Pouvoir – opposition : La solution par le dialogue?

Depuis la réélection du Président Ibrahim Boubacar Keita, l’opposition ne cesse de manifester son mécontentement. Certains de ses leaders mettent en cause sa légalité et sa légitimité, en dépit du verdict sans appel de la Cour Constitutionnelle. Le 8 décembre, une nouvelle contestation est prévue sur tout le territoire. Le dialogue est- il la solution ?  

« Les concepts pouvoir et opposition ne me paraissent pas être en phase aujourd’hui dans un pays aussi vulnérable et fragile que le Mali. Je parlerai plutôt du duo démocratie et bonne gouvernance », recadre Dr Abdoulaye Sall, Président du Cercle de réflexion et d’information pour la consolidation de la démocratie au Mali (CRI 2002). Le climat entre l’opposition et le pouvoir depuis la présidentielle n’est pas à la camaraderie. La formation de nouvelles coalitions et les manifestations organisées illustrent les divergences entre acteurs de l’opposition et gouvernement. Certains d’entre eux, dont l’Honorable Oumar Mariko de Sadi, ne reconnaissent pas le pouvoir actuel. À cela s’ajoutent les dénonciations du projet de loi sur le découpage territorial et la prorogation du mandat des députés, que l’opposition a d’ailleurs largement votée. « Les différentes marches ne sont que les conséquences d’un déficit de communication. Théoriquement, le Président IBK a tendu la main, mais nous n’avons pas vu d’initiatives réelles visant à calmer la situation », souligne le Dr Brema Ely Dicko, chef du département sociologie – anthropologie de l’Université des Lettres et des sciences humaines de Bamako. Une réelle crise de confiance s’est installée entre ces deux catalyseurs de la démocratie. « Qu’ils comprennent que le Mali est dans une situation de fragilité territoriale et de vulnérabilité économique, sociale et culturelle. Il faut qu’ils s’entendent », estime Dr Abdoulaye Sall.

Premier pas

De plus en plus, une solution par le dialogue est prônée. « Si le Président IBK lui-même se rend compte qu’il n’est pas seulement Président de la République mais  aussi chef de l’État, et en tant que tel chef du pouvoir politique, il ne doit pas seulement tendre la main, mais la donner », estime Dr Abdoulaye Sall. «  La solution, c’est le dialogue, mais entre eux ils savent faire monter les enchères. C’est la même chose depuis 30 ans », affirme Dr Brema Ely Dicko. Mais qui pour la médiation ? « Malheureusement,  la société civile, qui devrait l’organiser, est politisée et les leaders religieux aussi. Peut-être faut-il voir avec la CEDEAO? », note le politologue Salia Samaké. « À part l’archevêque de Bamako, tous les religieux sont connotés », ajoute Dr Brema Ely Dicko.

Mali : l’opposition en ordre de bataille

La messe de requiem du consensus dans le microcosme politique malien semble être dite. La démocratie malienne, après une décennie de gestion consensuelle, renaà®t de ses cendres comme un phénix. Quelques poids lourds de l’échiquier politique malien entendent conjurer le syndrome ATT qui a théorisé le consensus politique qui a précipité le Mali dans les abysses de la déchéance. Parmi ceux-ci figure en bonne place l’Union pour la République, deuxième force politique du pays à  travers son porte-étendard, Soumaà¯la Cissé. Candidat malheureux à  la dernière présidentielle, il est considéré de fait comme le meneur de la nouvelle opposition. Après dix passés dans les différents gouvernements sous l’ère Konaré, à  des ministères aussi juteux que stratégiques (Economie et Finance, Aménagement…) avant de passer près de dix ans à  la présidence de la Commission d l’Uemoa, nombreux doutaient de la capacité de l’homme à  endosser l’habit d’un opposant. Et pourtant le député élu à  Nianfunké dans la région de Tombouctou, est en train de bien mouiller le maillot pour faire honneur à  son statut de meneur de l’opposition. Sa dernière attaque contre le régime IBK date du 24 avril 2014, o๠dans une sortie dans l’hebdomadaire panafricain, « Soumi Champion » affirme que le président de la République n’a pas de feuille de route. « L’attente des Maliens était très forte sur des sujets comme la sécurité, la réconciliation nationale, la justice… On n’a pas beaucoup bougé depuis. Kidal est toujours quasi inaccessible. », a jugé Cissé. En politicien madré, Soumaà¯la Cissé joue la carte d’une opposition Républicaine, ne veut pas « hurler avec les loups » et n’exclut pas de travailler avec IBK pour sortir le pays du gouffre. Quelques mois auparavant, il avait déclaré que le Kankeletigui semblait avoir du mal à  dégager ses priorités. Du renfort Soumaà¯la Cissé ne fera pas cavalier seul dans l’opposition, il peut compter désormais sur l’accompagnement de l’ancien Premier ministre et aussi candidat malheureux à  la dernière présidentielle, Modibo Sidibé, président des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare), a clarifié sa position d’opposant à  la faveur de son congrès des 15 et 16 mars 2014. En rencontrant Soumaà¯la Cissé au siège de l’Union pour la République(URD), le 16 avril dernier, Modibo Sidibé semble conclure un accord tacite avec « Soumi » pour incarner une vraie opposition au Mali. C’’est justement dans ce cadre, que le numéro 1 des Fare a profité, le week-end dernier d’une visite à  sa base en commune I du district de Bamako pour réitérer sa vocation d’animer l’opposition avant d’émettre des réserves sur la gouvernance actuelle. Autre coéquipier, de taille du reste, que l’ancien président de la Commission de l’Uemoa pourra compter dans les rangs de l’opposition, C’’est le Parti pour la renaissance nationale (Parena) qui entend également jouer sa partition dans l’animation d’une opposition république. Il en a administré la preuve par sa sortie d’y il y a deux semaines. Dans un document-pamphlet intitulé : « IBK, sept mois après: le Mali dans l’impasse », le parti de Téibilé Dramé dresse un bilan peu flatteur du régime IBK en dénonçant pêle-mêle, l’intrusion de la famille présidentielle dans la gestion du pouvoir, l’achat d’un nouvel avion par le président, la gestion du dossier du nord, l’opacité dans certains dossiers de l’Etat etc.… Ce fameux document qui marquait le réveil du parti du bélier depuis l’élection présidentielle, a perturbé le sommeil du parti du tisserand qui a répondu promptement mais avec maladresse en n’apportant aucune réponse aux griefs formulés dans ledit document. Revenant à  la charge, le Parena a demandé officiellement un débat médiatique avec le parti au pouvoir qui n’a pas donné de suite pour le moment. Autant de signaux forts qui fondent à  croire que le Mali est en train de tourner résolument la page de l’unanimisme politique. Place à  une opposition qui jouera son rôle de contre-pouvoir. Au grand bonheur de la démocratie malienne.