Commerce mondial : à la croisée des chemins

Mis à mal par les effets de la pandémie de covid 19, la guerre en Ukraine et le renchérissement du coût de plusieurs produits de base, le commerce mondial doit se relancer dans un contexte difficile où la solidarité internationale et la résilience des acteurs seront déterminants.

« Nous espérons qu’il y aura quelques améliorations à apporter », s’est notamment exprimée la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Dr Ngozi Okonjo- Iweala, dans un échange par vidéoconférence avec des journalistes francophones le 15 décembre 2022. Evoquant le changement climatique, les sécheresses dans beaucoup de parties du monde sans occulter les tensions géopolitiques qui ont un effet sur le commerce, elle est revenue sur les discussions avec certains membres de l’OMC quand à la relocalisation des chaînes de production et la fragmentation.  Même si les discussions ne sont pas encore abouties, elle espère que le recours à ces pratiques qui ne favorisent pas la résilience, ne sera pas effectif.

Renforcer les accords régionaux

Abordant la zone de libre échange du continent africain (Zlecaf), elle estime que c’est « un accord extrêmement prometteur qui pourrait faire la différence quand à la participation et à la place de l’Afrique dans le commerce mondial ».

Pour cela, le Continent doit élever au-delà du niveau actuel de 15%, les échanges interafricains. Mais surtout avoir de la valeur ajoutée sur les produits à exporter. Entre pays africains d’abord, puis entre ceux-ci et le reste du monde. Parce que le constat que les exportations concernent essentiellement des matières brutes et des produits de base. Car développer le commerce, suppose ajouter de la valeur.

Et c’est possible, parce que l’Afrique dispose d’atouts pour transformer et fabriquer d’autres produits. Comme les produits pharmaceutiques que nous importons en grande masse. A l’image des vaccins à 99% et tous les produits pharmaceutiques à 95%. Il faut à présent convaincre davantage d’industriels africains à investir sur le Continent.

Surtout qu’à l’issue d’intenses négociations une dérogation à l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, a permis « la fabrication et l’exportation rapide de vaccins contre la covid 19 sans le consentement du titulaire du brevet », s’était réjoui un acteur à l’issue de la CM12.

Quelques pays du continent ont une capacité plus ou moins faible et d’autres espèrent la mettre en place très bientôt. L’Afrique du sud est bien positionnée, le Sénégal avec une moindre capacité. Et d’autres comme la Tunisie, le Nigeria, le Rwanda ou encore le Ghana veulent emboîter le pas. L’objectif étant que d’ici à 2 ans, le ccntinent puisse acquérir une capacité à produire et à utiliser les vaccins.

Revenant sur les conclusions de la CM12, la directrice générale de l’OMC a salué le premier accord de pêche sur la durabilité qui doit être ratifié par 2/3 des membres, et qui sera crucial pour sauvegarder les poissons des côtes africaines.

Alors que le système des règlements des différends où il n’y a pas eu d’accord, doit être reformé d’ici 2024.

Commerce mondial : l’Afrique jouera-t-elle sa partition ?

Malgré une croissance importante du secteur des services, l’Afrique, qui compte 14% de la population mondiale, ne représente que 2,3% du commerce import et export. Avec une faible performance des investissements et des exportations basées sur des matières premières, dont il ne contrôle pas le prix, le continent doit imaginer une stratégie plus cohérente et plus globale afin de relever les défis face à des partenaires plus solides.

La nécessité d’une adaptation du commerce africain est d’autant plus cruciale que les investissements pour rendre ce secteur plus performant ont encore baissé. Avec des exportations de combustibles fossiles dont le monde « ne veut plus » et une faible offre de produits manufacturés, qu’elle importe majoritairement, l’Afrique reste exposée aux aléas des crises qui touchent le commerce mondial.

Les investissements sur le continent, qui constituent le « miroir » du commerce, sont centrés sur les mines et, dans ce domaine, les investissements directs étrangers (IDE) provenant d’Europe en direction de l’Afrique ont représenté 47%, les produits manufacturés 41% et les finances 11% entre 2013 et 2020.

En ce qui concerne le commerce intra africain, les exportations de matières premières ont représenté 36%, les produits manufacturés 45% et les produits alimentaires 19%. Les importations ont quant à elles représenté pour les matières première 68%, pour les produits manufacturés 20% et pour les produits alimentaires  12% des échanges. Les produits échangés à l’intérieur du continent sont principalement les céréales, fruits et légumes.

Prises individuellement, les économies sont relativement petites et donc, pour développer le commerce, le marché unique est une opportunité importante. « Le profil commercial du continent est risqué », estime le Professeur David Luke, Professeur en pratique et Directeur stratégique du Firoz Lalji Institute pour l’Afrique.  « Construire des économies résistantes ne peut se faire en ne comptant que sur les produits de base », ajoute-t-il. L’exemple de la crise de la Covid-19 doit à cet égard servir de leçon. En effet, alors que le reste du monde amorçait sa remontée, l’Afrique devait envisager sa résilience.

Meilleure structuration

Dans le domaine des exportations, l’Union européenne est le premier partenaire du continent avec 26%, suivie de la Chine 15%. Le commerce intra africain représente 18%, les États Unis 5%, le Royaume Uni 3% et les autres partenaires 34%. L’Afrique étant un partenaire avec plusieurs spécificités, cela peut compliquer sa situation. Le partenaire européen doit donc être « considéré comme une entité économique ».

À l’OMC, « on doit imaginer l’interaction devant exister avec l’Afrique. Et les décideurs africains doivent être précis sur la manière de rendre les règles flexibles pour le continent ». Les pays africains doivent au-delà de parler d’une voix et avoir une stratégie bien pensée de la manière de traiter avec les autres.