Kidal : Des luttes fratricides perturbent la mise en œuvre de l’Accord

Selon le chronogramme élaboré lors de la 18e session du CSA, les autorités intérimaires, le gouverneur et le MOC devraient être mis en place d’ici le 20 juin prochain. Mais cette planification ambitieuse semble se heurter à la réalité du terrain et aux événements d’une rare violence qui, actuellement, secouent le septentrion malien.

« Les choses se passent globalement bien. Nous avons une participation assidue de l’ensemble des membres du CSA. […] Nous sommes confiants quant à l’avenir », se réjouissait Ahmed Boutache, président du Comité de suivi de l’accord (CSA), le 5 juin dernier, lors de la clôture de la 18e session du comité. Un certain nombre d’actions à mettre en œuvre avant le 20 juin ont été décidées lors de cette session : l’installation des autorités intérimaires, du gouverneur et du MOC à Kidal. Un chronogramme ambitieux dénoncé, dès le 12 juin par la CMA, dans un communiqué indiquant que ce chronogramme est « loin de refléter le résultat des pourparlers convenus entre la CMA et les différents acteurs impliqués » en vue d’un retour de l’administration à Kidal et que la CMA, « nullement engagée par ce document, appelle tous les acteurs crédibles à une concertation rapide pour élaborer un chronogramme réalisable » et à « mener des actions consensuelles sans absurdités pour réussir une paix effective ».

Poudrière Si à Bamako on parle chronogramme, charte de la paix ou révision constitutionnelle, à Kidal, où les travaux du camp 1 ont commencé depuis plus d’une semaine et ou le gouvernorat, aux bâtiments vétustes, n’est pas en mesure d’accueillir le gouverneur, il en est tout autrement. Depuis le 4 juin, des événements très préoccupants retiennent toutes les attentions et focalisent craintes et inquiétudes. « Les gens ne sont pas du tout sur les annonces de Bamako. Ce qui se passe ici est très grave ! Les Imghads chassent la communauté Idnane. Depuis une semaine il y a eu presque une trentaine de morts, des dizaines d’otages, des dizaines de véhicules enlevés, des motos brûlées, des centaines de personnes déplacées qui ont tout laisser derrière elles. À la mosquée, dans les rues, les grins, les gens ne parlent que de ça, parce que c’est vraiment préoccupant », témoigne cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Tout a commencé au début du mois de juin, quand des Idnanes du MNLA ont mené une attaque contre des éléments du GATIA, puis ont pillé un village près d’Aguelhok, brûlant des boutiques et s’en prenant à la population. Vengeance et représailles ont mis le feu aux poudres. Les deux camps, qui s’accusent mutuellement d’être à l’origine des exactions, se livrent à des tortures et des assassinats, sans que les forces internationales ne lèvent le petit doigt. En l’espace d’une semaine, exécutions sommaires, saccages, pillages et vols ont quotidiennement été signalés dans la région. « Où les Idnanes sont, il y a eu des motos qui sont parties. Ce sont des jeunes Imghad fougueux. On les appelle ici les « mafias ». Ils s’en sont pris aux populations idnanes. Cela s’est passé un peu partout autour de Kidal, ça s’est propagé jusqu’à Tessalit. Ça pourrait se propager aux autres ethnies et fractions et devenir incontrôlable. On est en plein mois de carême ! C’est du jamais vu ! », s’exclame cet employé humanitaire de la région.

Depuis que cette chasse aux Idnanes a commencé, beaucoup se sont réfugiés dans le camp de la Minusma à Kidal et ont été ensuite transportés par avion à Gao. « Il y a toutes une zone abandonnée par des familles entières, qui ont fui par peur d’être exécutées. Toute la zone à l’ouest de Kidal, la zone d’Anéfis, la zone d’Aguelhok, ont été abandonnées par les populations Idnanes, beaucoup ont traversé la frontière algérienne », poursuit ce même humanitaire.

 Le MNLA, dominé majoritairement par les Idnanes, est particulièrement impliqué dans cette situation, le jeune fils de Moussa Ag Najim, officier au MOC de Gao et frère de leur chef militaire, Mohamed Ag Najim, ayant été exécuté par des éléments du GATIA la semaine dernière. « Les forces armées du GATIA et leurs officiers sont responsables ! Ils escortent les convois de drogue et utilise la méthode des exactions sur les populations au sud de Kidal pour couvrir le passage de leurs convois et dégager la zone », lâche cet officier du MNLA. Selon lui, L’argent du trafic de drogue jouerait un rôle capital dans l’insécurité et l’alimentation des conflits résiduels et les choses ne seraient pas prêtes de s’arrêter, car les trafiquants pour conserver à tout prix la route des trafics font tout pour saboter le processus de paix. « Il ne veulent pas des forces légales ! faire perdurer l’instabilité leur garantit de pouvoir continuer leurs trafics. Donc, quand ils voient arriver la paix avec un autre camp, ils alimentent les tensions. La paix les dérangent. ! » affirme-t-il, amère.

Une avis que partage cette source sécuritaire très au fait des rapports de force et d’influence dans la région. « Le trafic de drogue infectent les différents mouvements armés, les officiers militaires touaregs et arabes dans l’armée malienne ainsi que les services de renseignement des pays du G5 comme le Mali. Certains services vendent même des informations sensibles à ces trafiquants qui peuvent compromettre des opérations du G5 et de leurs alliés. Il est clair que les trafiquants ne veulent pas d’une stabilité dans la région, elle empêcherait le transit de leur cargaison qui passent par l’extrême nord de la région de Tombouctou, traverse le Telemsi à l’extrême sud de la région de Kidal, une zone occupée par le GATIA depuis juillet 2016 et où l’on constate des conflits entre mouvements armés et des violences sur les civils », souligne-t-il.

Une situation qui ferait le jeu des djihadistes, qui approcheraient cette communauté pour leur proposer de les aider à se défendre, puisque personne ne le fait pour eux, « Un changement de rapport de force terrible », confie cette source bien introduite dans le milieu des mouvements armés, « Les opérations djihadistes contre le GATIA ont pour but de montrer à la population agressée que les moudjahidines, contrairement aux forces internationales, maliennes et la CMA, peuvent les protéger. Ce qui les renforce socialement et facilite le recrutement. Ça légitime, aussi, pour les populations, la thèse selon laquelle les forces internationales sont une force d’occupation qui sont venus comme bouclier de défense de la famille bambara qui dirige à Bamako et non pour leur mission de sécurisation, sans distinction, des populations et de leurs biens ». Un prosélytisme qui semble faire son chemin comme l’explique cet habitant de la région sous anonymat. « Quand les djihadistes étaient là et qu’ils occupaient le territoire, tu étais soit avec eux ou contre eux mais il n’y avait pas toutes ces choses, aucun autre qu’eux ne s’en prenait à la population. Ces exactions, avec ces milices qui ont cartes blanches, ça ne se serait pas produit avec les djihadistes ».

Défiance Dans le contexte actuel, l’installation future du MOC et des patrouilles mixtes n’est, paradoxalement, pas jugée comme un facteur rassurant. « Le MOC, ici, on n’y croit pas trop. À Gao, il a créé plus d’insécurité qu’autre chose, à Kidal ça risque d’être la même chose. On sait que la CMA ne désire pas le MOC. Ils voient ça d’un mauvais œil, parce que des éléments de la Plateforme, notamment ceux du GATIA vont être là », explique ce Kidalois proche des mouvements. « En réalité ils se sont engagés, mais ils n’en veulent pas, ils ont peur que les gens du GATIA saisissent cette opportunité pour prendre Kidal. Surtout quand on sait que le chef du MOC, le colonel Alkassim Ag Oukana, est un membre de ce mouvement. Il est de la tribu Irrédjénaten de Tessalit, il fait partie de l’aile qui se reconnaît plus dans les Imghad, il a fait défection du HCUA l’année dernière pour rejoindre Gamou », poursuit cette même source, qui confie, « Ici, il y a des gens qui s’organisent pour que les femmes marchent contre toutes ces installations, je ne peux pas dire de façon exacte ce qui se passera dans la mise en œuvre de l’accord, mais la situation actuelle ne donne pas de belle perspective pour l’avenir ».

CMA : politique de la chaise vide lourde de conséquence

Mardi 20 décembre, la 14ème session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) a suspendu ses activités après l’annonce de la CMA, via un communiqué, de son retrait des commissions et sous-commissions du comité de suivi de l’Accord, jusqu’à l’organisation d’une rencontre de haut niveau avec la médiation internationale pour « sauver l’Accord ». Cet énième recours à la politique de la chaise vide de la part de la CMA, retarde encore, le processus poussif d’une mise en œuvre qui depuis 18 mois s’illustre surtout par sa lenteur, tant les différentes parties ne parviennent pas à un consensus leur permettant d’avancer. D’autre part, ce retrait pourrait isoler la CMA à Kidal et préfigurer son éclatement, la partie gouvernementale et la médiation internationale réfléchissant actuellement à la mise en place du MOC et des patrouilles mixtes, sans la CMA.

Cette 14ème session du CSA aura été plus brève que prévue, la lecture du communiqué de la CMA signé par Alghabas Ag Intallah, secrétaire général du HCUA, qui vient de prendre la présidence tournante de la CMA pour 6 mois, en a interrompu les travaux, par son retrait effectif des commissions et sous commission de l’instance de suivi.

La coordination estime, dans ce communiqué d’une page, que 18 mois après la signature de l’Accord, aucun des points inscrits dans la période intérimaire n’ont été opéré de façon concerté entre les parties. Elle dénonce également les violations répétées du cessez-le-feu, les atteintes aux droits humains, le déplacement forcé des populations et la prolifération des groupes armés encouragés et entretenus par le gouvernement dans le but d’entraver la mise en œuvre de l’Accord. Ces différents points, justifient, selon elle, ce retrait. «  Nous nous retirerons de la CSA mais cela ne veut pas dire que l’on se retire des accords, c’est très différent. Il n’y a pas, malheureusement, un organisme qui met en place tous les dispositifs de mise en application de l’Accord. Chaque fois, c’est à la CSA qu’on demande des comptes, on leur demande ce qu’ils ont fait alors qu’ils ne peuvent rien faire, ils peuvent juste évaluer et prendre en compte ce qui n’a pas été fait. Donc si la CMA suspend ces travaux c’est déjà par rapport à ça, nous souhaitions aussi élever le ton pour faire bouger les lignes et pousser le gouvernement à sortir de sa léthargie », explique ce cadre de la CMA sous anonymat.

Du côté de la partie gouvernementale, on déplore ce retour au point de départ, à la période des négociations, et cette attitude récurrente de la CMA tout au long du processus. « C’est malheureusement comme ça qu’ils réagissent quand ils sont le dos au mur. Ils essaient de se défausser sur le gouvernement qui paradoxalement est la seule partie à avoir remplie tous ses engagements et sous la pression de cette même communauté internationale », explique cette source proche du dossier, « il n’y a aucune léthargie de la part du gouvernement, aujourd’hui si le MOC de Gao ne démarre pas c’est parce que la CMA n’a toujours pas envoyé ses combattants. Si le MOC de Kidal n’a pas démarré, c’est parce que le CMA refuse de libérer le camp MOC de Kidal » poursuit cette source.

La partie gouvernementale affirme avoir mis en oeuvre tout ce qui était dans sa capacité pour faire avancer les choses, allant même, au-delà, en répondant aux exigences de la CMA qui voulait un traitement équitable par rapport au FAMA, en termes de prise en charge, d’indemnités, etc. « On établit des dates pour le démarrage du MOC et ils ne sont pas là, c’est une fuite en avant. Actuellement, les FAMA sont présents dans le camp MOC de Gao avec 200 éléments. Idem pour la Plateforme. Malgré tous les moyens que l’État a mis à la disposition de la CMA pour qu’elle soit présente, à l’heure où je vous parle, il n’y a pas un seul élément de la CMA dans le camp MOC de Gao », déclare le Colonel Mamadou Keita de la commission défense et sécurité du CSA.

Pour Fahad AlMahmoud, porte-parole du GATIA, ce revirement de la CMA n’est pas une surprise, « Je pense que la CMA cherche à gagner du temps mais je ne sais pas pourquoi. Sur le terrain, il y a une accalmie et même quand il y avait des affrontements, la CMA participait aux réunions du CSA. En réalité, c’est au niveau des groupes armés qu’on arrive pas à s’entendre, notamment sur les autorités intérimaires, savoir qui présidera les conseils régionaux. Donc tous les blocages sont du côté des groupes armés et je ne vois pas comment ça va se résoudre », affirme-t-il

Nécessaire inclusivité pour la paix L’autre point majeur de blocage est la question de l’inclusivité, facteur principal de discorde entre les petits mouvements et les composantes principales de la CMA, depuis la signature de l’Accord de paix le 15 mai jusqu’à aujourd’hui. Cette question épineuse qui est la colonne vertébrale de l’Accord, avait été négocié quelques jours avant la tenue de la 14ème session du CSA, par Sidi Brahim Ould Sidati, Président du Mouvement Arabe De L’Azawad (MAA), mandaté par le CSA pour se rendre à Kidal avec des propositions concrètes. Il en est revenu avec aucune avancée notable. « Ould Sidati est revenu avec des messages de diversion. Jusqu’à présent, Kidal n’arrive pas à comprendre que les autres régions de l’Azawad sont dans une dynamique de régionalisation et d’autonomisation. Ils n’arrivent pas à comprendre que les populations plus que tout souhaitent être respectées dans leur terroir, dans leur région et que toutes les décisions doivent être prise dans un cadre de concertation. On est plus dans une dynamique où je te donne parce que tu es soumis, on est dans une dynamique où tu es obligé de donner parce que tu dois donner, c’est ça, que la CMA ne comprend pas », réagit Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire générale de la Coalition pour l’Azawad (CPA), qui se dit prêt à utiliser tous les moyens y compris la force, si la CMA à Kidal tente de leur imposer ses décisions et ne respecte pas la dignité des populations des régions de Tombouctou Gao et Ménaka.

Continuer sans la CMA Une proposition concrète a été soumise à la médiation internationale et à la partie gouvernementale mercredi 21 décembre. Elle demande l’attribution rapide d’un quota pour les mouvements dissidents, tel que la CPA, afin qu’ils puissent mobiliser leurs combattants pour les patrouilles mixtes. « Si on doit envoyer des éléments pour le MOC demain, nous sommes prêt ! que la médiation internationale et que le CSA arbitre, parce que la CMA a montré pour la énième fois sa mauvaise volonté en passant par des diversions, des manoeuvres dilatoires. Il est temps que le CSA et la médiation internationale tranchent, qu’ils nous attribuent notre quota, et ont va fournir nos combattants dans les 24h et on aura pas besoin de carburant pour les amener ! », assène Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune.

Actuellement la médiation internationale et la partie gouvernementale réfléchissent à ces propositions et on pourrait s’acheminer vers la poursuite de l’opérationnalisation du MOC, sans la CMA ou en attendant qu’elle prenne le train en marche. « C’est ce vers quoi on va peut-être se diriger, démarrer le MOC avec les éléments qui sont disponibles, en attendant que la CMA revienne. Car en réalité, Il y a un ras le bol. Dans quelques mois on sera à deux ans de l’Accord, et il n’y a que des papiers », résume cette source au CSA.

Pour ce cadre de la CMA sous anonymat, l’option des patrouilles mixtes sans la CMA ne rentre pas dans les accords, « Ce serait hors cadre », dénonce-t-il. Et d’ajouter, « Si ces petits mouvements font des patrouilles avec les FAMA et la Plateforme cela voudra dire qu’ils font partie de ces deux composantes. On ne peut pas les en empêcher mais nous les considérerons comme tel ».

Vers un éclatement de la coordination ? Cette option, si elle est prise par le CSA, pourrait déclencher une fracture voire un éclatement de la CMA où cohabitent difficilement ces groupes qui disent tous respecter l’Accord. « Si la solution pour mettre en œuvre l’Accord c’est l’éclatement, alors nous devons y aller. Ce n’est pas du tout exclu. Si on n’arrive pas à s’entendre et bien qu’on éclate, parce que ces peuples doivent exister chez eux et doivent être responsables de leur destin conformément à la constitution nationale. On n’a pas fait la rébellion pour ça. La rébellion c’était d’abord pour l’indépendance, puis la fédération, puis pour l’autonomie et c’est devenu maintenant la régionalisation. On ne peut pas se mettre sous tutelle de Kidal », ajoute le secrétaire général du CPA

Actuellement, la mise en œuvre e l’Accord est dans l’impasse. La balle semble dans le camp de la communauté internationale, qui joue, plus que jamais, son crédit. « Ce qui est sûr et certain, c’est que la CMA va revenir. On n’est pas inquiet outre mesure, elle nous a habitué à ça, elle se promène puis revient. Mais, il faut qu’elle comprenne que chaque minute qu’on perd dans la mise en œuvre de l’Accord, est une minute de souffrance pour les populations », conclut le colonel Mamadou Keita.

Alghabass Ag Intalla : «Le retour de l’administration malienne à Kidal ira crescendo »

Alors que les autorités intérimaires et le MOC ne sont toujours pas en place, que les tensions entre mouvements armés ressurgissent et que les attaques terroristes se sont notablement accentuées dans le Nord du Mali, le ministre de l’Énergie et de l’eau, Malick Alhousseini Maiga, foulait le sol de Kidal le 2 décembre dernier, un symbole et une première depuis mai 2014. Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), qui a directement oeuvré à la venue de ce ministre de la République dans la capitale du Nord, a accepté de répondre aux questions du Journal du Mali sur ces sujets brûlants qui font l’actualité.

La question d’un retour de l’administration malienne est cruciale à Kidal, sous quelles conditions serait-il possible dans un avenir proche, selon vous ?

Le retour de l’administration malienne ira crescendo avec l’application des termes des Accords. La visite ministérielle du ministre de l’Énergie Malick Alhousseini Maiga en est une étape, prévue dans les mêmes accords.

Justement, la visite du ministre de l’Énergie à Kidal a été une réussite et un symbole fort. On dit que c’est vous qui avez piloté sa venue, est-ce exact ? Par ailleurs, le MNLA ne semblait pas, au début, sur la même ligne que vous pour cette visite. Quelles sont vos relations avec Bilal Ag Chérif, chef du MNLA. On les dit compliquées ?

Toute la CMA s’est impliquée dans la réussite de la visite ministérielle. Nous faisons partie de la CMA. Nos relations avec le Secrétaire général du MNLA ont toujours été très bonnes et nous convergeons ensemble vers la réalisation d’une paix juste et durable.

Suite à la désignation des autorités intérimaires, la CMA a connu des divisions et certains vous accusent d’en être à l’origine. Que répondez-vous à cela ?

Ses accusations n’ont aucun fondement. Nous sommes une composante de la CMA et je ne vois ni comment, ni pourquoi d’ailleurs j’agirais négativement pour infléchir une décision qui s’inscrit en droite ligne dans le processus des Accords d’Alger et profiterait aux ressortissants de l’Azawad.

Où en est-on actuellement dans la mise en œuvre de l’Accord ?

La mise en œuvre a accusé un retard considérable, toute chose qui avait émoussé un peu l’enthousiasme initiale des populations. L’impact des consultations et commissions diverses à Bamako n’est pas visible sur les terrains. Ce retard a été malheureusement exploité par des parties opposées au retour à la normalité qui se sont insérées dans les failles du système pour retarder d’avantage les échéances initialement prévues.
Cependant la 13ème session de la CSA a fait des recommandations que nous estimons être assez significatives dans la mise en œuvre des Accords. Nous tiendrons les engagements que nous avions pris dans ce sens.

Comment expliquez-vous le retard, les avancées et reculades dans la
mise en œuvre de l’Accord ?

Beaucoup de paramètres concourent à cette situation. L’opposition interne aux Accords, leur opérationnalisation légale, la mise à niveau des institutions de l’État par rapport à leur contenu, la mise en place des mesures de confiance, inertie administrative, déficit de moyens financiers et matériels adossé à une mauvaise volonté due essentiellement à une lecture biaisée des Accords. A cela, s’ajoutent les agendas cachés de certaines forces qui ont du mal à s’inscrire dans la normalité.

Le CSA a mis un groupe de travail en place à l’issue de sa 13ème session pour garantir le succès de ce groupe. Il est demandé aux groupes armés d’être représentés au plus haut niveau. Êtes-vous prêts à participer à ce groupe de travail ?

Nous participons déjà à ce groupe de travail et sommes prêts à apporter notre contribution au sein de tous les mécanismes susceptibles de faire avancer le processus pour lequel nous nous sommes engagés.

Les tensions semblent être ravivées entre le Gatia et la CMA, surtout depuis l’attaque d’un convoi du Gatia par Ansar Dine et dit-on, par des combattants du HCUA, en novembre dernier. Se dirige-t-on vers un nouveau conflit armé entre mouvements ?

Les évènements de Tinzaouatène en novembre dernier ne concernent pas la CMA malgré tous les sous-entendus diffusés à dessein par le Gatia. Nous ne souhaitons pas nous engager dans des querelles intestines qui ne font que déchirer encore plus le tissu social. Néanmoins, nous sommes prêts à toutes éventualités espérant qu’aucune nouvelle escalade ne vienne perturber le processus de paix engagé.

Au niveau sécuritaire on observe une intensification des attaques terroristes visant les FAMA et les forces étrangères. Que peut faire le HCUA à son niveau contre la recrudescence de ces attaques ?

Le HCUA comme l’ensemble de la CMA est aussi victime de cette recrudescence. Á ce sujet, la CMA ne peut rien faire en dehors des mécanismes prévus par les Accords. Il faut noter qu’une autre forme de terrorisme règne et est matérialisée par les attaques, les violations des droits humains, les terreurs faites sur les populations civiles imputables aux milices armées des groupes dits d’autodéfense.

Certains avancent qu’il faudrait faire entrer Iyad Ag Ghaly à la table des négociations, quel est votre avis là-dessus ?

Si ceux qui le disent pensent que cela peut ramener la paix, la cohésion sociale, la concorde souhaitée pour lesquelles nous avions signé des accords, je ne peux que m’en réjouir.

 

13ème session du CSA : le blocage continu

Ouvert sous de hautes tensions, la 13ème session du comité de suivi de l’Accord pour la paix et réconciliation issu du processus d’Alger, n’a pas permis d’aplanir les difficultés entre les différentes parties signataires de l’accord. Appel est donc fait aux chefs des groupes armés dans le plus délai pour faire avancer le processus.

Mardi dernier, a pris fin la 13ème session du comité de suivi de l’Accord. Il était question, de mise en place des autorités intérimaires, de l’opérationnalisation du mécanisme opérationnel de coordination (MOC), des DDR accélérés etc.

À cause des errements des groupes armés signataires, cette session s’est déroulée dans une atmosphère délétère. Il fut même impossible d’aborder l’ordre du jour à l’ouverture de session, ce qui a poussé le président du comité a d’abord vidé les contentieux. « Il faut aujourd’hui situer les responsabilités », souligne le Pr Younoussa Touré vice-président de la CMFPR2.

Tout récemment, le commandant de la force onusienne au Mali, le général Michael Lollesgaard, a fait le point sur les différentes rencontres. Il avait tiré un bilan contrasté des cinq séances de travail qui ont été marquées par une série de blocages notamment au sein des groupes armés signataires de l’Accord. Dans un communiqué, le général Michael Lollesgaard a regretté que les cinq séances de depuis le 8 novembre n’aient pas permis de finaliser le travail et les engagements pris, avant de noter les points de blocage dans la mise des commissions DDR et intégration ainsi que la désignation des sites de pré-cantonnement dans la région de Kidal.

Pour le Pr Younoussa Touré « Il n’y a pas de manière correcte de traiter les sujets, tout ce qui se fait, c’est Bilal Ag Chérif et Alghabass Ag Intallah qui décident et chaque fois que nous remettons les problèmes sur la table, on nous demande d’aller régler ces problèmes entre nous. Je représente cinq mouvements et aujourd’hui, on pas la possibilité de mettre nos hommes au niveau des différentes commissions. Et tant que nous ne ferons pas parti du système, ça n’ira pas loin et les choses pourront encore se compliquer si la communauté internationale garante de l’accord ne hausse pas le ton », ajoute-t-il. Pour de nombreux groupes armés membres de la CMA, le gouvernement ne traite qu’avec les personnalités influentes de la coordination. Coté plateforme, le constat est le même. Pour ses responsables, le gouvernement accorde toute son attention aux faits et gestes des responsables de la CMA. «Pour la mise en place des autorités intérimaires dont font allusion la CMA, je pense qu’il y a des préalables comme la sécurité et le retour de l’administration. On ne peut pas mettre aujourd’hui ces autorités en place en absence de l’Etat. Or, à l’heure actuelle l’Etat n’existe pas à Kidal. Mais Il nous semble aujourd’hui que le gouvernement n’est pas dans cette logique », explique Habala Ag Hamzatta, de la plateforme. « Les choses comment à bouger, nous avons tous décriés le blocage et nous avons estimé nécessaire qu’au niveau du CSA on puisse se dire les vérités afin de situer les responsabilités pour que la mise en œuvre de l’Accord puisse être une réalité. Nous avons aussi déploré la tenue des communales dans le nord du pays, parce qu’il y avait une entente qui disait qu’on allait mettre les autorités intérimaires dans la région, au niveau du cercle et dans les communes là où ça ne marche pas. Et les ministères ont dépensé 400 millions pour la vulgarisation de cette entente », explique Mamadou Djéri Maïga de la CMA Selon lui, l’Etat doit diligenter les patrouilles mixtes et l’intégration accélérée des combattants.

Pour mettre fin à ce blocage, le comité va mettre en place un groupe de travail, sous la présidence du Haut représentant du Président de la République, afin de permettre le lancement effectif de la période intérimaire. « Dans un souci d’efficacité et afin de garantir aux travaux de ce groupe les meilleures chances de succès, la participation de la CMA et de la plateforme doit être assurée au plus haut niveau hiérarchique »,déclare Ahmed Boutache, président du CSA.

 

Alliance dissidente de la CMA : « Nous ne pouvons accepter l’inacceptable ! »

Le torchon n’en finit pas de brûler entre mouvements, au sein de la CMA. Le point de discorde ? le décret de nomination des autorités intérimaires, validé le 14 octobre dernier par le gouvernement et jugé ‘‘non-inclusif’’ par 4 mouvements de la CMA : le Congrès pour la justice de l’Azawad (CJA), le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition des Peuples de l’Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements, Forces Patriotiques de Résistance CMFPR2, entrés depuis en dissidence, et qui pourraient remettre en cause, si une solution n’est pas trouvée, la mise en œuvre de l’Accord à quelques jours de l’application des autorités intérimaires et du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC).

« Ce décret qui a fait l’objet des autorités intérimaires en désignant un certain nombre de personnes, sans concertation, sans consultation préalable est dangereux pour notre pays, il met nos régions sous tutelle d’un agenda que nous ne maîtrisons pas. Parce qu’ils ont été désignés sans nous, en ignorant la majorité des populations du Nord, pour être plus précis, les populations de Taoudénit, de Tombouctou de Gao et de Ménaka », assène Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, Secrétaire général de la CPA, lors de la conférence de presse qui a réuni hier à l’hôtel Laico El Farouk, les 4 leaders des mouvements dissidents de la CMA : Hama Ag Mahmoud secrétaire général de la CJA, Ahmed Mohamed Ag secrétaire général du MSA, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune secrétaire général de la CPA et le Professeur Younossa Touré, secrétaire général CMFPR2. Ils étaient rassemblés pour faire entendre leurs voix, alerter la communauté nationale et internationale et le peuple, afin qu’ils comprennent leur combat dans toute sa dimension et dans toute sa diversité.

Depuis ce décret, au sein de la CMA dont les relations étaient déjà orageuse, rien ne va plus. Les mouvements dissidents ont fortement insisté, lors de la dernière réunion du Comité de Suivi de l’Accord (CSA), sur cette question d’inclusivité, point d’orgue de la crise, mais rien n’y a fait. Des tentatives de discussion et de conciliation ont également été organisée, sous l’arbitrage du gouvernement mais la MNLA et la HCUA ont refusé de rencontrer les mouvements dissidents. « Ils soutiennent que l’Accord c’est 3 parties, la CMA, la Plateforme, le gouvernement, et la CMA c’est eux, les autres ce n’est rien », déclare Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, alors que l’article 67 de l’Accord de paix, stipule que : « La Coordination et la Plateforme sont entendues comme incluant toutes les entités qui en font partie à la date de la signature du présent Accord. Les signataires au nom de la Coordination et de la Plateforme le font au nom de chacune et de toutes ces entités ». Pour Younoussa Touré du CMFPR2, allié de ce regroupement encore informel, « Le gouvernement doit tenir compte des voix discordantes qui viennent de tous les côtés. Il doit être vigilant quand on lui présente une liste, être capable de dire si cette liste va poser problème. Quand vous avez une liste pour Tombouctou où vous avez entièrement des arabes, des nomades des songhai, c’est du devoir du gouvernement de moraliser ces choses-là »

Malgré la contestation, les autorités intérimaires seront mise en place le 15 novembre prochain et seront précédées par l’installation du MOC. Une session extraordinaire de la Commission Technique de Sécurité (CTS) s’est tenue au CRES, depuis le 8 novembre, pour parler de la mise en œuvre des ces deux dispositions de l’Accord et pour essayer de trouver une solution à la crise. « Nous tous ça ne nous intéressent pas, la patrouille mixte, le MOC pour l’instant ce n’est pas ce qui nous intéresse, le message qu’on a passé à la CTS était clair, on règle les questions politiques et les problèmes d’exclusion sans lesquels ils ne pourront rien faire » indique l’alliance. Hier, dernier jour de session de la CTS, une solution n’avait toujours pas pu être dégagée et l’alliance des mouvements dénonçait des tentatives de pression sur le gouvernement pour signer un nouveau décret qui continuerait de les exclure. « Au moment ou je vous parle, certains sont en train de forcer les portes pour pondre de nouveaux décrets, notamment la commission DDR, la commission d’intégration, la commission nationale de réforme du secteur de la sécurité, ils sont en train de mettre la pression et bousculent le gouvernement, ils utilisent leurs cadeaux pour l’amener à pondre un décret dans les mêmes conditions que pour les autorités intérimaires », dénoncent Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune.

Si le decret de nomination des autorités intérimaires n’est pas arrêté pour laisser place à des concertations et si ce nouveau décret passe, les 4 mouvements, qui disent représenter une partie écrasante de la CMA, préviennent que la mise en œuvre des patrouilles mixtes ne sera pas appliquée, « Il n’y aura pas de patrouille mixte, parce que les combattants c’est nous, nos frères, nos enfants », lance le secrétaire général de la CPA. Et d’ajouter, « Nous défendrons nos droits, quoique cela puisse nous coûter, même si ça doit nous amener à la résistance physique, parce qu’il s’agit de notre dignité en tant que malien et en tant que citoyen qui sommes chez nous ».

12ème session du CSA : les autorités intérimaires effectives entre le 1er et le 10 novembre

Malgré les différences d’appréciations apparues dans les débats au sujet des listes pour la mise en place des autorités intérimaires, les travaux de la 12ème session du CSA, annoncés périlleux ont pris fin hier dans un climat de sérénité et de compréhension mutuelle. En prélude aux élections communales du 20 novembre prochain, un nouveau chronogramme de mise en place des autorités intérimaires est prévu entre le 1er et le 10 novembre. Pour les élections communales et la mise place de ces autorités intérimaires, on attend les derniers mots de l’administration pour voir la faisabilité parce que la loi dit que les élections peuvent être générales ou partielles selon les contextes.

Le comité de suivi de l’Accord (CSA) a tenu sa douzième sesion ordinaire aux bureaux du Haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord, ex-CRES, les 19 et 20 octobre dernier. Dans un communiqué rendu public, le comité a exprimé de nouveau sa préoccupation concernant la situation sécuritaire et humanitaire qui prévaut dans la région de Kidal, tout en félicitant le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, pour ses initiatives en vue d’un règlement pacifique et définitif de cette crise et a appelé les parties à y souscrire pleinement.

Concernant la mise en œuvre de l’Accord, le Comité a constaté des avancées notables et a encouragé les parties à maintenir cette dynamique. « Cette fois ci, plus que jamais, nous nous sommes retrouvés, ramener dans une réelle application de l’Accord de paix, en raison notamment des décisions majeures qui ont été prises en ce qui concerne la mise la place des autorités intérimaires et l’activation des mécanismes sécuritaires », explique Ahmed Boutache, président du Comité. Pour lui, un engagement concomitant a été obtenu du Haut représentant du premier ministre pour que des rencontres se tiennent dès aujourd’hui avec l’objectif d’aplanir les petites difficultés qui sont apparues afin que les choses soient faites de façon inclusives et consensuelles et que personne ne soit laissé de côté.

En ce qui concerne la mise en œuvre des autorités intérimaires, elles devraient être effective entre le 1er et le 10 novembre au plus tard, à condition que la réunion d’aujourd’hui qui doit regrouper le gouvernement, la CMA et la plateforme parvienne à lever les obstacles.

Pour la mise en pratique des patrouilles mixtes dans le cadre du MOC, le représentant spécial du chef de la MINUSMA souligne qu’un chronogramme a été établi. «Nous pouvons commencer les patrouilles mixtes dans la région de Gao dans quelques semaines, suivie des autres régions. On est en train de préparer les cantonnements qui vont débuter avec six mille combattants », a-t-il ajouté.

Sur les questions de sécurité, le Comité a noté avec satisfaction les dépôts des listes des membres pour l’opérationnalisation des différents mécanismes sécuritaires prévus par l’Accord. « C’est vrai dans tout œuvre humaine, il y a toujours des mécontents, mais au sortir de cette 12ème session, je suis très optimiste car au niveau de la commission défense et sécurité, il y a eu des avancées notoires avec le dépôt des listes pour les commissions DDR et d’intégration «, a expliqué Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun.

Au niveau du conseil national pour la réforme de secteur de la sécurité (CNRSS), la Plateforme a déposé la liste de ses membres et la CMA qui ne l’a pas encore déposé a promis de remettre sa liste dans un délai de trois jours », indique Habala Ag Hamzata, membre de la Plateforme. Un avis partagé par les mouvements armés de la CMA qui ont décidé de continuer à dialoguer pour déposer une liste consensuelle au niveau des différentes commissions. «C’est un sentiment général d’espoir, les choses sont en train d’avancer malgré quelques difficultés signalées notamment dans la mise en place des autorités intérimaires où il y a quelques réglages à faire, nécessaires pour avancer. Globalement je pense que cette session a été positive pour avoir courageusement posé ses difficultés qui ne sont autres que des questions d’inclusivité et de représentativité, et tous sont d’accord pour dire quelles sont surmontables dans des délais très courts », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun membre de la CMA au sein du CSA.

 

Processus de paix : vers la levée du blocage

La 9ème session du Comité de suivi de l’accord d’Alger qui avait été reportée à une date ultérieure, aura finalement les 13 et 14 juin prochains. Elle sera consacrée essentiellement aux questions relatives à la mise place de l’administration intérimaire et l’opérationnalisation des mécanismes sécuritaires, à savoir les patrouilles mixtes.

L’information a été donnée par la mission onusienne au cours de sa traditionnelle conférence de presse au QG de l’organisation. En effet, au cours de la période du 2 au 8 juin, la CMA et la Plateforme ont suspendu leur participation aux travaux des sous-comités thématiques, à l’exception de celui de Défense et de Sécurité pour des raisons liées au retard de la mise en place des autorités intérimaires. Par conséquent, la médiation internationale a jugé nécessaire de reporter la réunion du Comité de suivi pour la mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger (CSA) qui devait se tenir les 3 et 4 juin dernier. Selon M. Salgado, au cours de cette période, «la MINUSMA et l’ensemble de la médiation internationale à Bamako ont organisé des séries de concertations avec les parties signataires de l’accord en vue d’accélérer sa mise en œuvre ». Compte tenu des discussions en cours, entre le gouvernement et les mouvements armés concernant les points susmentionnés, la médiation internationale a convenu de remettre la prochaine réunion du CSA aux 13 et 14 juin prochains.

Déjà, une mission mixte, jugée satisfaisante, a été effectuée sous la présidence du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) à Gao avec des combattants des trois parties signataires de l’Accord de paix, les FAMA, la CMA et la Plateforme. Pour les différents acteurs, la mission a été conçue comme une mesure d’établissement de confiance et avait pour but de fournir du matériel et des véhicules pour l’établissement du nouveau MOC à Tombouctou. Le principal point de blocage entre le gouvernement et les groupes armés dans le cadre des patrouilles mixtes est donc levé.

Pour les mouvements armés, leurs combattants doivent automatiquement être considérés comme des militaires maliens, sans passer par le DDR. Ce qui suppose qu’ils deviennent des salariés directs de l’armée. Un point de vue qui n’est pas partagé par Bamako, qui veut, avant les DDR verser des primes générales alimentaires (PGA) et des primes spéciales. Aux dires de M. Salgado, « grâce à la médiation, le gouvernement et les groupes armés se sont mis d’accord pour aller vers les DDR accélérés, en faisant des patrouilles mixtes dans le cadre des MOC ». Ce faisant, le 2 juin dernier, le Président IBK a rencontré à Bamako, les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies, qui sont la Russie, la Grande Bretagne, la France, la Chine et les Etats-Unis. L’objectif était de discuter de la coopération dans la prévention des attaques terroristes contre les FAMA et les Casques bleus. Aux dires de M. Salgado, le président IBK et les cinq ambassadeurs ont convenu de la nécessité de faire la promotion du nouveau mandat de la MINUSMA afin notamment de clarifier les attentes.

Accord pour la paix et la réconciliation : la chaise vide

Alors qu’il y a quelques semaines encore, à l’occasion de son premier anniversaire, on dressait un bilan plutôt satisfaisant de la mise en œuvre de l’accord de paix et que les perspectives allaient dans le bon sens, depuis fin mai, plus rien ne va. Sur le terrain, au nord comme au centre du pays, la violence a redoublé d’ampleur et il ne se passe plus de journée sans attaque contre l’armée malienne ou la MINUSMA. Les mouvements armés et le gouvernement semblent installés dans un dialogue de sourds, chaque partie se rejetant la responsabilité du blocage, et même les discussions menées en Algérie sous l’égide du médiateur n’ont pas fait bouger les lignes. Si pour certains il s’agit juste de difficultés de compréhension entre les parties, la situation semble bel et bien bloquée…

La 9ème réunion du Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation, qui devait s’ouvrir lundi 6 juin à Bamako, a été reportée une nouvelle fois. Aucune date n’est pour le moment fixée, sachant que la Plateforme et la CMA ont décidé de suspendre leur participation au comité de suivi et aux travaux des sous-comités qui étaient prévus les 1er et 2 juin derniers. La raison : le gouvernement et les groupes signataires ne sont pas parvenus à un compromis autour du processus de mise en place des autorités intérimaires. Pour mettre à plat les problèmes et tenter de résoudre ces « difficultés », une réunion s’est tenue à Alger du 27 au 30 mai avec pour objectif de « lever les blocages» dans le processus. Motus sur le contenu des échanges, les parties évoquent cependant leur optimisme. Mais après une semaine de conciliabules, les lignes n’ont guère bougé. Dans un communiqué conjoint, les deux groupes armés, la CMA et la Plateforme, jadis ennemis, ont annoncé leur décision de ne plus prendre part aux rencontres multipartites et reprochent au gouvernement « son manque de volonté à trouver des solutions consensuelles à la mise en place des autorités intérimaires et pour la suite de la mise en œuvre de l’accord ». À Bamako, on affiche une sérénité qui ne tient pas la discussion : pour le gouvernement, « la mise en place des autorités intérimaires concerne en premier lieu les communes où existent des dysfonctionnements dans les conseils communaux ». Pas question, donc, de généraliser la chose et un travail est en cours pour déterminer où doivent être installées ces collèges transitoires. De l’autre côté, on entend un autre son de cloche : « Il est urgent de mettre en place les autorités intérimaires, condition au début du cantonnement », explique une source proche des mouvement armés, car leurs responsables craignent les réactions des jeunes combattants qui sont de plus en plus impatients. « Il y a des centaines de jeunes qui sont arrivés depuis plusieurs mois, certains sont d’ailleurs repartis. J’en ai vu à Tessalit, à Aguelhock, mais aussi à Gao. Il s’agit de jeunes dont certains sont diplomés, qui sont au chômage depuis quelques années. Pour tous ces jeunes, l’intégration est la meilleure option pour réussir ». D’autres points sont évoqués par les groupes armés, désormais partisans de la politique de la chaise vide, à savoir leur representativité au sein des institutions et administration de l’État, le statut des combattants qui doivent participer aux patrouilles mixtes, la prise en charge des combattants et l’annulation de certaines décisions prises par le gouvernement en rapport avec le processus.

En sous-main « Il faut partir du fait que la crise malienne est d’abord une crise politique. Si tout le monde a placé d’immenses espoirs dans l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, c’est qu’aussi bien les Maliens que les amis du Mali espèraient que sa mise en œuvre allait changer quelque chose. Or, le constat aujourd’hui est que l’Accord pour la paix et la réconciliation n’avance pas ou avance un peu », déclarait Mahamat Saleh Annadif, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies (RSSG) le 2 juin dernier, au lendemain d’une nouvelle attaque contre les casques bleus. En effet, depuis que les groupes armés ont annoncé leur retrait du processus le 20 mai 2016, l’insécurité est montée d’un cran. En l’espace de dix jours, la MINUSMA a perdu douze casques bleus (six Tchadiens, cinq Togolais, un Chinois) et trois prestataires civils. Idem pour les forces armées maliennes (FAMAs), qui ont subi aussi d’énormes pertes en vies humaines. Pour Monsieur Annadif, le lien entre la recrudescence des attaques et la situation de blocage est indiscutable et « la meilleure façon de combattre les terroristes, de les isoler, c’est la mise en œuvre effective de l’Accord de paix. Toute minute, tout temps perdu pour la mise en œuvre de cet accord est autant de temps gagné par les ennemis de la paix ».

Les ennemis de l’accord ne sont pas seulement ceux qu’on croit, soutient sous couvert de l’anonymat un membre du comité de suivi. La violence qui s’est généralisée et s’étend dans le centre du pays ne serait, selon lui, pas forcément le fait de djihadistes. « Il n’est pas exclu que les groupes armés, réunis au sein de la CMA ou de la Plateforme, renforcent ainsi la pression sur le terrain. Meeting et marches de protestations, pose de mines, tirs de roquettes, tout est mis en œuvre pour prouver leur détermination à ne point céder sur leurs revendications », assure-t-il. De l’analyse de spécialistes, le blocage dans la mise en œuvre de l’accord, trouverait plutôt son origne dans les rivalités personnelles au sein des mouvements armés, qu’à un quelconque désaccord avec le gouvernement. La multiplicité des acteurs et des intérêts rend fragile la cohésion de ces groupes où la hiérarchie sociale n’existe plus. Si autrefois, certaines catégories sociales avaient un certain pouvoir et maintenaient l’unité des groupes, aujourd’hui « a du pouvoir qui a de l’argent ». « Cette nouvelle race de riches affranchis de tout contrôle social par les chefs de tribus est hostile à un accord préjudiciable à leurs profits », explique un observateur. Près d’une dizaine de groupes ou mouvements armés sont signalés sur le terrain actuellement et « tous exigent leur présence dans les différences instances pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Absent de marque, Iyad Ag Ghaly. Il est en réalité le grand chef d’orchestre de tout ce qui se passe dans le septentrion malien. Il n’occupe aucun poste dans l’organigramme des mouvements et groupes cités, mais son ombre plane toujours», conclut notre interlocuteur.

« Pas question de céder au pessimisme », selon l’ambassadeur d’Algérie au Mali, dont le pays préside la médiation. La rencontre d’Alger devrait bientôt être suivie de la rencontre de la médiation internationale qui doit se pencher sur l’évolution du processus. Le grand voisin du nord a, à travers son ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, reçu en audience par le président IBK le 3 juin, réaffirmé sa volonté « de concrétiser les grandes lignes de cet accord ». À Bamako, même si rien n’est officiellement dit, on constate que les réunions se multiplient. De la Primature au ministère de l’Action humanitaire et de la Solidarité, on suit « de très près l’évolution de la situation » et on assure que « tout est mis en œuvre pour sortir de cette impasse qui ne fait que compliquer la quête de paix définitive des Maliens ».

Le CSA reporte sa 9ème réunion

Le Comité de Suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ne s’est pas réuni ce 31 mai comme prévu. La réunion a été reportée aux 2 et 3 juin.

Prévue pour ce mardi 31 mai, la 9ème réunion du Comité de suivi de l’accord a été reportée aux 2 et 3 juin prochains. Raison de cette décision: les délégations parties à Alger la semaine dernière pour de nouvelles discussions sont toujours sur place . Rien ne filtre des échanges qui s’y déroulent depuis plusieurs jours. On se souvient que la semaine dernière, les groupes armés de la CMA et de la Plateforme annonçaient la suspension de leur participation au sous-comité politico-institutionnel.

Autorités intérimaires
C’est sur la question de la mise en place des autorités intérimaires que sont apparues des divergences entre les groupes armés et le gouvernement. Les premiers en exigeant la concrétisation avant toute autre avancée, le gouvernement privilégiant les aspects sécuritaires tels que le cantonnement et à la démobilisation des combattants. Les mouvements armés reprochent au gouvernement  » le manque de volonté à trouver des solutions consensuelles » à la mise en place de ces des autorités intérimaires et « dans la suite de la mise en œuvre de l’accord « .

En attendant le retour des délégations et une décrispation de la situation, les travaux de comité de suivi de la mise en oeuvre de l’accord sont reportés aux 2 et 3 juin prochains. Sur le terrain, on assiste à une recrudescence des actes de terrorisme dont sont principalement victimes les militaires maliens et les casques bleus. En une dizaine de jours, quinze personnes ont ainsi perdu la vie.