Soupçons de financement libyen: 2e jour de garde à vue pour Nicolas Sarkozy

L’ancien président de la République n’a pas encore répondu à toutes les questions des enquêteurs. La garde à vue de Nicolas Sarkozy, interrogé sur un possible financement de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi, a repris mercredi 21 mars au matin, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de sources proches du dossier.

L’ancien chef de l’Etat est arrivé peu avant 8 heures dans les locaux de l’office anticorruption à Nanterre près de Paris. Mardi, son audition débutée dans la matinée avait été interrompue vers minuit, et il aurait quitté les locaux. Elle peut durer quarante-huit heures et pourrait déboucher sur une présentation aux magistrats et une mise en examen de l’ancien président ou une remise en liberté.

Alors qu’une information judiciaire avait été ouverte en avril 2013, l’ancien président était entendu pour la première fois dans cette enquête. L’un des juges d’instruction chargés du dossier, Serge Tournaire, a déjà renvoyé M. Sarkozy devant le tribunal dans l’affaire Bygmalion, qui concerne sa campagne de 2012.

L’enquête, ouverte notamment pour détournements de fonds publics et corruption active et passive, a été élargie en janvier à des soupçons de « financement illégal de campagne électorale », selon une source proche du dossier. Cette décision est consécutive à un rapport des policiers anticorruption de l’OCLCIFF, daté de septembre, qui dénonçait la circulation d’espèces dans l’entourage de Sarkozy durant la campagne 2007.

Le député européen Les Républicains, Brice Hortefeux, ancien ministre de l’intérieur de Nicolas Sarkozy (2007-2012), a également été interrogé mardi toute la journée sous le statut de suspect libre.

Détournement de recettes douanières à Sikasso : 1,7 milliard de pertes

C’est une hémorragie financière qui se chiffre à plus d’un milliard de francs CFA, détourné par tout un circuit, à la Direction régionale du Trésor de Sikasso. Un système qui perdurait depuis des années et qui, selon certains, n’est pas spécifique à la 3è région.

1,714 milliard de francs CFA, c’est la somme détournée depuis plus de 3 ans par le receveur des Douanes de Sikasso, avec la complicité du trésorier payeur. Les deux hommes ont été arrêtés par la gendarmerie, puis déférés en début de semaine dernière au Pôle économique de Bamako, dans une affaire au parfum de scandale financier.

 Système bien huilé Au cœur de cette histoire, des collusions entre opérateurs économiques et hauts fonctionnaires du Trésor, de la corruption, de l’incompétence et un système faillible qui a permis cette fraude massive. Dans cette affaire, les investigations effectuées ont permis de mettre un évidence un large système de fraude concernant les chèques que les opérateurs économiques, au niveau des douanes, remettent pour faire sortir leurs marchandises. Ces chèques sont normalement enregistrés par le service du Receveur des Douanes, qui doit ensuite les déposer sur le compte du Trésor. Mais, à Sikasso, les chèques étaient enregistrés et encaissés par le Receveur des Douanes et le Trésorier payeur. Ces « manipulations d’écritures » se faisaient grâce à la duplicité de certains opérateurs économiques.

« Les gros importateurs de produits au Mali parviennent, grâce à ce système, à damer le pion aux autres opérateurs économiques. Car, lorsqu’ils n’ont pas le cash pour sortir leur marchandise, ils font un chèque en blanc. En complicité avec le receveur, ils peuvent faire sortir leur marchandise et l’écoulent avant que les autres puissent faire sortir leurs containers. Quand ils ont l’argent, ils le déposent sur le compte et le receveur le touche », confie une source proche du dossier.

Au niveau du Trésor, la division chargée du contrôle n’y a vu que du feu pendant de longues années. Après enquête, il s’avère que les chèques étaient bien signalés dans le registre, mais impossible à retrouver sur le compte. « Une négligence, ou au moins une très grande incompétence, qui peut faire douter de la probité de ce service », avance  notre source, qui assure que tout le système, à la direction du Trésor de Sikasso, est corrompu.

Le détournement a cessé quand l’un des protagonistes, le trésorier payeur, a dénoncé le receveur à la gendarmerie, qui a constaté, après enquête, des versements sur le compte du trésorier allant de 50 à 250 millions de francs CFA, pour, au final, un gap de plus d’un milliard. « Des bruits de couloirs disaient que le receveur allait être nommé Trésorier payeur, et que celui qui était en place, son complice, devait partir à la retraite dans deux ans. Cela a été une manière pour lui de se débarrasser de la menace et de ne pas perdre son poste, mais il s’est fait prendre », ajoute notre source.

 Une pratique généralisée ? Le détournement massif de fonds destinés au Trésor de Sikasso n’est pas un cas isolé. A Kayes, il y a environ un mois, le receveur auprès des Douanes a réussi à détourner, en l’espace de 3 mois, pas moins de 450 millions de francs CFA. Rien que pour Kayes et Sikasso, le manque à gagner pour l’Etat malien s’élève à un peu plus de 2 milliards. « 450 millions en 3 mois ! Vous imaginez la somme s’il avait pu se servir toute l’année ! Ces détournements ont toujours cours, ça se pratique même à Bamako, où c’est bien pire. Beaucoup, à présent, vont faire profil bas, avec ces arrestations », s’exclame un fonctionnaire, qui considère que le problème vient d’abord du système mis en place au niveau des receveurs des Douanes, qui présente de grosses failles permettant aux gens d’en profiter.

Pour ce comptable bamakois, des mesures simples pourraient être prises pour que cela n’arrive plus. « Il faut dire aux opérateurs économiques de verser directement leur dû sur le compte du Trésor puis d’amener le reçu du versement pour prouver que le chèque a bien été déposé et endossé sur ce compte. Il faut arrêter de donner ces chèques à un agent du Trésor, qui les enregistre et les dépose lui-même. Cela favorise les fraudes. Ces pratiques fragilisent encore plus l’économie malienne, mais le problème ici est que, quand les gens sont arrosés, ils en oublient tous sens du devoir et deviennent sourds, aveugles et muets », conclut-il.