FEMAFOOT : Nouvelle crise en vue?

Depuis quelques semaines, par presse interposée, le Comité exécutif de la Fédération malienne de football et le Collectif des ligues et clubs majoritaires étalent leurs divergences sur la mise en place des commissions indépendantes, notamment. De nouveaux faits qui font craindre une résurgence de la crise.

On l’a cru derrière nous. Le 29 août 2019, Mamoutou Touré dit Bavieux est élu avec à la tête de la fédération malienne de football (FEMAFOOT). D’une courte tête, il a devancé son principal concurrent, Salaha Baby (32 voix contre 30). Après plusieurs années d’une crise qui avait notamment conduit à la suspension du Mali en 2017 et à la menace d’une disqualification de la CAN 2019, le football malien pouvait enfin respirer. Du moins, c’est ce qui était espéré, notamment après les déclarations d’intention des différents acteurs, faisant de la réconciliation « la priorité ». Mais une image vaut mille mots. À l’issue du vote, les trois candidats ont pris la pose, pour montrer leur « engagement » en ce sens. Mais, sur cette dernière, seul le candidat Alassane Souleymane, qui se présentait comme la « troisième voie », semblait heureux d’y figurer. Cinq mois après, les prémices de nouveaux blocages ont germé. Germes portant le nom de « Commissions indépendantes ». Leur mise en place donne lieu à des différends. Une Assemblée générale extraordinaire, prévue pour le 26 janvier 2020, au cours de laquelle la question aurait été à l’ordre du jour, a été reportée. Pour justifier ce report, le Président de la FEMAFOOT, qui pour l’occasion a tenu une conférence de presse le 23 janvier, s’est référé à un courriel de la FIFA reçu la veille et « préconisant » d’attendre la fin des championnats pour « éviter toute équivoque par rapport au quorum ».

Quel quorum ?

C’est l’un des points de divergence opposant le Comité exécutif et le Collectif des ligues et clubs majoritaires (CLCM). Après plusieurs correspondances et relances, une pétition signée par plusieurs clubs « dits » affiliés au CLCM est arrivée sur la table du CE le 29 décembre 2019, l’enjoignant, en conformité avec les nouveaux textes, de convoquer une Assemblée générale extraordinaire, dont l’ordre du jour, comme mentionné plus haut, porterait sur la mise en place des Commissions indépendantes. Le Comité exécutif assure que parmi les signataires de la pétition certains clubs ne font plus partie du collège électoral, « si on enlève ces clubs, les autres n’ont pas la majorité pour convoquer une Assemblée générale extraordinaire », précise-t-il.  Ce dont Moussa Konaté, Président du Club olympique de Bamako (COB) et membre du Collectif se dit surpris. Lors d’une discussion privée à son domicile entre lui et le Président de la FEMAFOOT, la question aurait déjà été soulevée. « Qu’est-ce qui pourrait justifier que le quorum ayant servi pour l’adoption des textes et l’élection du nouveau Président de la fédération ne puisse pas être utilisé ? », s’était-il étonné devant l’interrogation de Touré.

Le TAS une nouvelle fois saisi ?

La FIFA, dans sa correspondance du 22 janvier, s’est dite « confiante » qu’à la fin de la saison « la lumière sera faite sur le quorum et la convocation d’une AGE, notamment pour l’élection des Commissions indépendantes dans leur ensemble, pour un mandat complet, pourra se faire dans un contexte plus serein ». Elle exhorte « le Comité exécutif à trouver une solution temporaire pour permettre la mise en place d’organes juridictionnels ad hoc jusqu’à la fin de la saison 2019 / 2020, ce qui pourra se faire en concertation avec les membres de la ligue / acteurs du football local, la décision finale revenant toutefois au Comité exécutif de la FEMAFOOT». Une chute qui n’a pas plu aux membres du CLCM. Moussa Konaté assure que si le Comité exécutif, conformément à ce dernier paragraphe, « s’entête à poser des actes, il mettra le football malien en péril et c’est sa responsabilité qui sera engagée. Nous saisirons le TAS, qui annulera à coup sûr toutes les décisions, parce qu’illégales », prévient-il. Mais, auparavant, le Président du COB assure que le Collectif enverra en premier lieu une lettre à la FIFA, pour mieux lui exposer la situation, même s’il ne se fait pas de grandes illusions quant à la réponse de cette dernière, qui rétorque le plus souvent ne traiter qu’avec les fédérations.

Commissions indépendantes

Elles sont trois en tout. Une commission d’audit et de conformité, une électorale et une commission d’appel des élections. Elles sont complétées par des organes juridictionnels, la commission centrale de discipline, celle de l’éthique et enfin la commission centrale de recours. Elles assurent une mission législative pour contrôler le CE, selon l’expression imagée utilisée par Moussa Konaté. « Les Commissions indépendantes sont élues et doivent travailler en toute indépendance, sans ingérence d’aucun tiers. Ces commissions sont comme des juges, elles veillent à ce que le Code éthique soit respecté. Elles ne doivent donc être à la solde d’aucun camp », explique Konaté. Lors de leur entrevue, Touré lui aurait proposé que, de manière consensuelle, les « deux camps » se partagent les différentes commissions. Si un camp assure la présidence d’une commission, l’autre en assurera la vice-présidence et vice-versa. Cela se ferait sans élections. Proposition refusée par Moussa Konaté, qui avance que cela ne respecte en aucun point les textes qui régissent la fédération et qu’accepter une telle demande pourrait faire jurisprudence par la suite.

Crise du football : Enfin la fin ?

L’annonce a fait l’effet d’une bombe. À sa sortie d’audience avec le Premier ministre, Dr Boubou Cissé, le 8 juin, Veron Mosengo-Omba, émissaire de la FIFA, a fait planer une épée de Damoclès sur le Mali.

« Si certaines personnes essayent de saboter l’assemblée générale qui doit se tenir le 15 juin à Bamako, la FIFA prendra ses responsabilités. Elle ira même jusqu’à suspendre le Mali, même pour la CAN », ajoutant « ne pas comprendre qu’un grand pays de football ne puisse pas organiser de championnat, un échec pour la FIFA et la famille du football », a-t-il dit. Depuis, l’attention se focalise sur cette date et les regards vers les acteurs du football malien. Moustapha Diawara, chargé de communication du ministère de la Jeunesse et des sports, s’est dit surpris par cette sortie, avant d’assurer que tout était mis en œuvre : « l’assemblée se tienne, et elle se tiendra ». « Le ministre (Arouna Modibo Touré) rencontre les acteurs pour leur dire que le gouvernement souhaite la paix dans le milieu footballistique ». Le 27 février 2019, la FIFA avait invité les protagonistes de la crise à Zurich. Après l’échec de cette conciliation, l’instance avait accordé un quatrième mandat de six mois au Comité de normalisation (CONOR), jusqu’au 31 août 2019. L’assemblée générale se tiendra ce samedi conformément à sa feuille de route. Elle permettra d’exécuter la sentence du Tribunal arbitral du sport (TAS) du 15 novembre 2018, la relecture des textes de la fédération et la convocation d’une assemblée générale élective pour désigner un nouveau président avant fin août.

Retour à la normale ?

À en croire les principaux protagonistes, l’assemblée du 15 juin devrait enfin être la bonne. « C’est normal que la FIFA menace. La crise n’a que trop duré, tout le monde est fatigué. C’est à nous de penser à nos enfants, de faire au mieux », commente Kassoum Couliblay Yambox, Président de la ligue de football de Bamako. Salaha Baby, Président de la ligue de Tombouctou et candidat du CLCM à la présidence de la FEMAFOOT en 2017, assure « il n’y aura aucun problème, pas d’inquiétudes à avoir ». « Si ça devait mal se passer, nous aurions des signes avant-coureur. Ce n’est pas le cas, nous allons donc discuter et tout se passera bien ».

Football malien : Une crise sans fin

Après plusieurs semaines de divergences d’interprétation de la sentence du 15 novembre 2018 du Tribunal arbitral du sport (TAS), les protagonistes de la crise du football malien et le Comité de normalisation ont été conviés par la FIFA à une rencontre à Zurich, en Suisse, le 27 février dernier. Cette réunion, très attendue comme moyen de mettre enfin un terme aux différends des camps antagonistes, n’a pourtant pas eu les résultats escomptés. 

La fin… n’est pas pour tout de suite. La réunion suscitait l’espoir, elle n’a pas réellement permis de faire bouger les lignes. Dans les locaux de la FIFA, les protagonistes de la crise malienne du football se sont retrouvés pour faire converger leurs différents points de vue. L’instance dirigeante du football a d’abord tenu lors de la rencontre à faire comprendre aux différents acteurs du football malien les droits et les obligations concernant les différentes sentences du TAS que la FEMAFOOT avait l’obligation d’appliquer, à savoir celles de 2015, 2016 et surtout de 2018, qui concerne directement le CONOR et a suscité beaucoup d’incompréhension. Il s’agissait pour la FIFA de rechercher la faisabilité d’une entente entre les différents acteurs pour aboutir à l’organisation d’un championnat dans un format qui fasse participer la majeure partie des clubs, sans pour autant impacter la mise en œuvre de la sentence, dont l’application, selon la FIFA, est non négociable.

Blocages persistants

« Les acteurs n’ont pas pu s’entendre. Chaque camp est resté figé sur sa position, ce qui ne permet pas du tout de faire évoluer les actions de normalisation », déplore Mme Daou Fatoumata Guindo, présidente du Conor. En revanche, le seul point ayant fait l’objet d’un consensus est l’organisation d’un championnat de première division avec 23 clubs. Dans une circulaire datant du 28 décembre 2018, le CONOR avait annoncé la reprise du championnat national, à l’arrêt depuis 2017, pour janvier 2019 et dévoilé une liste de 16 clubs devant prendre part à la Ligue 1. Cette décision, selon le comité, est conforme à la sentence du TAS du 15 novembre 2018. Elle pénalisait du coup plusieurs clubs. Ces derniers, notamment l’US Bougouni, avaient donc protesté. « Un club est relégué quand son classement dans un championnat l’impose ou suite à une mesure disciplinaire. Aucun de ces deux cas n’est valable ici », expliquait dans la foulée Mamadou Diallo, Vice-président du Stade Malien, club soupçonné par beaucoup d’être la « mano negra » de cette agitation. Si le principe semble être acquis cette fois-ci sur la forme, le fond continue de diviser. « On peut augmenter le nombre de clubs qui joueront le championnat, mais en préservant ce que la sentence du TAS a dit au moment de l’assemblée générale élective. Je pense que c’est à ce niveau que les deux camps ont émis des réserves. Donc on peut dire qu’ils sont d’accord pour jouer le championnat à 23, mais avec des modalités différentes», explique la présidente du CONOR.

La pomme de discorde s’accentue effectivement à ce niveau, les deux camps ne s’étant pas mis totalement d’accord au cours de la rencontre de Zurich. « Nous avons proposé, pour  une sortie de crise, que les uns et les autres puissent cheminer ensemble, qu’on accepte les 23 clubs et également l’adoption des nouveaux textes.  L’autre camp n’a pas voulu. Pour lui, non seulement les 23 n’iront pas aux élections, mais ils n’iront pas non plus à la relecture et à l’adoption des nouveaux textes »,  déclare Kassoum Coulibaly dit Yambox, président de la ligue de football du district de Bamako, l’un des protagonistes des discussions avec la FIFA.  Selon lui, c’est aussi et surtout un problème de quorum et de collège électoral et il faut que cela soit fixé  avec toutes les équipes qui jouent en première division ainsi que celles de deuxième division. « Tout le monde est concerné et doit être présent pour la relecture des textes, y compris les ligues, les clubs, les groupements des anciens footballeurs, les anciens arbitres, les entraineurs et autres, afin qu’un texte consensuel soit adopté et  que les uns et les autres soient obligés de s’y conformer », avance celui qui soutient également que la solution à la crise se trouvera entre Maliens.

La fin par la FIFA ?

Si la rencontre de Zurich n’a pas sonné le glas de la crise qui secoue le football malien, elle aura néanmoins eu le mérite de rassembler les différents protagonistes autour d’une table pour discuter des réels blocages. « Cela a été un grand soulagement pour notre football. D’abord, les deux bords qui sont retranchés, le camp Sahala Baby et le camp Bavieux Touré, se sont retrouvés autour d’une même table et cela  est important », se réjouit Baba Cissouma, directeur de publication du Journal sportif Match.

Dans le communiqué qui a sanctionné la rencontre, la FIFA précise qu’elle prendra une décision sur cette situation dans les prochains jours. Décision qui devrait intervenir cette semaine et à laquelle reste suspendus tous les acteurs. Elle devrait trancher de manière définitive les différents antagonismes. « La FIFA, en prenant sa décision finale, peut s’imposer à tout le monde et, avec l’appui du politique, c’est-à-dire le gouvernement malien, tout le monde devrait rentrer dans le rang », pense M. Cissouma. Il ajoute que c’est la « dernière chance pour notre football de voir enfin le bout du tunnel ». Plusieurs observateurs estiment que les autorités, le Président de la République notamment, devraient s’impliquer pour mettre un terme définitif à la crise. Le chef de l’État, dans son message de félicitation aux Aiglons Champions d’Afrique, s’est exprimé sur la question. Le président du collectif des ligues et clubs majoritaires, Mamadou Dipa Fané, a affirmé qu’il ne répondrait qu’à la seule convocation du Président IBK pour parler de la crise. « Par respect pour sa fonction », a-t-il ajouté.

Mais il parait clair aujourd’hui que la décision finale de la FIFA risque de ne pas être acceptée par un l’un ou l’autre des deux camps. Le CONOR est accusé par certains acteurs de prendre des décisions en affinité avec un camp précis. Si la situation en arrive là, des conséquences vont forcément en découler. Même si, à en croire Baba Cissouma, le football malien ne peut être suspendu par la FIFA en l’absence de certains critères bien établis, les acteurs qui feraient perdurer le blocage risqueraient pour leur part des sanctions allant du blâme jusqu’à, au pire des cas,  une radiation définitive des affaires du football. Le ministère des Sports dit « suivre de près » la situation et attend la décision de la FIFA avant de se « décider ».

Mandat prorogé

Pour permettre l’aboutissement de sa mission de normalisation, le mandat du CONOR a une nouvelle fois été prorogé par la FIFA. Désormais, le comité, dont le précédent mandat a pris fin le 28 février reste en place jusqu’au 31 août 2019. La feuille de route n’a pas changé. Le CONOR est tenu principalement de faire adopter les nouveaux textes de la FEMAFOOT et d’organiser l’assemblée générale élective pour l’élection d’un nouveau bureau exécutif.

Mais, dans l’immédiat, le comité de normalisation s’attèle déjà à la préparation du possible championnat à 23 équipes. « Nous allons déjà travailler sur le projet de règlement spécial pour le championnat à 23 clubs et sur un projet de calendrier, tout en sachant que le temps nous est compté, en attendant la décision que la FIFA nous fera parvenir dans les jours à venir », projette Mme Daou Fatoumata Guindo. Ce championnat devrait prendre fin au plus tard au mois de mai, afin que les clubs qui seront qualifiés à son issue puissent participer aux compétitions continentales. « Il nous sera très compliqué d’être dans les temps. Déjà à 16 c’était un peu juste, et à 23, je me demande comment ils vont pouvoir s’en sortir », commente un acteur du football. La course contre la montre est donc lancée.