Qui est Abou Bakr al-Baghdadi, le « calife » invisible de l’EI

Le « fantôme », comme l’appelaient ses partisans, a fait sa seule apparition publique connue en juillet 2014, à la mosquée al-Nouri de Mossoul.

Abou Bakr al-Baghdadi, dont la mort a été annoncée mardi par une ONG syrienne, était l’homme le plus recherché au monde. Discret, il avait progressivement gravi les échelons pour devenir l’incontestable chef du groupe Etat islamique (EI) dont le « califat » est aujourd’hui en lambeaux.

Le décès du chef jihadiste de 46 ans a été « confirmée par de hauts responsables de l’EI » présents en Syrie, a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), sans être en mesure de dire, quand, comment et où il était mort. Des rumeurs et des informations sur la mort du chef de l’organisation jihadiste la plus redoutée au monde ont régulièrement circulé ces dernières années, mais elles n’avaient jamais été confirmées. En juin, la Russie avait dit avoir probablement tué Abou Bakr al-Baghdadi dans un raid aérien fin mai près de Raqqa en Syrie.

 Le « fantôme », comme l’appelaient ses partisans, a fait sa seule apparition publique connue en juillet 2014, à la mosquée al-Nouri de Mossoul, la deuxième ville d’Irak restée pendant trois ans sous le joug des jihadistes avant d’être reprise lundi par les autorités irakiennes.
La dernière manifestation d’Abou Bakr al-Baghdadi relayée par un média affilié à son groupe, remonte à novembre 2016. Il était alors sorti d’un an de silence pour exhorter, dans un enregistrement sonore, ses hommes à résister jusqu’au martyre à l’assaut des forces irakiennes sur Mossoul.
Le chef de l’EI aurait quitté la deuxième ville d’Irak début 2017, probablement pour la frontière irako-syrienne. Les Etats-Unis offraient 25 millions de dollars pour sa capture.
Passionné de foot
De son vrai nom, Ibrahim Awad al-Badri, Abou Bakr al-Baghdadi était un garçon « introverti, pas très sûr de lui », raconte à l’AFP la journaliste Sofia Amara, auteure d’un documentaire sur son parcours.
Il serait né en 1971 dans une famille pauvre de Samarra, au nord de Bagdad. Il a eu quatre enfants avec sa première femme puis un fils avec sa deuxième femme. L’une d’elles le décrit comme un « père de famille normal ».

Ce passionné de football rêvait d’être avocat, mais ses résultats scolaires insuffisants ne lui ont pas permis de suivre des études de droit. Il a également envisagé de s’engager dans l’armée, mais sa mauvaise vue l’en a empêché. Il a finalement étudié la théologie à Bagdad.
« Il donne l’impression d’un homme qui n’est pas brillant, mais patient et bosseur », explique Sofia Amara. « Il avait une vision en amont assez claire de là où il voulait aller et de l’organisation qu’il voulait créer. C’est un planificateur secret ».

Son passage en 2004 dans la prison irakienne de Bucca s’avérera décisif.
Après avoir créé au moment de l’invasion américaine de 2003 un groupuscule jihadiste sans grand rayonnement, Abou Bakr al-Baghdadi est arrêté en février 2004 et emprisonné à Bucca. Cette immense prison, où se côtoient dignitaires déchus du régime de Saddam Hussein et la nébuleuse jihadiste sunnite, sera surnommée « l’université du jihad ».
Peu à peu, « tout le monde s’est rendu compte que ce type timide, était un fin stratège », explique Sofia Amara.

 

L’islam « religion de guerre »

Libéré en décembre 2004 faute de preuves, il fait allégeance à Abou Moussab al-Zarqaoui, qui dirige un groupe de guérilla sunnite sous tutelle d’el-Qaëda. Homme de confiance d’Abou Omar al-Baghdadi, un des successeurs de Zarqaoui, il prendra la relève à sa mort en 2010 sous le nom d’Abou Bakr al-Baghdadi, en référence à Abou Bakr, premier calife successeur du prophète Mahomet. Il va intégrer dans ses rangs d’ex-officiers baassistes qui vont l’aider à transformer le groupe de guérilla en une redoutable organisation armée.

Profitant de la guerre civile en Syrie, ses combattants s’y installent en 2013, avant une offensive fulgurante en Irak en juin 2014 où ils s’emparent d’un tiers du pays dont Mossoul. Le groupe, rebaptisé Etat islamique, supplante el-Qaëda, et ses succès militaires et sa propagande soigneusement réalisée attirent des milliers de partisans du monde entier.

Dans un enregistrement de mai 2015, Abou Bakr al-Baghdadi exhortait les musulmans soit à rejoindre le « califat », soit à mener la guerre sainte dans leur pays. « L’islam n’a jamais été la religion de la paix », martelait-il. « L’islam est la religion de la guerre ».

 

Nigeria, ce qu’il faut pour détruire Boko Haram

À Abuja, les pays ayant pris part au sommet sur la sécurité et Boko Haram, ont fait clairement savoir l’urgence qu’il y a à venir à bout de la secte islamiste qui est loin d’être vaincue.

«C’est le combat d’une génération contre un démon qui nous détruira tous si nous ne le détruisons pas.» Ainsi s’exprimait le chef de la diplomatie anglaise, Philip Hammond, au cours du sommet régional consacré à la lutte contre Boko Haram, tenu à Abuja et qui a réuni, outre les pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (Nigeria, Cameroun, Niger, Tchad), les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Ces propos de Philip Hammond rappellent ceux d’un diplomate nigérian qui, en 2014, quelques heures après la libération de la famille Moulin-Fournier enlevée dans le nord du Cameroun par Boko Haram avait déclaré : « Si nous ne détruisons pas Boko Haram rapidement, c’est Boko Haram qui nous détruira. »

Aujourd’hui, de l’avis de beaucoup d’observateurs, le mouvement terroriste qui donnait l’impression d’être bâti sur du roc, perd du terrain mais n’a toujours pas été détruit et les pays du bassin du lac Tchad sont déterminés à enfoncer le dernier clou dans son cercueil.

Le sommet du samedi 14 mai 2016 s’est conclu sur le constat que l’influence de Boko Haram a considérablement faibli, mais les participants ont appelé la communauté internationale à soutenir davantage financièrement, militairement les pays de la région. C’est l’avis du Président français, François Hollande, qui estime que Boko Haram a été « amoindri, obligé de reculer », mais qu’il « reste encore une menace ». Pour arriver à bout de la secte, le communiqué final du sommet souligne que «la défaite de la secte ne repose pas seulement sur une solution militaire mais également sur une action gouvernementale de développement en vue d’en éradiquer les causes ». « Il faut gagner les cœurs et les âmes de ceux qui sont terrorisés par Boko Haram », a ajouté M. Hammond. De 2009 à nos jours, la secte a fait plus de 20 000 morts dans cette région du lac Tchad et plus de 2 millions de déplacés, rendant ainsi critique la situation humanitaire. Depuis juillet 2015, une force multinationale mixte (FMM) de 8.500 hommes, originaires du Nigeria et des pays voisins, a été déployée mais reste confrontée à un problème de coordination. M. Hollande a notamment fait savoir que la France allait poursuivre son soutien à cette force d’intervention en termes d’assistance et de renseignement. Aussi, n’a-t-il pas exclut la possibilité que les forces de Barkhane, présentes dans le Sahel, interviennent. Outre qu’une lettre d’intention pour un accord de défense entre la France et le Nigeria a été signée.

Des liens avec l’Etat islamique

Vendredi, à la veille du sommet, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une déclaration dans laquelle il s’est dit inquiet de l’existence de « liens entre Boko Haram et l’Etat islamique ». On se rappelle qu’il y a un an de cela, la secte islamiste a pris le nom de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest après qu’elle eut prêtée allégeance à Daesh. De fait, en Libye, l’EI est en train de renforcer sa position, surtout qu’il a étendu son contrôle à l’ouest de Syrte, ville qu’il contrôle depuis juin 2015.