Dalada Bally : Regard croisé sur le Mali et l’Amérique

Juriste de formation, Dalada Bally est originaire de Tombouctou. Avec cinq autres jeunes maliens, elle a été sélectionnée pour participer au Mandela Washington Fellowship ou programme YALI(Young African Leaders Initiative) cette année. Dalada Bally a ainsi passé six semaines à  la Florida International University o๠elle s’est enrichie de connaissances et d’expériences sur le système américain. Elle nous raconte cette belle expérience. Journaldumali.com : Quel est ton parcours professionnel et académique ? Dalada Bally : Je suis titulaire d’un Master 2 en Régulation et Droit international obtenu à  l’université de Nice et je travaille aujourd’hui comme Chef de service à  Orange Mali pour les aspects juridiques et réglementaires des produits Orange. Je suis également en charge des relations avec l’autorité malienne de régulation. Avant cela, J’ai travaillé pour plusieurs projets de développement des Nations Unies, mais la plupart de ces projets ont été suspendus et les fonds sont désormais redirigés vers la résolution de la crise et des conflits. Comment as-tu sélectionnée pour le programme américain YALI ? Grâce à  ma sœur qui réside au Niger. Elle m’a informé de l’existence du programme YALI, pour lequel nous avons postulé ensemble et la chance a fait que nous avons toutes les deux été prises. J’ai donc eu l’immense opportunité de passer six semaines aux Etats-Unis à  la Florida International University o๠J’ai suivi le programme « Public Management » avec 24 autres « fellows » de différents pays africains. Le plus enrichissant dans cette expérience est d’avoir rencontré d’autres africains qui ont une vision et une perspective différente de l’Afrique. En plus de cela, J’ai aussi découvert la vision américaine et africaine des pays anglophones. Pour toi, l’Amérique C’’est le pays de tous les possibles ? Que tires-tu de cette expérience américaine ? Il y a énormément de points positifs. On a en quelque sorte observé le «Américan way of life ». Comment fonctionnent les universités, comment vivent les étudiants américains en partageant des cours, une chambre, une classe avec eux. Le challenge était aussi de rentrer en confrontation avec d’autres idéaux tout en essayant de rester soi même. J’ai surtout été confrontée à  la vision qu’on avait du Mali post-crise. Beaucoup venaient vers moi et voulaient qu’on leur parle de la situation au Mali. Etant donné que je suis originaire de Tombouctou (qui est très connu des américains), la question de la sécurité revenait souvent. Vous savez que les Américains adorent Tombouctou, cependant, il fallait leur donner la bonne vision de notre pays. Avec ma collègue Bernadette Mah Ippet, on a essayé dans la partie « Présentation du pays », d’expliquer le conflit malien, ce qui s’était passé sans distinction de Nord ou de Sud. Il fallait surtout parler de ce Mali un et indivisible. On a essayé de démontrer que ce ne sont pas seulement ceux du Nord qui pouvaient parler de ce conflit, et que chacun d’entre nous pouvait témoigner, raconter comment il avait vécu la crise ainsi que les traumatismes subis. Je pense surtout à  la situation des réfugiés qui sont encore nombreux et ne sont toujours pas rentrés au Mali. Aujourd’hui, si ca va mieux à  Bamako, une bonne partie de la population est encore à  l’extérieur du pays, ce qui est déplorable. Qu’as-tu retenu du discours du président américain Barack Obama lors du sommet YALI ? On remarque aujourd’hui chez les Américains, en particulier à  travers le discours du président Barack Obama, la volonté de créer plus de relations entre l’Afrique et les Etats-Unis. Notre continent a beaucoup de relations avec l’Europe ou la Chine, mais du côté des Américains, il y a cette relation plus avancée avec les pays anglophones. Côté francophone, elle est moins évidente comme si l’Afrique francophone était la chasse-gardée de Européens. C’’est pourquoi les Américains ne s’impliquent pas trop en Afrique sub-saharienne, d’ailleurs, ils ne se sont pas beaucoup impliqués dans la crise malienne. La solution bien sûr n’est pas d’envoyer des troupes, mais J’aurai souhaité que les Etats-Unis soient plus présents au Nord du Mali. Justement, quel est ton diagnostic sur les négociations en cours à  Alger ? Je suis optimiste et en même temps, je pense qu’un travail doit être fait sur les mentalités. On peut s’asseoir à  la table et parvenir à  un accord, mais il faudrait un travail plus profond sur les populations, une vraie discussion pour arriver à  comprendre ce qui s’est passé au Nord du Mali. Casser les clichés. Ne plus continuer à  penser qu’un musulman, C’’est un terroriste ou qu’un touareg est un sécessionniste. Il y a des groupes armés qui veulent la sécession, mais s’il y a encore autant de réfugiés qui ne sont toujours pas rentrés chez eux, C’’est que ces groupes ne les représentent pas dans leur ensemble. Alors je souhaite qu’on écoute davantage ces réfugiés et pas seulement le MNLA ou les groupes armés. Aujourd’hui, nous devons plus impliquer ces populations dans le processus de paix. Après cette formation aux Etats-Unis, comment comptes-tu impacter de retour au Mali ? Je crois qu’il faut prendre en compte la manière dont la société malienne nous encourage ou essaie de nous décourager en tant que jeune femme, sur nos choix de vie ou de carrière. Au Mali, la pression sociale est si forte qu’on vous demande souvent pourquoi vous n’êtes toujours pas mariée à  tel âge ou pourquoi tel autre choix de vie. En m’inspirant despropos de Michelle Obama sur l’avenir et le potentiel des jeunes femmes, J’aimerais de retour au Mali m’attaquer à  ces questions là  et poser ce débat à  mes soeurs. Je suis aussi ce qu’on appelle une Community Shaper, pour apporter un changement positif sur les communautés. Car enfin de compte, le leadership ce n’est d’être au dessus des gens, mais de les avoir à  côté de soi.