URD : Jusqu’où ira la discorde ?

Alors que le tribunal de la Commune V donné les pleins pouvoirs à Gouagnon Coulibaly le 1er novembre et que ce dernier a été installé ce lundi au siège comme nouveau président du parti Union pour la République et la démocratie (URD), les partisans du professeur Salikou Sanago continuent toujours à ne pas reconnaître sa présidence et entendent saisir la cour suprême. Jusqu’où ira le désaccord ?

Entre Gouagnon Coulibaly et Salikou Sanago, la fracture est très ouverte. Après la confirmation par la Cour d’appel, le 7 septembre dernier, du jugement N°130 du 4 avril 2022 du Tribunal de Grande instance de la Commune V du District de Bamako, validant le Congrès extraordinaire du 16 janvier 2022 qui avait porté Gouagnon Coulibaly à la tête de l’URD, ce dernier a reçu les pleins pouvoirs de la justice pour l’administration du parti le 1er novembre 2022, via une ordonnance du juge des référés du Tribunal de 1ère instance de la Commune V. Il dispose ainsi d’une autorisation qui lui donne l’accès au siège du parti et fait de lui le « seul habilité à poser tous actes de gestion et d’administration ».

« En conséquence, M. Coulibaly doit sans aucune entrave reprendre la haute et totale direction du parti et continuer de le gérer et de l’administrer conformément aux textes », précise Mamadou Dicko, membre de l’URD.

C’est dans ce contexte qu’il a été installé ce lundi dans ses fonctions de Président au siège du parti. « Ceux qui ne sont pas d’accord, malgré leur minorité en ont le droit, mais franchement et très honnêtement le Président Gouagnon Coulibaly est légitime à l’URD. Avec lui, nous demeurons engagés à redonner à l’URD son éclat et à nous rassembler avec tous ceux qui le souhaitent », affirme le Président de la jeunesse de l’URD Abdrahamane Diarra.

Cependant, malgré la prise de pouvoir de Gouagnon Coulibaly, c’est loin d’être la fin de l’épilogue judiciaire, car les soutiens du 1er Vice-président, le Pr Salikou Sanogo, ont  annoncé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême.

Dans un communiqué, le 2 novembre le Secrétaire général du parti, Daouda Touré, réputé proche du Pr Sanago, assure « qu’appel a été interjeté contre l’ordonnance du tribunal de la Commune V », et rappelle que « le pouvoir en cassation exercé contre l’arrêt de la Cour d’appel le 7 septembre suit son cour à la Cour suprême ». En outre, une enquête judiciaire est ouverte contre Gouagnon Coulibaly et autres « pour faux et usage de faux » devant le juge d’instruction du 9ème cabinet du tribunal de la Commune III après une plainte des partisans du Pr Salikou Sanogo. « À ce niveau, avec les affaires superposées, je ne pense pas que le dialogue puisse permettre aujourd’hui de réconcilier les cadres de l’URD. Ils sont déjà passés de tribunal en tribunal », explique le politologue Bréhima Mamadou Koné, qui craint un scenario à l’ADEMA des années 2000 – 2002. Confronté à des luttes d’ego, le parti au pouvoir de l’époque avait  vu plusieurs de ses cadres démissionner du parti et créer le leur. Notamment son ancien Président, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), qui avait quitté ce parti en 2000 et fondé en 2001 le Rassemblement pour le Mali (RPM). L’ex candidat du Parti de l’abeille aux élections présidentielles de 2002, Soumaïla Cissé, avait lui aussi créé l’URD en 2003, considérant avoir été lâché par une partie de l’ADEMA-PASJ lors de l’échéance électorale.

« C’est le même jeu qui est en train de se jouer aujourd’hui au sein de l’URD, où les soutiens du Pr Salikou Sanogo risque de quitter l’URD pour aller créer un autre parti, parce qu’il est difficile aujourd’hui d’avoir un consensus. Ce sont des querelles d’intérêts qui opposent les deux parties », indique M. Koné. Selon lui, c’est une question de légitimité qui se pose. « Et quand des questions de légitimité se posent au sein d’un parti politique, il est difficile d’avoir l’union sacrée autour des idéaux du parti », trouve-t-il.

Le capitaine Sanogo attend son heure

Toutes les «grosses pointures» de la scène politique malienne étaient là  pour assister, mercredi, à  l’investiture du capitaine Amadou Haya Sanogo à  la tête du Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité. Un poste censé préparer la reconstruction de l’armée malienne, auquel il avait été nommé il y a déjà  six mois… La cérémonie organisée dans le palais présidentiel de Koulouba a rassemblé le président de transition, le premier ministre, les présidents des grandes institutions nationales et tous les responsables des forces armées et de sécurité, ce qui est assez exceptionnel. Est-ce à  dire qu’on assiste au retour du capitaine Sanogo, qui dirigeait la junte militaire à  l’origine du coup d’à‰tat du 22 mars dernier? Après avoir rapidement rendu le pouvoir aux civils, le capitaine avait continué de jouer un rôle important en coulisses. L’arrestation, puis la démission forcée de l’ancien premier ministre en décembre dernier, sur ordre du capitaine Sanogo, en étaient un parfait exemple. Mais depuis le début de l’intervention militaire française, l’ancien chef des putschistes se faisait discret. Pas de grande déclaration publique, aucune interview: le capitaine Sanogo restait reclus dans son camp militaire de Kati, fief des bérets verts auteurs du coup d’à‰tat, à  15 kilomètres de Bamako. «Le comité n’a aucune vocation politique et ne saurait se substituer à  la chaà®ne de commandement militaire», a très clairement affirmé Sanogo lors de son investiture, dans une forme d’allégeance au pouvoir en place. «Cette nomination procède d’une stratégie d’endiguement, analyse un proche collaborateur du président de transition, membre de son cabinet. C’est une ceinture qu’on lui met pour mieux le contrôler. On lui offre un placard doré, poursuit-il, mais il devra rendre des comptes au président. Il devient notre collègue!», s’amuse même cette source qui, il y a quelques jours, jugeait déjà  que Sanogo était «sur la touche». Une sentence sans appel qui résume la position de nombreux acteurs de la scène politique malienne. Une hiérarchie sous contrôle Mais pas celle du camp de Sanogo, bien sûr! Interrogé sur la discrétion du capitaine depuis plusieurs semaines, son porte-parole assure que Sanogo «suit les événements et travaille avec un comité de crise». Pour ses partisans, cette investiture en grande pompe revêt un caractère solennel, symbolique de l’importance du rôle futur de Sanogo dans le processus de réconciliation nationale. «Le cadre reste à  définir, mais le comité militaire de suivi aura un rôle à  jouer», assure ce proche de Sanogo. Il justifie cette participation en rappelant que «ce sont les militaires qui ont été tués sur le terrain et le président le sait très bien». Le capitaine Sanogo est pourtant investi à  la tête d’un simple comité de suivi, et non à  un poste de commandement. Doit-on comprendre que le meneur des mutins du coup d’à‰tat est toujours aux manettes? «C’est une évidence! s’exclame le collaborateur du président de transition. Il contrôle encore tout. Toute la hiérarchie lui est redevable.» Entre autres, le ministre de la Défense, le ministre de l’Administration territoriale – en charge de l’organisation des élections à  venir -, ou encore le chef d’état-major des armées, sont directement issus de l’ex-junte militaire. De nombreux jeunes officiers lui sont toujours fidèles. Des sources diplomatiques laissent même entendre qu’il aurait préparé un nouveau putsch au moment o๠l’armée française est intervenue au Mali, lui coupant l’herbe sous le pied. Le fameux comité dirigé par Sanogo sera dissous au terme de la période de transition, qui s’achèvera avec les élections générales prévues pour le mois de juillet. «Il est encore là  pour quelques mois, reconnaà®t le collaborateur du président, il faudra ensuite qu’il s’éclipse.» Le capitaine Sanogo a promis, lors de son investiture, qu’il ne resterait pas «un instant à  la tête de cette entité après la période de transition». Cela ne dit pas ce qu’il a prévu pour la suite.

La COPAM en copeaux !

La Coordination des organisations patriotiques du Mali (COPAM)  n’a finalement pas survécu aux querelles intestines qui la secouaient depuis la formation du gouvernement d’union nationale dans lequel elle est entrée.  Le regroupement composé d’associations et de partis politiques favorables aux putschistes a  volé en éclat avec la création d’un bureau parallèle dirigé par Younouss Hamèye Dicko, qui s’oppose désormais à  celui dirigé par Hamadoun Amion Guindo. Accusation de part et d’autres La COPAM ayant désormais deux têtes, C’’est en tout logique que deux conférences de presse distinctes et mouvementées ont eu lieu ce week-end. La COPAM de Younoussi Hameye Dicko a annoncé l’exclusion d’Adama Traoré et d’Hamadoun Amion Guindo, pour avoir trahi les autres membres du regroupement. Ils les accusent d’avoir favorisé leurs proches dans la composition du gouvernement d’union nationale, au détriment des autres du regroupement. La réplique est venue le lendemain de la « COPAM tendance Hamadoun A. Guindo ». Ce dernier s’en est pris à  « ces arrivants assoiffés du pouvoir. Ils étaient dans la logique de transformer notre combat en combat politique. Nous, nous sommes clairs : nous leur avons fait savoir que notre rôle n’est pas de s’accaparer du pouvoir mais de positiver le changement fait par les militaires putschistes. » « Qui peut imaginer que l’étranger chasse le chef de village ? » « Nous avons été claire en disant que l’objectif principal de la COPAM est l’organisation d’une concertation nationale. Après la tenue de cette concertation, tout le monde sera libre de faire ses activités », a ajouté Hamadoun Amion Guindo, condamné a six mois de prison avec sursis pour son implication dans les manifestations qui ont amené au tabassage de Dioncounda Traoré. « La COPAM est notre association, les autres sont des arrivants », a surenchéri Adama Traoré. « Qui peut imaginer que l’étranger chasse le chef village de son propre de territoire ? », a t-il ironisé. Concernant le favoritisme dont il est accusé, Hamadoun Amion Guindo a renvoyé la balle dans le camp de Younouss Hamèye Dicko. « C’’est lui qui voulait être ministre. Par deux fois il a amené son CV. Je lui ai fait savoir qu’il ne pouvait pas prétendre devenir ministre après avoir servi Alpha Oumar Konaré et ATT, et qu’il fallait céder la place à  des jeunes et à  ceux qui n’ont jamais été ministres. Je n’ai jamais favorisé qui que ce soit. Les trois ministres de la COPAM ont été choisis en fonction de la représentativité des associations de la COPAM. »