Collectif Citoyen-Mali : « Nous voulons que la France clarifie sa position par rapport aux autorités maliennes, on veut des réponses et on fera tout pour les avoir »

Le collectif Citoyen-Mali, qui compte actuellement environ 200 Maliens, à travers le territoire français, a été créé le 13 juillet dernier suite aux tueries de Gao. Ce mouvement citoyen apolitique entend  trouver des solutions aux problèmes des Maliens au Mali et à l’extérieur. Ils manifestaient le 30 juillet dernier devant le Quai d’Orsay pour dénoncer  le rôle ambigu de la France dans sa gestion de la crise au Mali. Abdoulaye Ba, entrepreneur BTP et membre du directoire du collectif a répondu aux questions du  journal du Mali

Pourquoi avoir créé le collectif Citoyen-Mali ?

Les événements et les tueries de Gao en juillet dernier ont été un déclic pour nous. Suite à cela, on a décidé de créer un mouvement citoyen composé de Maliens pas trop politisés, tout malien peut nous rejoindre mais il doit laisser sa casquette de politicien dehors.  On ne fait confiance ni au pouvoir en place, ni à l’opposition, voilà pourquoi on a lancé un mouvement neutre citoyen et apolitique. Les associations comme nous, au Mali, sont des succursales des partis politiques. Aujourd’hui la déception des Maliens, c’est les politiques d’abord et nous on veut mobiliser la population malienne pour qu’elle revendique, elle-même, ses droits. Si nous grandissons, peut-être que pour les prochaines élections nous pourrons peser et choisir notre candidat. Le but c’est que les Maliens se sentent bien dans leur pays, que les politiciens maliens au pouvoir comme à l’opposition, qui mangent tous dans le même bol, soient dégagés, pour que le Mali aille mieux. Aujourd’hui, le pays a besoin de renouveler toute sa classe politique, on veut un changement pour le Mali.

Vous dénoncez aussi le rôle de la France, votre pays d’accueil, dans sa gestion de la crise au Mali, vous avez d’ailleurs manifesté à ce sujet, le 30 juillet dernier, pour quelles raisons ?

Le peuple malien a apprécié l’intervention française au Mali du 13 janvier. L’armée française était aux côtés des Fama pour libérer Tombouctou, pour libérer la ville de Gao, mais au moment de rentrer à Kidal, elle a demandé à l’armée malienne de ne pas y entrer. Il y a plein d’actions de la France qui se font dans le dos du gouvernement malien. La France est au Mali pour nous aider à dégager les djihadistes, mais qui nous a amené les djihadistes ? C’est le MNLA et aujourd’hui la France est plus du côté du MNLA que des forces armées maliennes. On a pu constater à plusieurs reprises qu’à chaque fois que le GATIA  parvient à avoir une position supérieure par rapport au MNLA , la France intervient.  On ne comprend pas aussi la mission de l’ONU (Minusma), nous on pense qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire, on ne peut pas vouloir défendre le Mali et laisser les envahisseurs s’installer. On veut demander à la France quelles sont ses intentions exactes au Mali. Leur rôle n’est même pas ambigu, c’est clair qu’ils sont du côté du MNLA, on se rend compte que c’est pour leurs propres intérêts qu’ils soutiennent  plus le MNLA que le Mali.

Quels sont ces intérêts ?

Les ressources énergétiques du Nord-Mali, il y a un document que vous pouvez trouver sur le net, qui parle de la possible exploitation pétrolière au nord du Mali,  à travers l’ENI qui est une compagnie italienne, le gazier algérien et le groupe français Total. Nous savons aussi que la source d’énergie principale de la France, c’est l’uranium du Niger, et nous savons aussi que le bassin de la région de Taoudéni recèle des potentiels gisements énergétiques. Tout ceci n’est pas nouveau, ça remonte à 1956, quand la France a fait voter la création de l’OCRS (Organisation Commune des Régions Sahariennes), jusqu’à aujourd’hui ce projet de loi permettant entre autre  l’étude, la recherche,  l’extraction de ces ressources, n’a pas été abrogée, pourquoi et à quelle fin ? Nous nous posons des questions sur tous ces aspects-là.

Pourtant la France agit sur le terrain pour aider le Mali à stopper la menace djihadiste…

Nous n’avons rien contre la France, mais la continuité n’a pas été ce que nous attendions, je n’explique pas ce qui se passe chez moi. On peut le constater sur le terrain, par exemple quand on prend la ville de Gao, il faut montrer patte blanche quand on veut aller à l’aéroport de Gao même quand on est un  militaire malien. Tous les atterrissages et décollages de tous les avions français à Gao ne sont contrôlés par aucune tour malienne, il n’y a aucun malien qui peut te dire aujourd’hui combien d’avion arrive, quelle est leur cargaison, à Kidal c’est pareil. Autre chose, la France fait des patrouilles à Gao qui ne sont pas mixtes avec l’armée malienne alors qu’elle est censée collaborer avec les forces du pays. Elle traque, piste, arrête des soi-disant djihadistes et c’est après avoir fini ce qu’elle a à faire avec eux, qu’elle décide de déclarer à l’Etat malien qu’elle a arrêté un tel ou un tel, tout le monde le sait ! Ils ont arrêté des gens qu’ils ont libérés sans le consentement de l’état malien.

Vous pensez que certaines  actions de la France remettent en question la souveraineté de l’Etat malien, en quelque sorte ?

Le Mali est un Etat souverain, on a fait appel à nos amis français pour nous aider,  mais s’ils nous aident, ils doivent aller dans le sens que nous, nous fixons, ce n’est pas à eux à nous imposer leur vision de la démocratie. Par exemple à Kidal, quelle est le rôle de la force française Barkhane et de la Minusma ? C’est justement d’empêcher tout affrontement, or, des affrontements ont eu lieu, et ce sont eux qui ont décidé qui doit rester, qui doit partir, ce n’est pas leur rôle. Si on revient en arrière avant la visite du 1er ministre Moussa Mara qui a mis le feu aux poudres, il y avait une banque malienne qui avait ouvert à Kidal, qui était gardée par des militaires maliens. Les gens de la CMA sont venus, ils ont relevé les militaires maliens et ils ont descendu le drapeau malien devant les forces françaises pour monter le drapeau du soi-disant Azawad, personne n’a agi et la France a sommé les soldats maliens de ne pas intervenir. Pourquoi dans un Etat souverain ce sont les rebelles qui doivent garder les institutions maliennes ?

Les relations franco-maliennes semblent  au beau fixe, pensez-vous réellement que tout cela pourrait se passer dans le dos du gouvernement malien ?

On se dit que le gouvernement malien est peut-être au courant de ce qui se passe mais on se dit aussi qu’il a peut-être les mains liées. On veut que le gouvernement français lève toute ambiguïté, ça pourrait donner un peu d’air au gouvernement malien, ça pourrait nous permettre de savoir s’ils sont réellement informés ou pas. Au jour d’aujourd’hui, on accuse la France. Les citoyens français ont aussi le droit de savoir à quelle fin sont utilisés leurs impôts, qui sont aussi nos impôts à nous qui vivons ici depuis des années. Nous profitons d’être en France car au Mali c’est impossible, donc nous allons investir ce champ de liberté pour avertir l’opinion.

Suite à votre manifestation avez-vous eu un retour des autorités françaises ?

Cela fait deux semaines, on va attendre, on s’est donné un délai, mais s’il n’y a aucun retour, on décidera de la suite à donner. Nous voulons aujourd’hui que la France clarifie sa position par rapport aux autorités maliennes, on veut des réponses et on fera tout pour les avoir. Vous savez si la France veut régler le problème du Nord-Mali, c’est régler demain. Elle doit clarifier sa position, dire si elle est avec nous ou contre nous. La France aide le MNLA depuis le début. Tous les cadres du MNLA en France ont eu la nationalité française. C’est comme si le Mali était venu aider la France contre l’indépendantisme corse ou breton et que nous décidions de favoriser les indépendantistes alors que nous sommes venus aider à résoudre la situation.

Vous êtes un jeune collectif, quels seront vos prochaines actions ?

Nous souhaitons être une force de proposition et nous allons bientôt proposer des solutions à la crise, à l’accord de paix, aux autorités intérimaires, que nous réfutons et qui ne sont même pas inscrites dans le texte de l’Accord pour la paix et la réconciliation d’Alger, c’est une création du ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf, c’est une division programmée du Mali, un fédéralisme qui ne dit pas son nom.