Mali- Transition : concertations nationales les 5 et 6 septembre

Après la rencontre reportée avec certains « forces vives » de la nation le week-end dernier, le CNSP organise les 5 et 6 septembre les journées de concertations nationales sur la gestion de la transition au Centre international de conférence de Bamako (CICB). En vue de ces concertations nationales, le CNSP a rencontré plusieurs acteurs lundi 31 août. Selon un communiqué du comité, ces rencontres auront pour objectif de : convenir de le feuille de route de la transition, de définir l’architecture et les organes de la transition et enfin de contribuer à l’élaboration de la charte de la transition. Les partis politiques, les organisations de la société civile, le M5-RFP, les groupes signataires de l’accord pour la paix, les organisations syndicales et les associations et faîtières de la presse sont invités à prendre part à ces concertations. Un sommet ordinaire de la CEDEAO est prévue le 7 septembre, sommet au cours duquel, les chefs d’Etat et de gouvernement feront un nouveau point sur la situation au Mali.

Concertations nationales : pour quoi faire ?

Des voix se font de plus en plus insistantes pour réclamer des assises devant permettre aux Maliens d’échanger, « car la solution à leurs problèmes ne peut pas venir seulement de l’extérieur ».

En mars dernier, Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la République et la démocratie (URD), réagissait aux propos de Zahabi Ould Sidi Mohamed, ministre de la Réconciliation nationale, qui avait déclaré que l’opposition soutenait la mise en œuvre de l’Accord de paix : « Il ne peut pas parler à notre place. (…) L’opposition a demandé des concertations nationales qui n’ont jamais été faites ! ». Ces propos du chef de file de l’opposition ont remis en selle les partisans de l’organisation de concertations nationales, prévues dans l’Accord cadre du 6 avril 2012 pour déterminer la feuille de route de la Transition. Autrefois soutenues par le Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti au pouvoir, elles sont aujourd’hui réclamées par d’autres acteurs politiques, y compris au sein de la majorité et des organisations de la société civile.

Assises nationales, ou conférence d’entente ? À présent que certains blocages à la mise en œuvre de l’accord sont levés, et en particulier l’installation des autorités intérimaires, les mêmes voix s’élèvent pour ramener le sujet. Pour Djiguiba Kéïta dit « PPR », secrétaire général du Parti pour la renaissance africaine (PARENA), « la tenue des concertations nationales est maintenant nécessaire parce que nous les voyons comme une solution alternative à la mise à l’écart de pans entiers de notre pays dans les négociations ayant abouti à l’accord de paix ». La requête de l’opposition repose sur le postulat qu’un pays qui est en train de sortir de la crise ne pourrait faire l’économie de ces assises, qui permettront aux Maliens de s’asseoir « pour dire ce qu’il faut faire », ajoute Hammadoun Amion Guindo, secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM). Mais les larges échos donnés par les médias à la demande de l’opposition n’ont été écoutés que d’une oreille distraite dans les hautes sphères du pouvoir, où l’on s’interroge sur l’intérêt qu’il y a à organiser de telles concertations, à partir du moment où l’accord de paix prévoit une conférence d’entente nationale. « C’est après le coup d’État que ces concertations devaient avoir lieu, pas maintenant. IBK ne va jamais adhérer à une telle requête », confie un proche du Président. Il demeure tout aussi évident qu’il appartient au pouvoir de rendre inclusive cette conférence d’entente nationale, en l’élargissant aux partis politiques et organisations de la société civile qui soutiennent mordicus que les négociations pour l’accord de paix ont été « exclusives ». Nul ne saurait dire aujourd’hui si ces assises auront finalement lieu ou pas, même s’il y a quelques semaines, un responsable de la mise en œuvre de l’accord laissait entendre qu’elles étaient prévues. En attendant, cela reste un sujet de plus pour alimenter les dissensions au sein de la classe politique malienne.

Djiguiba Keïta dit PPR, secrétaire général du PARENA : « La caractéristique de ce pouvoir, c’est qu’il a peur de dialoguer »

Ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, secrétaire général du Parti pour la renaissance nationale, Djiguiba Keïta dit PPR (prêt pour la révolution) revient, pour le Journal du Mali, sur la requête de son parti, le Parena, ainsi que de l’opposition, d’organiser des concertations nationales qu’il voit « comme une solution alternative à la mise à l’écart de pans entiers de notre pays… »

Depuis 2014, le Parena, à l’instar d’autres partis de l’opposition et de la majorité présidentielle, des mouvements de la société civile, réclame des concertations nationales. Pourquoi ?

Nous jugeons nécessaire la tenue des concertations nationales parce que nous les voyons comme une solution alternative à la mise à l’écart de pans entiers de notre pays dans les négociations ayant abouti à l’accord d’Alger. Cet Accord, négocié avec les rebelles du Nord du pays voudrait s’appliquer à l’ensemble de notre nation, d’où des inquiétudes innommables. Par ces concertations, que nous voudrons totalement inclusives, c’est toutes les composantes de notre pays et de notre nation qui diront leur mot sur le devenir du Mali. En effet, négocié par un pays totalement terrassé, en position d’extrême faiblesse depuis l’irresponsable équipée meurtrière du présomptueux Premier ministre en mai 2014, l’accord qui nous est venu d’Alger, s’il est mis en œuvre, va accoucher d’un autre Mali.

Qu’entendez-vous par un autre Mali ? 
D’un Mali à deux vitesses ! D’un côté, nous aurons dans un premier temps le Mali des enfants gâtés de la République pour avoir pris les armes contre leur pays, et de l’autre, ceux qui ont fait confiance à leur État qui les aura trahis. Les enfants gâtés, une fois consolidés par les milliards du pays et ceux venus d’ailleurs, n’auront, tranquillement, qu’à proclamer leur Azawad Indépendant. Si rien n’est fait donc, la partition du pays est en bonne voie depuis l’Accord de capitulation d’Alger. Les Concertations nationales sont une opportunité que nous exigeons pour sauver le Mali de nos pères!

Est-ce que le moment se prête à la tenue de ces concertations, qui, on s’en souvient très bien, étaient prévues dans l’accord-cadre du 6 avril 2012, mais n’ont jamais eu lieu jusqu’à aujourd’hui ?
Mieux vaut tard que jamais. Aujourd’hui, ça devient encore plus pressant parce que notre pays est en train de nous échapper, par capitulation de ceux qui nous gouvernent, et qui n’en ont pratiquement pas conscience. Aujourd’hui, au moment où le gouvernement viole allègrement le décret qu’il a signé le 18 mai 2016 sur les autorités intérimaires, en leur substituant une « Entente » entre lui et la CMA et la Plateforme, se retrouver immédiatement devient un devoir patriotique. Nous assistons à un mensonge d’État: Monsieur Ag Erlaf, devant la représentation nationale, lors du vote de la loi portant sur les « autoritaires intérimaires » a déclaré avec force que la fameuse loi de capitulation s’applique à l’ensemble du territoire. Un décret a été signé dans ce sens le 18 mai, et voilà que le 16 juin, les « autoritaires » ne se limitent qu’aux cinq régions du Nord, en fait au fantômatique Azawad! Du côté de l’opposition, depuis 2014 nous demandons les Concertations ou Assises Nationales. La caractéristique de ce pouvoir, c’est qu’il a peur de dialoguer. Au-delà des mots d’entente, de concorde ou de cohésion – comme l’adresse à la nation que le président de la République vient de prononcer le 19 juin, à l’occasion de l’An I de « l’Accord de capitulation » – chaque fois qu’il s’agit de « parler carte sur table », ce pouvoir a joué au dilatoire.

Mais une Conférence d’Entente Nationale est prévue par l’Accord de paix, même si on ne sait pas pour le moment quand elle aura lieu…
À défaut d’Assises nationales ou pour y parvenir, la Conférence d’Entente Nationale peut servir à faire se rencontrer les fils du pays pour le même objectif. À condition toutefois qu’elle soit inclusive et ne se limite pas au gouvernement, à la CMA et à la Plateforme. En effet, si nous n’allons pas au-delà du cadre trop limité de l’Accord d’Alger, la Conférence d’Entente Nationale sera une conférence de plus. Il faut, pour la réussir, que les forces vives du pays se retrouvent et qu’on sorte du tête à tête non productif du Gouvernement en panne d’idées et des groupes armés insatiables et qui n’ont pas tous renoncé à la partition du Mali.

Donc, vous adhérez à cette conférence d’Entente nationale ?

La Conférence d’Entente Nationale est une autre opportunité, que le pouvoir peut utiliser pour rassembler les Maliens, la tâche lui est d’autant plus facile que l’Accord prévoit cette Conférence. Quel contenu allons-nous y mettre, avec quelles ambitions ? Ici, il est bon de rappeler que tout au long des pourparlers d’Alger, les émissaires maliens ont brillé par leur suivisme des décisions venues d’ailleurs. La plus emblématique de ces décisions, c’est la mouture finale de l’Accord, qui comportait une dizaine de pages de réserve, ignorées par la Médiation. Mais, au moment où les rebelles ont dit qu’ils ne pouvaient pas signer sans s’en référer à leur base, le gouvernement malien est resté tranquille à Alger, attendant qu’il soit pieds et mains liés par ce fameux Accord. La suite, on la connaît: les rebelles ont posé des conditions telles qu’ils n’ont pas pu signer le 15 mai, mais le 20 juin, quand leurs exigences, toutes leurs exigences, ont été prises en compte, le Gouvernement a signé l’Accord sans avoir une vision d’ensemble, une stratégie et un plan pour une application diligente de l’Accord. En somme, il donne l’impression d’avoir voulu se débarrasser du problème, « en signant quelque chose ». La Conférence d’Entente Nationale, si elle est inclusive, apparaît aujourd’hui comme une fenêtre d’opportunité pour remobiliser la nation et lui permettre de s’approprier l’Accord aux pourparlers duquel elle n’a pas participé. La Conférence pourra ainsi poser les jalons d’une stratégie nationale autonome de sécurisation et de stabilisation du territoire en proposant au débat, l’incontournable « question du dialogue avec les djihadistes maliens » que propose le Parena depuis des lustres.