Philippe Dacoury Tabley : « La politique est entrain d’entrer à la banque »

Les dessous d’une démission attendue Cela devait être une des mesures phares de ce sommet de Bamako. Philipe Henry Dacoury Tabley a été limogé de son poste de gouverneur de la BCEAO. Sous la pression de chefs d’Etat ouest-africains réunis en sommet à  Bamako le gouverneur de la banque centrale des Etats d’Afrique de l’ouest, proche du président sortant ivoirien Laurent Gbagbo, a démissionné samedi. Selon le communiqué final des chefs de ‘l’Etat de l’union économique et monétaire ouest africaine Philippe-Henry Dacoury-Tabley a présenté sa démission de lui-même. Le même communiqué indique qu’Alassane Ouattara, reconnu comme le président de la Côte d’Ivoire par la communauté internationale, devait désigner un candidat au poste de gouverneur de la BCEAO. Il était reproché à  M. Dacoury-Tabley de ne pas avoir appliqué une décision de l’UEMOA datant du 23 décembre lui intimant de donner à  Alassane Ouattara tous les pouvoirs de gérer au nom de son pays les affaires liées à  cette institution et à  la BCEAO. Une telle décision signifie en particulier que M. Ouattara et ceux qu’il a désignés sont les seuls habilités, au nom de leur pays, à  avoir accès aux comptes ivoiriens de la banque centrale ouest-africaine. Or, de 60 à  100 milliards de francs CFA ont été décaissés par la BCEAO en faveur du régime Gbagbo depuis cette date. Toute chose qui a provoqué l’ire des chefs d’Etat qui ont décidé de faire partir le gouverneur. Se disant déçu par cette décision des chefs d’Etat, Philipe Henry Dacoury Tabley a déclaré que l’incompréhension a pris le pas sur l’union. Lors d’une interview accordée aux journalistes, quelques minutes après qu’il ait rendu sa démission, le désormais ex-gouverneur a donné des détails sur les circonstances qui ont conduit à  la présente situation. Des difficultés insurmontables et un climat délétère à  la Banque « Le 23 décembre 2010, le président de la conférence des chefs d’Etat a demandé une réunion extraordinaire du conseil des ministres de l’Union à  Bissau, à  l’effet de se prononcer sur les événements en Côte d’Ivoire. A la Bcéao, durant un mois, nous avons résisté aux appels incessants, aux pressions qui nous demandaient de nous prononcer sur la validité de l’élection de tel candidat. Nous nous sommes dit que la Banque centrale n’est pas un organe politique, n’a pas à  proclamer les résultats d’une élection. Le 23 décembre, le conseil des ministres a pris la décision politique de reconnaà®tre Alassane Ouattara comme président légitime de la Côte d’Ivoire. Dès cet instant, la Banque centrale qui est un organe de l’Union a pris acte de la décision et s’est inscrite dans l’application de cette décision. Nous avons à  partir de là  écrit au gouvernement légitime pour qu’il nous envoie des représentants dans les organes de la Banque centrale. Ce qui a été fait. Cependant, l’action concernant la signature au sein de la Banque centrale des nouvelles autorités, a rencontré des difficultés majeures liées à  la situation sécuritaire et au fait que le pouvoir en place détient toujours l’ensemble des rouages de l’Etat. Dans ces conditions, il était parfaitement impossible à  la Banque centrale d’appliquer la totalité des décisions prises par le conseil des ministres à  Bissau. La Banque n’est pas la seule institution dans ce cas. […] A ce stade, il nous a été demandé certaines requêtes parce que le pouvoir légitime ne comprenait trop pourquoi s’arrêter à  ces difficultés. On a donc demandé que je limoge mon directeur national. J’ai indiqué qu’il a fait son travail et qu’il m’était difficile de le limoger […] Le 17 janvier, J’ai à  nouveau fait un rapport intérimaire pour indiquer les difficultés rencontrées sur le terrain et le soutien absolu qu’il convient de donner à  la Banque centrale pour qu’elle puisse appliquer effectivement sur le terrain les décisions de Bissau. On m’a répondu que ces difficultés étaient si énormes qu’il fallait les rapporter à  la conférence des chefs d’Etat. Ce qui nous vaut notre présence. J’ai fait un rapport à  la conférence. J’ai indiqué ces difficultés qui sont liées à  des questions sécuritaires. Parce que vous ne pouvez pas vouloir appliquer des décisions qui vont à  l’encontre d’un pouvoir qui est encore en place. Les décisions s’appliquent avec l’assentiment des uns et des autres. Nous ne pouvons pas exécuter les décisions alors que ceux auprès de qui l’on doit les exécuter y sont totalement hostiles. Voilà  les difficultés que nous avons relevées. Face à  l’incompréhension de ces explications, face au fait que les uns et les autres n’arrivent pas à  bien saisir ce qui s’est réellement passé o๠ce qui se passe réellement sur le terrain, nous avons accepté la démission qui nous a été demandée. » « J’espère que les jours à  venir ne seront pas sombres pour l’UEMOA « Je voudrais dire que je suis profondément attristé pour l’institution que J’ai servie pendant 35 ans. Il y avait mieux à  faire que ce qui a été fait. Je reste attaché à  cette institution. Je crois à  l’Union monétaire et J’espère que les jours à  venir ne seront pas sombres pour elle. Et que nous pourrions commencer cet idéal d’intégration que nous avons commencé. Il est indispensable de le consolider. J’y tiens énormément. C’’est la seule tristesse que J’ai eu en rendant la démission qui m’a été demandée. Parce que la politique est en train de rentrer à  la Banque centrale » a-t-il dit pour conclure. A signaler que sa position comme gouverneur de la BCEAO, poste qu’il occupait depuis deux ans, était en outre devenue intenable au lendemain des sanctions qui lui ont été infligées vendredi dernier par l’Union européenne (UE), à  savoir, interdiction de voyager et gel de ses avoirs. Il est venu s’ajouter à  la liste de près de 90 personnes, dont Laurent Gbagbo lui-même, frappées par ces sanctions. Sa démission forcée représente une victoire pour le camp d’Alassane Ouattara qui était représenté à  Bamako par son Premier ministre Guillaume Soro, seul à  représenter également la Côte d’Ivoire.