Rastafarisme malien : One love, deux mouvements

« One love, one heart, let’s get together and feel allright », chantait avec passion Bob Marley ce 22 avril 1978 au One Love Peace Concert à Kingston, 12 ans jour pour jour après qu’Haile Sellassié 1er, le « Ras Tafari », icône sacrée pour les rastas, foulent le sol de cette île des caraibes pour la première fois. Les paroles du «White boy » de Trenchtown sont devenues une devise spirituelle pour les rastas qui chaque 11 mai célèbrent la disparition de leur quasi-prophète. Mais que reste-t-il aujourd’hui de son message et des valeurs du rastafarisme au-delà de la musique ?

Si le reggae est populaire, le rastafarisme, lui, l’est beaucoup moins, seul certains symboles stigmatisants le représentent aux yeux du monde.  « Aujourd’hui, les rastas sont souvent jugés sur leur apparence, vus comme des gens qui ne travaillent pas, qui fument la ganja. Peu d’entre eux connaissent les valeurs prônées par le rastafarisme. 80 % des personnes ici adorent le reggae mais ne savent rien de ce que Marley disait, de son message », lance Ras Bath, plongé dans la culture rasta depuis l’adolescence.

Unité à construire Deux mouvements au Mali essaient de perpétuer la doctrine spirituelle et politique du rastafarisme. Il s’agit du Mouvement des rastas du Mali (MOURASMA) et de la Communauté des rastas du Mali (CORASMA), qui partagent la même philosophie, mais ont des divergences dans leurs combats respectifs. « Il y a eu une division à un moment entre ceux qui portent des dreadlocks et ceux qui n’en portent pas. J’ai souvent tenté de les rassembler, mais j’ai toujours échoué », explique Sista Mam. « Nous rastas, parlons de « One love », et on n’arrive pas à s’unir », déplore la chanteuse malienne. Pour Charlie Koné, président du MOURASMA, l’existence de deux mouvements n’est pas une bonne chose. « Ras Bath a tout appris du MOURASMA. Je ne remets pas en cause son combat car la dénonciation c’est aussi notre combat. C’est plus la forme qui me déplaît », explique-il. « On a créé la CORASMA parce qu’au MOURASMA, ils ne se battaient que pour la légalisation de la ganja, c’était leur priorité, au détriment des sujets comme le social. La multiplication des mouvements rastas au Mali c’est quelque chose de positif, cela crée une émulation. En Jamaïque, il y a 12 tendances rastas », estime de son côté Ras Bath.

La célébration du 11 mai divise aussi la communauté rasta. La mort n’existant pas dans le jargon rastafari, la plupart des mouvements rastas dans le monde célèbre la date de naissance de Marley, le 6 février. « C’est vrai que le 6 février devrait être fêté plutôt que l’anniversaire de sa mort, mais Bob Marley est plus célébré depuis sa mort que de son vivant. Sa disparition a marqué les gens. C’est pour cela que cette date revêt toute son importance », soutient cependant Charlie. « À part le 11 mai, il n’y a pas d’autres célébrations chez les rastas du Mali, contrairement à ailleurs ! Pour la commémoration, je chanterai pour mon public, mais sinon je préfère me tenir à l’écart de tout ça », déclare Sista Mam, qui sera sur scène, au Carrefour des jeunes, pour faire danser la foule au son du reggae, histoire d’être unis, cette année encore, l’espace d’une nuit.