Crise au centre : Le haut représentant du président de la République fait le point sur sa mission

Près de six mois après sa nomination par décret N°2019-0586 / P-RM du 31 juillet 2019 comme Haut Représentant du président de la République pour les régions du centre, Pr.Dioncounda Traoré a animé jeudi 23 janvier 2020 au siège de l’institution, une conférence de presse pour situer l’opinion nationale et internationale sur les missions qui lui ont été confiées, les démarches déjà entreprises et les perspectives à venir.
Le haut représentant du président de la République pour les régions du centre était accompagné pour cet exercice de son secrétaire permanent M. Diango Cissoko et de l’expert militaire, le colonel-major Abbas Dembélé.
Prenant la parole, il a d’abord réitéré ses remerciements au chef de l’Etat pour la confiance qu’il lui a témoigné en lui confiant « cette mission aussi difficile, aussi complexe, aussi vitale pour notre pays », avant de revenir sur les grandes lignes de la tâche qui lui incombe.
Missions diverses
Les grandes lignes de cette haute tâche sont diverses. D’abord favoriser et soutenir le redéploiement des forces de défense et de sécurité dans les régions du Centre et désarmer toutes les milices et forces hostiles, élaborer et mettre en œuvre une stratégie globale axée sur la protection des civils et la réduction des violences intercommunautaires, veiller à ce que les responsables des violations des droits de la personne humaine ainsi que du droit international humanitaire aient à répondre de leurs actes et soient traduits en justice. Ensuite, assurer le suivi du sort réservé aux crimes perpétrés à KoulongoOgossagou et Sobane Da, ainsi que tout crime semblable commis au centre du pays, faciliter les échanges intra-communautaires et contribuer au rapprochement des points de vue à la lumière de l’intérêt exclusif du peuple malien, contribuer à l’installation et au maintien d’un climat de confiance entre toutes les communautés impliquées et entre ces communautés et l’Etat. Enfin, contribuer à établir des activités économiques au Centre, sécuriser les travaux agro-sylvo pastoraux et promouvoir l’investissement productif, faire un plaidoyer pour la mobilisation des ressources financières en faveur du développement.

Activités menées
« Nous nous sommes mis au travail avec comme premier objectif de comprendre malgré le brouhaha ambiant les vrais raisons de la crise qui sévissait dans ces zones du centre et qui risquait à terme de porter atteinte à l’existence même du Mali », a indiqué Pr. Dioncounda Traoré« Nous avons invité, reçu et écouté à ce jour près de 500 personnes, Maliens ou étrangers, intellectuels, cadres, religieux, politique, ressortissant ou non des zones concernées, organisations, associations, groupes civils ou armées, partenaires africains ou internationaux etc.», a-t-il ajouté. Après toutes ces différentes rencontres, le haut représentant du président de la République et
son équipe sont parvenus à identifier après les analyses, les véritables raisons de la crise au centre, qui selon eux, n’est pas due à un problème ethnique mais plutôt l’accumulation de certaines circonstances défavorables exploitées « intelligemment » par les groupes djihadistes.

Perspectives
« Nous passerons par le dialogue entre les vrais acteurs qu’il faut identifier. Dans cette identification, nous sommes suffisamment avancés et nous en avons déjà identifié quelques-uns », a précisé M. Traoré« Nous sommes convaincus qu’au bout nous arriverons à mettre fin aux violences intra et intercommunautaires » espère-t-il.
« Nous avons des plans et des suggestions de solutions à faire au chef de l’Etat et il va falloir une synergie de toutes les actions de tous les bords impliqués directement ou indirectement dans la résolution de la crise », a-t-il également souligné. Le haut représentant du président de la République ambitionne d’apporter dans les semaines et
mois à venir, avec l’accompagnement de l’ensemble des organismes dédiés pour la sécurité, une
solution durable aux problèmes du Centre.

Centre du Mali : Après la reconnaissance des exactions, quelles actions ?

Pour la première fois depuis le début des opérations  anti-terroristes de l’armée dans le centre du pays, il y a trois ans, un ministre de la Défense admet l’implication de militaires dans des exactions contre des civils. 25 Peuls arrêtés  par les FAMAs à Nantaka et Kobaka, dans la région de Mopti, le 13 juin,  auraient été exécutés. Une enquête a été ouverte. Qu’y aura-t-il après ?

25 morts. C’est le  nombre de civils peuls  découverts dans trois fosses communes à Nantaka et Kobaka, le 15 juin, dans la région de Mopti. Les premières allégations des associations peules Tabital Pulaaku et Kisal ont vite attiré l’attention. Le ministre de la Défense a, dans un premier temps, nié toute implication des forces armées maliennes, avant de se raviser. Si cette tragédie est au devant de la scène aujourd’hui, d’autres accusations et enquêtes sont restées jusque-là sans suite.

Que s’est-il passé ?

« En réalité, le 13 juin, l’armée a traversé le fleuve à partir de Mopti. Quelques véhicules et des camions. Ils ont encerclé le village de Nantaka, qui est dans le même secteur que Kobaka. Ils ont fait du porte à porte et arrêté tous les hommes, avant de les transporter dans leur base, non loin de là », raconte Abdarahmane Diallo, Secrétaire administratif de l’association peule Tabital Pulaaku. Il dénonce  ce qu’il qualifie de « tentative d’épuration ethnique » et non de lutte contre le terrorisme.  « Quand ils sont  arrivés  à leur base, les hommes des autres ethnies : Sonrhai, Tamacheq, Bozo, ont été libérés, mais ils ont gardé au moins 25 Peuls. Le lendemain de la fête, le vendredi, ils les ont exécutés et enterrés à la va vite dans une petite forêt, dans trois fosses », accuse-t-il.

Les habitants d’un hameau à proximité, ayant entendu des  coups  de feu, se sont rendus sur les lieux et ont découvert trois  fosses contenant respectivement 13, 7 et  5 corps. « Au moment où je vous parle, l’armée s’en prend à tout Peul dans le centre. Que ce soit dans le Delta, à Koro ou à Douentza, c’est exactement la même chose. On ne cherche même pas à savoir ce que vous avez fait », s’indigne Abdarahmane Diallo.

L’envoi par le ministre de la Défense d’une mission conduite par le chef d’État-major général des Armées a abouti à un communiqué, le 19 juin, qui confirme « l’existence de fosses communes impliquant certains personnels FAMAs dans des violations graves ayant occasionné la mort d’hommes à Nantaka et Kobaka, dans la région de Mopti ». Tiena Coulibay instruit en même temps au Procureur militaire d’ouvrir une enquête et « réitère sa détermination et sa ferme volonté à lutter contre l’impunité », engageant les FAMAs au strict respect des Droits de l’Homme.

Flambée de réactions

Les réactions des organisations de droits de l’homme et de la communauté internationale n’ont pas tardé. Deux jours après, le Canada, les États-Unis et l’Union Européenne ont exprimé leur profonde inquiétude face à ces « exécutions extrajudiciaires ». « Les États Unis restent profondément préoccupés par la détérioration de la situation au Mali et dans la région du Sahel », indique le communiqué du Département d’État. Quant à l’Union Européenne, elle « salue l’ouverture de l’enquête judiciaire et  l’engagement des autorités maliennes, au plus haut niveau, à lutter contre l’impunité ».  La MINUSMA a, lors de son point de presse du 21 juin, informé « d’une enquête spéciale ». Le 26 juin, la mission des Nations Unies a rendu publiques les conclusions de l’enquête lancée après  la mort de civils à la foire de Boulkessy, le 19 mai, et souligné que « des éléments du bataillon malien de la Force conjointe du G5 Sahel ont sommairement et/ou arbitrairement exécuté 12 civils au marché de bétail de Boulkessy ». L’expert indépendant de l’ONU sur la situation de droits de l’homme au Mali, Alioune Tine, est arrivé à Bamako et doit se rendre au centre du pays.

« C’est un grand pas. Nous espérons qu’il y aura des sanctions contre les auteurs de ces crimes… Avec les réactions de la communauté internationale nous espérons une suite », se réjouit Hamadoun Dicko, Président de la jeunesse de Tabital Pulaaku. Selon lui, les pressions ont été déterminantes, mais il dit craindre d’autres abus vers Diafarabé, où « les femmes n’osent même plus chercher du bois ».

Dans un environnement où sévissent éléments terroristes et dissensions communautaires, « prudence est mère de sureté ». C’est ce que pense Me Moctar Mariko, Président de l’Association malienne des droits de l’homme. « Il y a de fortes  présomptions contre l’armée malienne. Nous avons recueilli des déclarations, mais il faut rester très prudents et attendre que les enquêtes annoncées soient effectives ».

L’omniprésence ces derniers mois de la « question peule », les accusations d’exactions et les conflits avec les Dozos dans le centre alertent au plus haut niveau. Pour le leader de la jeunesse de Tabital Pulaaku, les autorités doivent envisager dans l’urgence une solution, faute de quoi le pire est à craindre. « S’ils continuent comme ça, beaucoup vont se dire : mieux vaut être djihadiste, pour avoir une arme », prévient-il. Le ressentiment se nourrit de la collusion supposée entre FAMAs et Dozos. Le 23 juin, des chasseurs (Dozos) attaquent le village de Koumaga, dans le cercle de Djenné. 16 morts sont recensés, selon le gouvernement, alors que des responsables de Tabital Pulaaku parlent d’une cinquantaine.

Des cas dans le silence

Selon Corinne Dufka, directrice adjointe de Human Rights Watch pour l’Afrique de l’Ouest, dans un article du Monde publié le 20 juin, « depuis 2017, plus de sept fosses communes contentant les corps d’une soixantaine d’hommes qui auraient été  tués par l’armée malienne au cours d’opérations antiterroristes » ont été documentées. « Mais aucune de ces révélations n’a abouti en justice », déplore-t-elle.  

A Douentza, selon un animateur d’une radio locale, le 9 juin, un véhicule militaire venu en renfort à Boni saute sur une mine. Trois bergers étaient à proximité. Ils auraient été tués. « L’un était un conseiller du hameau de Dalla. Quand le  maire a appris sa mort, il en a été attristé. Si mon parent est tué comme ça et que je vois des gens mal intentionnés, est-ce que je les signalerai aux militaires ? Non ! C’est ça qui aggrave la situation », témoigne-t-il. Selon un rapport de l’organisation International Alert sur le Sahel, publié le 27 juin, « l’expérience ou la perception d’abus commis par les autorités gouvernementales, souvent en toute impunité, a engendré des frustrations dont profitent les extrémistes violents ».

Le sentiment d’abandon de l’État et les violences infligées par les terroristes  finissent par se  traduire en  interrogations. « Pourquoi ils ne se sont pas occupés de nous pendant trois ans ? Mon père, chef de village de Dogo,  a été tué en 2015 par ces terroristes. Combien d’imams, des chefs de villages, ont été exécutés sans que nous entendions le gouvernement ou Tabital condamner ? », se plaint Issa Dicko, natif de Youwarou. « A chaque fois que l’armée arrête des terroristes, les gens font de cela un scandale, mais qui a une seule fois condamné les tueries de ces terroristes ? », ajoute-t-il, estimant que tout ce qui se passe vise « à nous détourner du problème du Nord ». Pour Madame Diarra Tata Maiga, Présidente de la société civile de Mopti et de l’ONG ODI Sahel, « la situation dans le centre est triste. Nos véhicules sont garés, les gens sont en train de mourir, mais à Bamako on nous parle d’élection ».

Que faire ?

« Il faut éviter l’amalgame, sensibiliser, pour que la confiance renaisse. Un miliaire doit sécuriser tout le monde », préconise Hamadoun Dicko. La formation sur les droits humanitaires doit être accentuée. « Il faut renforcer la capacité des militaires maliens. Tous n’ont pas encore compris qu’il y a une ligne rouge à ne jamais franchir », précise Me Moctar Mariko.

En attendant les conclusions de l’enquête sur  ces fosses communes,  le sujet reste sensible en cette veille de l’élection présidentielle. Cette rarissime reconnaissance   suffira-t-elle à calmer les tensions ?  

L’ONU enquête sur de possibles fosses communes au Nord Mali

La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a fait savoir samedi qu’elle enquêtait sur l’existence de fosses communes et sur de nombreuses accusations de violations des droits de l’homme par des groupes armés tentant de contrôler la région.

Dans un communiqué, la Minusma indique avoir été informée « d’allégations d’abus et de violations graves des droits de l’homme, imputées respectivement (aux) mouvements signataires » de l’accord de paix signé en mai-juin 2015 entre les groupes armés pro-gouvernementaux, réunis au sein de la « Plateforme », et les groupes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg). Cet accord de paix est régulièrement violé depuis juin.
La Minusma a annoncé samedi avoir déployé « des équipes de la Division des droits de l’homme et de la protection, afin d’enquêter et de documenter ces éventuels abus et violations, notamment à Anéfis (région de Kidal, NDLR), où l’existence de charniers a été rapportée », ajoute le communiqué.
« Sur les 67 allégations, 34 ont pu être corroborées et confirmées, parmi lesquelles figurent notamment des disparitions forcées d’individus, y compris celles de mineurs, des cas d’enlèvement et de mauvais traitements, ainsi que des cas de destructions, d’incendie et de vols », rapporte la Minusma.
Les équipes de la Minusma ont « constaté sur place l’existence de tombes individuelles et de fosses communes », sans être en mesure d’établir pour le moment le nombre de personnes enterrées et les circonstances de leur décès, poursuit le communiqué, qui ajoute que les enquêtes vont se poursuivre notamment sur le sort des personnes disparues.
La Minusma s’est dite « aussi extrêmement préoccupée de la possible présence de mineurs dans les rangs des mouvements signataires, ce qui constitue de graves violations des droits de l’enfant en période de conflit armé ».
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.

Accord d’Alger : Les Etats-Unis haussent le ton

Le conflit entre la CMA et la Plateforme ces dernières semaines a suscité l’inquiétude aussi bien sur le plan national qu’international. C’est face à la dégradation sécuritaire et à la violation du cessez-le-feu que le département d’État américain est sorti de se réserve pour dénoncer l’attitude des deux mouvements signataires de l’Accord d’Alger qui se sont une fois de plus affrontés ces derniers jours à Kidal.

Après l’affrontement survenu entre la CMA et la Plateforme dans la région de Kidal le mercredi 26 juillet, à l’issu desquels la Plateforme a subi une lourde défaite en perdant toutes ses positions dans la région de Kidal et quittant dans la foulée la ville Ménaka, l’Accord de paix semblait menacer par ces troubles qui constituent « une violation » du cessez-le feu.

Face à cette recrudescence des combats, le département d’État américain, a invité toutes les parties signataires à s’investir davantage dans la mise en œuvre de l’accord de paix. «  Nous appelons toutes les parties maliennes à redoubler d’effort pour respecter le cessez-le-feu et mettre pleinement en œuvre l’Accord de paix d’Alger » indiquait le département d’Etat dans un communiqué publié du lundi 31 juillet dernier. De même, le département a encouragé « les efforts qui visent à rapprocher les parties maliennes pour une cessation des hostilités » en l’occurrence, la mission de bons offices conduite par l’imam Mahmoud Dicko. Les États- Unis ont condamné aussi, ce qu’elles considèrent comme des « violations récurrentes du cessez-le-feu entre les groupes signataires de l’Accord de paix d’Alger ».

Tout en encourageants les parties à poursuivre dans la mise en œuvre de l’Accord, les États unis n’ont pas manqué de regretter « l’échec des parties maliennes à parvenir à une paix définitive ». Des exactions sur les civiles et des violations des droits de l’homme sont des pratiques courantes dans ces zones de conflits. C’est pourquoi le département d’État américain a incité les uns et les autres à «  respecter strictement leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à respecter les droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les civils et les prisonniers». Ces propos font aussi référence aux allégations selon lesquelles des fosses anonymes auraient été découvertes dans la region de Kidal. « Si les allégations sont véridiques, les auteurs doivent être traduits en justice » a souligné le département d’État américain qui s’est dit « profondément troublé par les rapports sur les représailles et meurtres des civiles au Mali ».

Un communiqué en forme d’avertissement qui indiaue que le climat délétère doit se normaliser pour continuer le processus de mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger.

Sidi Brahim Ould Sidati : « C’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester derrière »

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a remporté, ces dernières semaines, des victoires décisives sur son adversaire, la Plateforme, dans le conflit de position qui les oppose depuis le 6 juillet dernier. Avec la reprise de Ménaka, vendredi 28 juillet, la CMA confirme sa domination. Reste maintenant à mettre en œuvre un processus de paix que ces différents conflits violents ont considérablement mis à mal. C’est dans ce contexte que l’actuel président de la CMA, Sidi Brahim Ould Sidati, nous a reçu dimanche 30 juillet à Bamako, pour une discussion à bâtons rompus sur les tenants et aboutissants d’une crise dont personne ne peut dire pour le moment quand et comment elle sera réglée.

Depuis le 6 juillet, la mise en œuvre de l’Accord est bloquée et les affrontements entre la Plateforme et la CMA ont repris. Pourquoi ce recours aux armes ?

Vous savez, les populations ont vu la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord. Elles ont aussi vu les exactions que faisait le GATIA sur les populations civiles, malgré plusieurs interpellations adressées à la MINUSMA, aux droits de l’Homme, à tout le monde. Tous ont été indifférents à ce qui se passait en dehors de Kidal, les spoliations, les enlèvements de biens, les exécutions. Ils sont allé jusqu’à brûler des civils dans des puits. La CMA a été acculée par ses propres populations. Nous avons fait face à une crise interne. La population de Kidal a failli marcher contre nous pour dire on est plus d’accord avec cette inaction. Nous avons  été obligés de réagir. C’est pour cela qu’il y a eu des actions le 6 et le 12 juillet, pour attaquer les patrouilles du GATIA et défendre les territoires que la CMA devait occuper à la signature du cessez-le-feu.

Plusieurs tentatives de parvenir à un cessez-le-feu ont échoué. Pour quelles raisons ?

Quand nous avons repris Anefif et que le GATIA en est sorti, nous avons demandé un cessez-le-feu, pour obliger chacun à rester sur ses positions, et pour qu’on relance la mise en œuvre du chronogramme, l’arrivée des Famas et du MOC à Kidal. Le 18 juillet, les 3 parties maliennes, avec l’aide de la Commission de bons offices dirigée par l’imam Dicko, sont tombées d’accord sur un texte consensuel et se sont engagées à l’arrêt des hostilités. A notre grande surprise, le 19 juillet, la Plateforme n’est pas venue signer. Ils ont refusé de signer pour récupérer de nouvelles positions sur le terrain, parce que la conservation des positions de chaque partie en cas de cessez-le-feu les dérangeait. Tant qu’on attend un cessez-le-feu que les autres refusent, on ne peut pas avancer et rentrer dans la dynamique d’un chronogramme réalisable. Nous avons donc décidé d’avancer. Quand on sera parvenu à mettre sur pied l’embryon du MOC, quand ils seront prêts à faire le cessez-le-feu et à travailler sur des mesures de confiance, ils prendront le train en marche. Nous avons déjà connu cela, notamment à la CEN. Dans le processus de paix on a suffisamment pris le train en marche, aujourd’hui c’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester en arrière.

 Votre entrée à Ménaka a surpris tout le monde. Les autorités maliennes ont dit que c’était « contraire à l’Accord de paix ». Pourquoi avoir pris la ville ?

Quand Ménaka a été repris à la CMA, en violation de tous les arrangements sécuritaires, nous n’avons pas vu un communiqué ou une déclaration du ministère de la Défense, disant que l’action menée par les troupes de la Plateforme contre la CMA était une violation de l’accord. Nous considérons que nous avons juste repris notre dû. Le gouvernement ne peut pas accepter le MSA et Ganda Koy à Ménaka et dire non à la CMA. Nos gens sur place ce sont des Maliens, des gens de Ménaka qui ont leurs familles là-bas. Cette politique de deux poids deux mesures doit cesser si le gouvernement veut se comporter comme tel. Toutes les manipulations, toutes les manigances pour reprendre Kidal ont échoué. Vu que cette milice, qui entravait l’Accord, a été mise en déroute, le gouvernement devrait en profiter pour relancer sa mise en œuvre. Aujourd’hui, à Ménaka les Famas et la CMA, les belligérants d’hier, se parlent, participent à la sécurisation des populations ensemble. C’est donc déjà quelque chose de positif. On est entré sans tirer une balle, on s’est compris avec les différentes forces sur le terrain, on n’est pas venu prendre des positions à qui que ce soit. Nous occupons notre place en tant que ressortissants de Ménaka. La place du GATIA n’a pas été prise. Le jour où il sera disposé à faire la paix, il pourra venir la prendre. La CMA est là et est toujours disponible pour aller de l’avant. Nous sommes prêts à mettre ça derrière nous.

 Cette crise de confiance entre le gouvernement et la CMA est aussi une entrave à la mise en œuvre de l’Accord ?

Le GATIA est à la base de cette crise de confiance depuis l’accord de juin 2015 avec le gouvernement. On signe un accord, la cessation des hostilités, et au même moment vous avez un bras armé qui vous harcèle. Tout ce qu’il fait est autorisé par le gouvernement malien, il est applaudi et même encouragé. Le GATIA n’a jamais été dénoncé par le gouvernement, pourtant il a violé l’accord plusieurs fois en s’attaquant à la CMA. Cette crise de confiance nous empêche d’avancer. Dans le raisonnement du gouvernement, tant qu’il n’y a pas le GATIA à Kidal, cela veut dire qu’il n’y a rien à Kidal. Le GATIA est une partie de l’armée malienne, on l’a dit au ministre de la Défense. On lui a demandé de rappeler à l’ordre son Géneral (Gamou – ndlr), d’arrêter tout ça. Tant qu’une situation de confiance ne se créée pas, on ne pourra pas avancer.

 Donc, vous pensez que le gouvernement est aussi responsable de l’instabilité qui sévit dans la région de Kidal ?

Nous savons qu’il y a des officiers de l’armée malienne qui sont pris dans les combats, leur matériel est sur le terrain. L’Accord est un cadre où tout est à discuter. Pour eux, la seule partie belligérante c’est la CMA. Il faut l’affaiblir pour que le gouvernement ne mette pas en œuvre l’Accord tel qu’il est écrit dans les textes. Pour cela, ils ont créé le MSA, ils ont divisé la CJA, créé le MPCA, la Plateforme. Ils pensent que la CMA est devenue faible et qu’elle se limite à Kidal. Ils se rendent compte aujourd’hui qu’ils se sont trompés. L’objectif n’est pas seulement d’arriver à Kidal, mais de savoir combien de temps ils vont pouvoir y rester, surtout s’ils n’ont pas l’adhésion de la population. C’est pour cela qu’ils ont appelé l’imam Dicko. Il faut vraiment créer un dialogue malien, il faut que les Maliens s’acceptent entre eux. Dicko voit plus loin que les composantes CMA – Plateforme, il touche le fond même du problème : le fait que les Maliens s’acceptent entre eux, que l’essence de la population malienne de Kidal accepte le gouvernement, accepte les Famas, dans une acceptation au sens africain, malien du mot, pas seulement dans les écrits.

Sidi Brahim Ould Sidati, Me Harouna Toureh et le Général Elhadji Gamou à Ménaka, pour l’installation des autorités intérimaires.

 Le GATIA affirme que des renforts djihadistes ont aidé la CMA durant les affrontements. Pouvez-vous clarifier cette affirmation ?

La CMA n’a pas disparu, c’est la même CMA qui occupait les 5 régions du Nord, c’est la même CMA qui est à Kidal, qui a aussi des positions dans la région de Tombouctou, jusqu’à la frontière de la Mauritanie, dans la région de Gao. Ces hommes ne se sont pas volatilisés, les armes qu’ils avaient ne se sont pas volatilisées. Avec la propagande véhiculée par la Plateforme et la presse malienne, les gens ont cru que la CMA n’existait plus. La CMA est à Kidal, elle est avec Barkhane, avec la MINUSMA. Les islamistes ne peuvent pas s’organiser avec la présence de Barkhane sur le terrain,  ses appareils, ses satellites et ses drônes. Ils sont à la recherche des djihadistes tous les jours, c’est impossible qu’il se rassemblent aujourd’hui. Ce qu’ils font, c’est poser des mines ou commettre des attaques à motos, c’est tout.

 Toutes les tentatives pour faire revenir l’administration à Kidal ont toujours été des échecs. Au fond, est-ce possible ?

Aujourd’hui, j’encourage la mission de bons offices, parce qu’ils vont essayer de concilier les positions de la société civile de Kidal et de la CMA pour que les gens soient moins hostiles à l’armée et aux symboles de l’Etat. Nous avons un chronogramme avec le gouvernement. Dès qu’on signera la fin des hostilités, la mise en œuvre du chronogramme sera immédiate. Aujourd’hui, il est très difficile de le faire alors que les gens sont en train de s’affronter. On s’entend avec le gouvernement, avec le MSA, avec le MPCA, avec Ganda Koy, avec le MAA. Il manque seulement une composante à convaincre. Nous sommes aujourd’hui en position d’appliquer l’accord, il s’agit simplement de le vouloir.

 

Kidal : Des luttes fratricides perturbent la mise en œuvre de l’Accord

Selon le chronogramme élaboré lors de la 18e session du CSA, les autorités intérimaires, le gouverneur et le MOC devraient être mis en place d’ici le 20 juin prochain. Mais cette planification ambitieuse semble se heurter à la réalité du terrain et aux événements d’une rare violence qui, actuellement, secouent le septentrion malien.

« Les choses se passent globalement bien. Nous avons une participation assidue de l’ensemble des membres du CSA. […] Nous sommes confiants quant à l’avenir », se réjouissait Ahmed Boutache, président du Comité de suivi de l’accord (CSA), le 5 juin dernier, lors de la clôture de la 18e session du comité. Un certain nombre d’actions à mettre en œuvre avant le 20 juin ont été décidées lors de cette session : l’installation des autorités intérimaires, du gouverneur et du MOC à Kidal. Un chronogramme ambitieux dénoncé, dès le 12 juin par la CMA, dans un communiqué indiquant que ce chronogramme est « loin de refléter le résultat des pourparlers convenus entre la CMA et les différents acteurs impliqués » en vue d’un retour de l’administration à Kidal et que la CMA, « nullement engagée par ce document, appelle tous les acteurs crédibles à une concertation rapide pour élaborer un chronogramme réalisable » et à « mener des actions consensuelles sans absurdités pour réussir une paix effective ».

Poudrière Si à Bamako on parle chronogramme, charte de la paix ou révision constitutionnelle, à Kidal, où les travaux du camp 1 ont commencé depuis plus d’une semaine et ou le gouvernorat, aux bâtiments vétustes, n’est pas en mesure d’accueillir le gouverneur, il en est tout autrement. Depuis le 4 juin, des événements très préoccupants retiennent toutes les attentions et focalisent craintes et inquiétudes. « Les gens ne sont pas du tout sur les annonces de Bamako. Ce qui se passe ici est très grave ! Les Imghads chassent la communauté Idnane. Depuis une semaine il y a eu presque une trentaine de morts, des dizaines d’otages, des dizaines de véhicules enlevés, des motos brûlées, des centaines de personnes déplacées qui ont tout laisser derrière elles. À la mosquée, dans les rues, les grins, les gens ne parlent que de ça, parce que c’est vraiment préoccupant », témoigne cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Tout a commencé au début du mois de juin, quand des Idnanes du MNLA ont mené une attaque contre des éléments du GATIA, puis ont pillé un village près d’Aguelhok, brûlant des boutiques et s’en prenant à la population. Vengeance et représailles ont mis le feu aux poudres. Les deux camps, qui s’accusent mutuellement d’être à l’origine des exactions, se livrent à des tortures et des assassinats, sans que les forces internationales ne lèvent le petit doigt. En l’espace d’une semaine, exécutions sommaires, saccages, pillages et vols ont quotidiennement été signalés dans la région. « Où les Idnanes sont, il y a eu des motos qui sont parties. Ce sont des jeunes Imghad fougueux. On les appelle ici les « mafias ». Ils s’en sont pris aux populations idnanes. Cela s’est passé un peu partout autour de Kidal, ça s’est propagé jusqu’à Tessalit. Ça pourrait se propager aux autres ethnies et fractions et devenir incontrôlable. On est en plein mois de carême ! C’est du jamais vu ! », s’exclame cet employé humanitaire de la région.

Depuis que cette chasse aux Idnanes a commencé, beaucoup se sont réfugiés dans le camp de la Minusma à Kidal et ont été ensuite transportés par avion à Gao. « Il y a toutes une zone abandonnée par des familles entières, qui ont fui par peur d’être exécutées. Toute la zone à l’ouest de Kidal, la zone d’Anéfis, la zone d’Aguelhok, ont été abandonnées par les populations Idnanes, beaucoup ont traversé la frontière algérienne », poursuit ce même humanitaire.

 Le MNLA, dominé majoritairement par les Idnanes, est particulièrement impliqué dans cette situation, le jeune fils de Moussa Ag Najim, officier au MOC de Gao et frère de leur chef militaire, Mohamed Ag Najim, ayant été exécuté par des éléments du GATIA la semaine dernière. « Les forces armées du GATIA et leurs officiers sont responsables ! Ils escortent les convois de drogue et utilise la méthode des exactions sur les populations au sud de Kidal pour couvrir le passage de leurs convois et dégager la zone », lâche cet officier du MNLA. Selon lui, L’argent du trafic de drogue jouerait un rôle capital dans l’insécurité et l’alimentation des conflits résiduels et les choses ne seraient pas prêtes de s’arrêter, car les trafiquants pour conserver à tout prix la route des trafics font tout pour saboter le processus de paix. « Il ne veulent pas des forces légales ! faire perdurer l’instabilité leur garantit de pouvoir continuer leurs trafics. Donc, quand ils voient arriver la paix avec un autre camp, ils alimentent les tensions. La paix les dérangent. ! » affirme-t-il, amère.

Une avis que partage cette source sécuritaire très au fait des rapports de force et d’influence dans la région. « Le trafic de drogue infectent les différents mouvements armés, les officiers militaires touaregs et arabes dans l’armée malienne ainsi que les services de renseignement des pays du G5 comme le Mali. Certains services vendent même des informations sensibles à ces trafiquants qui peuvent compromettre des opérations du G5 et de leurs alliés. Il est clair que les trafiquants ne veulent pas d’une stabilité dans la région, elle empêcherait le transit de leur cargaison qui passent par l’extrême nord de la région de Tombouctou, traverse le Telemsi à l’extrême sud de la région de Kidal, une zone occupée par le GATIA depuis juillet 2016 et où l’on constate des conflits entre mouvements armés et des violences sur les civils », souligne-t-il.

Une situation qui ferait le jeu des djihadistes, qui approcheraient cette communauté pour leur proposer de les aider à se défendre, puisque personne ne le fait pour eux, « Un changement de rapport de force terrible », confie cette source bien introduite dans le milieu des mouvements armés, « Les opérations djihadistes contre le GATIA ont pour but de montrer à la population agressée que les moudjahidines, contrairement aux forces internationales, maliennes et la CMA, peuvent les protéger. Ce qui les renforce socialement et facilite le recrutement. Ça légitime, aussi, pour les populations, la thèse selon laquelle les forces internationales sont une force d’occupation qui sont venus comme bouclier de défense de la famille bambara qui dirige à Bamako et non pour leur mission de sécurisation, sans distinction, des populations et de leurs biens ». Un prosélytisme qui semble faire son chemin comme l’explique cet habitant de la région sous anonymat. « Quand les djihadistes étaient là et qu’ils occupaient le territoire, tu étais soit avec eux ou contre eux mais il n’y avait pas toutes ces choses, aucun autre qu’eux ne s’en prenait à la population. Ces exactions, avec ces milices qui ont cartes blanches, ça ne se serait pas produit avec les djihadistes ».

Défiance Dans le contexte actuel, l’installation future du MOC et des patrouilles mixtes n’est, paradoxalement, pas jugée comme un facteur rassurant. « Le MOC, ici, on n’y croit pas trop. À Gao, il a créé plus d’insécurité qu’autre chose, à Kidal ça risque d’être la même chose. On sait que la CMA ne désire pas le MOC. Ils voient ça d’un mauvais œil, parce que des éléments de la Plateforme, notamment ceux du GATIA vont être là », explique ce Kidalois proche des mouvements. « En réalité ils se sont engagés, mais ils n’en veulent pas, ils ont peur que les gens du GATIA saisissent cette opportunité pour prendre Kidal. Surtout quand on sait que le chef du MOC, le colonel Alkassim Ag Oukana, est un membre de ce mouvement. Il est de la tribu Irrédjénaten de Tessalit, il fait partie de l’aile qui se reconnaît plus dans les Imghad, il a fait défection du HCUA l’année dernière pour rejoindre Gamou », poursuit cette même source, qui confie, « Ici, il y a des gens qui s’organisent pour que les femmes marchent contre toutes ces installations, je ne peux pas dire de façon exacte ce qui se passera dans la mise en œuvre de l’accord, mais la situation actuelle ne donne pas de belle perspective pour l’avenir ».

La CMA au bord du gouffre : Le MAA de BER rejoint la Plateforme

Le porte-parole du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), Sidi Mohamed Ould Mohamed a animé un point de presse, mardi 27 septembre, à la Maison de la presse. L’objectif était d’informer l’opinion publique de la situation qui prévaut au nord du pays et de son ralliement à la Plateforme.

La descente aux enfers de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), amorcée depuis queslques mois se poursuit. Après le départ fracassant de Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi, parti créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), qui s’est rallié à la Plateforme, l’étau se resserre de nouveau sur la coordination avec le départ des chefs de fraction, responsables, leaders et notabilités ressortissants de Ber région de Tombouctou, membres aussi du MAA de la CMA. « Après une analyse minutieuse de la situation au nord du Mali et de tout ce qui s’y passe, nous informons : le Représentant spécial du secrétaire Général des Nations Unies, chef de la MINUSMA, toutes les autorités du Mali ainsi que l’opinion nationale et internationale que désormais nous n’entendons plus nous laisser embarquer dans des aventures guerrières injustifiées ou pour des raisons inavouées. Demandons au peuple malien de bien vouloir pardonner et de prier pour le retour de nos frère égarés à la République », souligne Sidi Mohamed Ould Mohamed porte-parole du MAA. Pour les partants, l’accord issu du processus d’Alger signé par la CMA et la Plateforme évoque de façon claire la préservation de l’unité nationale, la laïcité et l’intégrité territoriale du Mali. « Dès lors, il nous est incompréhensible que nos populations continuent d’être instrumentalisées pour des marches contre la République et conduites dans des conflits fratricides », a-t-il ajouté. Un coup dur pour la CMA qui présentait déjà des signes d’essoufflement sur le terrain avec la prise de nombreuses localités par la Plateforme.

Tenenkou : 5 morts et 7 blessés

La déclaration commune ayant sanctionné la réunion de haut niveau entre les Bambara et peuls, tenue le 25 juillet dernier à Dioura, n’a pas pu empêcher les tueries fratricides entre Bambara cultivateurs et peuls éleveurs à Karéri dans le cercle de Tenenkou. Le bilan officiel d’un nouvel affrontement fait qui s’est déroulé le samedi dernier fait état de 5morts et 7 blessés.

Les participants à la rencontre du 25 juillet avaient convenu de renforcer les dispositifs de concertation entre les différentes communautés par la mise en place des commissions de veilles à Nampala, Dioura et Tenenkou, pour éviter les cas de vols de bétails, sources de conflits entre les différentes communautés, mais ces disposition n’auront pas permis d’anéantir la capacité de nuisance des bandits armés. Selon des sources locales, ces nouveaux affrontements seraient encore partis d’un vol de bétails. Les voleurs poursuivis par des Bambaras ont ouvert le feu sur eux. « il s’agit plutôt de bandits armés que de voleurs. Ils veulent mettre le chaos partout dans notre localité en semant les troubles entre les Bambaras et les Peuls qui ont toujours vécu ensemble en parfaite symbiose. Mais on se laissera pas faire », explique un élu local.

Dans un communiqué, le gouvernement tout en apportant son soutien aux familles des victimes, a annoncé l’ouverture d’une enquête judiciaire pour identifier et interpeller toutes les personnes impliquées dans ces actes de violences et la mise en place des forces de défense et de sécurité pour éviter d’autres cas similaires et prendre toutes les dispositions pour un traitement diligent des blessés. Après avoir rencontré les élus et les personnes ressources de Tenenkou, le premier ministre a décidé d’envoyer une délégation composée de membres du gouvernement, de députés et de notabilités. Il faut également souligner, qu’en mai dernier, cette même localité a connu des affrontements meurtriers entre Bambaras et Peuls faisant 24 morts et 5 blessés.

Agriculteurs et éleveurs enterrent la hache de guerre

Dans la déclaration commune ayant sanctionné la réunion de haut niveau  entre les Bamabara et peuls, tenue le 25 juillet dernier à Dioura, les participants ont convenu de renforcer les dispositifs de concertation entre  les différentes communautés par la mise en place des commissions de veilles à Nampala, Dioura et Tenenkou, pour parer aux insuffisance constatées dans la mise en œuvre des résolutions  issues des rencontres des 7, 8, 9 et 10 mai à Dioura et celles du forum des 2 et 3 juin à Niono.

Cultiver l’union et la cohésion entre les frères peuls et Bambara dans la région de Mopti, tel était l’objectif de cette rencontre d’échanges initiée par la commission de réconciliation de la commune rurale de Karéri avec le soutien du gouvernement et le collectif des députés de la région à leur tête Abderrahmane Niang, sous la présidence du préfet du  cercle, Bécaye Kanambaye.  Trois points étaient inscrits à l’ordre entre autres, la résolution des problèmes liés au vol de bétail, le conflit intercommunautaire  et la transhumance des animaux en cette période hivernale. « Les chefs de village bambara, peul et tamasheq ont tour à tour salué et souhaité la bienvenue à la délégation. L’atmosphère était cordiale et chacun a affirmé sa ferme détermination à tout mettre en œuvre pour maintenir ce climat de paix et d’entente entre les différentes communautés pour le bonheur de tous », explique, M. Tangara, élu local.

En ce qui concerne la résolution des conflits intercommunautaires, les participants ont souligné la nécessité d’approfondir  les relations privilégiées entre les différentes communautés, fondée sur le respect mutuel et la compréhension réciproque.

Dans le contexte du dialogue intercommunautaire, les deux parties ont rappelé qu’il s’agissait, en effet, d’un cadre exemplaire de dialogue sociale et de coopération structurée dans la région et ont souligné leur engagement quant à la nécessité d’insuffler une nouvelle dynamique vigoureuse à la dimension des pourparlers sociaux  pour la promotion de la  paix  entre frères de l’arrondissement de Dioura, du Macina et de Nampala. «C’est fini pour le vol  massifs des bœufs de labour, des ovins et caprins dans la zone, c’est également fini pour les cas de banditismes qui semaient le conflit entre nos communautés. Désormais des commissions de veille qui  ont été mise sur pied à Dioura, Nampala et Tenenkou qui vont monter la garde. », Indique le maire de Karéri, Mamadou Coulibaly.  «Depuis cette rencontre, aucun incident n’a été signalé, les animaux des  pasteurs  montent régulièrement dans le cadre de la transhumance », a-t-il conclut.

Association Kisal : défendre les Peuls autrement

Dans le « monde peul », des associations qui défendent cette communauté mettent en garde contre l’usage de la violence. L’association Kisal, 100% pacifiste et opposée à la création d’un mouvement politico-armé, propose une autre façon de mener le combat pour la justice, au nom des Peuls.

L’annonce pour le moins surprenante, le samedi 18 juin dernier, de la création du mouvement politico-armé Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ANSIPRJ) en a laissés peu indifférents. Pour preuve, les réactions ou condamnations multiples qu’elle a suscitée, non seulement dans le microcosme politique, mais aussi chez ceux et celles qui vivent avec crainte les manifestations de repli identitaire. Elle a eu des résonances jusque dans le « monde peul » où, depuis, des associations de jeunes pour la plupart, qui ont jusqu’ici résisté aux appels du pied des entités politico-militaires comme la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’Azawad, ont voulu réagir pour s’en démarquer. Parmi elles,  Natal, Pinal, Jeunesse Tabital Pulaaku et Kisal. Cette dernière association, dont le nom signifie en peul « l’aide, la surveillance », créée en novembre 2015, est la branche droits humains de l’association Tabital Pulaaku International, qui vise à donner une voix aux communautés d’origine nomade en Afrique de l’Ouest. Son président, Dougoukolo Alpha Oumar Konaré, psychologue clinicien, fait savoir d’emblée que son association est au courant des exactions à l’encontre des Peuls, « aussi bien de la part des militaires que des groupes armés, des djihadistes ou d’autres communautés. Il y a les meurtres, les vols de bétail, les arrestations ». 100% pacifistes, les membres de Kisal estiment que « la radicalisation ethnique peut s’ajouter aux dérives religieuses ». M. Konaré ajoute que la création d’un mouvement armé pour défendre les Peuls est « une mauvaise idée, dans les termes mentionnés par l’organisation concernant l’antagonisation de l’armée, parce qu’il y a déjà assez de problèmes ainsi ». Kisal entend surtout jouer un rôle d’intermédiaire et être un pont avec les institutions nationales et internationales. « Nous ne croyons pas au fait d’abandonner ceux qui prennent des décisions de ce type. Il faut toujours maintenir le dialogue. C’est aussi le rejet qui entérine la radicalisation (ethnique comme religieuse) », ajoute Dougoukolo Konaré, qui met en garde contre le fait que les services de sécurité maliens, déjà sur la défensive, profitent du climat actuel, on ne peut plus tendu, pour brutaliser les civils.

Centre du Mali : le péril peul

Le 18 juin dernier, à la veille de l’anniversaire de la signature de l’Accord de paix, un appel téléphonique à l’AFP, va mettre en ébullition les médias et les rédactions nationales. Un nouveau groupe armé ethnique, l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ANSIPRJ), fort de 700 combattants, tous Peuls, est créé par un obscur tamasheq d’adoption peule, Oumar Aldjana. Ce groupe semble résulter de toutes les frustrations accumulées à travers les décennies par cette communauté, et qui se sont soldées, en mai dernier, par des dizaines de morts, dans le cercle de Tenenkou.

Au centre du Mali, la compétition autour des terres arables et des ressources génère chaque année des conflits récurrents, entre éleveurs et agriculteurs. « Ils saisissent les tribunaux, où les jugements s’éternisent, les problèmes au fil des années viennent s’accumuler, c’est un embouteillage de conflits non résolus », explique Amadou Modi Diall, président de l’association peule Dental Pulaaku. Ces conflits répétitifs, non solutionnés, génèrent une grande frustration de part et d’autre. « Ils se considèrent d’une certaine manière comme des citoyens de seconde zone », ajoute Bréma Ély Dicko, anthropologue-chercheur, à l’université des lettres et des sciences humaines de Bamako.

Facteurs aggravants

Cette mauvaise gouvernance n’est pas l’unique facteur de révolte. La dégradation de l’environnement a rendu la vie des éleveurs difficile et beaucoup d’entre eux doivent nourrir leur famille mais aussi leur cheptel, là où la nature y pourvoyait auparavant. De plus, la plupart ne sont pas éduqués, mais tous ont été à l’école coranique et connaissent beaucoup plus la terminologie religieuse que les cours de l’école classique. « Le taux d’alphabétisation est faible, la démocratie, le civisme, les partis politiques, sont des notions éloignées là-bas. C’est un facteur de divergence et d’incompréhension », déplore Amadou Diall. Dans ce climat de frustration, il n’est pas étonnant que les prêches d’un prédicateur comme Hamadoun Kouffa, chef du Front de libération du Macina (FLM), séduise dans une communauté ou l’islam est un socle important. « Kouffa a été une sorte de guide, ils l’ont suivi car c’est le seul qu’ils aient entendu », indique encore Amadou Diall.

Entre djihadisme et banditisme 

Dans le cercle de Tenenkou, de Macina, de Niono, jusqu’en Mauritanie, opère une nébuleuse de groupuscules armés, qui profitent de la faible présence de l’État pour se venger sur tout ce qui le représente, le considérant comme une force d’oppression. « Kouffa est passé dans presque toutes les mosquées de tous les villages, c’est le « Haïdara du centre » !  Il fait ses prêches en peul, une langue parlée par tous dans la zone, bozos, bambaras ou dogons. Quand on parle de djihadistes peuls, ce ne sont donc pas forcément que des Peuls », explique Bréma Ely Dicko. Dans cette nébuleuse, on trouve des hommes du FLM, et une majorité de personnes frustrées ou lésées par trop d’injustice, qui ne cherchent pas forcément la radicalisation. «  Quand vous regardez, toutes les personnes qu’ils ont tuées sont des représentants de l’État. Ils n’ont pas tué des gens parce qu’ils ne priaient pas, ils n’ont pas été dans les églises pour les fermer », explique ce membre d’une association peule. Certains d’entre eux sont des anciens du MUJAO, qui suite au coup d’État ont dévalisé les garnisons, permettant aux populations de s’emparer des armes pour se défendre du racket, des voleurs, ou se faire justice. « Oumar Aldjanna parle de 700 combattants, mais dans ces zones, il est en effet facile d’en trouver 700, les gens étant armés et mécontents contre l’État », déclare ce gendarme sous anonymat.

Le cas Aldjannah

Le 18 juin, suite à l’annonce faite par Oumar Aldjanna, Amadou Diall a décroché son téléphone pour l’appeler : « je lui ai dit de stopper, de revenir, mais il n’a rien voulu entendre. Oumar était membre de notre association, il s’occupait de la communication. Il était là tous les jours. Sa démarche est une déviance par rapport à ce que nous prônons. Nous, nous voulons la paix », confie-t-il. D’origine touarègue de la tribu Daoussac du coté paternel et peul par sa mère, Oumar Aldjanna a grandi dans le Macina et a vécu les conflits fonciers entre transhumants et paysans. Pendant la crise, il se rebelle et entre au MNLA. À la fin du conflit, il passera quelque temps au camp de réfugiés de Mbéra en Mauritanie. De retour à Bamako, il s’engage dans le secteur associatif, pour les droits de sa communauté. « J’ai rarement vu une personne aussi engagée que lui. Au début, il ne voulait pas d’engagement armé. Jusqu’à l’attaque de Maleimana (3 mai 2016), son discours, c’était de faire quelque chose pour les Peuls », se souvient Bréma Ely Dicko.

Prime à la kalachnikov

Pour les gens qui l’ont bien connu, le basculement vers le combat armé n’est pas totalement une surprise. « Son action, c’est une façon de pousser l’État à s’intéresser à la question peule. Je ne pense pas qu’ils mettront leurs menaces à exécution. Ils sait qu’au Mali, il y a une « prime à la kalachnikov », ajoute un proche. Selon eux, prendre les armes, comme les autres mouvements, c’est un moyen de  trouver des interlocuteurs. « C’est l’opportunité d’intégrer le processus de DDR (Désarmement, démobilisation et réintégration). Il veut aussi s’y engouffrer car c’est un gâteau dans lequel chacun pourra avoir une part », résume Bréma Dicko.

Oumar Aldjanna confiait en début d’année regretter que les Peuls ne soient pas associés à l’Accord de paix et aux patrouilles mixtes. Pour lui, cela aurait été l’occasion de réparer les injustices. En attendant, c’est dans la clandestinité et le combat armé qu’il semble vouloir agir, même si la communauté qu’il défend ne lui reconnaît pas cette légitimité, lui qui n’est pas totalement peul. Néanmoins, si son mouvement n’est pour l’instant qu’une braise, elle se trouve dans un environnement, le centre du Mali, hautement inflammable. « On risque d’assister à une guerre asymétrique, qui visera les sous-préfets, les gendarmes, les fonctionnaires. Si l’État s’assume, le problème peut être résolu, avec plus de justice. Il faut situer les responsabilités, que les bourreaux puissent reconnaître leurs torts et quand ils feront ça, les victimes pourront pardonner au fil du temps. Car, il y a beaucoup d’Oumar Aldjana aujourd’hui, qu’on ne voit pas, qui ne parlent pas, mais qui n’attendent qu’une occasion pour rendre cette situation explosive », conclut Bréma Ely Dicko.

Bankass : Peuls et sédentaires fument le calumet de la paix

Dans le cercle de Bankass, un forum intercommunautaire qui a eu lieu lundi 06 juin, a permis de dégeler le climat entre les différentes communautés.

Le forum intercommunautaire a réuni plus de 300 personnes à Bankass (cercle de Mopti), où depuis septembre 2015, les Peuls et les communautés Bobo, Dogon, Dafing et Samogo nourrissent des rnacoeurs les uns envers les autres. Avec en toile de fond un climat de suspicion sur les liens supposés entre les Peuls et les djihadistes. Selon Allaye Guindo, maire RPM de Bankass, tout a commencé l’année dernière lorsque les communautés sédentaires ont accusé les Peuls d’héberger les djihadistes se réclamant du Front de Libération du Macina (FLM) d’Amadou Kouffa, sur les collines où ils font le pâturage, notamment pendant l’hivernage. Il n’y a pas eu d’affrontements entre les différentes communautés, mais, si l’on en croit le maire, un chef de village, un gendarme et un garde ont été tués.

Cette année encore, l’hivernage approchant, les Bobo dans le cercle de Tominian, les Dafing et Samogo ont fait part de leur inquiétude de voir les peuls hébergés les djihadistes sur les collines. De leur côté, les Peuls opposent un démenti catégorique. La rencontre du lundi 06 juin, entre les différentes communautés, avec la présence du ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed, de celui du Sport Housseyni Amion Guindo (originaire de Bankass) et du représentant du ministère de l’Administration territoriale, visait surtout à ramener la paix et dégeler le climat dans les communes. Les différentes communautés ont accepté de vivre ensemble, et de dénoncer tout ce qui est suspect. Il a aussi été décidé de la création d’un comité dans chaque commune dont le rôle sera de recueillir les informations reçues des populations, avant de les faire remonter aux maires, préfets et gouverneurs.

 

Forum de Nampala reporté, calme précaire à Kareri

À Kareri, dans le cercle de Tenenkou, tout le monde reste dans l’expectative après les affrontements intercommunautaires qui ont endeuillé cette partie du pays. Le forum qui devait se tenir à Nampala a finalement été reporté à début juin.

L’orage des affrontements intercommunautaires passé, il règne dans le cercle de Tenenkou un calme relatif. Au lieu du forum à Nampala prévu, une rencontre a eu lieu à Kareri du 20 au 24 mai, en présence du ministre de la Solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction du nord, Hamadoun Konaté, du ministre de la Décentralisation et de la réforme de l’État, Mohamed Ag Erlaf, du ministre de la Réconciliation nationale Zahabi Ould Sidi Mohamed et du ministre de la Défense, Tiéman Hubert Coulibaly, des deux députés élus à Ténenkou, Abderrahmane Niang et Amadou Cissé et du maire de Kareri. Joint par Journal du Mali, le maire de Kareri, Mamadou Coulibaly explique que rien n’a été décidé à cette rencontre à laquelle environ 200 personnes ont pris part, et que les participants ont tous jugé nécessaire que « tout le monde déposé et rendent les armes. » Mais, déplore-t-il, « ce n’est toujours pas le cas. » À l’en croire, des assaillants auraient attaqué des jeunes à la recherche de paille à 15 km au sud du village de Maleimana, dans la commune de Kareri, il y aurait eu un mort et un jeune aurait été enlevé. « C’est l’armée malienne, en patrouille dans la zone, qui aurait retrouvé le corps du jeune tué », poursuit-il. Interrogé, le lieutenant-colonel Souleymane Maïga, chef de la direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa), affirme que l’armée a retrouvé le corps d’un jeune homme âgé d’environ 20 ans, qui s’appelle Mohomodou Coulibaly, après une attaque non loin de Maleimana. La gendarmerie de Tenenkou a ouvert une enquête. Le maire de Nampala, Baba Brahima Bâ, n’a pas confirmé ces informations qu’il dit avoir, tout de même, reçues samedi : « On ne sait plus ce qui est vrai ou faux. Je ne saurai me prononcer là-dessus. »

Dans cette zone, le calme précaire qui règne semble fragile. Tous les espoirs se fondaient sur la tenue du forum qui devait se tenir à Nampala. Selon nos informations, il aura lieu les 2 et 3 juin prochains. Son report tiendrait au fait que le budget de l’évènement n’était pas bouclé.

Conflits communautaire : 3 questions à Ibrahim Maïga, chercheur à l’institut ISS Africa

Quelle est votre lecture des conflits dans la région de Mopti ?

Le prisme ethniciste peut être une dimension de ces conflits, mais à mon avis on est face à de vieilles rancœurs qui, avec la criminalité, se sont accentuées au fur et à mesure des expropriations ou des changements climatiques. Ces conflits sont plus violents aujourd’hui car on est dans une situation post-2012, où on peut se procurer très facilement des armes.

Les djihadistes sont-ils aussi un facteur déclencheur ?

La venue du Front de libération du Macina a contribué à exacerber les tensions entre les deux les communautés. Ce groupe djihadiste a une notion particulière du foncier et estime que la terre appartient à Dieu, et que le bétail peut passer partout. Il n’y a plus d’expropriation, plus d’interdiction. Une partie des populations adhère à ce discours parce que le FLM leur rend justice.

Quel est le poids de ces mouvements dans la zone ?

Il est difficile de faire la différence entre les actes de banditisme, de vengeance et les actes terroristes parce que les trois se chevauchent. Un collègue chercheur sur ce sujet parle de « coup d’état social », c’est-à-dire des gens qui, dans un certain contexte sont marginalisés, pensent que c’est le moment de prendre leur revanche. Il est facile de dire que c’est un acte terroriste alors qu’il s’agit peut-être d’un conflit entre chefs de village, entre deux communautés, etc

Conflits communautaires : Terre, eau, djihadisme et déni de justice

Depuis 3 mois, la tension et la paranoïa ont envahi le cercle de Ténenkou opposant deux de ses principales communautés, les Peuls et les Bambaras, dans des conflits sanglants où les réflexes communautaires prennent le dessus, nourris par des rancunes anciennes. Les attaques qui succèdent aux représailles ont occasionné une trentaine de morts. Ces évènements tragiques ne sont pas inédits dans la région, mais la nouveauté réside dans leur proportion et leur degré de violence. Et cela a de quoi inquiéter.

Les médias se font faits écho de ces conflits sous l’angle ethnique. Pourtant, ces communautés vivent ensemble depuis des décennies. «  Il faut faire très attention en parlant de confrontation Peuls-Bambaras. Dans cette zone toute personne qui pratique l’agriculture est assimilée aux Bambaras. Dans les faits ils peuvent être Bozos, Dogons, ou Sénoufos, mais du moment qu’ils pratiquent l’agriculture, on les appelle Bambaras. Faire cette opposition, c’est voir ces évènements seulement d’un point de vue ethnique », explique Naffet Keïta, anthropologue. Dans la région de Mopti, ou la terre et l’eau sont des ressources précieuses, ces conflits souvent très meurtriers ont toujours eu lieu entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs. Il suffit parfois d’une victime pour qu’un conflit interpersonnel dégénère en conflit communautaire.

Un conflit ancien pour la terre et l’eau

Dans la région de Mopti, dont l’activité agricole, pastorale et piscicole est le moteur socio-économique, les tensions et les compétitions autour des ressources naturelles sont fréquentes. Le delta intérieur du fleuve Niger, qui fait vivre plus d’un million de personnes, est exploités tour à tour par les pêcheurs, les éleveurs et les agriculteurs pour en consommer et exporter les ressources. Des conflits pour la terre et l’eau peuvent subvenir si cette chaîne est enrayée par l’un des exploitants.

Dans ces zones, le droit coutumier s’oppose souvent au droit moderne, créant des désaccords qui peuvent se transformer en conflits violents. L’absence de lois écrites en la matière permet à certains de tourner le sens des coutumes, de les interpréter seulement dans le sens de leurs intérêts. Ces conflits naissent souvent entre le propriétaire d’une portion de terre (le dioro en langue peule) et son locataire (souvent éleveur) au sujet du paiement des redevances. « Pour chaque tête de bœuf qui rentre dans les pâturages, l’éleveur doit payer une somme au dioro. D’abord symbolique, cette redevance s’est instituée. Les prix peuvent fluctuer fortement », explique cet habitant de la commune de Dioura. Dépassement des limites d’un terrain, occupation non autorisée d’une parcelle, transformation d’un pâturage en champ, refus du droit de passage des animaux, dégâts des champs, revendication de propriétés coutumières, autant de conflits qui opposent éleveurs aux agriculteurs et qui viennent s’amasser en dossier dans les tribunaux. Le manque de justice, la corruption, ou les abus fréquents commis par les forces de sécurité souvent à la solde des dioros, ont cristallisé les rancœurs. « Sur le terrain, les communautés pensent que ce sont les représentants de l’État qui exacerbent les conflits. Un contentieux qui a éclaté depuis quelques années peut se retrouver toujours non traité au niveau du tribunal. Chaque année, les juges appellent les partis et chacun vient avec des millions pour pouvoir gagner. Donc ces conflits ne sont pas tranchés et sont une manne financière pour certains au niveau de la justice ou la gendarmerie. Mais les rancunes, elles, s’accumulent », explique Naffet Keïta.

Beaucoup, désabusés par l’administration et les forces de sécurité, face à l’injustice et aux abus, peuvent être séduits par les thèses islamistes. « Les djihadistes ne sont pas considérés comme des fous par tout le monde dans la région de Mopti. Les gens, de façon très informelle, vous disent qu’ils en connaissent, qu’ils disent la vérité. Ils passent en quelque sorte pour des apôtres d’une certaine justice sociale qu’ils basent sur l’Islam. Les gens qui sont en souffrance pensent dans ce cas qu’ils peuvent apporter une certaine réponse », explique Ibrahim Maïga, chercheur à l’institut ISS Africa.

Djihadistes, bandits et compagnie

Le mouvement djihadiste qui fait parler le plus de lui dans la région est le Front de libération du Macina (FLM) du prédicateur Amadou Kouffa, qui a obtenu une certaine audience nationale au moment où le Haut Conseil islamique s’était ligué contre le Code de la famille en 2009 et lors de la prise de Konna. Avec la création d’Ansar Dine, il a tissé des liens avec Iyad Ag Ghaly. Pour les services maliens, la menace des « gens du Macina » est à tempérer. « Ce n’est pas une katiba en tant que telle, ce sont des petits talibés qui vont au gré de leurs intérêts, ils ne sont pas structurés militairement contrairement aux autres katibas djihadistes ». La région où le FLM opère est fortement islamisée depuis le règne théocratique de Sékou Amadou, le fondateur de l’Empire du Macina. On y trouve nombre de médersas et d’écoles coraniques. Tous les évènements de la vie sociale sont liés aux préceptes religieux. Dans ce contexte, la volonté d’Amadou Kouffa d’imposer sa vision de la religion semble difficile, car son interprétation du Coran n’est pas plus légitime que celle de ceux qui habitent la zone. Mais leurs trafics d’armes contribuent à en accentuer la prolifération, « ce qui permet de donner plus de relief aux conflits intercommunautaires », ajoute Naffet Keïta.

Avec la crise de 2012, les activités génératrices de revenus ont diminué et nombre de gens se sont essayés au banditisme, profitant de l’absence des forces de sécurité. Conséquence, chaque village à son propre groupe d’autodéfense, organisé par les grandes familles locales. « Ce sont les jeunes d’une communauté qui se rassemblent de façon spontanée, pour la plupart des anciens mercenaires ou de la police islamique. À la fin de la guerre, ils sont revenus, n’ont pas été réinsérés, et se sont donc lancés dans la criminalité et le banditisme », explique le commandant Modibo Namane Traoré. Pour les services maliens, cette situation est jugée très préoccupante : « il faudrait les intégrer dans les forces armées, car ils sont sans travail et désœuvrés. Leurs cheptels ont été décimés ou sont morts de faim ou de soif, ils n’ont plus rien », ajoute une source membre des forces de sécurité.

Aujourd’hui, contrôler ces conflits intercommunautaires entre nomades et sédentaires  semble complexe, dans ces vastes zones ou l’absence d’État laisse libre cours aux règlements de comptes, au banditisme et au djihadisme.

Forum de la paix et de la réconciliation à Nampala

Pour tenter de mettre un terme à ces affrontements récurrents, une mission gouvernementale s’est rendue dans la région de Mopti et a pris contact avec les communautés concernées et les autorités locales. Après de nombreux échanges, elle a obtenu l’adhésion des communautés bambara et peule à la paix et la réconciliation. Sous l’initiative de la commune de Karéri, un forum se tiendra les 20 et 21 mai dans la ville de Nampala, dont 80 % des victimes peuls sont issues, pour sceller la paix. 400 personnes y sont attendues, dont le ministre de la Réconciliation nationale, et les autorités et élus locaux. La signature d’un accord entre l’État et les communautés, qui pourrait faire l’objet de sanctions s’il n’était pas respecté, est l’objectif visé. Le ministre de la Défense, Hubert Tiéman Coulibaly, a décidé l’envoi prochain d’un détachement de l’armée dans la zone, pour protéger les populations. Pour Naffet Keïta, le problème des conflits communautaires dans la région de Mopti ne pourra cependant pas être réglé complètement ainsi. « Ce problème aurait dû être réglé depuis la dernière conférence des bourgoutières (zones inondables – ndlr). On pouvait s’attendre à ces évènements. Tant qu’on ne videra pas les différents contentieux au niveau des tribunaux et au niveau des gendarmeries, ça repartira. Il faut que les cas soient jugés pour établir qui a raison et qui a tort et que l’État accompagne les différentes communautés dans la modernisation de leurs gestions de l’espace ressource ».