Ilad Ag Mohamed : « Dès lors que les gens respectaient l’intégrité territoriale du Mali, rien n’interdisait de brandir un drapeau »

Le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maiga, a effectué une visite le 23 mars  à Kidal. Une première pour un chef du gouvernement depuis 4 ans. Elle est apparue comme annonciatrice d’une nouvelle ère, basée sur la confiance. Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), livre à Journal du Mali ses impressions sur ce déplacement.

Sur quoi ont porté vos échanges avec le Premier ministre ?

Ils ont porté essentiellement sur une nouvelle façon de faire. Il veut asseoir la confiance entre les acteurs et écouter les populations pour savoir directement ce qu’elles veulent. Nous pensons que c’est une bonne chose. Nous sommes  longtemps  restés dans l’immobilisme. Maintenant, on s’est dit qu’il faut anticiper pour qu’il n’y ait plus de prétextes. Il s’agissait de briser la  glace entre les différents acteurs en termes de mesures de confiance.

Pensez-vous que cette visite va accélérer le chronogramme pour le retour effectif de l’administration à Kidal ?

Oui. Nous avons un chronogramme qui  été  signé il y a quelques jours.  Avec cette nouvelle feuille de route, nous pensons que la  mise en œuvre de l’Accord sera facilitée. Aujourd’hui, ce qui est sûr, c’est que les messages du genre « aucun Premier ministre n’a été admis à Kidal » sont désormais derrière nous. On verra. Tout dépendra une fois de plus de la volonté et de l’engagement du gouvernement. Nous ne cessons de le dire.

Lors de cette visite, des couacs ont été relevés, comme l’exhibition du drapeau de l’Azawad et des chants indépendantistes de femmes. Était-ce délibéré ?

Ce sont des gens qui croient profondément en l’Azawad  et en son drapeau. Ils s’expriment librement. Qu’est-ce qu’on attend de nous ? De les empêcher de scander ? Ou de leur interdire de faire flotter leur drapeau ? Les gens ont dit ce qu’ils pensaient et je crois que c’était aussi l’un des intérêts de cette visite. Le Premier ministre doit écouter. En tout cas, il n’est jamais revenu vers nous  pour nous demander de quoi il s’agissait. Les gens ont le droit de s’exprimer démocratiquement et rien n’interdit d’exhiber un drapeau. Dès lors que les gens respectaient l’intégrité territoriale du pays et les autres aspects, rien n’interdisait de brandir un drapeau.

Il a été aussi question de l’élection présidentielle. Pensez-vous  que les conditions seront réunies d’ici là pour sa tenue ?

On verra. C’est le Premier ministre qui a tous les moyens entre les mains pour organiser les élections. Pour nous, de notre côté, rien ne peut empêcher l’organisation des scrutins.

Drapeau national : qu’en faisons-nous?

Il est commun aux à‰tats-Unis de voir flotter dans les rues le drapeau étoilé o๠sont représentés les 50 à‰tats de l’Amérique. En France, depuis la tragédie des attentats de janvier et novembre 2015, le bleu-blanc-rouge est visible partout. D’ailleurs, en octobre dernier, les drapeaux du Mali et de la France, à  l’occasion de la visite d’à‰tat du président IBK à  Paris, flottaient ensemble sur la plus belle avenue du monde, les Champs Elysées. Aujourd’hui, le drapeau du Mali, identique, l’étoile en moins, à  celui du Sénégal voisin, fête ses 54 ans d’existence. C’’est en 1961, précisément le 21 janvier que la loi n°61-26 consacre sa version définitive, après son adoption le 1er mars de la même année par les députés à  l’Assemblée nationale, en pleine période d’indépendance. Il est composé de trois bandes verticales de couleur verte, or et rouge. Le vert, selon la Grande chancellerie du Mali, représente l’espérance et la vocation agro-pastorale du Mali, l’or, les richesses qui constituent son sous-sol, et le rouge rappelle le sang versé pour se libérer du joug colonial. Symbole fort d’une nation, le drapeau incarne bel et bien le patriotisme et l’appartenance à  un même peuple et est levé à  l’occasion de grandes évènements ou d’oraisons funèbres. Malgré tout, a-t-il la même importance pour tous ? « Dans les services étatiques, la montée des couleurs se fait tous les lundis et il est habituel de ne voir que très peu de personnes y assister », témoigne Madame Djimè, cadre dans l’administration. « Ce sont surtout les intellectuels et les militaires qui respectent le drapeau national parce qu’ils savent sa signification, tandis que certains jeunes pensent qu’il ne sert que pour les matches de foot ou les campagnes électorales. On ne peut respecter ce qu’on ne connaà®t pas », résume Baba Diarra, journaliste. Dans l’armée, le drapeau revêt une toute autre valeur, porte étendard principal des forces armées en faction ou sur le terrain. Il reste que pour aimer sa patrie et la défendre face aux menaces, « une sensibilisation plus accrue aux symboles de la nation s’impose », juge ce professeur d’université. Car comme le dit l’adage, un drapeau qu’on cache dans sa poche, ce n’est pas un drapeau, c’est un mouchoir.

« Vert-Jaune-Rouge », respectons nos couleurs !

C’’est bien la question qu’on peut se poser quand on voit le comportement que presque tous nous affichons face à  nos « couleurs ». Après l’éclatement de la crise politico-sécuritaire, on a vu les couleurs du drapeau malien déclinées dans des centaines de produits. T-shirts, fanions, casquettes, drapeaux… tous les moyens étaient bon de dire notre attachement à  notre pays et à  son inviolabilité, son indivisibilité. Et pourtant, à  moto ou à  pied, ce n’est que forcés et contraints que nous marquons le stop pour saluer les couleurs, quand à  17h30, le drapeau est descendu du mat, à  la Place de l’Indépendance. Dans certains pays, une telle attitude est considérée comme un acte d’incivisme et peut même conduire en prison. Mais chez nous, il est devenu banal de « négliger » notre drapeau. Les enfants trainent le pas pour arriver après le salut du drapeau le matin dans la cour de l’école. Les parents ne remarquent même pas que ce symbole en puissance de notre pays, ce par quoi il est reconnu à  travers le monde entier, et même dans l’espace ,ce qui fait son identité visuelle, n’est qu’un bout de chiffon pour nous qui clamons haut et fort notre citoyenneté. Sur les édifices publics, ce sont de véritables loques, effilochées, délavées, ayant l’air de tout sauf d’un drapeau… Le ridicule ne tuant pas, nous allons jusqu’à  trouver que « les autres » exagèrent. On sourit quand on voit dans les films des drapeaux américains flotter au vent devant presque toutes les demeures des Etats Unis. On se dit qu’ils ont besoin de se prouver et de prouver au monde qu’ils sont patriotes. Eh bien oui ! Et C’’est une attitude que nous gagnerions à  copier. Ce n‘est que le 22 septembre que les drapeaux fleurissent sur nos murs. Ou alors les jours de matches de football importants. Ne sommes-nous fiers d’être maliens que ces jours-là  ? Osons espérer que non. Alors, « vert-jaune-rouge » tous les jours, respectons nos couleurs. Et…Monsieur le Maire, s’il vous plait, remplacer ce drapeau que nous ne voulons plus voir!