produits ne sont pas respectées. Des publicités « mensongères » à  la télévision et à  la radio vantent des produits dont la qualité n’est pas testée. La disproportion est grande entre le pouvoir d’achat du Malien et le coût élevé de la vie. La fréquence de certaines maladies comme les gastro-entérites par exemple a un lien avec la qualité des produits consommés. Quant aux prestations de service publics et privés, elles laissent à  désirer. Autant de raison de mécontentement pour le consommateur malien qui ne sait plus à  quel saint se vouer. Notre professeur d’appeler les associations à  un « sursaut d’orgueil » et remplir leur rôle, pour le bien-être de la population et leur propre crédibilité.

Kayes : si cher poulet !

Ce n’est pas à  Bamako seulement que le poulet est devenu un produit de luxe. A Kayes également, les amateurs de la chair fine du volatile ne savent plus à  quel saint se vouer. Trouver un coq ou une pintade est devenu un exploit. Et quand la marchandise est disponible, elle coûte les yeux de la tête ! Certes, la vie est chère dans la première région du Mal comparativement aux autres régions à  cause de l’exploitation des ressources naturelles et la forte présence de ses ressortissants à  l’extérieure. D’après certains de la ville la vie kayesienne s’apparente à  celle du Sénégal. Ce qui influe sur les prix des denrées de premières nécessités. Mais C’’est bien la première fois que l’on atteint de tels records sur le marché des volailles. En ce moment, le prix du poulet varie entre 5000 et 7000FCFA à  Keniéba contre 2000 à  3000F à  Bamako. Pour les pintades il faut glisser la modique somme 7500 Fcfa. Cette cherté s’explique par la disparition des exploitations avicoles dans cette région o๠tout le monde s’en va travailler dans les mines ou pour les miniers. En cause également, l’exode rural très marqué. Pas de stocks dans les environs Les vendeurs de volaille sont obligés de s’approvisionner bien loin de chez eux, à  Bamako, Bafoulabé ou encore à  Kita. Soumaila Berthé est vendeur et il est désolé de cette situation. « Certains clients se disent contraint d’acheter les poulets à  ce prix. Nous aussi n’avons pas le choix» témoigne –t-il. La baisse des ventes est assez importante mais certains clients demeurent fidèles. Une cliente de Soumaà¯la, Assan Sissoko, est venue s’approvisionner. Elle trouve les prix plutôt abordables « dans la mesure o๠il y a souvent des ruptures de stocks sur le marché. Mon mari préfère le poulet au diner, ce qui nous oblige à  en acheter». Ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir le précieux volatile au quotidien et qui le réservent pour les jours de fête vont devoir délier un peu plus les cordons de la bourse à  l’approche du 31 décembre, date o๠en général les prix habituels sont multipliés par deux ou par trois par les vendeurs. Il faudra alors compter au minimum 10 000F pour un poulet et plus de 20 000 pour une pintade. Autant acheter un mouton !