Le futur de l’énergie au Mali se conjugue au solaire

Akuo Kita Solar, ça ne vous dit rien ? Pourtant, à quelque 200 km à l’ouest de Bamako fonctionne depuis mars 2020, dans un total anonymat, la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’ouest, qui produit 12% de l’électricité du Mali. La Centrale de Kita, ce sont 186 000 panneaux solaires, appelés modules photovoltaïques polycristallins, sur plus de 108 hectares. Cette réalisation gigantesque, actuellement de 35 MW (Mégawatts), va porter prochainement sa production à 50 MW, pour satisfaire la consommation en énergie de plus de 100 000 habitants. C’est l’œuvre de la société Akuo Kita Solar, sponsorisée par Akuo Energy, le plus grand producteur indépendant français d’énergie renouvelable, installé sur quatre continents, qui a mis en œuvre une soixantaine de projets dans l’énergie solaire, l’éolien, la biomasse et l’hydraulique.

En octobre 2015, Akuo Energy et l’État malien ont signé une convention de concession et un contrat d’achat pour la construction et l’exploitation du projet de Kita. La convention, qui porte sur une durée de 30 ans, prévoit, selon les termes du contrat qui en découle, qu’Énergie du Mali (EDM) s’engage à acheter durant 28 ans toute la production d’électricité d’Akuo Kita Solar.

Le montant de l’investissement s’élève à 54 milliards de FCFA (82 millions d’euros). Au nombre des partenaires d’Akuo figurent la BNDA (Banque nationale de développement agricole) et la BOAD (Banque ouest-africaine de développement).

Akuo Kita Solar ouvre ainsi la voie à de nouvelles perspectives pour la couverture nationale en électricité, dont le taux actuel avoisine 49% en milieu urbain, auxquels s’ajoutent environ les 20% de l’Amader (Agence malienne pour le développement de l’énergie domestique et de l’électricité rurale). Aux côtés de la société Akuo, et même avant elle, de nombreux opérateurs de moindre envergure se sont intéressés à l’énergie solaire qui, sans aucun doute, est la solution d’avenir aux besoins d’énergie du Mali.

Si au départ les coûts d’investissement sont très élevés, au point de décourager les entrepreneurs privés, à long terme, l’exploitation de l’énergie solaire deviendra beaucoup plus rentable et l’entretien des modules photovoltaïques infiniment plus aisé. En outre, comparée à l’énergie conventionnelle, l’énergie solaire offre d’importants avantages : en termes d’installation, elle est plus flexible, plus indépendante et beaucoup plus propre, contribuant ainsi à la protection de l’environnement, qui pâtit tant actuellement des déchets toxiques produits par l’utilisation frénétique de l’énergie conventionnelle. En guise d’illustration, le parc solaire de Kita devrait permettre, estiment ses concepteurs, d’éviter l’émission de plus de 51 700 tonnes de gaz carbonique (CO2).

Rappelons ici que, selon le principe du pollueur – payeur, les projets d’énergie solaire au Mali sont éligibles pour être financés par les « crédits Carbone ».

Diomansi Bomboté

Les enfants naturels, phénomène galopant à Bamako

« En dix ans, la proportion d’enfants nés hors mariage est passée de 2,5% à 10% ! », déclare un officier d’état-civil en fonction depuis une quinzaine d’années dans le District de Bamako. Pourquoi une telle tendance, vérifiable dans toute la capitale ? Parmi les multiples causes figurent l’urbanisation de plus en plus anarchique, synonyme de perte de repères, d’une grande permissivité allant de pair avec le libertinage, ainsi que la détérioration des valeurs traditionnelles. Le développement frénétique des nouvelles technologies est venu amplifier l’accès, sans précaution aucune, à des programmes induisant des modes de conduite incitant à la débauche, comme des vidéos pornos dans les téléphones.

La combinaison de tous ces facteurs a fait chuter l’âge d’initiation sexuelle. Poussés par une curiosité irrésistible ou l’appât du gain et sollicités par des adultes de plus en plus frustrés et névrosés, des enfants paumés, de 12, 11, voire 10 ans, n’ont plus peur de franchir le Rubicon. Les gamines chassées par leurs parents à cause d’une grossesse précoce sont légion dans Bamako. « Bonnes », vendeuses ambulantes, écolières en rupture de scolarité sont des proies faciles, à la portée de jeunes garçons ou d’adultes sans scrupules. Consentantes ou violées, elles peuvent devenir enceintes. Les auteurs sont rarement inquiétés, bénéficiant trop souvent de la protection de parents ou connaissances influents.

Jadis objet de honte et de déshonneur, l’enfant né hors mariage, appelé « enfant naturel » en opposition à « enfant légitime », se banalise à un rythme effarant. Il n’est pas rare de voir de très jeunes filles abandonner leur nouveau-né ou le jeter dans la nature, des cabinets, voire un caniveau, pour disparaître ensuite, se mettant ainsi à l’abri de l’opprobre. Beaucoup de ces enfants, victimes de stigmatisation et de discrimination systématiques, errent en ville, hauts comme trois pommes, vulnérables, sans attaches familiales, grossissant la cohorte des enfants de la rue ou atterrissant à la Pouponnière de Bamako-Coura ou au Centre d’accueil et de placement familial de Niamana, rattachés à la Direction nationale de la Promotion de l’enfant et de la famille (DNPEF).

Il ne manque pas d’associations caritatives pour voler au secours de ces petites victimes. C’est le cas de la Communauté des Béatitudes, une congrégation catholique, à Torokobougou, en Commune V du District de Bamako, qui, depuis 1996, accueille des jeunes filles et femmes rejetées par leurs familles. « Notre accueil porte en priorité sur les filles et mères en détresse, mais également les enfants et les jeunes filles de la rue », lit-on dans sa brochure de présentation. 

L’État malien n’est pas indifférent à ces enfants en situation plus que précaire. Le Code de protection de l’enfant a pour objectif de « préparer l’enfant à une vie libre et responsable, dans une société civile solidaire, fondée sur l’indissolubilité de la conscience des droits et des devoirs, au sein de laquelle prévalent les valeurs d’équité, de tolérance, de participation, de justice et de paix ». Vœu pieux ? Il vous suffit de faire un tour à la Pouponnière, vous n’en ressortirez pas indemnes !

Diomansi Bomboté

Les gros porteurs, cauchemar des Bamakois

Quand ils vous dépassent ou que vous les dépassez, vous pouvez sentir votre cœur battre violemment dans la poitrine. Une frayeur angoissante s’empare de vous le temps que vous vous éloigniez. La noria des gros porteurs dans le centre de Bamako constitue une préoccupation majeure, qui empoisonne l’existence des populations de la capitale. Les dégâts causés par ces mastodontes dangereux, entraînant parfois des pertes en vies humaines, sont légion sur les grands axes, comme la route reliant Kati et Bamako, à l’ouest, les routes qui convergent vers la Tour de l’Afrique, l’avenue de l’OUA menant au Pont des martyrs, la voie qui traverse Ngolonina en direction de Niaréla, la route de Sotuba.

Les risques d’accidents gravissimes hantent l’esprit des usagers. Il y a quelques mois, un camion-citerne s’est renversé sur la bretelle qui longe l’avenue de l’OUA, à Faso Kanu, provoquant la mort d’une quinzaine de personnes. À la seule idée de traverser un quartier comme Ngolonina, port d’attache de toutes sortes de gros porteurs, comment ne pas avoir des crampes d’estomac, tellement le parcours est un véritable calvaire lorsque vous avez le malheur de tomber sur ces ogres de la route ! Les gares qui les hébergent sont saturées : Faladié, Sogoniko et Djikoroni-Para.

Il en va de même des aires de stationnement de Ngolonina pour les bus qui font le va-et-vient vers diverses localités du Mali. Conséquence : Bamako est littéralement asphyxiée ! Des bouchons monstrueux, des embouteillages infernaux, pratiquement à toute heure. Un document de la Direction de la régulation de la circulation et des transports urbains le constate : « Bamako, capitale économique et politique du Mali, est le point de départ et [d’arrivée] de près de 70% du trafic de marchandises intra et extra national. Ainsi, la ville reçoit quotidiennement plus de 500 gros porteurs, soit en chargement / déchargement, soit en transit vers d’autres destinations ». 

Ce sont donc entre deux et trois millions de tonnes de marchandises solides que la Direction nationale des transports gère chaque année. Une réponse radicale à cette situation invivable s’impose. Pour contrôler ce mouvement des poids lourds, un ambitieux projet a été conçu par la mairie du District de Bamako, il y a trois ans déjà. Ses objectifs, entre autres, visent « à réduire l’accès des camions gros porteurs au centre-ville de Bamako et aménager des gares routières modernes et sécurisées autour de Bamako ». L’espoir pourrait aussi venir du projet de construction d’une plateforme logistique de 1 000 hectares à Nionsombugu, à 70 km de Bamako, sur la route allant vers Kayes et le Sénégal. Cette concession, consentie en 2018 à Dubaï Ports World (DP World), troisième exploitant portuaire mondial, disposerait d’une structure d’accueil de 4 millions de tonnes de fret par an. Vite ! Les Bamakois veulent mieux respirer.

Diomansi Bomboté

Vers une résurrection du cinéma malien ?

Un vieil adage affirme « l’homme ne vit pas que de pain ». Les distractions de l’esprit font partie de nos besoins vitaux. Comme le cinéma, florissant au Mali et porteur d’espoir à l’aube de l’indépendance. Les films maliens étaient glorifiés, même à l’international : Souleymane Cissé, avec des succès comme « Baara » (1979), « Finyè » (1983), « Yeleen » (1987), raflant des prix dans les festivals, faisait la fierté nationale, avec d’autres compères. Mais aujourd’hui le Mali a mal à son cinéma. Salif Traoré, Secrétaire général de l’Union nationale des cinéastes, dissimulant difficilement sa perplexité, répond « non » ! Pourtant, impossible de nier le malaise. Il est loin le temps où aller au cinéma constituait la principale distraction des Maliens de tous âges ! Y inviter sa petite amie était une recette infaillible de séduction.

Les causes de ce déclin sont multiples. Pour M. Traoré, le secteur, considéré comme une activité non lucrative, faisait partie des cibles privilégiées de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, sous la pression desquels l’État, dans les années 80, ferma toutes les salles, laissant orphelin le Babemba, aujourd’hui Magic, privatisé. En 2018, sensible à la décadence cinématographique nationale, le gouvernement décida de réhabiliter le secteur en votant un budget de 6 milliards de FCFA, qui ne fut jamais mis en place. Mais des fonds sont d’ores et déjà disponibles pour la construction à Bamako de deux complexes cinématographiques sur les deux rives du Djoliba.

Avec le Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM), l’État veut porter assistance aux cinéastes, qui, faisant preuve d’un grand sens de l’engagement, avec les moyens du bord, se battent pour rester debout ! Une jeune génération audacieuse, refusant d’abdiquer, produit de plus en plus d’œuvres prisées en Afrique et dans le monde, telles « Le cireur du coin » de Fatoumata Tioye Coulibaly, « Jamu Duman » (documentaire) de Salif Traoré, « Kuma ! » (documentaire) de Hawa Aliou N’diaye, « Le village apaisé » (film d’animation) d’Issouf Bah ou « Afro star 22 » (série) du jeune paysan-cinéaste Aboubacar Gakou.

Diomansi Bomboté

 Quand l’arbre était roi à Bamako!

« Je vous parle d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître » (pastiche de la Bohème de Charles Aznavour). Bamako, en ce temps-là, était une ville bien sympathique, noyée dans une verdure chatoyante ! Le gouverneur français (1946 – 1952) Edmond-Jean Louveau, fut l’un des artisans majeurs de la politique de l’arbre à Bamako, avec la généralisation du caïlcédrat, arbre géant qui offre un si bel ombrage et a des vertus médicinales multiples. Les grandes artères qui quadrillent la ville, tout comme la route qui menait au Centre national de recherches zootechniques de Sotuba (CNRZ), bordées de « tabanokho », l’avenue devant le Grand Hôtel et la route de Koulikoro, ou le Quartier du fleuve, alors peuplé d’une impressionnante colonie de chauves-souris, étaient engloutis dans une épaisse forêt, où la température ressentie était inférieure de plusieurs degrés à celle observée hors de la ville.

Au fil du temps, Bamako a souffert de l’extension des voies de circulation, de la modernisation (réseaux électriques et conduites d’eau), des excavations un peu partout, déplumant ainsi largement la ville de sa verdure, ou tout simplement du comportement ravageur de prédateurs irresponsables, toujours plus assoiffés de spéculation foncière. Malgré la bonne volonté des agents de voirie, nous avons la pénible impression que Bamako cesse peu à peu de respirer et se trouve ainsi gravement menacée de suffocation, voire d’asphyxie.

Une prise de conscience généralisée de la nécessité de l’arboriculture, dans tout le pays, s’impose de toute urgence aux décideurs administratifs et à l’ensemble des populations. Le projet de reboisement de 2019, prévoyant la plantation de 18 000 arbres dans le District de Bamako, reste-t-il virtuel ? La décision de décréter une journée de reboisement dans les six communes de la capitale est apparemment bloquée au stade de vœu pieu. Pourquoi ne pas opter pour une exonération fiscale partielle des citoyens se faisant remarquer par leurs initiatives de promotion de l’arbre? Et pourquoi ne pas remettre au goût du jour le slogan du temps de la 1ère République : « plante neem et mélina et tu sauveras ton pays » !

Diomansi Bomboté