Dépotoir de Lafiabougou: une montagne d’ordures en plein coeur de Bamako

Quartier résidentiel et cité des affaires, l’ACI 2000 peine à  panser sa plaie : un dépotoir d’ordures en pleine ville et de surcroit contigu au cimetière de Lafiabougou. Silencieusement, les morts doivent s’interroger sur ce manque de respect des vivants et Jules Koné vendeur de médicaments traditionnels le dit bien « mourir et être enterré dans ce cimetière C’’est mourir deux fois. Les autorités n’ont aucun respect pour nos morts, voyez vous-même, les mauvaises odeurs vous asphyxient ». Ces dires de Koné sont corroborés par un petit garçon freluquet qui fouille les décombres avec des mains nues envahies par des plaies de toutes sortes et une poitrine bourdonnante. Il dit travailler dans le dépotoir à  l’instar de sa mère qui récupère des objets jetés pour les recycler et les vendre afin de subvenir aux besoins de la famille. Effectivement, des voix de femmes attirent notre attention. Il faut se boucher les narines pour enjamber les monticules d’ordures et rejoindre ce groupe de récupératrices. Elles achètent les chargements des charrettes qui collectent les ordures ménagères. Selon la provenance, elles savent si le chargement contient des ordures importantes, bien triées, commercialisables et donc rentables ou des ordures de pauvres. Kouttoum, la trentaine révolue, le visage rabougri par des années de bêche avoue « faire ce travail pour subvenir aux besoins de la famille. Je ne peux ni voler ni me prostituer alors je viens ici à  l’aube pour avoir des objets recyclables. Je rentre à  la mi-journée pour tout rincer et mes enfants se chargent de la commercialisation». 36 millions pour un bout de route pavée Monsieur Nimaga, gérant de cybercafé rencontré sur place nous a confié, dépité « je travaille ici depuis plus de six ans et chaque jour nous nous posons des questions sur ce monticule d’ordures. Au début C’’était un dépôt transitoire et face à  l’inertie des autorités, cela a pris des proportions incommensurables. IBK a été député de la commune 4 et président de l’Assemblée mais il ne s’est jamais intéressé à  cette plaie de l’ACI 2000 or les quartiers de Koda, Djikoroni, Lafiabougou, Sébénikoro, ACI 2000 et une partie de Hamdallaye viennent enterrer leurs morts ici. Avec l’élection de Moussa Mara à  la tête de l’institution municipale, nous pensions qu’il allait prendre le problème à  bras le corps mais rien ». Un propriétaire de salon couture ayant pignon sur rue non loin du dépotoir enfonce le clou « Moussa Mara a bien travaillé hein, il a mobilisé, tenez-vous bien, 36 millions pour faire sur trois ans ce petit bout de route pavée qui sépare le cimetière et le dépotoir. Il a clôturé le site et nous a refilé le monstre avant d’aller se réfugier au gouvernement ». Joint au téléphone sur conseils des riverains, un libyen logeant autrefois en face du dépotoir explique « avoir déménagé suite à  des maladies pulmonaires, aux odeurs pestilentielles, à  la misère ambiante, à  l’insécurité grandissante et à  cette cohabitation cynique entre les morts, les miséreux et la bourgeoisie nouvelle de l’ACI 2000 ». Le ressortissant libyen espère que « le ministre solutionnera ce problème qui le suit et qui en réalité entre dans ses prérogatives de ministre de la ville ». Pourquoi pas une conférence interministérielle ? Justement, nous nous sommes rendus une seconde fois sur les lieux mais cette fois nuitamment pour vérifier les arguments des autorités municipales qui disent « vouloir en finir avec le dépotoir ». Effectivement, à  partir de vingt et une heures, près de douze camions-benne en file indienne viennent enlever grâce à  une pelleteuse les ordures. l’opération entamée il y a plusieurs semaines ne donne pas encore les résultats escomptés d’autant que les tonnes d’ordures évacuées vers Samaya sont remplacées le matin par d’autres. Babel Thiam, tailleur ayant son atelier de couture à  un jet d’encre du dépotoir clôt le débat « si le président IBK et le ministre Moussa Mara respectent les morts et veulent prouver qu’ils pensent au bonheur des Maliens, ils ont l’occasion de le faire avec la fermeture pure et simple de ce dépotoir dont on dit, je n’en suis pas sûr et il est difficile de le vérifier, que le terrain appartiendrait à  l’actuelle première dame. La commune 4 qui a porté au pouvoir trois présidents ne mérite pas d’héberger un site aussi répugnant ». Affirmatif quand on sait que les morts méritent plus de respect et à  ce titre les ministres de la santé, de l’assainissement, de l’environnement, de la sécurité et des affaires religieuses doivent se pencher sur la question pour en finir avec ces déchets solides qui minent la vie des riverains. Quoi dire de plus ? Ce dépotoir qui pose des problèmes de santé publique, d’insécurité, de morale et de respect des normes urbaines doit disparaà®tre de la carte de la commune IV. C’’est une bombe sociale latente et les autorités le savent bien puisqu’il est déconseillé de s’aventurer seul aux abords du cimetière à  certaines heures de la nuit. Emoussant et non marrant, ce dépotoir doit être déporté, n’est–ce pas Moussa Mara!

Bamako, la ville la plus sale d’Afrique de l’ouest ?

Face à  cette réalité, les autorités cachent leur laxisme derrière l’incivisme des citoyens. Depuis plus d’une décennie, Bamako est devenue l’une des capitales les plus insalubres de la sous région. «Les textes ne changeront rien tant que les mentalités de la population ne changent pas », signale un responsable de la voirie de Bamako Le laxisme des autorités Pourtant dans le district, les structures d’assainissement se multiplient. Malgré cette multiplication de leurs actions à  travers des structures comme les GIE (groupements intérêts économiques) et le programme Bamako ville propre de l’association AGIR, notre capitale tarde à  trouver son lustre d’antan, légué par les indépendantistes.  Est mis en cause l’absence d’une politique efficace, le laxisme des autorités dans l’application de la réglementation en la matière et surtout l’incivisme des citoyens qui sont entre autres les facteurs qui expliquent cette lamentable réalité. l’urbanisation comme facteur aggravant de l’insalubrité Dans un pays ou le phénomène de l’urbanisation commence à  atteindre sa vitesse de croisière, nous assistons désormais à  un développement incontrôlé des quartiers spontanés dont les conséquences sont visibles avec une prolifération des dépôts de déchets liés à  l’absence d’un système organisé de collecte et de traitement des ordures industrielles et de ménage. Dans la ville de Bamako, de plus en plus, les espaces verts et les places publiques changent de vocation pour être des dépôts d’ordures et cela au vu et au su de tout le monde. Immondices et maladies, des chiffres alarmants Les chiffres sont d’autant plus alarmants que l’urgence impose une synergie d’actions de tous les intervenants dans le domaine afin de faire respirer cette ville qui ploie aussi sous le poids de la pollution des voitures et des motocyclettes. Il ne fait pas bon être asthmatique à  Bamako. Selon le rapport de 2005 sur l’état de l’environnement, 60% des places publiques de Bamako ont changé de vocation. Cela explique les difficultés de récupération des déchets et leur recyclage. Sur les 17 089 tonnes de déchets, seulement 1355 à  1720 tonnes sont recyclées. Les dépôts de transit de Konatebougou en commune I, du quartier Sans fil de la communne II en sont des illustrations parfaites à  Bamako. En commune I, II, VI, les moustiques, les mouches, les cafards sont devenus énormes car vivant dans les ordures. En conséquence, ces insectes sont des vecteurs qui expliquent la présence de beaucoup de maladies telles que le paludisme, les maladies diarrhéiques. Les odeurs nauséabondes de ses ordures asphyxient même la population. Le comportement des citoyens Dans tous les quartiers de Bamako sans exception et les lieux publics, les citoyens n’hésitent pas à  verser leurs eaux usées sur les voies publiques « nous n’avons pas d’autres moyens d’évacuer l’eau usée que de la verser sur la voie publique » martèle une servante qui faisait la lessive dans une rue de Niaréla. De l’avis de Daouda Daou, professeur de droit à  l’IFAC (école professionnelle), l’incivisme, le manque d’informations et l’analphabétisme favorisent le phénomène. Dans ce cas, les autorités sont appelées à  appliquer la loi avec rigueur, après avoir procédé à  une campagne de sensibilisation.