Turquie: Erdogan attaque l’Europe

« L’Occident soutient le terrorisme et se range aux côtés des putschistes », cette phrase du président Turc, Recep Tayyip Erdogan dans un discours prononcé depuis son palais présidentiel, en réponse aux critiques des États-Unis et de l’Europe sur l’ampleur des purges engagées dans le pays après le putsch raté du 15 juillet a déjà fait le tour du monde. Remonté et vindicatif, il a lancé une attaque extrêmement virulente et directe contre les Occidentaux, en les accusant de soutenir le « terrorisme » et les putschistes. Selon ses militants, Erdogan a tout simplement « dit haut ce que pensent tout bas beaucoup de chef d’Etat ».

Tout commence en février 2015, lorsque Bilal Erdogan, le fils aîné du président Erdogan, fait l’objet d’une enquête ouverte  par le parquet de Bologne à la suite d’une plainte déposée par un entrepreneur turc. Ce dernier accuse Bilal d’avoir fui en Italie « avec une grosse somme d’argent ». Quatre mois plus tard, une tentative de putsch échoue contre son père qui n’hésite pas dès le lendemain à lancer une vaste opération de répression. Il y eu donc en Turquie une vague d’arrestation dans l’armée et la justice. 6.000 militaires ont été placés en garde à vue et près de 3.000 mandats d’arrêt ont été délivrés à l’encontre de juges et de procureurs etc. M Erdogan souhaite même rétablir la peine de mort officiellement abolie en 2004. De quoi à susciter le courroux des pays occidentaux et de certaines organisations internationales.

« Ceux que nous imaginions être nos amis prennent le parti des putschistes et des terroristes », a-t-il ajouté lors d’un forum économique de la présidence. Selon lui le scénario du putsch a été écrit à l’étranger. Erdogan fait donc allusion au prédicateur Fethullah Gülen, en exil aux Etats-Unis. Il avait même demandé son extradition qui a naturellement été refusé par les USA pour manque de preuve. Invité de la chaîne d’info publique italienne Rai24News ce 2 août, Erdogan semble avoir saisi l’occasion pour régler une fois de plus le compte avec l’Union Européenne notamment l’Allemagne. Erdogan a sommé les juges italiens de « s’occuper de la Mafia » plutôt que de son fils aîné Bilal, visé à Bologne par une enquête pour blanchiment d’argent.

Le peuple turc de nouveau sur Taksim

Dix jours après être descendus dans les rues pour faire barrage à la tentative de coup d’état du 15 juillet, les Turcs manifestent cette fois-ci contre le « diktat » du président Erdogan et « pour la démocratie et la laïcité ».

C’est la symbolique Place Taksim qui a servi de décor à une nouvelle démonstration de force du peuple turc. On se souvient qu’en 2013, des milliers de manifestants y avaient siégés des jours durant pour réclamer le départ du président actuel, Recep Tayiip Erdogan. Après avoir envahi les rues d’Istanbul et Ankara dans la nuit du 15 au 16 juillet, pour protester contre un putsch mené par des militaires, contribuant ainsi « à sauver » le régime du même Erdogan, des centaines de milliers de Turcs ont de nouveau manifesté, après une semaine d’arrestation tous azimuts et de purge dans les rangs de l’armée. Et pour la première fois, on pouvait voir ensemble sur la place mythique d’Istanbul, une partie de l’opposition et les partisans du pouvoir. L’appel au rassemblement d’Istanbul a en effet été lancé par la principale formation de l’opposition turque, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate). Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du président Recep Tayyip Erdogan s’est associé à cet appel.
Les manifestants ont rendu hommage aux victimes de la tentative de putsch mais interpellent aussi le président pour les mesures prises depuis. Les organisations de droits de l’homme commencent à montrer du doigt le régime turc qui a d’ailleurs suspendu la Convention des Droits de l’Homme, pour « faire face à l’état d’urgence » dans lequel le pays se trouve depuis 10 jours. Amnesty International a ainsi publié un communiqué affirmant avoir réuni des « preuves crédibles » de cas de tortures de détenus dans des centres de détention de Turquie après le putsch raté.
A la suite du putsch raté, les autorités ont suspendu, interpellé ou placé sous enquête judiciaire plus de 60 000 militaires, policiers, magistrats, enseignants, fonctionnaires ou journalistes.

Coup d’Etat raté en Turquie : 7.543 personnes arrêtées

Dans une note informative du ministère des Affaires étrangères de la République de Turquie, relayée  par son ambassadeur au Mali, son excellence Renan Sekeroglu, le 18 juillet dernier, les autorités turques évoquent 7543 arrestations au total, parmi lesquels 6138  personnels de sécurité, 755 juges et procureurs et 650 civils.

Le soir du 15 juillet, une faction des forces armées turques a tenté un coup d’Etat dans diverses villes de Turquie, notamment à Ankara et à Istanbul. « il s’est avéré, en un court laps de temps, que c’était plus qu’un complot perfide, mais une campagne terroriste. Les auteurs ont tiré sur leur propre peuple, tiré sur leurs commandements dans le dos et ont bombardé le parlement national et le bureau de la présidence », explique M. Sekeroglu.

Tout au long du processus, tous les  partis politiques et les membres de la Grande assemblée nationale turque ont fermement  défendu la démocratie, la politique démocratique, les institutions démocratiques et la constitution. C’est partant de là qu’une déclaration commune pour la défense de la démocratie a été émise au cours d’une réunion extraordinaire de l’assemblée générale tenue le 16 juillet.  Selon la note d’information, lors des opérations contre le groupe terroriste, 208 personnes ont perdu la vie dont 60 policiers, 3 militaires et 145 civils. Il y a eu également 101  militaires et 1491 civils blessés.

En ce qui concerne les putschistes 24 ont été tués, 50 blessés capturés et 316 éléments arrêtés. Un groupe de 8 personnes membres du groupe putschistes s’est emparé d’un hélicoptère et a pris la fuite pour la Grèce. Selon l’ambassadeur, cette tentative de coup d’Etat a été mise en place par l’organisation terroriste Fethullah Gülen (Fétö). « Notre gouvernement n’a cessé d’exposer en permanence les motivation réelles de ce groupe terroriste et son chef, Fethullah Gülen, à tous les alliés et partenaires. Les terroristes seront punis conformément à la loi », a-t-il  conclu.

Tentative de coup d’État militaire en Turquie

Dans la nuit de vendredi à samedi 16 juillet, des putschistes issus des forces armées turques ont tenté de prendre le pouvoir en Turquie.

C’est à partir de 22h que la population d’Ankara, a vu des avions militaires survoler le ciel de la capitale. Les accès au ponts ont ensuite été coupés. A ce moment, la rumeur d’un coup d’État se répand, confirmée peu de temps après par les chaînes d’information turques.

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Aux alentours de minuit, un communiqué des « forces armées turques », est diffusé sur la chaîne publique turque. Il décrète la « prise de pouvoir totale dans le pays », la loi martiale et un couvre-feu sur tout le territoire.

Des chars prennent position autour du parlement, qui devient la cible de bombardements.

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Dans le même temps, les forces armées pénètrent dans l’immeuble de la radio-télévison nationale et pour interompre les émissions. Une information confirme la prise en otage du chef d’Etat-major par les putchistes

A Istanbul, selon un témoin, des soldats ouvrent le feu sur la foule faisant des dizaines de blessés.

Deux heures après l’annonce du coup d’État, Le Président Erdogan, qui était en vacances à Marmaris, lance, sur l’application Facetime, via laquelle il prédit l’échec du coup d’État et appel la population turque à un sursaut pour repousser les putschistes.

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La population répond massivement à son appel et, au cours de la nuit, dans les rues d’Ankara, Istanbul et Izmir, elle descend dans la rue pour protester et s’opposer au coup d’Etat

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A 3h du Matin, le Président Erdogan atterit à l’aéroport d’Istanbul, accueilli par une foule de partisan. Il déclare : « Je continuerais à assumer mes fonctions jusqu’à la fin […] Ceux qui sont descendus avec des chars seront capturés car ces chars ne leur appartiennent pas »

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Selon le Président Erdogan, ce putsch serait le fait de son ennemi juré, l’imam Fethullah Gülen, exilé depuis des années au Etats-unis. Ce dernier a réfuté catégoriquement ces accusations.

Vers 6h du matin, la contre-offensive est lancée : un avion militaire largue une bombe près du palais présidentiel à Ankara, et des avions de chasse F-16 bombardent des chars des rebelles aux abords du palais présidentiel. Peu après sue soixantaine de soldats mutins se rendent aux force de sécurité, en direct sur les télévisions.

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Au total 754 militaires ont été arrêtés. 5 généraux et 29 officiers supérieurs ont été démis de leurs fonctions. Un peu plus d’une heure après le chef d’état-major des armées turques, le général Hulusi Akar, est libéré puis conduit dans un lieu sûr.

Dans le courant de la matinée, la situation confuse qui régnait, semble petit à petit se dissiper. Le chef de l’armée par intérim, le général Ümit Dündar, annonce, sous les coups de 11h, que la tentative de putsch a été mise en échec, 104 putschistes ont été abattus. La présidence turque a de son côté exhorté les Turcs, sur Twitter, à rester dans les rues, mettant en garde contre une « nouvelle flambée de violence.