Cancer: faire face ensemble

Le Mali est aussi touché que le reste du monde par l’augmentation des cas de cancer. Les plus fréquents dans notre pays sont les cancers du sein, du col de l’utérus, des poumons, du foie et de la prostate. Plus des deux-tiers des cas sont des cancers féminins. Et pour les proches des malades, C’’est une véritable traversée du désert qui commence à  l’annonce du diagnostic. « Ma mère a un cancer. Le ciel m’est tombé sur la tête quand on m’a appelé pour me le dire », nous confie Jean, un expatrié vivant au Mali. « J’ai tout de suite pensé à  la douleur, à  la mort et à  notre impuissance, nous qui l’aimons. Au début, C’’est elle qui nous a soutenu et donner espoir. Le diagnostic était plutôt favorable et avec quelques séances de chimiothérapie, le mal pouvait être résorbé. Malgré tout, C’’est vraiment très dur ». « J’ai une amie qui est décédée d’un cancer du col de l’utérus. Quand elle a su qu’elle était malade, cela a été un véritable choc pour son mari et son fils. Ils ont eu beaucoup de mal à  accepter la fatalité, parce que le cancer était déjà  à  un stade avancé et il n’était plus question que d’atténuer la douleur et lui rendre la fin le moins difficile possible ». Pour Mariam, la famille de son amie a été complètement bouleversée par la situation. Au point que le mari, qui passait son temps au chevet de son épouse en a perdu son emploi. Un autre coup dur… Nouna nous confie que « c’est une personne qui a un cancer mais C’’est toute la famille qui souffre. Les séances de chimiothérapie sensées tuer les cellules cancéreuses attaquent également les cellules saines ….. Le corps, ses défenses semblent s’émietter à  l’infinie. La famille regarde impuissante l’un d’entre eux faire à  la maladie et faire de son mieux ». Tawo quant à  elle a vu sa belle-sœur dépérir alors qu’elle suivait un traitement traditionnel. Ce dernier ne l’a pas guérie, au contraire, le temps perdu a permis au mal de s’installer et elle a dû subir une mastectomie (ablation du sein). «Nous nous sommes sentis coupables de ne pas avoir pris à  temps la bonne décision ». Le prix de la vie La maladie a d’énormes répercussions sur les familles et les liens sociaux en général. En plus des conséquences de l’incapacité d’un membre de la famille à  assumer sa part de charges, traiter un cancer est un véritable gouffre financier. « L’autre réalité de la maladie et on ne parle que très peu, selon Nouna, c’est le coût du traitement qui est extrêmement prohibitif. Le paradoxe est que ce sont les moins bien lotis (par conséquent sans assurance) qui payent le prix le plus cher. La vie a-t-elle un prix? Quels sacrifices financiers êtes-vous prêt à  faire pour en plus un résultat non garanti? La réalité est que beaucoup confrontés à  ce choix considèrent qu’il est plus important de laisser un héritage à  leurs proches plutôt que de s’endetter sans savoir si les résultats seront positifs ». Une décision difficile à  prendre mais bien souvent les familles, les amis décident de conjuguer les efforts pour « faire face ensemble ». C’’est bien la solidarité, et l’entraide qui permettent aux malades et leurs proches de tenir. Mamadou avoue ne pas savoir comment remercier les proches qui l’ont soutenu quand il était malade. « Je ne me suis jamais senti seul. Ma femme et mes enfants étaient pris en charge par mes amis qui se disputaient pour les prendre chez eux. Quand J’étais hospitalisé, il ne se passait pas un jour sans visite. Je suis béni d’avoir des amis et des parents dont l’affection m’a permis de traverser cette épreuve et aujourd’hui d’être en rémission ». « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » « Ce que la maladie vole en force, en habilité physique, on peut le retrouver ailleurs: je n’ai jamais mieux réalisé à  quel point ma mère était entourée d’amour et aimée qu’en ces moments-là  », témoigne encore Nouna. « La famille, amis, collègues, ont créé un cercle de soutien extraordinaire qui l’a portée dans les moments les plus difficiles. Le téléphone n’a jamais autant sonné qu’en ces moments. Cet aspect de support est sous-estimé mais tellement crucial pour rester en vie et continuer à  vivre une vie à  peu près normale ». « Pendant longtemps, on vit entre parenthèse aussi bien le malade que ceux et celles qui s’en occupent ». Le risque est de se retrouver coupé du monde, ne vivant que pour se soigner et ne se concentrant que sur la maladie. « Une erreur à  ne pas commettre », selon Mamadou. Car, comme le confirme Nouna, une fois la rémission obtenue, il faut « retourner au monde, fermer la parenthèse. Et reprendre la vie. Rien n’est plus comme avant. J’ai appris avec le cancer à  demander de l’aide. A dire, je ne peux y faire face seule avec ma mère. J’ai appris à  négocier le prix de tout (même et surtout dans un hôpital européen. J’ai appris qu’il faut juste se concentrer sur demain et faire de son mieux chaque jour. Je sais avec certitude que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »