Amadou Thiam « ADP Maliba est sorti de la majorité mais n’est pas de l’opposition »

Quelques après jours l’annonce du retrait de son parti, l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba), de la majorité présidentielle, l’honorable Amadou Thiam s’exprime sur cette décision.

Quelles sont les raisons du retrait définitif de l’ADP-Maliba de la majorité présidentielle ?

Nous avons été saisis par la base militante du parti qui a réclamé le retour aux fondamentaux de notre engagement lorsque nous avons accepté de conduire en 2013 la campagne du président de la République. Il s’agissait, entre autres, de la lutte contre la corruption et de la résolution de la crise du Nord. Aujourd’hui, la gouvernance actuelle s’est éloignée de ces fondamentaux. Aussi, la Convention de la majorité présidentielle (CMP) n’est pas arrivée à créer un espace d’échange démocratique franc sur les questions nationales. Le président de la République et l’exécutif ne consultent plus la majorité. Toutes ces raisons ont créé un vide qui apparait comme un dysfonctionnement au sein de la majorité présidentielle et de l’appareil étatique. C’est pourquoi nous avons analysé la motion de la base militante du parti. Depuis quelques semaines, nous avions entrepris une large concertation au niveau national et international, afin de recueillir les avis de nos militants sur cette question. Un très grand nombre a souhaité que le parti se retire de la majorité présidentielle. Ce retrait est pour le parti un changement de cap.

Faut-il donc considérer désormais l’ADP-Maliba comme membre de l’opposition ?

Aujourd’hui le mandat que le parti a reçu c’est de se retirer de la majorité. Les militants ont également décidé que nous organisions une conférence nationale qui va définir le nouveau cap et l’orientation politique du parti. Pour l’instant, ADP-Maliba est sorti de la majorité mais n’est pas de l’opposition. Les concertations vont continuer jusqu’à la conférence nationale que nous souhaitons organiser dès que possible. C’est seulement à l’issue de cela que nous pourrons véritablement donner une réponse à cette question.

Quelle est votre ligne de conduite en attendant cette décision ?

Dans un premier temps, nous allons aller une fois de plus auprès de cette population pour recueillir leurs avis sur l’état d’avancement du pays et s’enquérir de leurs difficultés. Ensuite nous comptons faire un diagnostic de l’état du pays. Toute chose qui nous permettra de dégager une nouvelle stratégie par rapport au parti et de connaitre la conduite à tenir désormais en rapport avec la situation actuelle du pays. Nous allons, de façon souveraine, travailler à être une force réelle de proposition pour qu’ensemble nous arrivions à contribuer à la résolution de la crise du Nord.

Majorité présidentielle : risque de contagion après le retrait de l’ADP-MALIBA

Loin d’être un bloc de granit, le camp de la majorité présidentielle affiche aujourd’hui une cohésion de façade. Deux discours pour un regroupement sensé incarné l’unité d’action pour soutenir les actions du chef de l’Etat IBK. Le récent retrait de l’ADP-Maliba est un signe annonciateur du profond malaise au sein de la majorité et le  risque d’un phénomène contagieux est très plausible.

La convention de la Majorité présidentielle (CMP) est ce regroupement né juste après les élections de 2013, pour soutenir les actions du président Ibrahim Boubacar Keita et regroupant plusieurs formations politiques dont l’ADEMA-PASJ, le MIRIA, la SADI, le Parti YELEMA, le CNID, le MPR, l’UDD etc. l’union sacrée de ce regroupement s’est émoussée face à la situation actuelle du pays et surtout, l’approche des élections présidentielles de 2018.

Très affaiblie par les multiples crises qui secouent le pays, la CMP sera-t-elle en mesure de passer outre ses dissensions pour maintenir la cohésion au sein du groupe ? Après  le retrait de l’Alliance Démocratique pour la Paix, ADP-MALIBA, rien n’est moins sûr. En tout cas, le contexte y est peu favorable. Faible et sans véritable cadre de concertation pour fédérer les partis ni vision stratégique à long terme pour appuyer les actions du chef de l’Etat, la CMP est dans la nasse. « Aujourd’hui les choses tournent vraiment au ralenti en notre sein.  Dans ces conditions, il ne faudrait pas écarter la possibilité de voir certains gros calibres se retirer pour être candidats », reconnait un cadre du parti des Abeilles.

L’information sur le retrait d’autres formations fait actuellement le tour de la Ville. «L’on est tenté d’accorder foi à tout ceci puisqu’il n’y a pas de fumée sans feu, particulièrement chez nous. Le retrait d’autres partis politiques n’est pas une idée nouvelle. Depuis longtemps l’initiative flottait dans l’air, des chefs comme Oumar Mariko, Moussa Mara, ont déjà envoyé le signal en déclarant leur candidature pour 2018 », explique le chef d’un parti politique membre de la CMP. «Dans un pays où les élections se gagnent à coup de millions, prendre le risque d’aller aux prochaines échéances les mains quasiment nues serait suicidaire », met en garde un responsable d’un parti de la CMP qui a requis l’anonymat. Son plaidoyer en faveur de l’union sacrée n’est pas partagé par cet autre  responsable  estimant que « mieux  vaut savoir se retirer à temps d’une gestion chaotique du pays  pour ne pas en  être comptable, et afin de bien  préparer les présidentielles de 2018, un travail de longue haleine pour une adhésion massive des électeurs à un programme clairement défini », conclut-il.

Majorité présidentielle : la débandade ?

Plus le temps passe, plus les voix discordantes se font entendre. Au sein même de la majorité, certains se positionnent pour les prochaines échéances, et peu osent monter au front pour défendre un pouvoir de plus en plus attaqué.

Née en septembre 2014, la Convention de la majorité présidentielle (CMP) est un regroupement de partis politiques liés par leur engagement à soutenir le programme politique du Président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK). Près de deux ans après ce ralliement, le moins que l’on puisse dire est que tous ne soufflent plus dans la même trompette. IBK lui-même a, à plusieurs reprises, reproché à son « clan » de ne pas montrer un visage uni et déterminé, et jugé « catastrophique » le bilan de Boulkassoum Haidara, président de la CMP. À quelques mois des élections communales qui devraient se tenir avant la fin de l’année, et 2018 qui n’est plus si loin, les choses ne vont pas vraiment dans le sens, par lui escompté. Tandis que certains quittent l’opposition pour venir renforcer les rangs de la Convention, d’autres, parleurs déclarations mettent à mal l’unité souhaitée. Pis, lorsque l’opposition publie des mémorandums au vitriol sur la gouvernance actuelle, rares sont ceux qui osent défendre IBK et son gouvernement.

Par ailleurs, a perspective des échéances à venir pousse certains à sortir du bois. Le docteur Oumar Mariko, président de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), membre de la majorité présidentielle bien que non signataire de la convention de la majorité, ne rate aucune occasion pour dire tout le bien qu’il pense des maux du pouvoir, et vient officiellement de se mettre sur la ligne de départ pour 2018, en se présentant comme « une alternative». Autre membre de la mouvance présidentielle à se positionner contre le « candidat naturel » qu’est le chef de l’État, l’ancien Premier ministre Moussa Mara, qui semble déjà en campagne à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Si l’ADEMA de Tiémoko Sangaré a de nouveau réaffirmé fin mai qu’il ne quittera pas la majorité, nombreux sont les observateurs qui pensent que le parti prendra son indépendance le moment venu pour être représenté dans la bataille.

La majorité présidentielle, confrontée aux aléas de ses incompatibilités, est-elle fragilisée ? Peut-être, affirme un observateur qui pense plutôt que les « voix discordantes » sont un leurre « pendant qu’ils travaillent et se préparent pour les prochains combats ». Non, répond-on du côté du RPM (parti au pouvoir), ou l’on est certain que le projet de Président IBK fédère toujours la majorité de la classe politique. S’il avait lieu, le ralliement du Parti pour le développement économique et social (PDES), les amis d’ATT, annoncé ces derniers jours serait un coup d’éclat pour une majorité en quête de nouveau souffle.