« L’Unesco aidera le Mali à reconstruire ses mausolées »

Après une visite de terrain au Mali, le constat du chef de l’unité Afrique au Centre du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), Eloundou Assomo, est amer: « la destruction infligée au patrimoine de Tombouctou est encore plus alarmante que ce que nous pensions. » « Nous avons été atterrés par le nombre et l’ampleur des destructions qui dépassaient nos estimations, explique pour sa part Bandiougou Diawara, du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco. Nous pensions que 11 biens avaient été touchés, ce sont en fait 14 mausolées qui ont été intégralement rasés. Nous avions prévu la destruction de 2 000 à  3 000 manuscrits, il en manque en réalité 4 200. Les trois musées ont été totalement pillés, nous ne nous y attendions pas, et la vieille ville a aussi souffert des combats. » Sur les 16 mausolées inscrits au patrimoine mondial, 9 ont été anéantis et les 2 qui se dressaient dans l’enceinte de la mosquée de Djingareyber, également classée, ont connu le même sort. La « ville aux 333 saints » compte des dizaines de ces tombeaux monumentaux, mais ceux qui ont subi les foudres salafistes étaient parmi les plus beaux et les plus prestigieux. Senghor voyait dans cette cité l’expression de « la civilisation africaine la plus riche, sinon la plus brillante, parce que la plus humaine ». Tombouctou a été meurtrie dans sa chair d’argile sèche. « L’Unesco reconstruira les mausolées du Mali » « L’Unesco a sauvé les temples d’à‰gypte et reconstruit le pont de Mostar. L’Unesco reconstruira les mausolées du Mali », a déclaré sa directrice générale, Irina Bokova. Un plan d’action évalué à  plus de 8 millions d’euros, budget exceptionnel auquel l’institution ne pourra contribuer que modestement. Sa situation financière est en effet critique depuis que les à‰tats-Unis ont interrompu le versement de leur cotisation à  la suite de l’admission de la Palestine comme à‰tat membre. L’Unesco en appelle donc à  la générosité des à‰tats et des institutions : l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’Union européenne, la France et la Norvège se sont déjà  engagées. Ainsi que le Qatar, qui avait été soupçonné de soutenir les jihadistes sahéliens. La nécessité de lever des fonds explique-t-elle l’alarmisme de l’organisation ? « Si nous devons sensibiliser l’opinion et mobiliser la solidarité internationale, le ton de notre communiqué reflète les préoccupations des experts, réplique Diawara. Et il y a des dommages qu’on ne répare pas avec des millions de dollars : le patrimoine immatériel a été atteint, la population a été traumatisée par ce vandalisme et il y a un vrai travail de reconstruction morale à  effectuer. » Le 2 avril 2012, les jihadistes d’Ansar Eddine et d’Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi) s’étaient emparés de l’antique cité. Ces militants de l’islam le plus rigoriste ont décrété que la vénération des saints de Tombouctou était un grand sacrilège. à€ coups de pioche et de marteau, ils ont commencé à  abattre les mausolées o๠les sages du Sahara devaient reposer pour l’éternité. Cette ville a été libérée par les troupes françaises, le 28 janvier dernier.

Tombouctou perd ses saints

Si à  Gao, les jeunes de la ville se sont mobilisés pour empêcher la destruction du Tombeau des Askias, l’un des édifices religieux les plus connus d’Afrique, à  Tombouctou, les populations sont impuissantes face aux islamistes d’Ançar Dine qui ont décidé de casser tous les mausolées. Pour eux, C’’est « haram » (interdit, blasphème) de vénérer des saints dans l’islam. De plus, selon les théoriciens et les miliciens de l’islam le plus rigoriste, en vertu du principe de la soumission des croyants devant Dieu il existe une ‘injonction du « nivellement des tombes » qui se doivent d’être anonymes et discrètes. Ce sont ces arguments qui sont avancés pour justifier la disparition d’un patrimoine mondial qui attire chaque année des milliers de fidèles et de touristes. Le tollé est général et à  présent ce sont des appels à  l’action qui fusent du monde entier. l’apparente apathie du gouvernement du Mali face à  la destruction de biens culturels séculaires suscite l’incompréhension et l’indignation, surtout au niveau national. l’Unesco, saisie, il y a quelques jours par les autorités maliennes ne peut pas grand-chose et ce ne sont pas les menaces du n°1 de la CPI qui vont arrêter les salafistes. Les destructions de mausolées, des actes de guerre La destruction de sites vénérés par les musulmans n’est pas l’apanage d’Ançar Dine qui contrôle la ville de Tombouctou. En Libye, à  la faveur de la guerre civile qui a conduit à  la chute de Kadhafi, des miliciens salafistes ont détruit à  la roquette plusieurs mausolées de saints musulmans, nous rappelle le journal Le Monde. Au Yémen, en 1994, le mausolée d’al-Aydarus, considéré comme le saint patron d’Aden, était détruit à  la grenade et au bulldozer. Mais, toujours selon le journal, cette pratique remonte à  encore plus loin. En 1805-1806, lors de la prise de La Mecque et de Médine, les villes saintes de l’islam, par les hommes de Saoud, troisième souverain de la dynastie du même nom qui règne aujourd’hui sur l’Arabie saoudite, ces derniers entreprirent de détruire les dômes érigés au dessus des tombes de Khadija, la première épouse du Prophète, et de Hassan et Hussayn, ses petits-fils ; le mausolée du Prophète lui-même fut épargné, mais pas le trésor accumulé depuis des siècles par les dons des fidèles dans sa Chambre funéraire (la Hujra), qui fut entièrement pillé. Les salafistes d’Ansar Eddine s’inscrivent ainsi dans un courant doctrinal dont les représentants les plus actifs sont les Wahhabites d’Arabie saoudite (qui pour certains réclament toujours le démantèlement de la Hujra à  Médine), et dont les maà®tres à  penser sont aussi anciens qu’Ibn Taymiyya (1263-1328) et Ibn Hanbal (780-855), concluent nos confrères. C’’est un pan de l’histoire de l’islam et de l’humanité en général qui est ainsi en train de disparaitre sous nos yeux. Monuments en banco, les mosquées et leurs mausolées sont également une richesse culturelle, architecturale. Même s’il existe la possibilité de les reconstruire un jour, C’’est aussi l’impact moral de ces destructions qui préoccupe les observateurs de la crise malienne. Les populations en plein désarroi sont en train de subir un véritable lavage de cerveau idéologique et les villes sous contrôle des islamistes risquent de glisser vers un islam pur et dur, terreau de tous les extrémismes. Tombouctou est tout simplement en train de perdre son âme…

Destructions à Tombouctou : « Les musulmans sont choqués »

Du samedi 30 juin au lundi 2 juillet, les islamistes d’Ançar Dine et d’AQMI ont détruit sept des seize mausolées que compte Tombouctou et ont cassé la porte d’entrée de la mosquée Sidi Yeyia. Un tollé général a suivi ces actes, condamnés tant à  l’intérieur qu’à  l’extérieur du pays. Au-delà  de la richesse culturelle des sites détruits, ce sont bien des monuments religieux o๠des milliers de fidèles musulmans se rendaient chaque année pour se recueillir et prier. Alors, à  Bamako comme ailleurs, on en comprenait pas le silence des autorités religieuses face à  ces destructions. Approbation ? Refus de prendre position ? Si oui pourquoi ? Ces incompréhensions peuvent désormais être dissipées. Le Haut Conseil Islamique s’est réuni le lundi dernier, au moment même o๠les occupants de Tombouctou brisaient la porte de la mosquée. Et voici son point de vue, présenté au Premier Ministre hier mardi lors d’une audience à  la Primature. Selon El Hadj Mahmoud Dicko, président du HCI tous les musulmans ont le C’œur meurtri suite aux événements survenus à  Tombouctou. Ce qui est en train de se dérouler présentement à  Tombouctou les a énormément « choqués ». « La religion musulmane n’a jusqu’ici jamais accepté de tels comportements et la société a une éthique et la religion musulmane ont pour référence Tombouctou » affirme-t-il. Indignation et implication l’objectif de la rencontre avec le chef du gouvernement était d’abord de dire la « profonde indignation devant des agissements qui ne font pas honneur à  la religion musulmane ». Il est difficile pour des musulmans de comprendre qu’on puisse se réclamer de l’islam et poser de tels actes. Le HCI a donc décidé de mettre en place un groupe de hauts dignitaires musulmans qui auront pour mission d’expliquer le droit musulman à  l’opinion. Ceci dans le but de dissiper les malentendus existants sur divers sujets par des arguments convaincants. Au cours de cette même rencontre à  laquelle ont pris part plusieurs personnalités du monde islamique malien dont Ousmane Chérif Haà¯dara , il a été proposé Premier ministre une implication du HCI dans la recherche de solution à  la crise du nord. l’objectif serait de permettre aux autorités maliennes de rencontrer le chef rebelle, Iyad Ag Ghaly, de discuter avec lui et de « trouver ensemble un accord pour faire cesser la souffrance de nos compatriotes dans le nord du Mali ». « Nous pensons qu’il y a aujourd’hui des aspects de cette crise qui sont religieux, nous sommes en train de faire en sortes que tous les érudits du Mali se réunissent pour qu’ensemble nous étudions ce problème », selon le président du Haut conseil islamique, l’Imam Mahmoud Dicko.

Tombouctou : la destruction des mausolées est un « crime de guerre »

Depuis maintenant trois jours, les islamistes qui contrôlent la ville de Tombouctou ont entrepris de détruire les mausolées et autres sites religieux qu’ils considèrent « haram » (contre l’islam,ndlr). Le bilan est déjà  lourd. Sur les seize mausolées, sept ont déjà  été cassés et ce lundi matin, C’’est à  une mosquée qu’ils s’attaquent. « Les islamistes viennent de détruire l’entrée de la mosquée Sidi Yeyia de Tombouctou », située dans le sud de la ville, « ils ont arraché la porte sacrée qu’on ouvrait jamais », a affirmé un témoin cité par l’AFP. Cette information a été confirmée par d’autres habitants de Tombouctou. Incompréhension et colère Parmi les habitants de Tombouctou, on ne comprend pas très bien ce qui se passe. Comment peuvent-ils se réclamer de l’islam et profaner, détruire des lieux saints de cette religion ? Comment peut-on laisser faire une chose pareille ? Les interrogations sont nombreuses au sein d’une population impuissante face à  ces destructions d’un patrimoine jalousement préservé au fil des siècles. l’un des témoins interrogé par l’AFP s’indigne de ce qui se passe encore ce lundi 02 juillet. L’homme, ancien guide touristique de la ville a déclaré: « Ils sont venus avec des pioches, ils ont commencé par crier +Allah+ et ils ont cassé la porte. C’est très grave. Parmi les civils qui regardaient ça, certains ont pleuré ». Les islamistes du groupe Ançar Dine qui contrôlent la ville depuis trois mois et y ont imposé la charia. Ils ont affirmé le samedi 30 juin que ces destructions étaient des représailles contre l’UNESCO qui a placé le 28 juin la ville sur la liste du patrimoine mondial menacé. En ce qui concerne la mosquée Sidi Yeyia, ils ont avancé comme argument à  un imam que « certains disaient que le jour o๠on ouvrirait cette porte, ce serait la fin du monde et ils ont voulu montrer que ce n’est pas la fin du monde ». La porte située côté sud de la mosquée de Sidi Yeyia est fermée depuis des décennies, car selon des croyances locales, son ouverture éventuelle porterait malheur. Cette porte conduit vers un tombeau de saints et si les islamistes l’avaient sû, « ils auraient tout cassé », affirme un autre habitant. Des poursuites pour crime de guerre La procureure de la Cour Pénale Internationale a menacé les responsables des destructions de poursuites. « Mon message à  ceux qui sont impliqués dans cet acte criminel est clair: arrêtez la destruction de biens religieux maintenant. C’est un crime de guerre pour lequel mes services sont pleinement autorisés à  enquêter », a déclaré dimanche Mme Bensouda à  Dakar. Elle a précisé que l’article 8 du statut de Rome portant création de la CPI stipulait que « les attaques délibérées contre des bâtiments civils non protégés qui ne sont pas des objectifs militaires constituent un crime de guerre. Cela inclut les attaques contre les monuments historiques, tout comme la destruction de bâtiments dédiés à  la religion ». Présente à  Saint-Pétersbourg pour une réunion de l’UNESCO, la ministre malienne des arts, du tourisme et de la culture, Diallo Fadima, a transmis un appel du Mali aux Nations Unies. Les autorités demandent à  l’ONU de « des mesures concrètes pour mettre fin à  ces crimes contre l’héritage culturel de la population ».

Pharmacie : des centaines de kilos de médicaments brûlés

Les médicaments périmés sont très généralement ceux dont la date de consommation est dépassée et ceux avariés sont les plus souvent décomposés par leurs conditions de conservation ou par autres effets dus à  la nature. Les produits ont été apportés par plus de 5 camions remplis. Leur valeur pourrait être estimée à  plus de 2 milliards de francs CFA selon l’un des représentant de la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM). Ceci est déjà  une perte énorme pour les pharmaciens de la capitale et des populations. Rôle de la Commission de destruction La commission a pour rôle principal le suivi de ces médicaments périmés ou avariés dans les magasins de stockage, du contrôle de leur chargement dans les camions, de leur contrôle au lieu de déchargement et de destruction. Elle doit s’assurer après la mise à  feu que tous les produits sont bien brûlés. Cela est normal pour éviter que les populations ne viennent s’en servir à  leur absence. Elle est constituée par des représentants de l’Etat, du privé et de la société civile. La compétence lui relève d’approuver le Procès Verbal ou de le rejeter. La DPM est l’organe mère chargé de la coordination des activités de cette commission. Le Processus Les pharmaciens sont les seuls responsables des médicaments périmés ou avariés à  leur niveau. C’’est dans ce cadre qu’ils sont tenus d’informer la DPM de leurs produits non utilisables et qui doivent être détruits, cette direction étant la seule structure habilitée à  organiser leur destruction. « Les produits prennent du temps dans nos magasins car nous devrons chercher de l’argent pour qu’ils soient détruits par la commission »explique l’un des représentants des pharmaciens. Et de renchérir « C’’est une double perte pour nous ! ».