Pollution : Un air malsain…

« À certaines heures quand tu circules dans Bamako, l’air est vraiment irrespirable », lance Dramane, bâillonné par un masque de nuit utilisé en guise de protection de fortune contre la pollution ambiante, avant de mettre les gaz et de lancer sa moto sur l’asphalte du pont Fahd. La pollution générée par la circulation routière à Bamako est le premier facteur de pollution de la ville, comme le souligne Balla Sissoko, chef de division suivi environnemental et contrôle des pollutions et nuisances à la Direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN). « Les carburants utilisés et surtout l’âge des véhicules y sont pour beaucoup. L’importation des véhicules qui n’est pas règlementée est un problème crucial en matière de pollution routière », explique M. Sissoko. Les routes non bitumées provoquant des nuages de poussières, l’utilisation de combustibles solides : bois, déjections animales, charbon, sacs plastiques, notamment lors des feux allumés par des particuliers devant chez eux, sont autant de facteurs qui libèrent des particules nocives dans l’atmosphère. « Sans compter la situation géographique de Bamako, qui est dans une cuvette ce qui fait que l’air stagne », ajoute Balla Sissoko. En Afrique, selon une étude publiée par l’OCDE en septembre 2016, les décès prématurés provoqués par la pollution ont augmenté de 36% entre 1990 et 2013. La mortalité par les particules fines et les hydrocarbures a cru de 5,3% entre 1990 et 1995 pour atteindre 8,3% entre 2010 et 2015, créant des problèmes de santé publique. La nécessaire réglementation des véhicules ainsi qu’une sensibilisation forte des populations sont des solutions qui ne sont malheureusement pas mises en œuvre.

Assainissement à Bamako : des besoins colossaux!

l’assainissement de Bamako est un véritable casse-tête pour les autorités publiques. Depuis des décennies, des fortunes ont été investies dans la propreté de la ville, sans presque jamais obtenir de résultats pérennes. Il est vrai que ces difficultés sont le lot de toutes les grosses agglomérations aujourd’hui. Bamako, avec ses deux millions d’habitants et sa superficie qui ne cesse de s’étendre, ne saurait y échapper. Mais, de l’avis des acteurs du secteur, le gros problème reste la mentalité des bamakois, que « la saleté ne semble pas déranger ». Une volonté politique affichée La question de l’assainissement urbain a toujours été une préoccupation pour les acteurs du secteur. Tant au niveau national que local, de nombreuses initiatives ont été menées, avec plus ou moins de succès. A ce jour, selon les chiffres du ministère de l’environnement, 33% de la population disposaient de système d’assainissement adéquat en milieu urbain et seulement 9% en milieu rural. Si l’on considère que la Constitution du Mali institue le droit à  un environnement sain, ce sont des millions de Maliens qui sont privés de ce droit. Les investissements faits dans la collecte et le traitement des déchets solides comme liquides sont loin de couvrir les besoins. En ce qui concerne les déchets solides en particulier, quelle que soit leur provenance, les infrastructures manquent cruellement. Même à  Bamako, la moitié des déchets n’est ni ramassée ni traitée. Il n’existe de dépôts de transit autorisés que dans quelques grandes villes mais la majorité des ordures pré-collectées par les Groupement d’Intérêt Economique(GIE) ou les ménages finissent dans des dépôts anarchiques, dans les caniveaux à  ciel ouvert ou les cours d’eau. En milieu rural, elles s’entassent aux abords des concessions dans des terrains vagues avant d’être répandues sur les champs à  l’approche de l’hivernage. Conscient de l’urgence de prendre les choses en main, les acteurs de l’environnement et particulièrement les responsables de l’assainissement ont sollicité l’appui des plus hautes autorités pour une réaction énergique et efficace. « Nous avons tiré la sonnette d’alarme depuis des années », affirme Modibo Diallo, Directeur National de l’Assainissement, du Contrôle des Pollutions et Nuisances (DNACPN). Selon lui, les actions menées depuis des années n’ont pas permis de faire face à  la problématique de façon efficace. « Les moyens manquent cruellement au niveau des structures techniques pour gérer les tonnes d’ordures produites chaque jour, ne serait-ce qu’à  Bamako » ajoute-t-il. D’o๠l’aspect de ville poubelle qu’a pris la capitale avec des dépotoirs géants dans pratiquement tous les quartiers. Un nouvel optimisme ambiant Modibo Diallo se réjouit cependant du fait que depuis quelques mois, « les choses bougent ». Le ministre de l’environnement et de l’assainissement Ousmane Ag Rhissa a fait de la question de l’assainissement son cheval de bataille. « Il a décidé qu’on mettra les bouchées doubles pour trouver une solution durable au problème » confie M. Diallo selon qui le Premier Ministre se trouve dans la même logique. C’’est grâce à  lui « que nous commençons à  voir le bout du tunnel » a déclaré encore le DNACPN en marge du lancement du programme d’urgence d’assainissement de Bamako. Ce programme prévoit l’évacuation de neuf dépôts de transit pour un volume de 262 611mètres cubes. Les sites concernés sont le dépôt du parc de N’Tomikorobougou, celui de Lafiabougou Cimetière, celui de la Route de Samé, celui de N’Golonina, celui du CFP Medina Coura, celui de Sébénikoro, celui de Daoudabougou Marché, celui du Pont de Djanéguéla et deux dépots de transit de Yirimadio. Cette action d’envergure bénéficie d’un financement public d’un montant de 900 millions de francs CFA. Un premier montant de 600 millions est débloqué pour le dernier trimestre 2013 et le reste en 2014. « C’’est un pas énorme », se félicite Modibo Diallo qui en attend encore plus. Une première étape Bamako, à  elle seule, ne compte pas moins de 42 dépôts qui devraient être enlevés à  court ou moyen terme, si l’on veut assurer la réussite et surtout la pérennité des résultats du programme d’urgence. « Nous manquons de tout, même les camions pour enlever les bennes existantes sont en nombre insuffisants » se plaint un agent des services de voirie. Il n’existe pour le moment qu’un seul Centre d’Enfouissement Technique (CET) fonctionnel au Mali (dans la ville de Sikasso), un CET pour Bamako est en début de réalisation. La valorisation des déchets organiques et le recyclage des ordures sont des activités très peu développées. En ce qui concerne les déchets liquides, ils sont pris en charge par divers acteurs. Pour les eaux industrielles, elles sont drainées vers la station d’épuration de Sotuba qui est la seule en activité au Mali. Il a d’ailleurs été noté que de nombreuses usines continuent malgré tout de déverser leurs eaux souillées, sans traitement préalable, directement dans le fleuve Niger. Les eaux usées domestiques, et particulièrement les boues de vidange, sont quant à  elles gérées par des opérateurs privés. Un secteur d’activité qui a également besoin d’une meilleure organisation et surtout de bassins pour le traitement. La plupart des contenus de citernes de vidange se retrouvent dans le fleuve o๠les champs à  la périphérie de Bamako. Trois milliards de FCFA pour « nettoyer » Bamako Selon le Directeur Diallo, C’’est le montant qu’il faudra mobiliser pour « nettoyer Bamako ». Il faut en effet, enlever toutes les 42 décharges, en mettre en place de nouvelles mieux adaptées pour gérer les 2300 m3 de déchets quotidiens que produit Bamako. La Direction des services Urbains de Voirie et d’Assainissement (DSUVA) a besoin de moyens matériels pour augmenter sa capacité d’évacuation. « Pour dégager les décharges existantes, il faut environ trois milliards » mais en plus, « il faudra mobiliser les moyens pour que les mairies puissent gérer au quotidien les déchets produits » affirme-t-il. « Nous sommes très heureux qu’on enlève la décharge d’ici » se réjouit un riverain de la décharge de Lafiabougou Cimetière qui est enlevée depuis le 29 novembre dernier. « C’’était devenu invivable, les enfants tombent malades tout le temps » affirme Ténin Doumbia, revendeuse à  Lafiabougou. « Il faut que le gouvernement crée une vrai décharge », demande cette habitante de Doumazana. « J’avais un GIE de ramassage d’ordures, mais J’ai dû fermer parce qu’il n’y a plus d’endroit o๠mettre les ordures. Il faut qu’on trouve une solution », nous dit Fanta Coulibaly qui habite le même quartier. En attente d’une solution définitive au problème de la décharge de son quartier, cette habitante de Korofina a entrepris de sensibiliser les riverains. Les mentalités doivent évoluer Aminata Diallo pousse les uns et les autres à  avoir recours aux GIE pour enlever les ordures ménagères au lieu d’aller les déverser n’importe comment. Elle est « en quête de partenaires pour installer des poubelles de tri, pour aider à  une meilleure gestion des déchets du quartier », nous confie-t-elle. Pour elle, il est essentiel que les mentalités évoluent. Et tous les acteurs du secteur sont du même avis, la vraie problématique de l’assainissement des villes et villages du Mali, C’’est le comportement des citoyens. Les gens ne semblent pas conscients de la nécessité de vivre dans un environnement sain. Les médecins sont formels, améliorer le cadre de vie permet d’éviter bien des maladies. Le paludisme par exemple peut être évité si les conditions d’hygiène les plus élémentaires sont respectées. « Les mentalités doivent évoluer », selon Modibo Diallo qui estime que si les habitudes changent, la tâche des services techniques sera amoindrie et les moyens pourront permettre de réaliser plus d’actions.