Made in Mali : Pourquoi tarde-t-il à décoller?

Véritable baromètre de la consommation des produits fabriqués au Mali, le secteur de l’artisanat souffre, selon ses acteurs, d’un manque d’accès aux marchés de l’État. Ce qui l’empêche de s’épanouir et de résoudre ses autres difficultés, relatives notamment au manque de formation, de ressources financières et d’espaces dédiés à l’exercice de ses professions. Ce secteur, pourvoyeur de biens et services et qui emploie environ 5 millions de personnes, selon l’Assemblée permanente des Chambres de métiers du Mali (APCMM), est déterminant pour assurer la relance économique du pays.

« Le Made in Mali est malade, faute d’accès aux marchés de l’État », constate avec amertume le Président de l’Assemblée permanente des Chambres de métiers du Mali (APCMM), Mamadou Minkoro Traoré. Un constat sans appel, qui en dit long sur les difficultés du label Mali. En dépit de « plusieurs lettres d’intention », malheureusement  restées mortes, la marque « Mali » a du mal à s’imposer, surtout à l’intérieur.

Pourtant, les initiatives pour booster le made in Mali, et même la bonne volonté des consommateurs, ne manquent pas. « Les Maliens aiment les produits maliens, mais ils ont des difficultés pour y accéder », relève Abdoul Wahab Diakité, le Vice-président de l’Association des consommateurs maliens (ASCOMA).

Faciliter l’accessibilité

Avec la libéralisation  du commerce et la liberté des prix, en principe la concurrence aurait dû bénéficier aux consommateurs et favoriser la promotion des produits locaux. « Mais, malheureusement, les ententes entre les producteurs et la non régulation du marché rendent les produits de première nécessité inaccessibles aux consommateurs maliens », note M. Diakité, qui déplore que le litre de lait produit ici coûte 600 francs CFA, alors qu’avec une « concurrence réelle, il aurait pu coûter moins de 500 francs ».

En ce qui concerne les produits manufacturés, comme les textiles par exemple, le vice-président de l’ASCOMA précise qu’il manque une « volonté politique affichée », pour encourager les unités de fabrique de ces tissus. En effet, lorsque les responsables montreront dans ce domaine l’exemple, « tout le monde suivra »,  parce que « la vitrine d’un pays, ce sont ses responsables », ajoute M. Diakité.

S’agissant des activités de l’artisanat d’art et de production, M. Diakité cible trois principaux « handicaps » : l’absence de standards de fabrication, le manque de professionnalisme et le déficit de formation.

Véritable vitrine du Made in Mali, l’artisanat rencontre en effet plusieurs difficultés, selon le président de l’APCMM. Si le  nœud du problème reste l’accès aux marchés publics,  cette contrainte n’est pas la seule que connaît  le secteur.

Elles peuvent se résumer à quatre, selon le président de l’APCMM. La plus épineuse est celle du « foncier ». En effet, « les artisans n’ont pas de lieux où exercer », selon M. Traoré. Même s’ils suivent une formation et sont prêts à s’installer à leur compte, « certains y renoncent », faute d’espace pour travailler. Alors que d’autres secteurs, moins productifs et moins pourvoyeurs d’emplois, continuent de bénéficier d’importants investissements dans ce domaine.

Marché et formation, un duo vital

« Nous avons besoin de formations basées sur les techniques de finition pour une mise à niveau. Aucun besoin de reprendre l’apprentissage du métier, souvent maitrisé depuis plusieurs années. Mais une mise à niveau des équipements et du personnel aux dernières technologies », explique M. Traoré.

En 2010, l’APCMM dénombrait environ 79 000 artisans qualifiés « sans opportunités », relève le président. Parce qu’après leur formation ces artisans ont besoin principalement d’espace pour s’installer à leur propre compte et d’un fonds de départ, toutes choses qui leur manquent cruellement lorsqu’ils démarrent. Une installation qui ne coûte pas forcément très cher mais qui constitue le premier facteur bloquant pour les « jeunes ».

À défaut donc de pouvoir s’installer à leur compte, ces artisans se tournent vers d’autres pour les employer. Ces derniers, qui n’ont pas d’accès au marché, et compte tenu des charges afférentes au recrutement d’employés, sont peu disposés à embaucher cette main-d’œuvre.

Or attribuer des marchés à ces artisans qualifiés permet de booster l’économie locale et contribue à la stabilité sociale, selon les acteurs. En effet, lorsque des milliers d’artisans travaillent, ce sont autant de familles dont la survie est assurée, explique le président de l’APCMM. « Avec les nombreux chantiers de l’État, il est regrettable que cela ne profite pas à nos artisans. Tous les métiers du bâtiment sont des métiers artisanaux. Au contraire, ce sont les artisans d’autres pays que nous favorisons », déplore M.Traoré.

Mais ces marchés, quand ils sont attribués, « le sont à des artisans sans qualification et qui œuvrent dans l’informel, parce que l’on cherche le moins cher », souligne encore le président de l’APCMM. « Et on se plaint que les artisans ne travaillent pas bien !». Une situation qui contraint ceux qui sont normalement inscrits et payent des impôts mais n’obtiennent pas de marchés à fermer boutique.

Ce constat ne fait pas cependant pas perdre de vue, l’un des problèmes cruciaux du secteur, la formation. Ce passage obligé, dont la première étape est l’apprentissage, est « vite bâclé », à cause principalement de l’impatience non seulement des parents mais aussi des clients, explique le président de l’APCMM, également patron d’atelier. Alors qu’un élève peut redoubler sans que rien ne lui soit réclamé, lorsqu’un apprenti dépasse une année, la famille lui impose de « ramener quelque chose » et les clients le poussent à partir, parce qu’il peut déjà réaliser un objet ou une coupe, selon son domaine d’activité, explique le patron.

En principe, toutes ces questions sont réglées par le contrat d’apprentissage, mais « personne ne l’applique », relève M. Traoré.

Un potentiel à développer

Malgré ces difficultés, le secteur regorge de talents et les « artisans font des merveilles », note avec fierté le président de l’APCMM. Pour sa troisième participation au Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) cette année, M. Mahamadou Ganessy ne dit pas le contraire. À 33 ans, et après plusieurs années d’apprentissage auprès de son père, avec qui il travaille d’ailleurs toujours, le jeune cordonnier avoue avoir beaucoup progressé, même s’il poursuit encore son perfectionnement, notamment en innovant avec des sacs en cuir réalisés avec des tissus en coton faits par « un maître qui l’inspire beaucoup ».

« Au tout début, nous avions du mal à conserver le cuir sans qu’il ne se casse ou sente mauvais. Mais, avec les différents voyages et les expériences acquises, nous avons appris comment faire. Ce cuir produit ici et travaillé par d’autres artisans est de bonne qualité et facile à façonner », se réjouit M. Ganessy.

Désormais, dans sa boutique située à la Maison des artisans de Bamako, il est heureux que environ 30% de sa clientèle soit malienne. Avec la baisse de l’activité touristique et la réputation qu’avait la Maison des artisans d’être un lieu « pour les étrangers », il faudra encore du temps pour convaincre la majorité des clients que ces produits « made in Mali » leur sont accessibles. Et, pour ce faire, M. Ganessy en est conscient, « il faut davantage communiquer ».

Car si la responsabilité de l’État dans la promotion des produits locaux est essentielle, surtout par rapport à la régulation, le rôle des consommateurs, qui doivent être plus « engagés », et des producteurs, qui ne font pas suffisamment de marketing pour faire connaître leurs produits, est aussi important, selon le vice-président de l’ASCOMA.

S’ils n’attendent pas tout de l’État, les artisans veulent un coup de pouce pour faire décoller leur secteur. « Nous sommes à la recherche d’opportunités pour créer nos ressources, dont la première est les cotisations », déclare le président de l’APCMM. Sur environ 5 millions d’artisans, il n’y a pas plus de 1 million d’inscrits aux Chambre de métiers, précise le président de l’APCMM.

Des initiatives locales sont en cours, dont celle des ateliers sociaux, regroupant différentes filières d’un même corps de métier au même endroit pour un service de proximité. Un projet déjà ficelé et soumis aux autorités.

Eau potable : La quête permanente

Des files d’attente interminables, des points d’eau en nombre insuffisant et peu opérationnels… L’accès à l’eau potable est un véritable parcours du combattant à Niamakoro, en Commune VI du District de Bamako. Avec un accroissement important de la population et l’insuffisance des infrastructures d’approvisionnement, la pénurie est récurrente. Conséquence : les habitants redoutent particulièrement la saison sèche à venir.

« Pour avoir de l’eau ici, il faut veiller tard dans la nuit. Souvent, j’attends jusqu’à 2 heures du matin », témoigne Mariam Kéïta, pour qui la corvée d’eau fait partie du quotidien ; depuis environ 30 ans qu’elle vit à Niamakoro, en Commune V du District de Bamako. Les journées et les soirées de cette mère de famille sont rythmées par la recherche d’eau potable. « Vous ne pouvez rien faire sans eau. Ma famille est nombreuse et les besoins sont grands », explique Madame Kéïta. Elle peut ainsi refaire 3 fois le plein de ses 6 bidons de 20 litres, « lorsqu’il y a de l’eau ».  Pourtant, elle fait figure de privilégiée dans ce vaste quartier de 7 000 km2 et de plus de 100 000 âmes, à cheval entre les Communes V et VI de Bamako, car elle habite juste en face d’un des rares points d’eau. Lorsqu’elle s’installait dans ce quartier spontané de la périphérie de Bamako, dont le lotissement est intervenu beaucoup plus tard, il n’en existait aucun. Les habitants étaient obligés de se ravitailler dans le quartier voisin de Kalabancoura. Aujourd’hui, malgré l’existence de  plusieurs points d’approvisionnement, l’accès à l’eau potable est un casse-tête pour les habitants des 3 grands secteurs de Niamakoro. L’eau est disponible seulement quelques heures par jour dans les fontaines privées. « C’est seulement pendant l’hivernage qu’il y a un léger mieux. «  Hier, par exemple, je suis rentrée à 23 heures, après avoir attendu toute la journée en vain », explique Diouma Diaby, gérante d’une fontaine depuis plusieurs années.  Ce sont les mêmes clients qu’elle retrouve tous les matins avec leurs récipients vides. Ce vendredi matin est plutôt exceptionnel : l’eau, qui est arrivée vers 3 heures du matin, n’est toujours pas coupée alors qu’il est presque 11 heures. La joie de la vendeuse est cependant mesurée. Elle espère pouvoir remplir les dizaines de bidons de la file d’attente avant une nouvelle coupure, qui risque de durer jusqu’au lendemain.

L’eau au  compte-gouttes Des coupures de plusieurs heures, ou même de plusieurs jours, c’est aussi à cela que doit faire face Madame Anta Guindo, gestionnaire de sa borne fontaine depuis 7 ans. « Cette fontaine est ma seule source de revenus. Si je n’arrive plus à vendre d’eau, comment vais-je nourrir ma famille ? », s’inquiète-t-elle. Après 4 jours de coupure, elle se rend à la Somagep, la société de distribution de l’eau au Mali.  Sur le procès-verbal daté du 1er février 2018 qu’elle nous tend, il est écrit en observation « Manque d’eau ». Sur les 4 châteaux d’eau censés desservir la zone, seuls 2 sont remplis, selon Madame Guindo.

Ici plus qu’ailleurs, l’eau potable est une denrée vitale de plus en plus rare.  Pratiquement dans toutes les familles il y a des puits mais ils sont à sec. « Avant, il y avait de l’eau dans  les puits et elle était de bonne qualité. Maintenant, ce n’est plus le cas », déplore Mariam Kéïta. Plusieurs puits se sont asséchés, car cette année est particulière. Les puits de cette zone rocailleuse se remplissaient avec l’hivernage et ne commencent à tarir qu’en avril ou en mai. Plusieurs d’entre eux n’avaient déjà plus d’eau fin janvier, situation qui fait craindre le pire aux habitants de Niamakoro.

Peu d’alternatives Dans ces conditions, pour s’approvisionner en eau potable, les habitants ont peu d’alternatives : prendre d’assaut les châteaux d’eau du quartier, où il n ya pas de coupure, ou acheter de l’eau chez les revendeurs. Ces derniers, qui font aussi la même corvée pour remplir leurs fûts, en font payer le prix. Ainsi, le bidon de 20 litres acheté 15 francs CFA est revendu entre 50 et 150 francs. « C’est fonction de la distance parcourue et aussi du temps passé à attendre », nous confie un revendeur, qui affirme veiller lui aussi. « En plus, il faut acheter tout leur chargement, c’est-à-dire les 6 bidons », affirme une cliente, « car ils refusent de vendre à l’unité ». Prenant cette situation avec une certaine fatalité, Madame Oumou Traoré, une grand-mère dans la soixantaine qui vit à Niamakoro depuis une vingtaine d’années, constate en plaisantant « mes enfants ont fait cette corvée d’eau. Maintenant, c’est au tour de mes petits-enfants. Même si tu n’es jamais venue à Niamakoro, tu as sûrement eu écho de notre problème d’eau ». En fait, comme plusieurs mères de familles d’ici, elle redoute la période de chaleur, où la pénurie s’exacerbe. « Il n’est pas rare d’assister à des bagarres pour de l’eau. Lorsque les gens ont attendu toute la journée et que l’eau arrive enfin, à faible débit, ils s’impatientent et tout le monde veut être servi. Cela amène des incompréhensions », relève la sexagénaire, qui joue très souvent les médiatrices. Il arrive même que certaines femmes aient des problèmes dans leurs foyers à cause de l’eau. En effet, lorsqu’elles restent une bonne partie de la soirée à attendre à la fontaine, « leurs maris pensent que c’est pour autre chose. Mais, quand ils viennent voir, ils se rendent compte de la réalité », ajoute Madame Anta Guindo, une gérante. Alors qu’elle peut vendre chaque jour de 12 500 à 15 000 francs CFA quand l’eau est disponible, maintenant elle gagne péniblement 2 500 francs par jour. Une situation qui ne fait qu’empirer, malgré la multiplication des bornes fontaines même dans les familles. Ce serait d’ailleurs l’une des raisons de la pénurie d’après Madame Guindo. Durant les 5 premières années de gestion de sa fontaine, elle avait l’exclusivité du branchement. Mais, passé ce délai et selon les termes du contrat, des extensions ont été effectuées par la Somagep, environ une dizaine, selon elle. « Depuis, j’ai d’énormes difficultés pour avoir de l’eau. Souvent, ceux qui ont été connectés plus tard que moi au réseau ont de l’eau et moi pas », constate-t-elle non sans amertume.

Réseau peu performant Pourtant, des points d’eau continuent d’être installés dans les différents secteurs de Niamakoro, comme celui, proche de Faladié, de  « Chèbougouni », où certaines fontaines ont été implantées en mai 2017. « Malheureusement, elles ne sont pas encore fonctionnelles », regrette Madame Bintou Koné, qui a eu la « chance », d’en avoir une juste devant sa concession. Pour avoir de l’eau, il faut être parmi les premiers à se lever. « Je me rends au forage, situé dans la rue voisine, dès que j’ai fini la prière de l’aube et souvent ce n’est que vers 10 ou 11 heures que j’ai de l’eau ».

Non loin de là, les habitants du quartier de Daoudabougou, situé sur la voie expresse qui mène à l’aéroport, partagent les mêmes réalités. Les files d’attente devant les points d’eau font partie de la vie du quartier. « Notre puits est tari depuis une dizaine d’années. Depuis hier nous n’avons pas d’eau. Souvent, il nous arrive de passer la nuit sur place », affirme Kadia, une mère de famille qui est parmi les premières résidentes du quartier. Si la situation a visiblement évolué avec l’existence de nombreuses bornes fontaines, elle ne s’est guère améliorée, car le calvaire pour avoir accès à l’eau potable est toujours le même. Les habitants d’ici et d’ailleurs attendent donc avec beaucoup d’espoirs la concrétisation du projet d’adduction d’eau de la ville de Bamako à partir de Kabala. « On nous a dit que d’ici la fin de cette année nos problèmes d’eau seraient réglés », confie avec enthousiasme la mère de famille.

 

HGT: à la pédiatrie, les enfants sont soignés à même le sol

Une pratique digne d’une autre époque que le tout nouveau directeur de l’hôpital veut placer au centre de ses préoccupations. Lanceni Konaté a profité de la 35ème session du conseil d’administration du Centre mardi dernier pour évoquer le sujet. l’hôpital Gabriel Touré est l’un des services le plus sollicité de Bamako avec une capacité d’accueil de 447 lits et emploie 743 agents, toutes catégories confondues. Selon le directeur, Lanceni Konaté, le taux d’occupation global des lits est de 76%, il peut atteindre 111% en pédiatrie. « Ainsi en période de forte recrudescence de certaines pathologie comme le paludisme, il arrive fréquemment que des enfants soient couchés dans les couloirs ou à  plusieurs dans le lit » a-t-il déploré. Pour le nouveau directeur, ancien secrétaire général du ministère de la santé, ce très fort taux d’utilisation des installations de la pédiatrie interpelle tout le monde, au regard des considérations éthiques, aux fins de développer un plaidoyer. Selon lui, il faut la construction d’un hôpital pédiatrique, dédié aux enfants comme cela se passe sous d’autres cieux depuis des décennies. Manque de lits mais aussi de médicaments importants En 2012, la mortalité hospitalière générale a été 11 % des malades hospitalisés avec une variation selon les services, ainsi, qu’au service de réanimation. Elle a atteint au cours de la même période de référence, le taux de 21% soit une légère diminution par rapport aux 23% enregistrés en 2011. Autre problème, au niveau de ce centre certains médicaments stratégiques et quelques fois urgents sont introuvables dans la pharmacie hospitalière. Il s’agit entre autres des produits comme le fentanyl, la morphine. Face à  cette situation, le directeur rassure : « des dispositions appropriées sont entrain d’être prises aux fins de la recapitalisation de la pharmacie hospitalière et l’équipement approprié du bloc technique au moment o๠nous avons commencé la mise en application effective du service public hospitalier prescrit par la loi hospitalière depuis maintenant, une dizaine d’années ». Faire de l’hôpital Gabriel Touré, une institution crédible, non partisane, efficace, efficiente et innovatrice, chargée de servir au mieux les intérêts du gouvernement et des citoyens en accomplissant l’effectivité du service public hospitalier conformément aux prescriptions de la loi hospitalières, telles sont les ambitions du nouveau directeur de CHU Gabriel Touré.