ODD : une nouvelle carte des investissements voit le jour

L’Agence pour la Promotion des Investissements (API-Mali) a dévoilé ce mardi une carte nationale des investissements alignée sur les Objectifs de Développement Durable (ODD), lors d’une cérémonie organisée à l’hôtel Maëva Palace.

Présidée par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Moussa Alassane Diallo, aux côtés du directeur général de l’agence, Ibrahim A. Touré, la rencontre a marqué l’aboutissement d’un partenariat mené avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
L’outil présenté offre une lecture structurée des opportunités économiques du pays et les relie directement aux priorités de développement durable. Il met en évidence les secteurs où les besoins demeurent importants—agro-industrie, énergie, infrastructures, transformation locale, services sociaux—et propose une manière plus lisible d’orienter les investisseurs vers des projets à la fois rentables et porteurs d’impact. Pour les institutions publiques, il s’agit également d’un instrument de cohérence permettant d’harmoniser les interventions et d’éviter les chevauchements dans un contexte de ressources limitées.
Cette démarche intervient à un moment où les signaux économiques du pays, bien que contrastés, montrent une certaine capacité d’attraction. Selon les données de la Banque mondiale, les investissements directs étrangers ont représenté 2,7 % du PIB en 2024, soit près de 710 millions de dollars, tandis que la croissance devrait atteindre 4,9 % en 2025, portée notamment par le secteur des services et les nouveaux gisements miniers. Ces indicateurs offrent un terreau favorable, même si le niveau d’investissement reste insuffisant au regard des besoins d’infrastructures, de transformation industrielle ou de modernisation agricole.
Au-delà de sa dimension informative, la carte constitue une étape importante dans la modernisation des outils de planification économique. Elle traduit une volonté d’adopter des standards internationaux d’investissement durable et de renforcer l’alignement entre les priorités nationales et les exigences des bailleurs. Mais sa portée dépendra de sa capacité à devenir un instrument réellement opérationnel. Plusieurs défis se dessinent : la nécessité de structurer davantage les projets pour les rendre finançables, la prise en compte des contraintes locales—accès à l’énergie, sécurité, logistique, fluidité administrative—ou encore l’obligation de maintenir l’outil à jour pour garantir sa crédibilité.
Les spécialistes rappellent qu’une cartographie seule ne suffit pas à déclencher un investissement. Pour transformer les opportunités recensées en projets bancables, il faudra produire des fiches techniques complètes, des analyses financières et des études de faisabilité, autant d’éléments attendus par les investisseurs institutionnels et les bailleurs de fonds. Dans un environnement international plus compétitif, marqué par une baisse globale des flux d’investissements, les pays à forte demande en capitaux doivent proposer des dispositifs d’accompagnement solides et des incitations adaptées.
Plusieurs pistes émergent déjà telles que les mécanismes de garantie pour réduire le risque perçu, les exonérations ciblées pour les projets à fort impact, la création d’un guichet dédié aux investissements alignés sur les ODD ou la mise en place de zones pilotes où les conditions d’exécution sont réunies. L’essentiel, selon les observateurs, est de bâtir autour de la carte un écosystème cohérent, capable d’accueillir, d’orienter et de sécuriser les investisseurs à chaque étape du cycle de projet.
En mettant à disposition une plateforme claire, actualisable et orientée vers l’impact, API-Mali et le PNUD posent les fondations d’une nouvelle dynamique. La réussite de cette initiative dépendra cependant de la capacité collective à en faire un outil vivant, alimenté régulièrement et résolument tourné vers la mise en œuvre. L’ambition affichée est de faire de la cartographie des opportunités un levier réel de développement durable et d’attraction de capitaux structurants.

Digitalisation : Une évolution aux multiples enjeux

Annoncée par les autorités en juin 2024, la digitalisation de l’administration constitue un vaste chantier destiné à moderniser l’administration publique et à offrir aux citoyens des services plus accessibles et plus efficaces. Enclenché depuis quelques années, ce processus de transformation numérique vient de se doter d’une Politique nationale et de son Plan d’action « Mali 2029 ». Occasion de faire le point sur les avancées et les défis à relever.

Le 19 juillet 2024, le Programme de digitalisation des moyens de paiement et des services publics a été lancé. Déployé à Bamako pour sa phase pilote, il devrait progressivement s’étendre à toutes les régions et aux représentations diplomatiques. Le programme inclura tous les services de manière progressive. Cette digitalisation vise à améliorer la transparence des processus administratifs et à renforcer la confiance des citoyens. Destinée à lutter contre la fraude et la falsification des documents administratifs, l’initiative doit permettre une amélioration de l’accessibilité des services publics. En outre, la digitalisation doit améliorer la performance de l’administration et permettre à l’État de réaliser des économies d’échelle grâce à la mise en place d’une administration électronique.

L’élaboration de la nouvelle Politique nationale de développement de l’économie numérique s’inscrit dans la continuité de « Mali numérique 2020 », dont l’évaluation a révélé certaines limites. En effet, le taux d’exécution global était de 27,30%, soit 18 actions menées à terme sur les 66 programmées, avec un taux de mobilisation des ressources de 24,24%, soit 54,5 milliards de francs CFA sur les 224,792 prévus. La nouvelle politique vise donc à insuffler une dynamique renouvelée pour répondre aux défis actuels à travers la digitalisation, afin d’assurer transparence, efficience et célérité de l’action publique.

Dès le 22 juillet 2024, le coup d’envoi du paiement digital pour les services de l’état-civil a été donné. Au Mali, l’enregistrement des naissances a connu des progrès significatifs, mais des disparités persistent, nécessitant la poursuite des efforts pour relever les défis. Depuis 2022, les initiatives du gouvernement pour numériser l’enregistrement des naissances sont accompagnées par l’UNICEF. Ce processus s’est concrétisé par la mise en place d’une plateforme regroupant les principaux évènements de l’état-civil (naissance, mariage, décès). La plateforme constitue une première entièrement dédiée répondant aux besoins des usagers, aux normes internationales et au cadre légal. Le système pilote mis en place dans 10 zones regroupe les centres d’état-civil, les structures de santé et les tribunaux. La mise en œuvre effective de cette étape permettra d’accélérer les efforts vers l’enregistrement universel, notent les acteurs.

Le 16 janvier 2025, le Système Intégré de Gestion des Dossiers Judiciaires (SIG-DJ) a été lancé par le ministre en charge de la Justice et celui en charge de l’Économie Numérique. Le SIG-DJ, conçu par l’Agence des Technologies de l’Information et de la Communication (AGETIC), est un outil innovant. Il constitue une étape importante dans la modernisation des services publics pour mieux servir les usagers. La phase pilote de déploiement de cet outil, qui s’étendra sur deux ans, doit aboutir à la délivrance en ligne de documents comme les extraits de casiers judiciaires ou les certificats de nationalité et permettre une gestion optimisée des dossiers judiciaires. Ces services permettront d’alléger les démarches administratives et de renforcer l’accessibilité aux services de la justice, en particulier pour les populations des zones éloignées.

Actuellement, le Mali compte plus de 500 structures interconnectées, avec notamment des applications collaboratives, de visioconférence, de courrier, d’archivage, de e-conseil et de e-cabinet, ainsi que plus de 3 000 km de fibre optique aux niveaux central et déconcentré.

Dans le cadre de la gestion et de la promotion du nom de domaine du Mali (.ml), le département en charge de l’Économie numérique a procédé à l’enregistrement ou au renouvellement de 10 555 noms de domaine, ainsi qu’à la mise en place d’une plateforme d’enregistrement, de renouvellement et de paiement des noms de domaine en ligne.

Perspectives prometteuses

Au début de l’année 2024, le nombre d’utilisateurs d’Internet a été évalué à 7,8 millions de personnes, avec un taux de pénétration d’Internet de 33,1%. Ainsi, malgré des perspectives prometteuses pour le secteur, les investissements dans les infrastructures restent nécessaires pour améliorer la qualité et la couverture des services. Ces investissements doivent également stimuler la croissance économique en facilitant l’accès aux services numériques, à travers une couverture universelle qui est encore un objectif lointain.

Pour 2025, le département de l’Économie numérique annonce plusieurs chantiers. Parmi eux, le renforcement du cadre juridique et règlementaire de la certification et de la signature électronique, l’adoption, la vulgarisation et la mise en œuvre du document de Politique nationale de développement de l’économie numérique, ainsi que l’acquisition de la plateforme de signature électronique. L’adoption de la stratégie nationale de cybersécurité est également envisagée.

La modernisation de l’administration devrait se poursuivre avec l’extension de l’Intranet de l’administration à 15 nouvelles régions administratives. Le développement d’applications et d’interfaces d’accès aux informations sur l’état-civil, la déclaration et le paiement des impôts et la plateforme d’alphabétisation sont également prévues en 2025. La construction d’un centre de données (Data Center tiers 3) et le déploiement de la fibre optique (618 km) entre Niono et Tombouctou et (250 km) entre Gao et Labbezanga sont également à l’ordre du jour.

Combler le gap

La digitalisation a enregistré des acquis, notamment un soutien aux infrastructures et l’existence de plateformes de paiement mobile des services publics, constituant une dynamique d’intégration positive du numérique, estime Mohamed Doumbia, membre du regroupement « Immersia », qui œuvre dans le domaine de l’Intelligence Artificielle (IA).

Cependant, le secteur reste à développer et doit promouvoir le « contenu local ». Il est important de développer les compétences au niveau local afin de répondre aux besoins. Cela signifie que même si le secteur du numérique offre des possibilités importantes, il a également besoin de ressources humaines de qualité pour assurer sa promotion. Ce développement doit s’appuyer sur des infrastructures de pointe  répondant aux normes internationales. Pour asseoir une économie numérique, le financement de la recherche et de l’innovation est indispensable, mais cela demeure un défi majeur.

Le Mali accuse un retard dans ce domaine et pour combler le gap il est nécessaire d’encourager l’investissement à travers un partenariat public-privé, suggère M. Doumbia. Cela pourra permettre d’attirer des capitaux. Étant donné qu’il s’agit d’investissements à risque, il est crucial que l’État offre des garanties au secteur privé pour s’impliquer, d’où l’importance du partenariat. Il faut aussi profiter du boom de l’IA pour réaliser un bond qualitatif. Les retards dans certains domaines comme l’éducation ou la santé peuvent être corrigés grâce au numérique. En termes de recherche et de développement, au-delà de reprendre ce qui a déjà été développé ailleurs, il faut « tropicaliser » les recherches et les adapter à notre contexte grâce à des solutions locales. Pour relever ce défi, les chercheurs doivent collaborer, car cette collaboration est cruciale. « Il y a une révolution qui est en marche et le Mali ne doit pas rester en marge », conclut M. Doumbia.

Fatoumata Maguiraga

Digitalisation des SFD : une innovation indispensable

En Afrique de l’Ouest en général, et au Mali en particulier, l’écosystème de la finance digitale reste principalement marqué par le Mobile money offert par les opérateurs de téléphonie et, dans une moindre mesure, par les applications de paiement et de transfert d’argent. Pour faire face au faible taux de bancarisation, la digitalisation offre des opportunités aux systèmes financiers décentralisés (SFD) qui entendent en profiter, mènent la réflexion.

Pour améliorer l’accès des populations les plus vulnérables aux services financiers, les acteurs des systèmes financiers décentralisés (SFD) envisagent de s’adapter. Afin de permettre à leurs structures d’être compétitives dans un environnement dynamique où la concurrence et le besoin de modernisation et de rénovation restent permanents. Cette digitalisation des services doit en effet permettre aux SFD d’améliorer l’accès aux services mais également d’atteindre leur diversification, la rapidité des opérations, la transparence ainsi que l’innovation.

Diagnostic nécessaire

Après plusieurs années de réflexion, les acteurs de la Commission de digitalisation des SFD et leurs partenaires du Projet inclusif ont examiné le 12 octobre dernier l’étude diagnostique pour la digitalisation de leurs produits financiers et non financiers. 12 SFD ont été concernés par cette étude, dont les résultats doivent permettre aux structures de mieux appréhender leurs transformations digitales à travers des actions spécifiques.

Initiée pour réduire l’exclusion, l’étude doit notamment pallier les contraintes rencontrées par les bénéficiaires du monde rural. Outre la digitalisation, elle vise à l’amélioration des services numériques, la réduction des coûts d’opération, l’obtention de davantage de lignes de financement et l’augmentation des chiffres d’affaires.

Le Projet inclusif ambitionne de favoriser l’inclusion financière de 440 000 petits producteurs et Petites et moyennes entreprises agroalimentaires des régions de Sikasso, Kayes, Koulikoro, Ségou et Mopti sur une période de 6 ans.

Fin juin 2023, le nombre de SFD dans l’UEMOA s’établissait à 524, après 530 au trimestre précédent. Les institutions de microfinance de l’Union desservent 17 772 024 clients à travers un réseau de 4 544 points de service répartis dans les États membres. Une année plus tôt, le nombre de bénéficiaires était de 16 658 585 pour 4 484 points de service, selon la note de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). À la même période, l’épargne mobilisée par les SFD de la région représentait 5% de celle mobilisée par les établissements de crédit.

Malgré ces chiffres en hausse, l’institution sous-régionale note des défis importants à relever par les SFD pour maintenir la dynamique positive, notamment la maîtrise des risques.