Colonel Abass : la paix, l’arme au poing

Le colonel  Abass Ag Mohamed Ahmad, est le chef d’état-major du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), mis au devant de la scène pour avoir bloqué l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou. Ce vétéran, qui dit avoir eu avec ses hommes la « baïonnette intelligente », en acceptant de lâcher du leste pour régler la situation dans la cité des 333 saints, est un partisan du processus de paix, malgré qu’il voit jour après jour, sur le terrain, la situation se dégrader.

Ce Touareg Kel Ansar natif de Goundam, qui ne se destinait pas à une carrière militaire et qui imaginait plus devenir pilote ou magistrat, a été intégré comme combattant dans les rébellions touarègues des années 90, puis dans la gendarmerie, où il gravit tous les échelons. Au Mali d’abord, où il sillonna le pays au gré de ses affectations, au Sénégal, en Côte d’Ivoire puis à Goma, dans le chaos congolais au sein de la MONUSCO, à la chute de Tombouctou en 2012, où il dû fuir avec ses hommes pour sauver sa peau. Il se réfugia en brousse, dans la clandestinité, puis rencontra le MNLA. Après une lune de miel éphémère, il quitta le mouvement en décembre 2015, passa brièvement par le HCUA, avant de rejoindre le CJA et d’en devenir le chef militaire.

Après plus de 20 ans passés dans le métier des armes, l’homme, la quarantaine bien entamée, aborde le futur avec lucidité, un brin désabusé concernant l’accord de paix. « Le contenu de l’accord est bon, mais ce sont les acteurs principaux qui traînent. Chaque fois qu’un problème se pose, un acteur du processus se rétracte. Aujourd’hui, la mise en œuvre de l’accord accuse deux ans de retard pendant que certaines zones du pays deviennent des no man’s land, sans école, sans santé. Même les ONG ont peur d’y aller. Quand on entend que les mouvements parlent au nom de la population, ce n’est pas vrai, ils parlent en leur nom. Actuellement, chacun cherche à défendre les intérêts de son village, de sa région, de sa tribu. Ça pousse les gens à former de nouveaux mouvements, personne n’est là pour les défendre donc ils le font eux-mêmes. le processus de paix, c’est la seule porte de sortie viable. Il faut aller coûte que coûte vers cet accord et ramener les récalcitrants, à genoux s’il le faut ! », lâche-t-il.

La paix, ce mirage La région de Tombouctou, ce no man’s land, il le connaît bien. Ses hommes et lui tentent, autant que faire ce peut, d’en assurer la sécurité, malgré la très grande étendue du territoire. Mais sur qui d’autre compter, l’armée ? « Les FAMA ont un problème de volonté, et non de moyens ou de formation. C’est un problème d’engagement. La formation militaire qu’ils suivent donne la tactique et l’attitude mais tant que vous n’avez pas la volonté de combattre, rien ne sera possible », soupire-t-il. Banditisme, djihadisme, dans la région de Tombouctou, c’est le lot quotidien. Le CJA le constate, souvent à ses dépens, comme à Gargando le 8 avril dernier où 4 combattants du mouvement ont été tués dans l’attaque de leur quartier général par des terroristes. Abass disparaît alors des radars. On le dit quelque part en brousse. « Nous sommes régulièrement visés et nous ne savons pas pourquoi. Ce qui est étonnant, c’est que ces attaques ne visent jamais les bases de la CMA ou de la Plateforme. Certains doivent donner des informations aux terroristes de manière à ce qu’ils nous attaquent », soupçonne-t-il. Il dit détenir quelques indices qui mènent à des pistes réelles, mais quand bien même, il ne sait comment tout cela finira.