3 Questions sur le Chérif de Nioro à l’anthropologue Gilles Holder

Gilles Holder, anthropologue, co Directeur du laboratoire Macoter de Bamako répond aux 3 Questions de la rédaction sur le Chérif de Nioro.

 

Comment le Chérif de Nioro est-il entré dans la sphère politique ?

La politique l’intéresse, dès lors qu’elle impacte ses  affaires. Tant qu’il y a un accord tacite avec le pouvoir central de Bamako, le Chérif n’a pas de raison d’influer sur la scène politique nationale. Il n’est pas entré dans la sphère politique plus tôt parce que le pouvoir a toujours joué le jeu. IBK a en quelque sorte franchi la ligne blanche en lui demandant des comptes sur ses affaires.

Est-il aujourd’hui le vrai chef ?

Il ne faut pas inverser les rôles. Que les politiques défilent chez le Chérif et l’affichent, c’est de la communication politique classique. En fait, ils utilisent comme ils le peuvent les trois personnalités religieuses qui caractérisent l’Islam malien. L’Islam confrérique du côté du Chérif de Nioro, l’Islam wahhabite du côté de Mahmoud Dicko et l’Islam néo-confrérique ou populaire de Chérif Ousmane Madani Haidara. Entre les trois, les choses bougent. Le Chérif de Nioro est un peu hors du circuit bamakois et regarde les choses de loin. Les politiques vont le chercher là-bas comme caution.

Quel regard portez-vous sur sa relation avec l’Imam Mahmoud Dicko?

C’est l’alliance de la carpe et du lapin. Ils n’ont rien à voir ensemble. Ils ont tout qui les oppose, sur le plan théologique et même sur les plans sociologique et économique. C’est du travail politique. Je ne sais pas jusqu’où il appuiera Mahmoud Dicko, mais je pense qu’il y a des limites à cette alliance.

Mali: IBK propose des solutions pour une sortie de crise

Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a égrené mardi 16 juin au CICB, des solutions de sortie de la crise multidimensionnelle que traverse le pays. Fin de la crise scolaire, gouvernement d’union nationale, résolution de la crise parlementaire, la réforme de la cour constitutionnelle et le retour prochain de Soumaïla Cissé en sont les grands points. C’était en présence de plusieurs chefs religieux, des organisations de la société civile et des hommes politiques.

 L’intervention aura été brève, une quinzaine de minutes en tout, mais plus longue que l’adresse à la nation du 14 juin qui a laissé les Maliens sur leur faim. La gravité de la situation exigeait que le Président de la République face aux Maliens des propositions de sortie des crises socio-politique, économique, sécuritaire et sanitaire que le pays traverse et dont la gestion interpelle. La manifestation monstre des Maliens le 5 juin dernier peut en témoigner.

 « Afin de résoudre de manière définitive la crise postélectorale qui menaçait de s’ajouter aux crises sécuritaires, sanitaire et économiques que nous vivons déjà, j’ai décidé de mettre fin à la crise scolaire en instruisant l’application immédiate, pleine et complète de l’article 39 », a déclaré le Président de la République, applaudi par l’assistance.

 En janvier 2019 le gouvernement a octroyé 20% d’avantage salarial aux autres fonctionnaires du statut général et a refusé, prétextant des difficultés budgétaires,  d’en faire de même pour les enseignants alors que l’article 39 de leur statut le prévoit. Il stipule que  «Toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du statut général des fonctionnaires s’applique de plein droit au personnel enseignant de l’enseignement fondamental, secondaire, de l’éducation préscolaire et spéciale». En clair, si un fonctionnaire du statut général a 5 FCFA, les enseignants en bénéficieront « de plein droit ».  « L’équilibre du pays est en jeux. Pour autant, nous n’avons pas hésité à franchir la barrière parce que cela avait été promis. Si cela a été fait par légèreté, à nous de corriger », reconnait le Président IBK qui a annoncé une conférence sociale pour bientôt afin de mettre dans leurs droits tous les travailleurs qui se sentent lésés.

Crise postélectorale

L’une des grandes attentes des Maliens dans cette crise est la dissolution de l’Assemblée Nationale et de la Cour constitutionnelle. En réponse, le Président de la République a promis de voir comment apporter de l’apaisement au niveau parlementaire les jours à venir en annonçant déjà la composition prochaine d’un gouvernement d’union nationale.

En ce qui concerne la cour constitutionnelle, IBK reconnaît qu’ « aujourd’hui l’interrogation est permise ». Il a exhorté l’Assemblée Nationale à « voir son parcours, ce qu’il y a lieu de retenir ou de reformer».

La crise politique, c’est aussi la disparition du chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé depuis bientôt trois mois. Le Président IBK a assuré qu’il est en vie et annoncé sa libération prochaine. « Nous savons qui sont ses ravisseurs. Des contacts sont établis.  Inchallah il sera de retour parmi nous dans les meilleurs délais ».

Covid-19

Quant à la crise sanitaire, elle progresse. A la date du 16 juin, le Mali compte 1885 cas positifs de covid-19 dont 1145 guéris et 106 décès. Le Président de la République explique ce faible nombre de décès par la « faiblesse de nos moyens de testing ». Il a demandé au premier ministre Boubou Cissé à corriger cette faille «pour que nous puissions tester à grande échelle de manière à avoir une situation réelle de la prévalence de la pandémie au Mali. »

Afin de sortir de cette crise multidimensionnelle, le Président de la République a appelé à l’union tous les fils autour du Mali. « Nous avons de grands défis. Ceci ne devrait pas laisser place à la division. Le Mali doit demeurer. Aucun problème n’est hors de portée du Mali dès l’instant que le mali se donne la main ».

 Boubacar Diallo