Inondations à Bamako : La riposte enclenchée

Récurrentes ces dernières années, les inondations restent un problème préoccupant à Bamako. À l’orée d’un hivernage qui sera particulièrement abondant cette année, selon les prévisions météorologiques, la ville a déjà subi d’importants dommages matériels et même des pertes en vies humaines suite aux toutes premières pluies. Entre les causes diverses et les conséquences multiples d’un phénomène de plus en plus ravageur au fil des ans, les autorités municipales tentent de faire face en mettant au point un plan de lutte afin de prévenir et de limiter d’éventuelles futures inondations dans la capitale.

16 morts, 299 familles sinistrées, plusieurs disparus et des dégâts matériels importants. C’est le lourd bilan de l’inondation causée par la forte pluie qui s’est abattue sur Bamako le 16 mai dernier.  Les hauteurs de pluie recueillies étaient pour l’occasion de 58,1 mm au centre ville, 138,3 mm à Sotuba en Commune I, 48 mm à Sénou et 23,2 mm à Katibougou, selon un communiqué du ministère des Transports et de la mobilité urbaine.

Personne n’avait vu venir cette forte pluie, qui a pris de court beaucoup de ménages.  «Vers 4h du matin, la pluie a commencé. Brusquement, le mur de notre concession est tombé, laissant l’eau entrer très vite jusqu’à hauteur de la maison. Nous avons perdu nos habits, nos aliments et même notre voiture, qui a été emportée », témoignait Mme Traoré Adam Camara, mère de famille à Niamakoro, au lendemain du sinistre.

Les plus hautes autorités du pays, le Président de la République et le Premier ministre ont fait le déplacement sur les lieux touchés par l’inondation pour apporter aide et réconfort aux populations sinistrées. 20 millions de francs CFA ont été octroyés aux deux communes les plus touchées, les communes V et VI.

Des mesures de secours avaient été immédiatement prises par la Protection civile pour aider les populations sinistrées à faire face à cette situation pénible. « La protection civile a déployé 24 équipes pour porter secours et assistance aux individus. Il y avait des gens prisonniers des courants d’eau que nous avons pu sauver à Niamakoro, Kalaban, Baco djicoroni, Boulkassoumbougou, Missabougou et Sotuba », expliquait le Directeur régional de la Protection civile du district de Bamako, le lieutenant colonel Bakary Dao, dans un entretien qu’il nous avait accordé le 16 mai dernier.

Quelles causes ?

Le 22 mai 2019, le maire du district et ses homologues des six communes qui le composent ont émis une déclaration conjointe dans laquelle ils relèvent plusieurs causes comme origines des inondations subies par la capitale une semaine plus tôt.

Parmi celles-ci, les perturbations météorologiques dues aux effets des changements climatiques, l’incivisme de plus en plus grandissant des populations du district de Bamako, qui se traduit par l’occupation anarchique des lits des cours d’eaux, et le non respect de la règlementation en vigueur en matière d’assainissement.

« Aujourd’hui, dans beaucoup de quartiers de Bamako, les populations utilisent les marigots comme dépôts d’ordures. En outre, les caniveaux sont bouchés, soit par les constructions illicites, soit par les dépôts d’ordures », estime Ibrahima Dioné, 2ème adjoint au maire du district de Bamako.

« Il suffit que quelques gouttes de pluie tombent et les gens sortent avec des détritus jetés ça et là, pensant que l’eau va les acheminer vers le fleuve, alors qu’au contraire cela va boucher les caniveaux et les collecteurs », déplore pour sa part Cheick Abba Niaré, maire de la commune II du district de Bamako.

Les maires ont pointé non seulement la caducité du Schéma directeur d’urbanisme de la ville de Bamako et l’insuffisance des ouvrages de drainage des eaux pluviales, mais aussi la modicité des ressources financières des collectivités territoriales pour faire face à leurs missions en matière d’assainissement et de protection de l’environnement.

« Nous devons revoir le Schéma directeur de Bamako. Il s’agit aujourd’hui de s’asseoir et faire le diagnostic. Tous les acteurs sont concernés, à commencer par le ministère de l’Urbanisme et celui de l’Administration territoriale, en passant par les collectivités. Les caniveaux ne répondent plus aux normes et quand l’eau tombe en quantité, ils sont bouchés. Forcément, cela entraine des inondations », poursuit l’édile de la commune II.

Enfin, la non effectivité du transfert des ressources humaines et financières de l’État aux collectivités territoriales en matière d’assainissement a été également pointée du doigt par les maires comme l’une des causes indirectes des inondations.

« Les communes ont besoin de ressources humaines et financières. On parle de décentralisation, mais jusqu’à présent elles ne sont pas transférées. Tant qu’elles ne le seront pas, il sera très difficile que Bamako sorte de cette situation, parce que les mairies et les collectivités n’ont pas les moyens de faire face aux curages de tous les caniveaux et grands collecteurs qui traversent la ville », insiste M. Niaré.

Plan « anti inondation »

L’hivernage n’en étant qu’à ses débuts, les prochaines semaines risquent d’être éprouvantes pour les populations de Bamako si rien n’est fait pour empêcher la survenue d’éventuelles inondations dans la capitale. D’importantes mesures sont prises dans ce sens.

Un programme de curage des caniveaux et collecteurs, estimé à 972 millions de francs CFA pour un linéaire de 184 kilomètres a été mis au point par la mairie du district de Bamako et sera exécuté dans de brefs délais pour « prévenir et réduire les risques d’inondations dans la ville de Bamako et créer également un meilleur cadre de vie pour les populations en assurant l’entretien régulier de certains points spécifiques », à en croire Moussa Bocoum, technicien à la mairie du district.

« Nos techniciens, avec nos antennes dans toutes les communes, sont en train de travailler pour faire le point réel de la situation et identifier le travail technique à faire pour que nous soyons à l’abri d’inondations futures. Il ne s’agit pas de curer pour curer, il y a des normes techniques de curage qu’il faut respecter », précise Ibrahima Dioné.

Plusieurs recommandations ont été faites lors de la session extraordinaire du Conseil de district de Bamako, le 20 mai dernier dans les locaux de la mairie du district, présidée par le maire central Adama Sangaré.

Il s’agit, dans un premier temps, d’assurer le fonctionnement  normal des ouvrages de drainage des eaux pluviales et de faire respecter la réglementation en vigueur en matière d’assainissement et de protection de l’environnement, à travers l’empêchement du déversement de déchets solides dans les caniveaux et collecteurs ainsi que la suppression des branchements anarchiques des conduites d’évacuation d’eaux usées aux ouvrages de drainage.

Dans un second temps, le Conseil du district a recommandé de procéder aux siphonages des réseaux des concessionnaires tels que la Somagep, EDM, l’AGETIC et les opérateurs de téléphonie Orange et Malitel.

Enfin, l’aménagement des cours d’eau naturels, à l’image du Diafarana ko, la mise en place d’une large campagne de sensibilisation des populations du district de Bamako et environs, en vue de leur implication dans la sauvegarde des ouvrages de drainage et la prévision de sites appropriés en cas d’inondations sont les autres recommandations émises par les maires dans l’optique de faire efficacement face aux éventuelles futures grosses pluies dans la capitale.

« Nous comptons sur l’appui et la volonté politique du gouvernement pour mettre en œuvre ces différentes recommandations. Il nous a déjà saisis pour faire une évaluation chiffrée de la situation, que nous devons lui envoyer. La réunion à ce propos s’est déjà tenue. Un budget prévisionnel a été dégagé et lui sera envoyé », indique M. Dioné.

La ville de Bamako n’est pas à l’abri de futures inondations si les différentes mesures répertoriées ne sont pas rapidement concrétisées. « Il faut prendre les devants et c’est ce que nous sommes en train de faire. Mais il faut également que les services météorologiques travaillent désormais de concert avec nous pour plus de mesures idoines à l’avenir », conclut le 2ème adjoint au maire du district de Bamako.

Curage de caniveaux : quelle utilité à Bamako ?

L’insalubrité à  Bamako est devenue un vrai problème pour les autorités. Malgré la multiplication des initiatives, ces dernières années, le constat reste le même. Les tas d’ordures gisent au bord des trottoirs et bouchent les collecteurs et caniveaux. Les toilettes communiquent souvent directement sur les caniveaux ou se déversent dans la rue. L’une des conséquence directe de cette insalubrité, ce sont les inondations qui touchent des quartiers de la ville à  chaque hivernage. C’’est pour cela qu’à  l’approche de la saison des pluies, la mairie du District, engage une vaste campagne de curage des caniveaux de la ville pour prévenir les inondations. Cette campagne dure deux mois. Des centaines de millions pour rien Pourtant chaque année, un budget d’une centaine de millions de Fcfa est voté par la mairie du District sur fonds propres pour mobiliser les GIE (Groupements d’intérêt économique).Ceux-ci sont chargés d’évacuer tout ce qui peut empêcher l’écoulement normal des eaux de ruissellement en période d’hivernage. Mais paradoxalement, dans plusieurs quartiers de Bamako des caniveaux curés récemment sont déjà  remplis de boue, parce que les fossés en amont n’ont pas été nettoyés. Par ailleurs, certains quartiers au C’œur de la ville semblent oubliés par cette campagnes tels Quinzambougou, Dravela, Bolibana, Bozola, pour ne citer que ceux-ci. Et pour cause la présence des GIE n’y est pas observée. Or tous les caniveaux du district sont concernés par cette campagne de curage des caniveaux avant le délai fixé. Manque de sensibilisation Pour éviter que les gens ne cessent de transformer les caniveaux en dépotoirs d’ordures ménagères, il faut nécessairement une large sensibilisation, car la majorité des citoyens continuent de considérer le canal qui passe devant leur maison comme une poubelle ». Une loi répressive Après cette sensibilisation, ces mauvaises habitudes doivent être sanctionnées par la répression. Et puis, il faut alterner la politique de la carotte et du bâton. Et infliger des amendes aux auteurs de ces comportements et même les emprisonner. « Il est temps que les gens comprennent qu’en déversant les ordures dans les caniveaux et collecteurs, on commet un délit qui doit être puni » Cette logique répressive nécessitera une révolution culturelle préalable, non pas chez les auteurs d’incivisme mais chez ceux chargés de faire appliquer la loi. Pour l’instant, on en est loin et de nombreux caniveaux sont toujours bouchés comme nous avons pu le constater après un tour dans plusieurs quartiers de la capitale. Alors que les premières pluies aient commencé à  tomber, il faut espérer que les 130 millions de Fcfa dégagés pour les travaux, n’iront pas à  vau-l’eau.