Ségou : couvre-feu reconduit sur fond d’insécurité persistante

Décidée le 8 décembre 2025, l’autorité régionale de Ségou a prorogé pour trente jours le couvre-feu instauré en juin dernier. La mesure s’applique chaque nuit de 23 h à 5 h du matin sur l’ensemble de la région.

Par la décision n° 2025-505/GRS-CAB en date du 8 décembre 2025, le gouverneur de la région de Ségou a prorogé le couvre-feu institué par la décision n° 2025-233/GRS-CAB du 4 juin 2025. Le texte prévoit une nouvelle période de trente jours, reconductible, allant du lundi 8 décembre 2025 au mardi 6 janvier 2026, de 23 h à 5 h, sur tout le territoire régional.

La décision rappelle que, pendant la durée du couvre-feu, la liberté de circulation des personnes et de tous les engins de transport est restreinte. Seuls les véhicules et autres engins des forces de défense et de sécurité, ainsi que les ambulances bénéficiant d’un ordre de mission, ne sont pas concernés par la mesure. Le document précise que le couvre-feu prend effet à compter de sa date de signature et qu’il doit être publié et communiqué partout où le besoin se fait sentir.

L’acte énumère les autorités chargées de l’application de la mesure : le commandant de la zone de Défense n° 2, le commandant de la région de Gendarmerie n° 5, le commandant de la quatrième région de la Garde nationale, ainsi que les directeurs régionaux de la Police nationale et de la Protection civile. Chacun est mandaté, dans son domaine de compétence, pour veiller à l’exécution du couvre-feu. La décision est signée au nom du gouverneur par le directeur de cabinet, membre du corps préfectoral.

Cette prorogation intervient après plusieurs mois de restrictions nocturnes. Une première décision de couvre-feu avait été prise début juin 2025, pour une durée initiale de trente jours, renouvelable, avec des limitations de circulation visant les personnes, les motos et les véhicules sur l’ensemble de la région. Les reconductions successives traduisent la volonté des autorités d’encadrer les déplacements nocturnes dans un contexte que les services de sécurité décrivent comme marqué par la multiplication d’incidents dans plusieurs zones de la région.

Les données collectées sur le premier semestre 2025 illustrent ce climat sous tension. Une note du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) consacrée aux restrictions sécuritaires et de mouvement au Mali, arrêtée au 30 juin 2025, indique que la région de Ségou a enregistré 323 incidents sécuritaires et 736 victimes civiles entre le 1ᵉʳ janvier et le 30 juin 2025. Le même document précise qu’un couvre-feu y a été instauré à partir du 4 juin 2025, avec des restrictions de circulation pour les personnes, les motos et les véhicules, assorties d’exceptions pour les forces de défense et de sécurité et les ambulances, et la possibilité d’autorisations spéciales.

En reconduisant le couvre-feu jusqu’au début du mois de janvier 2026, les autorités régionales de Ségou maintiennent ainsi un dispositif qui combine limitation des mouvements nocturnes et mobilisation des forces de défense et de sécurité, dans une région où les indicateurs de sécurité du premier semestre ont mis en évidence un nombre élevé d’incidents et de victimes civiles.

Gao et Tombouctou : comment s’adapter au couvre-feu ?

Les couvre-feux instaurés à Gao et Tombouctou par les différents gouverneurs ont été prorogés le 9 octobre. Comment s’adaptent les populations et comment accueillent-elles cette prorogation ?

Après l’attaque du bateau de la COMANAV en provenance de Gao le 7 septembre dernier, avec 49 morts civils et 15 militaires maliens, et l’attaque le lendemain du camp de Gao par des groupes armés terroristes, un couvre-feu nocturne a été instauré dans la ville de Gao jusqu’au 9 octobre, reconductible. Presque dans la foulée, à Tombouctou, alors que la ville est soumise à un blocus et cible de tirs d’obus de la part du JNIM, le gouverneur de la région, le Commissaire divisionnaire Bakoun Kanté, a instauré également un couvre-feu allant du 11 septembre au 10 octobre 2023, de 20h à 6h du matin. Ces mesures ont été prorogées alors que les populations essayent encore de s’adapter. À Tombouctou, elles ont été un peu allégées, passant de 20h à 21h. Même si elle est contraignante, la majorité des habitants de Tombouctou approuvent la décision, selon des sources sur place. « La ville a besoin de sécurité, il faut moins de personne dans les rues, surtout la nuit, pour que les forces de l’ordre puissent faire leurs opérations de sécurisation à travers la ville », assure Tandina El Hadj Beyt’allah, blogueur de la Cité des 333 Saints. Il ajoute qu’il n’y a pas eu de grand changement dans les habitudes des Tomboctiens, « les gens s’habituent au couvre-feu, ils rentrent le soir à la maison avec des provisions ». À Gao, où le couvre-feu dure de 22h à 6h du matin, avec un allègement de 2 heures par rapport au mois dernier, les commerçants soufflent un peu mais réclament plus. Souley Ibrahim, un résident de Gao, affirme que depuis l’instauration du premier couvre-feu « la sécurité de la ville s’est nettement améliorée. Il n’y a pratiquement plus d’enlèvements et les habitants se sentent plus en sécurité ». Abdoul Karim Samba, Président d’une association locale de la société civile, affirme qu’un seul cas de braquage a été recensé durant la période du premier couvre-feu. Si la mesure est appréciée sur ce point, elle n’enchante pas une partie de la population, surtout les commerçants et les boutiquiers, qui sont obligés de fermer leurs structures dès 21h ou 22h. Une situation intenable, qui joue sur l’économie de la ville, selon la même source, car il y a plusieurs petits commerçants qui ne gagnent réellement que pendant la nuit. Avec le couvre-feu, il est difficile pour eux d’obtenir de quoi subvenir à leurs besoins.

La population des deux régions se dit résiliente, tout en espérant que cette situation ramène la sécurité et la paix sur leurs territoires.