Kidal : Cessez-le-feu dilatoire

Un accord de cessez-le-feu entre le GATIA et la CMA sera-t-il  juste un intervalle entre deux guerres ? La question mérite d’être posée tant ces deux mouvements convergent dans leur volonté réciproque de cesser les hostilités et de faire avancer la paix, tout en excellant en manœuvres dilatoires pour ne pas y parvenir, comme si l’arrêt des hostilités et le retour de Kidal dans le giron de la République n’étaient pas leurs seules priorités.

Dimanche 13 août en soirée, dans un communiqué, la Plateforme, « soucieuse du rétablissement de la paix et de la sécurité au Mali », déclarait « la cessation unilatérale des hostilités à compter du lundi 14 août à midi ». Une déclaration attendue, un ticket pour prendre « le train en marche », dont la locomotive est tractée depuis juillet par la CMA, sortie vainqueur des combats qui ont embrasé la région de Kidal. Forte de ses victoires écrasantes sur le terrain, la Coordination s’est enhardie, rajoutant une condition « non coercitive » à un possible accord. « Nous souhaitons que chacun retourne dans les positions du cessez-le-feu de 2014. Nous capitalisons sur notre position de force, c’est un peu logique », explique ce cadre du HCUA, renvoyant la balle dans le camp adverse.

Pour Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire général du GATIA, on ne peut pas poser de nouvelles conditions car les conditions sont déjà posées par l’accord. « L’Accord lui-même est un cessez-le-feu. La communauté internationale a fait pression sur nous pour que nous fassions une déclaration de cessez-le-feu, on a renoncé à toutes les hostilités qui pourraient compromettre la mise en œuvre de l’Accord. Ceux qui veulent encore signer un cessez-le-feu prouvent leur mauvaise volonté ! ». Un avis que partage cet ex-membre de la CMA, observateur désabusé de ces revirements successifs, « Vous savez, personne ne fait la paix dans l’humiliation, donc je ne vois pas le GATIA signer un document qui n’apporte rien de nouveau ». À la CMA, on soutient que ce serait « un engagement formel au lieu d’un simple communiqué » entre les deux belligérants.

Si les deux camps s’accordent, chacun de leur côté, sur la nécessité de mettre en place le MOC à Kidal et de favoriser le retour de l’administration, la question du chronogramme reste posée. « Nous acceptons que le gouverneur aille rapidement à Kidal, dès demain s’il le faut », répond Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Une acceptation difficile à concrétiser, puisque ce grand commis de l’État, membre de la Plateforme, a déjà signifié qu’il ne se rendrait pas à Kidal si sa sécurité est assurée par la CMA. Autre difficulté, installer un MOC avec 3 parties et faire cohabiter ces ennemis de toujours au sein des mêmes patrouilles. « On ne peut pas mettre ensemble des hommes qui se tiraient dessus il y a peu. Aucune mesure de confiance n’est entamée pour cela » affirme le porte-parole de la CMA. Sur le cantonnement des mouvements armés, la Plateforme demande, conformément à l’accord, qu’une fois le MOC et les patrouilles mixtes installés, tous les groupes soient désarmés et rejoignent leur site de cantonnement. Une mesure qui semble déranger la CMA, qui s’inquiète des conditions logistiques et d’hébergement de ses troupes et tourne son regard vers Gao. « On accepte ce pré-cantonnement même si c’est problématique, mais est-ce que les autres vont nous accompagner ? Il ne faut pas qu’il y ait un précédent spécifique à Kidal, il faut donc que soit aussi pré-cantonnées les forces de Gao. On accepte mais à condition qu’il en soit de même pour elles », déclare ce cadre de la CMA

Pourtant, la Coordination a plusieurs fois donné son accord pour qu’une fois le MOC installé à Kidal, tous les groupes armés rejoignent leurs sites de cantonnement. « Ils parlent du MOC, du cantonnement mais ils le veulent dans un autre format. La durée du MOC est prévue pour 45 jours. Celui de Gao a déjà un an et a coûté, selon le gouvernement, au contribuable malien, près de dix milliards, on a perdu beaucoup de temps. Chacun peut faire son chronogramme, mais on sera de toute façon amenés à élaborer un document consensuel », souligne le Secrétaire général du Gatia. « Si l’Accord est appliqué, nous sommes sûrs de recouvrer Kidal, parce que dès qu’il y aura des élections libres, nous allons les gagner. Le maire est de chez nous, le député aussi. Nous n’avons rien à craindre, nous sommes de Kidal, nos familles sont à Kidal, c’est notre fief ! Ce sont eux qui ont peur que nous revenions », affirme Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads. « On va constater sur le terrain si cette déclaration de fin des hostilités est suivie d’effet, on va rester vigilants et attendre de voir s’ils vont poser des actes », avertit Ilad Ag Mohamed.

On peut en effet se demander si cette nouvelle tentative de remettre sur les rails le processus de paix fonctionnera après autant de déraillements. « À Bamako, les dirigeants de la CMA font tout pour avoir un cessez-le feu et essayer de négocier les doléances que Mahmoud Dicko a rapporté. Ce qui les arrange, c’est que les gens du Gatia ne fassent pas parti du MOC, qu’ils ne viennent pas troubler leurs affaires. À Kidal, la plupart des gens pensent que ce n’est pas la fin mais peut-être le début de grandes hostilités. Ici, tout est communautarisé, les armes, les véhicules, sont payés par les communautés, par les chefs de fraction, les notabilités. Tant que les Imghads seront en guerre contre les Ifoghas, tant que la CMA n’aura pas réglé ses différents avec le GATIA, je ne vois pas comment ils pourraient cohabiter, peut-être seulement sur le papier », ironise cet habitant de Kidal.