Sommet Afrique France : quelles retombées pour le Mali ?

Alors que les préparatifs s’accélèrent à quelques mois du sommet, les Maliens se demandent quelles seront les retombées concrètes de cette rencontre dont les coûts d’organisation, qu’il demeure difficile d’évaluer avec précision, devraient se chiffrer en dizaines de milliards de nos francs.

Au Comité national d’organisation de la grand-messe de janvier prochain, c’est la prudence quant aux chiffres. Aucune information sur ce que coûtera ce sommet, mais l’on a une idée précise de ce que l’on en attend pour le pays. Le premier effet sera sans nul doute le coup de projecteur sur le Mali, qui sera au cœur de l’actualité africaine et française pendant au moins 48 heures et pour une circonstance constructive. 53 chefs d’État et de gouvernement et autant de délégations seront présents à Bamako, et selon les estimations des organisateurs, 2 500 à 3 000 personnes séjourneront dans la capitale malienne. Ce qui représente des revenus pour toutes sortes de prestataires dans l’hôtellerie, la restauration, mais aussi les services comme les transports et les télécommunications, pour ne citer que ceux-la.

Un nouveau visage L’une des conséquences positives de l’organisation de ce sommet que le Mali accueille pour la deuxième fois après celui de 2005, ce sont les infrastructures. De nouvelles routes, de nouveaux hôtels sortent de terre mais aussi la rénovation d’anciens ouvrages pour permettre d’accueillir les hôtes comme il se doit. Ce sont ainsi plusieurs dizaines de milliards qui sont investis par l’État et par les privés, de quoi faire tourner l’économie pendant plusieurs mois et créer des centaines d’emplois. D’emplois il est également question puisque avant, pendant et après le sommet, des dizaines de prestataires travailleront avec le Comité d’organisation, les marchés en ont d’ailleurs été récemment attribués. Enfin, et c’est un point qui tient particulièrement à cœur au président du CNOSAF, Abdullah Coulibaly, les retombées à long terme comme celle du changement de comportement des populations espéré dans le domaine de l’assainissement et de l’hygiène. De nombreuses actions de sensibilisation sont prévues pour que le Bamakois garde sa capitale propre pendant et après le sommet. Aux Maliens, plutôt sceptiques quand à l’opportunité d’un tel rassemblement, Frédéric Clavier, co-organisateur coté français de l’événement, promettait déjà en avril dernier que « la fête sera belle »…

Organisation du 27ème Sommet Afrique-France : Où en est-on ?

Initié en 1973, le sommet Afrique-France est un « nouveau cadre de dialogue » dans lequel la France et les pays africains peuvent débattre des questions d’intérêt commun. Après le 23ème sommet qui s’y est tenu à Paris en décembre 2005, Bamako s’apprête à accueillir la 27ème édition de cette grand-messe, les 13 et 14 janvier 2017. « Pour le partenariat, la paix et l’émergence », en sera le thème en phase avec l’actualité du Mali et d’ailleurs. À six mois de l’échéance, on est loin de sentir dans la ville hôte l’effervescence des préparatifs. Sécurité, hébergement, assainissement, mobilisations des fonds : le Comité d’organisation du Sommet Afrique-France (CNOSAF) assure cependant que tout sera fin prêt et que le défi sera relevé. État des lieux à 182 jours du début du sommet.

Les 13 et 14 janvier 2017, pendant 48 heures, Bamako accueillera 53 chefs d’État et de gouvernement africains, le secrétaire général des Nations unies, les présidents des commissions de l’Union africaine et de l’Union européenne, le président du Conseil européen, le Président François Hollande, le secrétaire exécutif de la l’Organisation internationale de la francophonie. « Toutes ces personnes seront réunies autour de plusieurs sujets, notamment les questions de sécurité internationale, la problématique de la jeunesse, les questions de diplomatie », déclarait en février dernier, le co-président du comité d’organisation, l’ambassadeur français Fréderic Clavier, venu à Bamako pour évaluer le niveau de préparation de la rencontre. Il reste que ce sont le Mali et la France, coorganisateurs de ce 27ème sommet Afrique-France, qui décideront par voie diplomatique, selon le comité d’organisation, de la liste des pays invités. Cela fait plus de deux ans que le Comité est à pied d’œuvre, mais il a pâtit de l’instabilité à sa tête. Son premier président, l’Ambassadeur Cheick Sidi Diarra, nommé en avril 2014, avait été débarqué au profit de l’ancien ministre Modibo Kadjoké, désigné en mai 2015 et démissionnaire en août, qui fut remplacé par Abdullah Coulibaly, désormais rattaché à la présidence de la république.

Focus sur les infrastructures Les préparatifs d’un sommet commencent le plus souvent par l’aéroport. Et celui de Bamako n’a pas failli à la règle. En effet, les travaux de rénovation et d’harmonisation des façades des bâtiments commerciaux de l’aéroport, qui coûteront 1,2 milliards de francs CFA, ont été lancés en mars dernier. Par ailleurs, la nouvelle aérogare, en chantier depuis 2010, d’une capacité d’accueil de 1,5 million de passagers par an contre 800 000 pour l’ancienne, est en cours de finalisation mais ne devrait pas être opérationnelle d’ici janvier.

C’est la capitale toute entière qui aura droit à un coup de neuf,  afin de lui donner un peu de lustre. Les rues, les espaces verts seront rafraîchis mais l’accent sera surtout mis sur l’assainissement du cadre de vie des populations. Curage de caniveaux, goudronnage de voies secondaires et embellissement des axes principaux, entre autres travaux qui n’ont pas encore commencé et pour lesquels une enveloppe de plus de trois milliards de francs est prévue, financée grâce à l’emprunt obligataire réalisé par l’Etat malien en avril dernier. Selon Mahamane Touré, chargé des relations extérieures à la mairie du district de Bamako, la mairie est chargée de l’assainissement, de la mobilité des hôtes, de l’éclairage public et de la signalétique urbaine. Le maire de Bamako, Adama Sangaré, et une forte délégation se sont d’ailleurs rendus à Angers (du 25 au 29 juin) et à Lyon (du 29 au 3 juillet) pour solliciter leur appui. Ces villes françaises, qui ont des partenariats avec la mairie, ont, selon M. Touré, donné des « accords de principe pour l’équipement de la voirie » afin d’assainir Bamako. « Pour le moment, nous travaillons sur un programme de sensibilisation des populations pour un changement de comportement. C’est le plus important, car l’assainissement est un problème de comportement », explique Oumar Konaté, directeur des services urbains, qui parle aussi de la formation du personnel qui sera lancée dans deux mois. Il y a aussi l’acquisition des logistiques pour rendre la ville propre. Les autorités municipales ont par ailleurs promis d’appuyer Ozone Mali pour enlever les dépôts d’ordures, notamment ceux de la Commune 6 et 4, que la société marocaine peine à faire disparaitre. En ce qui concerne la mobilité, plusieurs projets ont été validés par la mairie : éclairage public intelligent, illumination des ponts, réhabilitation des feux tricolores, décoration lumineuse de la porte d’entrée de Bamako (sur la route de l’aéroport), marquage des chaussées et les panneaux de signalisation. Pour un coût de réalisation estimé à 2 milliards de francs CFA, selon Djibril Sidibé, chargé de la mobilité au niveau de la mairie.

Du côté des hôtels, on s’active pour mettre à niveau les capacités d’accueil. L’Hôtel de l’Amitié devrait être libéré par la MINUSMA, et s’agrandir avec des villas construites sur l’ancien golf. À l’Azalaï Hôtel Salam, des travaux sont en cours, avec à la clef une augmentation sensible de la capacité d’accueil de l’établissement. Quand à l’hôtel Sheraton, il ne sera visiblement pas achevé en janvier prochain. Toujours en phase de gros œuvre, « trois étages seront livrés et opérationnels pour le sommet », assure-t-on cependant du côté du promoteur.

Sécurité garantie L’une des grandes questions en ce qui concerne l’organisation de ce sommet est à coup sûr celle de la sécurité. Le Mali, pays organisateur est de fait le premier responsable de la sécurité des personnalités et des invités. « Les questions de sécurité sont prises en charge par des corps de professionnels, et cela concerne toutes les forces de sécurité et de défense, compte tenu par ailleurs du contexte dans lequel est organisé le présent sommet », affirme-t-on du côté du comité d’organisation. Le directeur national de la police, Moussa Ag Infahi, se dit en effet confiant et assure que « les dispositions sont en train d’être prises » pour le sommet.

La grand-messe du partenariat Afrique France sera certainement l’occasion pour le Mali de prouver son retour sur le devant de la scène, mais aussi sa capacité à accueillir à nouveau des événements d’envergure, avec tous les défis que cela comporte. Si à six mois de la rencontre, en dehors des infrastructures hôtelières privées, rien n’est encore réellement perceptible dans la capitale, au CNOSAF, on rassure quand au respect des engagements pris. Il faut rappeler que le Comité a une fonction de coordination de nombreux acteurs qui interviennent dans la mise en œuvre du programme de préparation du sommet, et travaille avec une partie française, dirigée elle par Frédéric Clavier. La question du financement de la rencontre en elle-même reste pour le moment tabou. Le précédent sommet qu’avait accueilli le Mali en 2005 avait couté presque 10 milliards de francs CFA, avec une contribution française d’un milliard et demi…