Mali – Barkhane : les effectifs de la force bientôt réduits

La semaine qui vient de s’achever a été particulièrement meurtrière pour les militaires français au Mali. Au total cinq soldats y sont morts sur la période dans des attaques djihadistes. Dans ce contexte, la France va « très probablement » réduire les effectifs de la force Barkhane au Sahel après des « succès militaires importants » en 2020, a déclaré la ministre française des Armées.

« Nous serons très probablement amenés à ajuster ce dispositif : un renfort par définition, c’est temporaire », a expliqué Florence Parly dans une interview au quotidien Le Parisien à paraître ce lundi après le renfort de 600 soldats qui a porté les effectifs de Barkhane à 5.100 hommes en 2020. Une décision sera prise à l’occasion du prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel en février à N’djamena au Tchad, a ajouté la ministre. La ministre a en outre de nouveau exclu toute négociation « avec des groupes terroristes comme Al-Qaida ou l’Etat islamique, qui assassinent de manière aveugle et ont du sang sur les mains ». Mais la porte est ouverte pour « des gens qui ont déposé les armes et qui ne sont pas motivés par une idéologie radicale et criminelle », a-t-elle relevé. Ils doivent se rallier aux accords de paix d’Alger de 2015, a-t-elle ajouté.

Défaite de l’EI au Proche-Orient : Alerte sur le Sahel ?

L’effet papillon. La célèbre théorie qui voudrait qu’un battement d’aile au Proche-Orient provoque une tempête au Sahel est depuis un certain temps mise en avant par certains experts.

En 2017 déjà, l’Union africaine tirait la sonnette d’alarme sur un éventuel retour de 6 000 djihadistes africains partis combattre au sein de l’EI. Le très tentaculaire EI à qui deux têtes ont été coupées s’en verrait pousser de nouvelles au Sahel. Dans nos colonnes, en janvier 2018, Ibrahim Maïga, chercheur à l’Institut d’études et de sécurité (ISS) estimait que la « faiblesse structurelle des Etats sahéliens fait de cette région une destination attractive pour des groupes armés en perte de vitesse au Moyen-Orient ».

«Il faut absolument éviter que le Sahel soit un bourbier comme au Proche-Orient, il serait plus difficile à maitriser et les conséquences seraient terribles » avertit cette source sécuritaire. La zone est immense, les frontières poreuses, et les pays pas toujours résilients face à la menace terroriste. Pour y faire face, les Etats concernés ont mis sur pied le G5 Sahel. 5 000 hommes afin d’éradiquer la menace terroriste. Les intentions sont affichées mais l’opérationnalisation peine à devenir une réalité. De quoi agacer certains chefs d’Etats du Sahel. « Ce qui se passe au Mali ne nous concerne pas seulement mais la communauté mondiale » a souligné le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, dans une interview pour le magazine Bloomberg. « Avec les avancées dans la lutte contre l’État islamique en Syrie et en Irak, il y a un retour vers l’Afrique du Nord, en passant par la Libye, pour atteindre le Mali et le Sahel. Nous ne défendons pas seulement notre territoire, nous nous battons pour vous aussi. La Méditerranée n’est pas loin » alerte-t-il.

Vases non communicants Défaits en Irak et en Syrie, les djihadistes de l’EI pourraient donc se tourner vers le Sahel pour en faire leur base arrière. Mais Yvan Guichaoua, enseignant chercheur à la Brussels School of International Studies ne croit pas en cette hypothèse. « Cela revient à se demander si les candidats au djihad sont transposables d’un terrain à l’autre. Je ne suis pas persuadé que les vases communiquent si bien entre eux malgré les tentatives d’uniformisation des cadres d’Al Qaïda ». Le chercheur pousse son analyse. « Le Sahel attire quelques nord-africains, mais surtout des ressortissants des pays concernés issues des parties de la population bien identifiables. On est loin de l’utopie dans laquelle des gens de tous horizons viennent se fondre » analyse-t-il. En outre, il ajoute que l’aspect des préjugés racistes entre les djihadistes mériterait d’être étudié. Se basant sur des témoignages de l’occupation en 2012, les catégories raciales entre les terroristes n’auraient pas été abolies.

Attentats d’Istanbul : 44 morts et 239 blessés

3 kamikazes se sont fait exploser après avoir ouvert le feu sur la foule, à l’aéroport Atatürk d’Istanbul, mardi soir vers 22 heures (19 heures au Mali). Le bilan des victimes s’élevait à 44 morts et 239 blessés selon les dernières informations.

Mardi 28 juin, vers 22 heures, Trois kamikazes ont ouvert le feu sur la foule ainsi que sur les forces de police avant d’activer leurs détonateurs et se faire exploser, occasionnant de nombreux morts et blessés. La nationalité des assaillants n’est pour le moment pas déterminée. Selon un dernier bilan, 44 personnes ont été tuées et 239 blessées dont 130 sont toujours traitées dans les hôpitaux de la ville, suite à cet attentat. L’identification de la nationalité des victimes décédées a commencé et selon un responsable turc, parmi les morts figurent 13 ressortissants étrangers : 5 saoudiens, 2 Irakiens, 1 Tunisien, 1 Ouzbek, 1 Chinois, 1 Iranien, 1 Ukrainien et 1 Jordanien.

Le Premier ministre Turc, Binali Yildirim, a réfuté toute défaillance en matière de sécurité dans l’aéroport, il a ajouté que le fait que les terroristes soient armés a compliqué les choses. Les kamikazes sont arrivés à l’aéroport en taxi. Vers 22 heures (heures locales), ils ont ouvert le feu, avec des fusils-mitrailleurs, sur les passagers et les policiers qui se trouvaient dans l’un des terminaux de l’aéroport, avant de se faire exploser.

Les vols n’ont pu reprendre que vers 3 heures du matin (heure d’Istanbul), après une interruption de 6 heures. Néanmoins un tiers des vols étaient annulés et de nombreux autres retardés. Bien que cet attentat n’est, pour l’heure, pas encore été revendiqué, les autorités turques soupçonnent l’organisation État Islamique (EI) d’être responsable de ces attaquesC’est la troisième fois, suite à des attentats terroristes survenus à Istanbul, que les autorités turques attribuent les attaques à cette organisation terroriste.

Pour rappel, la Turquie fait face à deux ennemis distincts, d’une part les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre contre Ankara depuis 1984 et d’autre part l’État Islamique, implanté sur le territoire turc et qui assure le passage des combattants vers le territoire irakien et syrien.

La violence de l’attaque de l’aéroport d’Istanbul, onzième aéroport le plus fréquenté au niveau mondial, et son mode opératoire, rappelle celle survenue le 22 mars à l’aéroport de Zaventem à Bruxelles et revendiquée par l’EI.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a vivement condamné cet attentat qui avait, selon lui, pour but de« déstabiliser la Turquie en faisant couler le sang des innocents ». Washington, a dénoncé ces attaques et promis son soutien à Ankara . Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a réclamé une coopération internationale en espérant que « que les auteurs de ce crime seront identifiés et poursuivis en justice ». La France, par la voix de son président, François Hollande, a « condamné fermement » cet « acte abominable », lors d’une conférence de presse au sommet européen de Bruxelles.

 

Libye, 32 morts dans une offensive contre l’EI

Le mercredi 18 mai, le gouvernement d’union nationale dirigé par Faïez el-Sarraj et soutenu par la Communauté internationale, a lancé une offensive pour reprendre du terrain sur l’État Islamique (EI) à Syrte, son fief.

Trente-deux morts, c’est le bilan tragique de l’attentat à la voiture piégée et des combats ayant opposé, le mercredi 18 mai 2016, les forces du gouvernement d’union nationale libyenne à l’État islamique à l’ouest de Syrte, une zone que le groupe djihadiste a conquise, affichant du coup son ambition de plus en plus grande de renforcer sa position dans ce pays devenu défaillant depuis la chute de Muhammar Kadhafi, en 2011. L’attentat, qui a fait trente-deux morts et une cinquantaine de blessés, est intervenu à Bouairat El-Hassoun, un village à l’ouest de Syrte dont les forces du gouvernement d’union nationale disent avoir pris le contrôle.

L’offensive du gouvernement d’union vise à stopper et pousser dans ses derniers retranchements l’EI. Mais, grand paradoxe, il fait face à la concurrence des forces militaires menées par le général Kalifa Haftar, bras armé du Parlement basé à Tobrouk, qui ne reconnaît pas El-Sarraj, refuse de céder malgré l’épée de Damoclès des sanctions brandie par la communauté internationale qui pense que ces divisions politiques n’arrangent pas les efforts de lutte contre le groupe djihadiste.

Le lundi 16 mai, 21 nations réunies à Vienne, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité compris, ont décidé de lever partiellement l’embargo sur les armes pour permettre au gouvernement d’El-Sarraj d’avoir les armes et munitions pour affronter Daesh.

Nigeria, ce qu’il faut pour détruire Boko Haram

À Abuja, les pays ayant pris part au sommet sur la sécurité et Boko Haram, ont fait clairement savoir l’urgence qu’il y a à venir à bout de la secte islamiste qui est loin d’être vaincue.

«C’est le combat d’une génération contre un démon qui nous détruira tous si nous ne le détruisons pas.» Ainsi s’exprimait le chef de la diplomatie anglaise, Philip Hammond, au cours du sommet régional consacré à la lutte contre Boko Haram, tenu à Abuja et qui a réuni, outre les pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (Nigeria, Cameroun, Niger, Tchad), les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Ces propos de Philip Hammond rappellent ceux d’un diplomate nigérian qui, en 2014, quelques heures après la libération de la famille Moulin-Fournier enlevée dans le nord du Cameroun par Boko Haram avait déclaré : « Si nous ne détruisons pas Boko Haram rapidement, c’est Boko Haram qui nous détruira. »

Aujourd’hui, de l’avis de beaucoup d’observateurs, le mouvement terroriste qui donnait l’impression d’être bâti sur du roc, perd du terrain mais n’a toujours pas été détruit et les pays du bassin du lac Tchad sont déterminés à enfoncer le dernier clou dans son cercueil.

Le sommet du samedi 14 mai 2016 s’est conclu sur le constat que l’influence de Boko Haram a considérablement faibli, mais les participants ont appelé la communauté internationale à soutenir davantage financièrement, militairement les pays de la région. C’est l’avis du Président français, François Hollande, qui estime que Boko Haram a été « amoindri, obligé de reculer », mais qu’il « reste encore une menace ». Pour arriver à bout de la secte, le communiqué final du sommet souligne que «la défaite de la secte ne repose pas seulement sur une solution militaire mais également sur une action gouvernementale de développement en vue d’en éradiquer les causes ». « Il faut gagner les cœurs et les âmes de ceux qui sont terrorisés par Boko Haram », a ajouté M. Hammond. De 2009 à nos jours, la secte a fait plus de 20 000 morts dans cette région du lac Tchad et plus de 2 millions de déplacés, rendant ainsi critique la situation humanitaire. Depuis juillet 2015, une force multinationale mixte (FMM) de 8.500 hommes, originaires du Nigeria et des pays voisins, a été déployée mais reste confrontée à un problème de coordination. M. Hollande a notamment fait savoir que la France allait poursuivre son soutien à cette force d’intervention en termes d’assistance et de renseignement. Aussi, n’a-t-il pas exclut la possibilité que les forces de Barkhane, présentes dans le Sahel, interviennent. Outre qu’une lettre d’intention pour un accord de défense entre la France et le Nigeria a été signée.

Des liens avec l’Etat islamique

Vendredi, à la veille du sommet, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une déclaration dans laquelle il s’est dit inquiet de l’existence de « liens entre Boko Haram et l’Etat islamique ». On se rappelle qu’il y a un an de cela, la secte islamiste a pris le nom de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest après qu’elle eut prêtée allégeance à Daesh. De fait, en Libye, l’EI est en train de renforcer sa position, surtout qu’il a étendu son contrôle à l’ouest de Syrte, ville qu’il contrôle depuis juin 2015.

Terrorisme : EI, la 3è guerre

La décapitation de l’otage français Hervé Gourdel par un groupe proche de l’« Etat Islamique », illustre l’ampleur d’une menace djihadiste qui dépasse les frontières des états. Les cavaliers noirs de cette nouvelle croisade s’appellent Daech, Boko Haram, Shebab, Aqmi, Ansardine ou Jund Al Khilafa, qui a enlevé Hervé Gourdel, le 21 septembre dans les montagnes de Kabylie. Nous sommes bien loin des attentats du 11 septembre 2001, o๠pour la première fois, une organisation terroriste tuait en masse. Au moins 3000 ressortissants américains y laissaient la vie en réponse à  l’interventionnisme américain en Irak et en Afghanistan. Aujourd’hui, Al Qaeda semble passée aux oubliettes, tout comme Oussama Ben Laden, tué lors d’un raid au Pakistan en mai 2011. Partout dans les médias, on ne parle plus que l’Etat Islamique, un groupe qui veut ériger le califat mondial de la terreur en norme absolue. Selon le chercheur Charles Lister, « tous les groupes liés à  Al-Qaà¯da et les mouvements djihadistes indépendants vont devoir décider s’ils soutiennent l’à‰tat islamique ou s’ils s’opposent à  lui ». D’o๠vient l’EI ? Daech, C’’est l’appellation arabe de ce qui fut d’abord l’EIIL, l’Etat islamique en Irak et au Levant et qui compterait plus de 30000 combattants selon les chiffres du Centre national anti-terroriste américain. Parmi eux, la moitié serait des djihadistes étrangers venant de France, de Grande Bretagne, d’Allemagne, mais aussi de Suède ou des Pays-Bas. Des jeunes qui débarquent au Moyen Orient pour épouser l’idéologie barbare de l’EI. Pour preuve, l’homme qui a exécuté le journaliste James Foley en Irak, avait un accent britannique et a été identifié comme un jeune rappeur aux textes plutôt violents et qui publiait, la photo du cadavre d’un homme, sur son compte twitter. Ces djihadistes viendraient également des régions d’Asie-Pacifique, mais le gros des combattants est originaire des pays du golfe, d’Arabie Saoudite ou du Maghreb, ce qui explique la poussée de groupuscules prêtant allégeance à  l’EI en Afrique Sub-saharienne. On compte quelques 3000 Tunisiens et Marocains dans les rangs de l’Etat Islamique au Maghreb. La différence avec Al Qaeda, C’’est le durcissement de la méthode. Ces nouveaux djihadistes de l’Etat islamique, ont décidé de faire régner la peur avec des exécutions sommaires, les invasions de villages, l’extermination religieuse…Différence également, dans la guerre sur le terrain. Les « soldats « de l’EI annexent des territoires en Syrie et en Irak, tel les Nazis avec l’Autriche et la Pologne. Selon de nombreux spécialistes, la montée en puissance de l’Etat Islamique au Moyen Orient pose la question de l’expansion géographique de ce mouvement qui inquiète en Europe comme aux Etats Unis. Pour Shashank Joshi, du Royal United Services Institute de Londres, la proclamation du califat « ne change rien matériellement », mais « ce qui change réellement c’est l’ambition » de l’à‰tat islamique, qui montre sa confiance dans sa force et défie Al-Qaà¯da. Face à  cela, l’administration Obama s’est lancée depuis août, dans une offensive aérienne contre « Daech ». Un combat auquel s’est associée la France, rejointe par l’Angleterre et d’autres puissances. Mais sans interventions au sol, cette guerre des coalisés, laisse le champ libre aux djihadistes pour persécuter et massacrer les populations, dont beaucoup ont fui la Syrie. Plus de 70 000 réfugiés kurdes ont trouvé refuge en Turquie. Otages-martyrs l’une des réponses des djihadistes de l’EI à  la guerre aérienne, est la capture des otages. Ils détiendraient encore une vingtaine d’occidentaux en Irak. Steven Sotloff, James Foley, David Haines, tous ont payé le prix de la cruauté de l’EI qui s’exporte jusqu’en Afrique Subsaharienne. « Le business des otages constituait un moyen pour ces organisations terroristes d’exister financièrement. l’otage est désormais exécuté et sauvagement décapité. Preuves à  l’appui pour marquer les esprits. Si la France a déconseillé à  ses ressortissants les régions du Maghreb et du Moyen Orient, nul ne peut prévoir o๠l’EI va frapper ni capturer de nouveaux otages », prévient cet éditorialiste. Au Nord du Mali, malgré l’intervention française, la menace djihadiste n’a pas totalement disparu ni la violence extrême qui en découle. Deux jours avant l’exécution d’Hervé Gourdel, un touareg était retrouvé mort dans la région de Tombouctou. Décapité lui aussi. Avec les tensions interethniques, de nombreux attentats ciblent régulièrement les casques bleus de l’ONU, avec un bilan de plus de 26 victimes depuis le début de l’année. Dans une région o๠les mines sont disséminées un peu partout, l’insécurité n’y a pas dit son dernier mot. En plus d’être le ventre mou du Sahel, le nord du Mali constitue une région stratégique pour le terrorisme sous régional et une zone de prédilection pour la capture des otages occidentaux. Le français Serge Lazarevic, y a été kidnappé le 24 novembre 2011 et n’a toujours pas été libéré. Non à  l’amalgame En réponse à  la violence de l’EI, des voix s’élèvent partout dans le monde, celles de musulmans pour rejeter tout amalgame avec la religion du prophète Mohamed PSL. Dans une intervention récente, le président malien Ibrahim Boubacar Keita, déplorait un piège sémantique constant dans lequel sont tombés les médias : « Confondre Islam et djihadisme est devenue la norme », une confusion qu’il faut à  tout prix éviter. D’ailleurs, le mouvement #Not in my Name tout juste lancé sur Twitter en est une belle illustration et a déjà  mobilisé plus d’un million de personnes sur le réseau social. Il vise à  dissocier l’islam de paix, du terrorisme radical de l’EI qui prétend agir en son nom.