Mohamed Chérif Haidara : « Nous ne pouvons pas aller aux législatives sans nous être mis d’accord »

À un mois des élections législatives, leur report est toujours espéré par le Conseil supérieur de la diaspora malienne (CSDM). Son Président, Mohamed Chérif Haidara, nous en explique les raisons.

Vous avez rencontré le Premier ministre pour évoquer le report des législatives. Qu’est-il ressorti de vos échanges ?

Deux choses. Nous lui avons demandé une audience suite à la convocation du collège électoral pour les élections législatives. Dans cette lettre, nous avons demandé un report de 12 à 18 mois afin de prendre en compte les questions en suspens. Nous souhaitons que la communauté des Maliens établis à l’étranger soit érigée en région. Pour ce faire, il faut une révision constitutionnelle, sans laquelle le découpage administratif afin de nous permettre d’avoir des députés sera très compliqué. Il faut donc repousser l’élection et permettre aux Maliens de l’extérieur d’élire leurs députés.

Le Premier ministre lui-même avait demandé un report de neuf mois, ce que la Cour constitutionnelle a refusé. Qu’à cela ne tienne, le message que nous avons transmis au Premier ministre, au chef de file de l’opposition et au médiateur de la République a été que la Constitution est une chose et que la stabilité et la quiétude des Maliens en sont une autre. Nous devons mettre le Mali et les intérêts des Maliens au-dessus de la Constitution. Nous ne pouvons pas aller aux législatives sans nous être mis d’accord sur un certain nombre de points. Aujourd’hui, aussi bien l’opposition que les Maliens de l’extérieur s’accordent pour un report.

Concrètement, comment va se matérialiser cette représentativité ?

Ce n’est pas compliqué. Le Mali est un pays qui a élaboré une Politique nationale de migration (PONAM) copiée par tous les pays de la sous-région. Le Sénégal, qui s’en est inspiré, a aujourd’hui 15 députés issus de sa diaspora. Ils ont même constitué un groupe parlementaire. Si le Sénégal a pu le faire, pourquoi pas nous ?

Le HCME formule les mêmes demandes. Pourquoi ne pas mutualiser vos efforts ?

Le Haut conseil des Maliens de l’extérieur est une association qui a obtenu son récépissé en 1993. Ils ont attendu 16 ans, en 2009, pour avoir un décret d’utilité publique. Mais, jusqu’à aujourd’hui, le HCME s’est comporté comme une association au service du pouvoir en place. Il était avec l’ADEMA, sous ATT il était du PDES et maintenant il est au RPM. Les articles 13, 14 et 17 stipulent pourtant que l’association est apolitique. Mais son président a donné une consigne de vote pour IBK. Cela a décrédibilisé le HCME. Au final, nous serons obligés de travailler ensemble. Chacun présentera ses candidats et une fois à l’Hémicycle nous travaillerons main dans la main pour servir les Maliens établis à l’extérieur.

Traite des personnes au Mali : Un phénomène qui prend de l’ampleur

 

Elles ne sont pas moins de cinq Maliennes à avoir été rapatriées du Koweït et de l’Arabie Saoudite entre juillet et septembre 2017, grâce à l’intervention de compatriotes installés dans ces pays. Des jeunes femmes parties dans l’espoir d’une vie meilleure qui se sont retrouvées piégées dans des situations assimilables à de l’esclavage.

Ces cas sont loin d’être isolés, selon M. Dramera, Vice-président du Conseil Supérieur de la Diaspora malienne (CSDM). Le dernier cas en date est celui d’une jeune malienne qui se trouverait aujourd’hui au Sénégal, selon M. Dramera. Partie au Koweït, grâce à des intermédiaires, pour être femme de ménage, elle a été contrainte de travailler pendant dix mois sans salaire. Informé de la situation, le représentant du CSDM sur place et M. Dramera obligeront l’intermédiaire ayant organisé le départ de la jeune femme à payer son billet de retour. Elle rejoindra donc le Mali saine et sauve, mais sans un sou après dix mois de travail. Trois autres jeunes femmes, grâce à l’intervention des mêmes personnes, rejoindront le Mali après des mois de calvaire au Koweït et en Arabie Saoudite.

Le représentant du CSDM en Arabie Saoudite, qui tient à préciser que cette pratique ne peut être généralisée à toute la société, affirme qu’elle est le fait de « quelques individus qui agissent en complicité avec des intermédiaires ». Ces derniers font miroiter le paradis à ces jeunes femmes et abusent de leur naïveté. Elles travaillent ainsi sous « un semblant de contrat », selon le représentant du CSDM, pour rembourser la somme déboursée par l’employeur et versée à l’intermédiaire, avant de toucher un salaire.

Phénomène complexe touchant le Mali, la traite des personnes se manifeste sous plusieurs formes, selon le Docteur Ali Abdourahamane Maiga, Président de la sous-commission promotion à la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH). « Il existe la traite à l’interne, concernant des Maliennes qui quittent un endroit du pays pour un autre, mais aussi de plus en plus de personnes, surtout des femmes, qui quittent d’autres pays de la sous-région pour le Mali ».

Dans l’espoir d’une vie meilleure, elles sont déplacées avec ou sans le consentement de leurs parents et sur la base d’une tromperie. Dr Maiga cite le cas de 9 jeunes femmes venues de Diéma. « Elles ont passé quatre jours entre les mains de certains bandits à la gare de Sogoniko avant que l’une d’elle ne s’échappe. Ayant constaté sa disparition, ils libèreront les autres, qui ont été prises en charge dans un centre d’accueil ». Des femmes qui se retrouvent sans travail, sans argent et dans un environnement qu’elles ne connaissent pas, deviennent vite des proies. Elles peuvent alors subir toutes sortes d’exploitations, « y compris les pires », selon Dr Maiga.

 

ALY NIONO : Nous avons été traités comme des criminels

Après leur libération mercredi dernier, la grande majorité des 400 migrants maliens détenus dans les prisons algériennes sont actuellement dans des foyers à Tamanrasset en attendant que les autorités leur fassent signe pour leur rapatriement. Aly Niono, un de ces détenus maliens libéré s’est entretenu au téléphone, sur la situation sur place, avec le Journal du Mali.

Partis du Cameroun, du Nigeria, du Mali ou de Côte d’Ivoire, avec l’objectif de se rendre en Europe, ils ont posé leurs valises en Algérie. Ils y sont restés quelques mois ou quelques années, le temps de reconstituer un petit pécule pour poursuivre leur voyage. Parfois ils renoncent, découragés par les difficultés.

Ancienne région de transit pour les clandestins subsahariens, l’Algérie s’est muée, peu à peu, en terre d’immigration. Attirés par les grandes villes du nord, les migrants se heurtent au racisme d’une partie de la population. Une attitude parfois ouvertement encouragée par les médias algériens.

Aujourd’hui, le pays est devenu un enfer pour ces migrants. Dans un communiqué en date du 3 décembre, la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) s’est indignée contre « une rafle » décidée contre les migrants subsahariens à Alger où plus de 1400 personnes sont retenues dans des conditions « désastreuses » et « indignes ». «La vague d’arrestation des autorités algériennes n’épargne personne, même ceux qui sont en situation régulière. On m’a arrêté au sortir d’une boutique pendant que je téléphonais. Ces arrestations se font dans des conditions inhumaines, pire encore sont les conditions de détention. Nous étions traités comme des criminels. On ne mangeait qu’une seule fois par jour.  », explique Aly Niono.

« Ce que les autorités algériennes ne disent pas, c’est qu’il y a eu deux morts sous les coups de matraques des policiers, au moment où ils nous faisaient monter dans les bus en direction de Tamanrasset », ajoute-t-il. La majorité des 400 maliens libérés se trouvent actuellement dans trois foyers en Tamanrasset dépendant du Conseil supérieur de la diaspora malienne (CSDM). «Une fois à Tamanrasset, nous avons voulu rencontrer le consul du Mali. A notre grande surprise, toutes les portes étaient fermées. Tout naturellement, nous sommes restés à la porte, mais tout d’un coup, la police à la demande du consulat est venue nous déloger. C’est pendant qu’on se promenait sans savoir où aller que les agents du CSDM nous ont récupéré pour nous loger dans les différents foyers.

Personne d’autre ne nous est venu en aide et pire, les agents du croissant-rouge algérien qui nous accompagnaient nous vendaient le lait qu’ils étaient censés donner gratuitement », souligne Mohamed Sylla, un autre migrant malien. «Les 70% des personnes libérées veulent aujourd’hui retourner au Mali, mais ils ont tout perdu, ils n’ont même plus le prix du transport. Pour l’instant tous nos regards sont tournés vers les autorités maliennes afin de nous ramener chez nous », conclut-il