La responsabilité des écrivains face à la crise

Initiés par l’Association pour la défense de la liberté d’expression et la promotion de la littérature «Â PEN –Mali », ces espaces de débats et d’échanges ont eu lieu aux éditions «Â La Sahélienne ». Ils ont enregistré la présence de nombreux chercheurs, écrivains, étudiants et hommes de culture. Le président de «Â PEN-Mali » précise que son organisation défend le principe de libre circulation des idées entre toutes les nations et, dit-il, chacun de ses membres a le devoir de s’opposer à  toute restriction de la liberté d’expression à  tous les niveaux. Le livre comme vecteur essentiel de l’éducation et de la culture, le Mali et ses patrimoines face aux risques de violation, le Mali comme réservoir d’expériences et laboratoire d’idées, etc. Voici de problématiques inscrites à  l’ordre du jour de ces panels, et qui ont engendré des débats houleux entre les participants.  » La crise doit susciter des oeuvres littéraires » La célébration de la Journée internationale du livre et du droit au Mali s’inscrit dans la crise malienne. l’enjeu de cette rencontre, explique Cheick Oumar Sissoko, ancien ministre de la culture, est de poser le débat autour de cette part de responsabilité des auteurs. Car, ajoute le cinéaste, C’’est une partie importante de notre patrimoine culturel qui est affectée. Les évènements intervenus au Mali le 17 janvier (début de la rébellion, et le coup d’Etat du 22 mars dernier, n’ont suscité une œuvre littéraire chez aucun des auteurs, s’étonne Cheick Oumar Sissoko.  » Dans un pays comme le nôtre, les pères fondateurs, les pionniers ont mis en place un modèle de gouvernement pilotés par des partis transnationaux et fédérateurs, à  l’image du RDA, présents dans la plupart des Etats de l’Afrique occidentale française. » « Les écrivains passeurs de savoir » «Â Nous écrivains, nous sommes de ceux qui vont aider à  rétablir le Mali. Car, nous serons de toutes les polémiques pour porter la contradiction aux nombreux lobbies (universitaire et média), qui se nourrissent de nos divisions », dénonce le président de «Â PEN-Mali ». Après Jean Paul Sartre et Jacques Rabemananjara, qu’est-ce qu un écrivain ? Ismail Samba Traoré révèle que pour l’Afrique, l’écrivain demeure à  la fois un transcripteur des mémoires menacées de disparition, un passeur des savoirs, de la singularité et de l’interculturalité, un penseur qui dresse l’Afrique, qui l’aide à  réfléchir, etc.

Café littéraire à Bamako : Tierno Monénêmbo face à Rachid Boudjedra

Chemins d’exil Le premier a obtenu le prix Renaudot 2008 pour son ouvrage le et vit à  Caen en France. Tierno Monénembo, le peulh, l’écrivain engagé était face à  Rachid Boudjedra, l’Algérien, l’écrivain subversif et qui ne mâche pas ses mots, fussent-ils écrits ou verbaux. Tous deux sont les invités de la rentrée littéraire 2010 à  Bamako. Rachid Boudjedra est l’une meilleures plumes d’Algérie avec Assia Djebar ou Kateb Yacine et l’auteur de nombreux romans comme , ou , parmi ses œuvres les plus audacieuses, et dans ce dernier, il écrit : Pour l’auteur des , le voyage est passé par Bamako, oui, Tierno Monénembo, guinéen d’origine y a posé ses valise, avant d’atterrir en Europe lors de pérégrinations de jeunesse. « Nous les guinéens sommes aussi des maliens d’origines. Bamako est une ville historique, C’’est ici que commence le nationalisme avec la création de la RDA (rassemblement démocratique Africain). Et avec les éditions Cauris, Tierno Monénembo a publié . Mais il a aussi traversé le Maroc, l’Algérie et enseigné, puis rencontré Rachid Boudjedra, frère en littératue. Ils se connaissent bien ces auteurs du monde, se croisent à  travers les cafés et rencontres littéraires pour échanger sur leurs métiers de scribes modernes et pour Boudjedra : « La colonisation est certainement ce qu’il y a eu de plus « dégueulasse » et qui a divisé en Algérie, son pays, cette terre, source constante d’inspiration et qui l’a entraà®né vers l’exil, engagé qu’il était, alors jeune étudiant syndicaliste qui fuira le régime de Boumedienne sous la menace d’une Fatwa. Il enseignera alors en France, au Maroc, la philosophie et se mariera à  une française. l’histoire fera le reste. Le rapport à  la langue française Il est double pour l’un et l’autre, fait d’amour et de rejet : « Ce sont les indépendances qui ont cristallisé les frontières, mais la colonisation a imposé cette langue ! Moi on m’a forcé à  l’école, je n’ai rien demandé, et je serais bien resté avec ma belle langue peulhe », clame Monénembo, aujourd’hui, considéré comme l’un des meilleurs écrivains, francophones, de langue française, et la dénomination fait débat ici et ailleurs, mais la question est aussi ailleurs, comment valoriser les langues africaines, nationales, les introduire dans le système éducatif, voilà  toute la question : « Si nous écrivains de langue française venions à  nous y mettre, cela serait un travail de longue haleine. Pour écrire, faire de la littérature, dans les langues, arabes, ou autres, il faut une maà®trise ! Beaucoup d’écrivains veulent s’y mettre sans connaissance aucune », ajoute Boudjedra. Ou alors, pour sauver nos langues, il faut les renouveler. Les civilisations arabes ou grecques ont produit de merveilleux écrits, des intellectuels, poètes et savants comme Averroès, Ibn El Arabi ou même Sophocle, Aristote etC’… » Et d’ évoquer Tombouctou et ses merveilleux manuscrits, que tous ne sauraient déchiffrer. Et pourtant, la littérature doit être accessible à  tous, ne plus être enfermée dans ce carcan élitiste, toucher le peuple, les tréfonds de son âme, estime un intervenant dans la salle. Mais la littérature a t-elle le pouvoir de changer les choses ? l’écrivain et l’engagement Il est indéniable, dès lors qu’il y a exil. l’éloignement nourrissant cet ailleurs o๠l’être physique se déplace et se meut, au contact du monde. Mais pour l’un et l’autre, il est là , nul besoin de le nommer. Cet engagement peut aussi être source de meurtrissures, d’inspiration comme les évènements du Rwanda ont inspiré à  Monénembo, et l’Algérie a fait écrire, à  Boudjedra en 1995. Face aux évènements de Guinée et à  ces cinquantenaires que l’on veut fêter, « cela est techniquement impossible, juge Monénembo, ce 28 septembre 1958, qui était une date de victoire pour la Guinée, a été transformé en date de deuil. Avec les massacres du 28 septembre, on a tué le symbole ! Alors je ne vois même pas comment on peut fêter le cinquantenaire ! Cela me paraà®t impossible!» Fin de citation. Boudjedra lui est contre les commémorations tristes : « On devrait arrêter de fêter les massacres, les tueries, les prises de villes etC’… », en référence à  l’Algérie Française. Mais il estime qu’il faut redonner une valeur à  ces indépendances, et aux luttes nationales positives, (Il fut membre du FLN en Algérie ), et ne pas encenser ce qui n’a pas besoin de l’être. Pour ces deux auteurs, la littérature est certainement le chemin, le début et la fin, pour dire le monde, ce monde tourmenté et qu’ils réinventent, chacun à  leur manière sur la plage blanche. Voilà  le pouvoir des mots, la puissance de rêve de la littérature qui est sans frontièresÂ