Dr. Anasser Ag Rhissa: « L’inclusivité est l’élément clé de ce pacte pour la paix »

Pour accélérer la mise en œuvre intégrale et inclusive de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, les Nations unies et le Gouvernement du Mali ont signé, le lundi 15 octobre 2018 à Bamako, le pacte pour la paix. Anasser Ag Rhissa, expert TIC, Gouvernance et Sécurité, répond à nos questions sur les contours de ce pacte qui doit  booster le processus.

 

La signature du pacte pour la paix marque-t-elle un tournant ?

Cette signature du pacte pour la paix entre les parties prenantes à l’Accord pour la paix et la réconciliation est un tournant décisif et une stratégie pour garantir l’engagement des acteurs concernés pour une mise en œuvre diligente, intégrale et inclusive de cet accord.

En quoi ce pacte pourra-t-il accélérer sa mise en œuvre ?

En fixant une vision et un objectif précis pour les acteurs concernés, assortis d’un chronogramme, de critères de suivi-évaluation pour valider sans complaisance le bon déroulement de la mise en œuvre de l’accord de paix. En appliquant aussi des sanctions, après des enquêtes sérieuses, si une partie prenante empêche le bon déroulement de cet accord.

En cas de divergences dans la mise en œuvre de l’Accord, les décisions de la médiation auront un caractère exécutoire. Pourquoi l’autorité de la médiation et comment pourrait-elle être accueillie par les parties signataires ?

La nécessité d’un leadership global, indépendant des parties signataires, sur le suivi de l’accord de paix explique cette autorité de la médiation. Elle serait bien accueillie par les autres parties signataires en cas d’indépendance de ce leadership et d’une bonne gouvernance, sans complaisance du suivi de cet accord de paix et des engagements pris par les acteurs.

« A terme, l’ensemble des mouvements et groupes armés est appelé à disparaitre pour laisser place à une armée reconstituée,  fondée sur la diversité et les valeurs républicaines ». Cet engagement est-il tenable ?

Cet engagement est tenable, de façon graduelle, au fur et à mesure que les différents MOC (Mécanismes opérationnels de coordination) s’installeront dans les régions du nord du Mali et au centre ainsi et que se déploiera le DDR (Démobilisation, désarmement et réinsertion) qui doit alimenter ces MOC. Tout se fera de façon progressive.

Ce pacte pour la paix implique-t-il d’autres acteurs en dehors de l’Accord ?

L’inclusivité est l’élément clé de ce pacte pour la paix. De ce fait, des acteurs maliens en dehors de l’accord de paix tels que certains membres de la CME (Coordination des mouvements de l’Entente), les milices au centre du pays et la société civile devront être intégrés dans ce pacte pour la paix. Déjà, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga a promis l’intégration de cent membres de l’association Dan Amassagou dans ce pacte pour la paix.

 

CME : Plaidoyer musclé pour une inclusion dans l’Accord

Il y a deux semaines, la Coordination des Mouvements de l’Entente (CME) a organisé à Tin-Aouker, dans la région de Gao, son premier congrès. Elle a invité la communauté internationale et les autorités maliennes à trouver des solutions pour son inclusion dans les organes de l’Accord. A défaut, elle n’exclut pas un recours à la force.

L’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, signé respectivement par la Plateforme le 15 mai et par la CMA le 20 juin 2015 à Bamako, avait suscité, au-delà des réticences, de grands espoirs. Les trois parties signataires ont été mises ces trois dernières années à rude épreuve. La  mise en œuvre du document progresse à pas de tortue. Au même moment, les mouvements dissidents de la CMA et de la Plateforme montent au créneau pour former la Coordination des Mouvements de l’Entente (CME), qui regroupe le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition pour le Peuple de l’Azawad (CPA), le Front Populaire de l’Azawad (FPA), le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) et le Mouvement Populaire pour le Salut de l’Azawad (MPSA). Depuis des mois, la CME réclame son implication dans le processus.

Haussant le ton, elle a organisé son premier congrès ordinaire les 28, 29 et 30 avril à Tin Aouker, dans la région de Gao. « Durant trois jours, nous avons parlé de l’Accord, de son application, de la politique générale et de la protection de nos populations et de leurs biens », dit le Colonel Hassan Ag Mehdy, Secrétaire général du FPA et Coordinateur général des forces armées et de sécurité de la CME. Selon lui, « sans l’inclusivité, ce processus n’ira nulle part ». Dans sa déclaration, la CME prévient « qu’en cas d’absence de solutions idoines, elle  se réserve le droit d’utiliser tous les moyens, y compris la force, pour faire prévaloir ses droits ». « Nous sommes des mouvements signataires et nous ne comprenons pas pourquoi nous ne sommes pas dans les organes de réflexion », s’étonne le Secrétaire général du FPA.

Mais pour Mohamed Ould Mataly, membre de la Plateforme et du CSA, « la CME est dans l’Accord, elle ne peut s’estimer négligée. Les parties signataires tiennent compte de la CME. Dans l’application de l’Accord, elle aura sa part normalement. Mais, pour le moment, rien n’a été acté pour qu’on affirme qu’on les a mis à l’écart », rétorque  l’Honorable.