CMP : toujours vivante ?

Au fur et à mesure que les échéances électorales s’approchent, des partis membres de la Convention de la majorité présidentielle (CMP) jettent l’éponge. Le retrait de Yelema de Moussa Mara et du CAP de Racine Thiam, ainsi que la démission du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mamadou Ismaila Konaté, témoignent du malaise au sein du regroupement. Pire, pour certains, ce n’est qu’un début.

Créée le 7 septembre 2014 par plus d’une soixantaine de partis politiques, la Convention de la majorité présidentielle (CMP) avait pour objectif de défendre et de soutenir le programme politique du Président IBK. Trois ans après, le malaise s’installe. Il y a plus d’un an, SADI d’Oumar Mariko et l’ADP – Maliba d’Amadou Thiam donnaient le la du départ. Surviendra ensuite la démission de Racine Thiam de son poste de Directeur de la communication de la Présidence, suivie, le 28 octobre dernier, de la formalisation de son rapprochement avec l’URD, principal parti de l’opposition. Une divergence de vues dans la gouvernance du pays aurait motivé ce départ. Puis vint le tour du parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara de lâcher ses alliés d’hier, le 8 juillet 2017, retrait acté lors du 2ème congrès du parti, les 18 et 19 novembre à Mopti. Contrairement au CAP, Yelema n’a pas rejoint l’opposition, préférant adopter une position médiane.

La majorité affaiblie

Selon Mamadou Doumbia, député ADP – Maliba, ces départs s’expliquent par l’ambition de certains chefs de partis de se présenter aux élections à venir. « Les gens ont composé avec la majorité, mais avec l’approche des élections, certains choisissent de partir pour se présenter ». Selon lui, la majorité est affaiblie, mais « c’est à elle de travailler suffisamment. » Pour le chef de file de l’opposition, l’Honorable Soumaila Cissé, « la majorité n’existe que de nom ». Même la CODEM, selon lui, est confronté à des difficultés au sein de la CMP. Mais, d’après Mamedi Sidibé, député RPM, la majorité se porte bien. D’ailleurs, « nous avons la majorité absolue rien qu’avec le RPM à l’Assemblée nationale », souligne-t-il. « C’est dans le souci de fédérer les enfants du Mali pour faire face aux enjeux actuels que la CMP a été créée, car ce qui compte pour IBK, c’est le Mali ». Mais la démission du ministre de la Justice, le 27 novembre, confirme éloquemment, aux yeux de certains, la discorde qui régnerait au sein du gouvernement.

Moussa Mara : « Quand vous êtes critiqué des deux côtés, c’est la preuve de votre neutralité »

Ancien Premier ministre et Président du parti Yelema, Moussa Mara, qui a annoncé dimanche 9 juillet la suspension de la participation de son parti aux activités de la majorité présidentielle, revient sur les raisons qui ont motivé ce choix. Il aborde également les sujets de la révision constitutionnelle et de l’élection présidentielle de 2018.

Yelema vient de quitter la majorité présidentielle. Quelles en sont les raisons et pourquoi maintenant? 

Par lettre envoyée à la direction de la majorité présidentielle, j’ai signifié que Yelema suspendait sa participation aux activités de la CMP. Une seule raison a motivé cette décision. A la suite du report de la date du référendum, une réunion de la majorité a demandé aux partis membres de proposer les corrections qu’ils entendaient apporter au projet de révision de la Constitution. Nous avons envoyé nos propositions, qui correspondent d’ailleurs à la plupart des propositions des opposants à ce projet. Nous avons été surpris de constater que le Gouvernement, en principe issu de la majorité, n’entendait pas apporter de modifications au texte, selon les dires du ministre en charge de la question. Nous avons donc saisi la CMP pour nous édifier sur cette incohérence entre sa position et celle du Gouvernement. Nous n’avons pas reçu de réponse. Le parti en a tiré ses conclusions et profité de l’occasion pour insister encore une fois sur la nécessité de conduire le processus de révision de manière consensuelle.

Votre parti se réclame-t-il désormais de l’opposition ou du centre? 

C’est aller vite en besogne que de classer Yelema dans un camp. Nous n’en sommes qu’à la suspension de notre participation à la majorité. Si nous devions quitter cette dernière, il est clair que nous n’irions pas à l’opposition ou dans un quelconque autre camp, car nous estimons que l’essentiel pour le Mali ne réside pas dans ce type de démarche. La classe politique malienne a besoin d’une profonde restructuration. C’est cela l’enjeu pour Yelema.

Concernant la révision constitutionnelle, vous ne partagiez pas les mêmes avis que la majorité présidentielle. Pour beaucoup, c’est une politique « opportuniste » que vous pratiquez. Que répondez-vous à cela? 

Votre question est opportune. Si vous suivez l’actualité, vous verrez que nous sommes aussi très vertement critiqués par ceux qui s’opposent à la révision actuelle de la Constitution. Quand vous êtes critiqué des deux côtés, c’est la preuve de votre neutralité et de votre indépendance vis-à-vis des deux camps. C’est ce que nous défendons aujourd’hui. Nous voulons que le changement de notre Constitution ne soit pas un enjeu politique ou une occasion de confrontation, mais un exercice consensuel qui réunisse l’ensemble des Maliens. C’est pourquoi nous demandons plus de concertations et de discussions afin d’aboutir à une solution consensuelle. Dans un climat de passion, la modération n’a généralement pas bonne presse, mais, à moyen terme, c’est elle qui mène sur la voie de la construction.

L’opposition, à travers la plateforme « An tè A bana » continue sa mobilisation contre la révision constitutionnelle. Une nouvelle marche est prévue ce samedi. Allez-vous y participer? 

Non, Yelema ne participera pas à cette marche, comme aux marches précédentes. Si vous lisez nos communiqués, vous verrez que nous appelons au dialogue, même si l’initiative doit d’abord venir du Gouvernement. Les opposants au projet sont parfaitement dans leur droit de manifester, et ce droit n’est pas négociable, mais nous n’y prendrons pas part.

Le fait que votre parti quitte la majorité présidentielle vous libère de tout engagement politique envers elle. Êtes-vous déjà dans la perspective de l’élection présidentielle de 2018 ?

Je vous signale d’abord que nous n’avions aucun engagement politique qui contraignait notre liberté d’action et de mouvement. Nous avons présenté des candidats, lors des élections passées, contre des candidats de partis de la majorité et nous pourrons le faire de nouveau en 2018 à la présidentielle sans quitter la majorité. Nous avons régulièrement communiqué sur ces aspects. La décision de la suspension, comme nos positions relatives à la révision constitutionnelle, n’ont rien à voir avec les prochains scrutins.

Quid de votre candidature au poste de Maire du District de Bamako? 

Avec le énième report de cette élection, le sujet est de moins en moins d’actualité.

Quels sont les projets à court et long terme de Yelema?

Comme tout parti politique, se renforcer, améliorer l’implantation sur le territoire et à l’extérieur, réfléchir aux idées permettant de donner à notre pays une nouvelle route vers l’avenir et travailler à conquérir le pouvoir pour le faire. Yelema est un parti de construction. Avec d’autres acteurs politiques, mais aussi de la société civile, il partage de nombreuses analyses pour restructurer, renouveler et rajeunir le leadership public et politique dans notre pays. Il travaillera avec ceux-ci dans cette optique.