Gouvernement d’union nationale : Qui en fera partie ?

Le 16 juin dernier, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, annonçait devant certaines forces vives de la Nation sa volonté de mettre en place un gouvernement d’union nationale en réponse à la crise politique que traverse le pays. Plus de deux semaines après, ce gouvernement tarde à voir le jour et les interrogations sur ses possibles membres crispent les attentions.

La médiation de la Cedeao dépêchée à Bamako, qui avait rencontré les différents protagonistes de la crise le 18 juin dernier, avait également recommandé la formation consensuelle d’un gouvernement d’union nationale.

En réponse, le M5-RFP avait d’abord rejeté cette option, se disant non favorable à un gouvernement d’union nationale dont il « n’est ni demandeur, ni preneur ». Cette position du Mouvement du 5 juin est respectée jusqu’à maintenant par tous les partis politiques qui en sont membres, dont l’URD du chef de file de l’opposition.

Les tractations sont en cours, mais elles bloquent. Notamment, selon certaines sources, parce que le M5-RFP souhaiterait un Premier ministre « de pleins pouvoirs » et que ce dernier vienne de ses rangs.

L’opposition non partante

« Nous n’avons pas encore été approchés par qui que ce soit », affirme Bréhima Sidibé, Secrétaire général adjoint des Fare An ka Wuli. « Pour nous, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas une question de gouvernement d’union nationale. C’est une question de cap, de perspectives pour le Mali », souligne-t-il, convaincu qu’une fois que ce cap sera défini les problèmes d’hommes ou de gouvernement ne se poseront plus.

Même son de cloche au Rpdm, où l’on estime que si négociation il doit y avoir, cela devrait être entre les représentants du M5-RFP et le parti au pouvoir. « Jusqu’à preuve du contraire, nous, au Rpdm, n’avons aucun contact de négociation avec le parti au pouvoir. Je ne vois pas pourquoi nous allons défendre un agenda particulier alors que nous nous inscrivons dans la lutte globale du M5-RFP », estime Baba Yagaré Diakité, Vice-président du parti.

Le parti Yelema, qui se réclame de l’opposition et « partage l’exaspération des Maliens », affirme également n’avoir pas été approché. « Cependant, nous souhaitons que le pouvoir et le M5-RFP s’entendent autour d’un cadre politique qui pourra stabiliser le pays et le sortir progressivement des affres de la division, de la mauvaise gouvernance et de l’injustice »,  précise l’Honorable Moussa Mara.

Germain Kenouvi

Mali – Bonne gouvernance: A la recherche d’une solution durable

Trois présidents maliens ont été chassés du pouvoir. Modibo Kéïta, Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré sont tous partis sur un coup de force. Le 22 mai 2012, c’est une foule en furie qui blesse Dioncounda Traoré, Président de la transition. Aujourd’hui, c’est le départ d’Ibrahim Boubacar Kéïta du pouvoir qui est demandé par des milliers de Maliens. Pourtant, si les manifestants pensent que c’est l’unique solution pour mettre fin aux différentes crises multidimensionnelles du pays, d’autres croient qu’il faudrait plutôt trouver une solution institutionnelle plus durable afin d’assurer une gouvernance efficiente.

Ce constat ne laisse pas indifférente une frange de la société civile et des observateurs de la scène politique qui pensent qu’un président peut être le problème mais que quatre, cela suscite des interrogations. Demander la démission du Président de la République est une décision souveraine du peuple. Cependant, afin d’éviter les crises à répétition, il faudra trouver une solution durable. Et cela passera par une refondation des institutions du pays. « Aujourd’hui, nous sommes dans une situation de crise systémique. Il faudrait penser à comment rendre les institutions crédibles.

Cela va au delà de la seule personne du Président de la République. Qu’il démissionne ou pas, il faut des mesures de refondation. Sans cela, on pourra remplacer un président par un autre, il y aura toujours le même système qui va demeurer et le peuple va se retrouver à chaque fois dehors », observe Khalil Dembélé, chercheur au CRAPES (Centre de recherches et d’analyses politiques, économiques et sociales). La concentration des pouvoirs institutionnels, « de manière biaisée », entre les mains du Président de la République est la cause principale de la crise sociopolitique qui secoue actuellement le Mali.

Le rôle supposé d’agent de tripatouillage électoral de la Cour constitutionnelle lors des législatives dernières, au profit du pouvoir en place, a institué une crise parlementaire dont la résolution pose problème. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle sont discréditées aux yeux des Maliens et leur dissolution est souhaitée. Cependant, selon le politologue Boubacar Bocoum, sans une séparation stricte des pouvoirs et une réforme institutionnelle, changer les têtes des institutions ne sera qu’une solution de courte durée. « Ce qui est sûr, c’est que changer IBK n’est pas la solution. On a besoin d’une nouvelle architecture institutionnelle.  Aujourd’hui, l’Administration territoriale, qui organise les élections, est inféodée à l’État. Elle doit être carré – ment indépendante.

Il faut également changer le mode de désignation des membres de la Cour constitutionnelle, ainsi que le fonctionnement de la Cour suprême. Sans cela, vous pourrez désigner d’autres personnes, ce sera toujours le statu quo ». « Esclaves du peuple » Pour le député Moussa Mara, « le fond du problème dans notre pays est de changer de manière approfondie la gouvernance », ce qui dépasse un régime ou encore une catégorie de leader.

« La gouvernance dépend d’abord du leadership. Nous devons travailler à améliorer notre mode de sélection de nos leaders, car nous ne sommes pas souvent dirigés par ceux qui le méritent. Il faut également accroître la transparence sur les nominations et donner de la place à la collégialité, pour limiter le poids d’un seul homme dans les décisions de nomination. Après le leadership, la gouvernance doit soumettre les leaders à la redevabilité. Il faut en quelque sorte transformer les leaders maliens en « esclaves du peuple » et on engagera le pays dans la voie vertueuse du progrès ».

La médiation de la CEDEAO, envoyée le 18 juin dernier pour trouver une solution à la crise politique malienne, a proposé l’organisation de partielles afin de résoudre la crise parlementaire. Et face à la pression populaire, quatre membres de la Cour constitutionnelle ont démission – né, même si, pour l’instant, ces démissions n’ont pas été rendues publiques. Mais le Mouve – ment du 5 juin, lors de son point de presse du 22 juin dernier, a qualifié ces démissions de « distraction » et dit garder son cap : obtenir la démission d’IBK.

Boubacar Diallo