Diversification énergétique : Une solution aux coupures intempestives ?

Au Mali, les périodes de grande chaleur se suivent et se ressemblent : coupures intempestives de courant et d’eau. La période est autant redoutée par les acteurs que par les consommateurs. Le mal est connu depuis des années et des solutions existent. La diversification de l’offre énergétique en est une. Dans notre pays, où le potentiel du seul solaire dépasse de loin celui des pays les plus en avancés dans le domaine, son exploitation est en deçà de cette capacité. Au-delà du développement des énergies renouvelables, où notre pays a de nombreux atouts, les acteurs pointent du doigt une mauvaise gestion du secteur.

Créée en 2014, l’Agence des énergies renouvelables (AER) a pour mission principale leur développement à grande échelle. Elle mène des recherches sur le développement et l’adaptation technologique des équipements afin de participer à l’élaboration de la stratégie des énergies renouvelables et participe au renforcement des capacités des agents des collectivités et des artisans dans ce domaine pour  procéder à la labellisation et au contrôle de qualité des équipements dédiés.

L’AER propose également des modes de financements adaptés au développement  des énergies renouvelables.

Ces énergies, « inépuisables à l’échelle humaine », sont  tirées du vent, du soleil et de l’eau (géothermie). Au Mali, ce sont le solaire (thermique et photovoltaïque), l’éolien, l’eau, avec les barrages hydroélectriques, et l’énergie de la biomasse (issue des déchets ou d’autres produits) qui sont exploités.

Le potentiel le plus abordable et le mieux réparti sur le territoire à ce jour est celui du solaire. Le potentiel hydroélectrique est également  important et « à moitié exploité », explique Monsieur Souleymane Berthé, Directeur général de l’Agence des énergies renouvelables.

« La carte de l’énergie solaire montre un rayonnement moyen de 5 à 7 kWh par mètre carré et par jour, soit le double de ce qui existe en Allemagne, la championne dans ce domaine, aujourd’hui ». C’est-à-dire que lorsque l’on met un module solaire avec la même capacité en Allemagne et au Mali, on a deux fois plus d’énergie au Mali qu’en Allemagne. Quand il s’agit d’une énergie que l’on vend, l’on a deux fois plus d’intérêt à installer une centrale solaire au Mali que dans ce pays européen, selon le spécialiste.

Des études ont également permis d’évaluer un potentiel non négligeable en énergie éolienne, dont « des centrales de grande capacité sont en train d’être développées », assure Monsieur Berthé. À côté de celles-ci peuvent être également installées « de petites éoliennes » pour les besoins domestiques ou de pompage.

La biomasse, dont l’Agence nationale de développement des biocarburants (ANADEB) assure la promotion, fait aussi partie des sources d’énergie, mais « les projets initiés », grâce notamment à la transformation de déchets, peinent à voir le jour, selon ses responsables. Parce que « la filière est très complexe »,  avec toutes les contraintes autour de la collecte et du transport des matières premières pour leur transformation.

Développement insuffisant

Les dernières évaluations ont estimé à 13% la part d’énergies renouvelables dans le mixte énergétique, qui ne prend pas en compte les grandes installations hydroélectriques dépassant une puissance de 10 mégawatts. Un mixte constitué essentiellement donc du solaire.

Très ambitieux, les acteurs du solaire rêvent de faire du Mali un exportateur d’énergie. Un projet actuellement à l’étude doit à terme permettre au pays de produire de l’énergie solaire qu’il pourra vendre dans la sous-région. Dans le programme d’interconnexion de la CEDEAO, le Mali souhaite se positionner comme producteur d’énergie solaire sur le réseau pour 150 à 300 mégawatts. Dans le même temps, un autre projet, de 500 mégawatts, en coopération avec l’Inde, est à l’étude.

Ce qui devrait permettre au Mali de vendre de l’électricité durant la journée aux capitales régionales. Car l’un des goulots d’étranglement du solaire est le stockage, les batteries continuant de coûter cher. Grâce au réseau interconnecté, la production est vendue le jour à ceux qui en ont besoin et le soir les groupes électrogènes reprennent le relais, permettant ainsi une utilisation judicieuse de ces matériels. La fin des études pour ce projet sous-régional est prévue pour 2021.

Des privés et des banques de la place envisagent la construction de centrales solaires pour les industriels, qui paieront en fonction de leurs capacités  Une ligne de crédit de la coopération allemande existe à cet effet.

Le développement de ces énergies nécessite des équipements et une technologie qu’à  ce jour le Mali achète. Même quand des industriels s’installent dans le domaine, ils font essentiellement de l’assemblage de modules solaires, le coût élevé des équipements pour cette technologie constituant l’une des entraves.

Mais il y a une tendance mondiale à la baisse des tarifs, près de 40% ces dernières années, d’après les spécialistes. L’énergie solaire est donc devenue compétitive par rapport aux autres. Cette évolution pourrait changer la donne chez nous, grâce à l’attractivité d’un domaine durable désormais rentable et aussi parce que les particuliers auront la possibilité de s’équiper. Conscient de cette réalité, l’État mis en place un système d’exonération dans l’importation des matériels pour le solaire.

Meilleure gestion

Si la rareté des ressources est une réalité, il faut aussi une gestion stricte de celles qui existent, suggère Monsieur Bagui Diarra, expert en énergies renouvelables et efficacité énergétique. Et, pour cette « utilisation rationnelle », il existe plusieurs options. L’une d’entre elles est la diversification. Et une autre pourrait consister à demander aux industries d’avoir une production additive à celle que leur fournit la société EDM. Par exemple, une usine avec une demande de 5 mégawatts sera sollicitée pour installer en énergie solaire 1 mégawatt sur les 5. Celui-ci pourra soit être redistribué à des ménages soit ne pas être produit, permettant ainsi de réduire les coûts. Multiplié à l’échelle de plusieurs industries, cela peut être important, explique l’expert.

Une possibilité qui s’accroît avec la « baisse drastique du coût des installations solaires », parce  que « la technologie est en train d’être maîtrisée davantage ».  Mais il faut la disponibilité de l’expertise pour bénéficier d’infrastructures appropriées, répondant  au besoin de la clientèle.  Ce qui n’est pas encore le cas au Mali, déplore M. Diarra.

Il existe également d’autres solutions si l’espace n’est pas disponible pour le mégawatt. Il est ainsi possible de produire la quantité nécessaire pour permettre de prendre juste en charge le fonctionnement par exemple de l’administration, ou même de modifier le processus industriel.

Au niveau des grandes administrations, « il y a beaucoup de gaspillage et lorsque l’on a des problèmes d’investissements, de petites solutions peuvent permettre d’économiser localement ».

Ailleurs, des solutions au niveau des ménages, qui ne sont pas encore pratiquées au Mali, sont aussi envisageables. Quelqu’un peut produire une quantité d’énergie solaire supérieure à ses besoins,  avec des équipements aux normes, et vendre son surplus à une société de distribution. Mais cela se fera dans le cadre d’une réglementation qui n’existe pas encore au Mali. Lorsque plusieurs ménages le feront, cela permettra de réduire la quantité que la société de distribution produira et donc aura un effet indirect sur  ses charges.

L’efficacité énergétique est une innovation adaptée à notre contexte de manque de ressources et d’expertise, selon les spécialistes. La bioénergie avec les déchets et les végétaux, et même les déchets municipaux, qui ne font pas partie de la bioénergie formelle, sont également « dans le chapeau de l’efficacité énergétique ».

Plusieurs autres solutions existent, comme l’utilisation des restes d’abattage pour produire du gaz, pour laquelle des usines se sont installées dans un pays de la sous-région et des prises électriques programmables pour réduire les consommations insidieuses. Mais « la rigueur dans la gestion des subventions de l’État et l’assainissement de la gestion de la société EDM s’avèrent être indispensables », conclut M. Diarra.

Fatoumata Maguiraga

Repères

2014 : Création de l’Agence des énergies renouvelables

13% : Part des énergies renouvelables dans le mixte énergétique

40% : Baisse récente du coût des équipements solaires