Les joies de la circulation dans Bamako

Giffard Road, Nehru Ave, Kojo Thompson Road, Liberation Road, Independence Ave, Kwame Nkrumah Ave sont quelques-unes des routes d’Accra. Des routes à deux ou trois voies, véritables paradis pour les usagers de la circulation.

Qu’importe la taille, une voie, ou deux, ou trois, c’est le même topo : une discipline qui laisse le visiteur malien pantois et émerveillé. Si d’aventure il venait à l’idée de quiconque de s’amuser à créer une voie supplémentaire, les autres automobilistes lui feraient passer l’envie de jouer les pressés. Devant la bronca que sa fantaisie aura créée, la brebis galeuse s’évanouira dans la nature illico presto, sans demander son reste.

À Bamako, sur la route qui mène à Koulikoro en traversant Missira, Korofina, Djélibugu, Bulkasumbugu et autres quartiers, l’interpellation du malotru vous vaudra une réplique cinglante, à vous glacer le sang : « est-ce la route de ton père ou de ta mère ? ».

Les autres gaietés innombrables de la circulation chez nous ? Le premier qui pourra les citer toutes aura droit à un gueuleton au « Gigot d’or », en compagnie de la mousmé de son choix ! Les crevasses assassines, les panneaux de signalisation dégradés, des bords de routes aussi tranchants qu’un couteau de Tabaski… Le soir, les phares éblouissants, en symphonie blanc majeur ou jaune mineur, découragent tous ceux qui n’ont pas un instinct suicidaire et suffisent à eux seuls comme raison de confinement avant la lettre.

Et puis, il y a le cas des autres ! Vous avez bien deviné de qui il s’agit ? Une « petite » moitié est faite d’humains et l’autre « grande » moitié de fauves. La question qui devrait turlupiner toute personne raisonnable est comment l’Administration n’impose-t-elle pas aux importateurs de motos d’inclure obligatoirement le casque et de limiter la vitesse à 40 ou 50 km à l’heure ?

Au Rwanda, pays qui, manifestement, force l’admiration de bien des Maliens, et d’autres d’ailleurs, tous les motocyclistes ont l’obligation impérative de posséder, même quand ils sont seuls sur leur engin, deux casques, le second pour un passager éventuel. On pourrait aussi imposer le permis moto prévu par la loi. À ce propos, pourquoi ne pas adopter le système canadien du permis renouvelable tous les trois ans, qui offre un double avantage : renforcer la sécurité et accessoirement renflouer les caisses de l’État ?

Les dos d’âne ou « gendarmes couchés » (comment nos braves pandores peuvent-ils s’accommoder d’une image aussi peu glorieuse ?) sont l’illustration éloquente de l’impuissance des responsables de la circulation, coûtant des milliards à l’État, car si certains particuliers sont soucieux de ne pas abîmer leurs véhicules, beaucoup de chauffeurs des services publics n’ont cure de telles préoccupations. Véritable aubaine, puisque les frais de réparation, gonflés à souhait, constituent une source supplémentaire de revenus.

Il serait trop long d’évoquer les griefs contre les SOTRAMA, pourtant si utiles à la population, puisqu’ils suppléent les carences de l’Administration, insouciante devant la nécessité impérieuse de créer une société de transport public. Il serait tout aussi urgent d’importer au Mali la pratique de l’alcootest pour les chauffeurs grands amateurs de la dive bouteille aux véhicules sinistres aux décorations souvent douteuses !

Combien de véhicules et d’engins possèdent des feux rouges arrière en bon état et des plaques minéralogiques lisibles, à cause de la mauvaise qualité de leur éclairage ou d’une typographie calamiteuse ?

Les solutions pour normaliser à Bamako et à dans tout le pays la circulation, redoutable foire d’empoigne, ne manquent pas, pour peu que l’État veuille bien s’en donner les moyens : veiller aux normes routières, contrôler plus strictement les règles de la circulation et livrer une guerre impitoyable à l’indiscipline, conséquence d’un incivisme pathétique. Toutes conditions qui impliquent des agents de la circulation mieux formés et plus vertueux. Et, naturellement, une politique d’urbanisation plus rationnelle est plus que jamais indispensable!

Circulation alternée : Un dispositif à parfaire

Mis en place le 19 août 2019, le dispositif de la circulation alternée semble plutôt satisfaisant pour nombre d’usagers. 90%, selon le ministère des Transports et de la mobilité urbaine. Cependant, à quelques jours des fêtes de fin d’année, il fait encore faire face à quelques difficultés : diminution de l’effectif des policiers, voies de contournement peu adaptées ou persistance de certains comportements incivils.

Depuis sa mise en œuvre, ce sont au total 3 bilans qui ont été dressés de la circulation alternée, explique M. Amadou Maïga, Conseiller technique du ministère des Transports et de la mobilité urbaine. Le premier, une dizaine de jours après son lancement, pour constater d’éventuels dysfonctionnements, le deuxième pour évaluer les changements amenés avec la rentrée des classes, en octobre, et le troisième, il y a peu de temps. Tous satisfaisants, selon le ministère.

Chargée de la mise en œuvre, la police a signalé quelques soucis majeurs. Ils concernent notamment le retour le soir des usagers venant de Koulikoro vers le centre ville. Sur la voie de contournement prévue pour leur circulation, « certains riverains avaient mis des ralentisseurs sans autorisation. Il y avait aussi des cages pour les animaux domestiques, et les véhicules de transport en commun « SOTRAMA » roulaient à vive allure », explique le Commissaire divisionnaire Abdoulaye Coulibaly, Commandant de la Compagnie de circulation routière (CCR). Cette contrainte a été levée par des échanges entre la CCR et les principaux syndicats de transport routier.

Difficultés persistantes

Mais les difficultés persistent sur la « voie de retour qui quitte le Rail da et passe par Banconi pour aller en Commune I », ajoute M. Maiga. Déjà très dégradée par l’hivernage, la voie s’est davantage rétrécie parce que certains commerçants s’y sont installés. « Nous travaillons actuellement avec le Gouvernorat à des actions» afin de dégager cette voie, assure M. Maiga.

Un deuxième problème concerne la station SMC de Magnambougou, vers laquelle convergent 6 voies. Le déploiement d’un agent permet de réguler la circulation à ce niveau depuis plus d’un mois.

Déploiement supplémentaire d’agents également au marché de Diafarana, à Ouolofobougou, où il y a des difficultés l’après-midi au départ de Bolibana.

Si le dispositif enregistre « peu de plaintes », la réduction de l’effectif de 150 à 70 éléments n’arrange pas les choses. Un encadrement est nécessaire pour « améliorer le dispositif », selon M. Maiga. Le comportement des usagers est « essentiel » : ils doivent respecter des règles de la circulation, conclut le Commandant de la CCR.

Boubacar Diallo

La circulation alternée : Pour désengorger Bamako

Véritable casse tête pour les usagers, la circulation dans la capitale malienne est un calvaire quotidien que doivent affronter des milliers de personnes dans leurs déplacements. De leurs lieux d’habitation à leurs lieux de travail et vice versa, les usagers doivent sacrifier souvent des heures dans les bouchons. En attendant de trouver les solutions pérennes pour faire face à cette difficulté, le ministère des Transports et de la mobilité urbaine, en partenariat avec la mairie du District adopte une mesure transitoire destinée à soulager les citadins. A partir du 19 août 2019, la circulation sera alternée sur 5 artères principales de la capitale.

Les avenues Al Qoods, de l’OUA, de la CEDEAO, Cheick Zayed et Martin Luther king sont les voies choisies pour expérimenter cette circulation alternée. Déjà essayée pendant le mois de ramadan sur seulement 2 voies, la mesure est désormais étendue à d’autres voies et sera en vigueur au moins durant une année, explique les responsables du ministère.

 

 

Ainsi de 7 heures à 9 heures du matin et de 16 heures à 19 heures, les voies concernées seront à sens unique, détaillent les responsables. Ces heures « de pointe », auxquelles les bouchons atteignent leur pic.

« Ce changement va soulager les usagers et les agents » en charge de la circulation, assure le Commissaire Abdoulaye Coulibaly, commandant de la Compagnie de Circulation Routière(CCR). Pour permettre aux différents acteurs de s’adapter à cette nouvelle réalité, la sensibilisation sera le premier recours des agents. En effet, face à « l’incivisme qui a atteint un seuil inquiétant », le commandant de la CCR préconise d’abord la sensibilisation avant d’éventuelles répressions. Au total 160 agents devront être mobilisés pour assurer l’application de cette mesure. Les équipements (panneaux et barrières) ont également été remis aux acteurs concernés.

 

 

Sur certains axes concernés, notamment sur l’avenue de l’OUA, il existe déjà un dispositif qui sera maintenu. Toutefois, ce ne sont pas toutes les voies qui sont concernées par cette mesure. Il s’agit notamment de la « voie Tour de l’Afrique-Niamana », qui « ne connaîtra aucun changement ». « Parce qu’il y a actuellement des travaux afin d’élargir cette voie. Un échangeur est prévu au niveau du 13ème arrondissement », explique M. Maïga, conseiller technique au ministère des Transports et de la mobilité urbaine. En attendant la fin de ces travaux, il a été préconisé de prendre des mesures ( comme le bouchage des nids de poule)  pour faciliter la circulation sur cette voie très dégradée.

A long terme, le ministère annonce plusieurs projets dont la mise en œuvre est prévue d’ici 2 à 3 ans qui contribueront, selon les responsables à une plus grande fluidité de la circulation à Bamako. Il s’agit notamment du projet de « renouvellement du parc de transport urbain de la capitale », du projet de « Bateau-bus » et celui de transport de masse, actuellement en phase d’étude grâce à un partenariat turc.

 

Circulation alternée : ce qu’en pensent les Bamakois

À l’occasion du mois de Ramadan, la mairie du district, en collaboration avec les ministères des transports et de la sécurité, a mis en place un plan de circulation alternée sur certains grands axes de Bamako. Mais qu’en pensent les usagers ?

« L’objectif est de faciliter le retour aux domiciles à la fin de la journée de travail », soulignait le communiqué émanant du maire du district de Bamako, quelques jours avant l’entrée en vigueur de ce plan de circulation « spécial ramadan ». Ainsi, de 16h à 19h30 et du lundi au samedi, 3 grands axes de la capitale, à savoir l’avenue Cheick Zayed, la route de Koulikoro et l’avenue Martin Luther King se retrouvent à sens unique. Une dizaine de jours après l’entrée en vigueur de la disposition, les avis sont partagés, même si une grande majorité des usagers en reconnaît la pertinence.

Ce qui semble surtout déranger, c’est « le manque de communication en amont », comme l’explique Hamadoun Niangado, concepteur rédacteur, qui déplore que les usagers n’aient pas eu l’information à temps, surtout concernant les axes alternatifs proposés à ceux qui viennent en sens opposé. Des trajets « en zig-zag », c’est ce que déplore aussi Djeneba Sidibé, commerçante, qui passe  « des heures et des heures pour se retrouver bien souvent dans des quartiers qui n’ont aucun lien avec notre trajet. C’est vraiment difficile ». Hamidou, chauffeur de Sotrama n’est pas content non plus. Il estime cette décision défavorable, dans la mesure où « elle a bouleversé notre fonctionnement. Il nous est difficile de parcourir notre trajet normal et avoir nos clients », se lamente le chauffeur, qui avoue déposer les clients bien avant la fin du nouveau circuit, qui ne l’ « arrange pas du tout ».

Nombreux sont cependant ceux voyant cette mesure comme un véritable soulagement, qui vient fluidifier une « circulation infernale ». Ahmed Auguste, employé de bureau, fait partie de cette catégorie et « soutient cette décision pendant le carême, période durant laquelle l’énervement est rapide ». Mamadou Doucouré, étudiant, est lui aussi « plus que satisfait en partant à la maison sur la route de Koulikoro ». Certains usagers se mettent même à rêver de larges voies à sens unique dans Bamako. « Ce test est concluant et il doit pousser les autorités à investir dans de nouvelles voies bitumées au centre ville », assure Ousmane Diallo, commercial. La ville grandissant et le nombre d’automobiles croissant, le trafic est de plus en plus difficile, en particulier aux heures de pointe. Le principal enseignement est sans doute qu’il urge de repenser la circulation dans la capitale.