Second tour sous haute tension à Ansongo

Après un premier tour entaché d’irrégularités, l’URD et le RPM, qui ont obtenu respectivement 29,92% et 28,46%, s’affronteront au second tour de la législative partielle d’Ansongo le 31 janvier.

C’est dans la commune de Tessit, où 26 bureaux de vote étaient ouverts pour le premier tour, que l’on a constaté le plus de malversations. 98 % des électeurs sur 20 bureaux ont massivement voté pour le candidat RPM. Seules 512 voies sont revenues à l’URD, contre 34 pour l’Adéma. « La dernière fois que je me suis présenté à Tessit, en 2013, j’ai obtenu 4 800 voies. Je ne m’explique pas ce qui s’est passé », déclare Salerhom Talfo Touré, maire de Barra et candidat Adéma. Selon lui, sans les résultats de Tessit, le RPM ne serait pas au second tour, et c’est l’Adéma qui serait opposé à l’URD.

Pour le Dr Beffon Cissé, secrétaire mandataire national pour la liste URD d’Ansongo, preuve est faite qu’il y a eu falsification. « Nous avions des délégués dans cinq bureaux de vote à Tessit. Ils nous ont rapporté que c’est le général El Hadj Gamou et le commandant de brigade de la gendarmerie qui sont allés récupérer les résultats et ont falsifié les comptes pour donner des points au RPM », accuse-t-il. Selon Amadou Cissé, maire d’Ansongo, « la fraude est une chose généralisée et presque cautionnée. On ne vote pas pour le candidat d’un parti et son programme, mais pour un individu et son argent. L’argent et la parenté comptent plus que les partis ». Pourtant, la Cour constitutionnelle a estimé que ces irrégularités n’étaient pas de nature à entacher la régularité du scrutin.

Le second tour aura donc lieu et pour ce scrutin, majorité et opposition se préparent au duel. Adversaires d’hier, les mouvements de la majorité présidentielles devraient faire bloc derrière le candidat RPM. « Si les consignes sont respectées, les 4 partis seront unis derrière le candidat du second tour, mais ça risque d’être faussé par les achats de conscience qui changent la donne», explique encore Amadou Cissé. Du côté de l’URD, la stratégie restera inchangée, « nous proposerons une alternance réelle et constructive », mais on avertit tout de même que si les résultats sont à nouveau falsifiés, « les conséquences seront incalculables » !

Talataye : les groupes armés empêchent l’élection À quelques jours du second tour de la législative partielle d’Ansongo, à Talataye, zone de non-droit, la tenue du scrutin semble inenvisageable. De toutes les communes du Cercle d’Ansongo, seule Talataye n’a pas voté lors du premier tour de la législative partielle. Dans cette localité, des manifestants soutenus par des combattants armés se sont violemment opposés aux élections, du 9 au 10 janvier. Selon une source locale, « il n’y a pas de sécurité à Talataye, seulement le désordre et l’anarchie. Le drapeau malien a disparu au profit de ceux du MNLA et d’Ansar Dine ! » Ces combattants qui se réclament de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) refuseraient l’élection sous prétexte que l’accord de paix issu du processus d’Alger ne serait pas appliqué. Selon la même source, malgré de longues négociations et le versement de fortes sommes d’argent, la tenue du scrutin à Talataye semble inenvisageable. « Ils disent qu’ils ne sont pas maliens, ils ne cachent ça à personne ». Pour le second tour, les 6 autres communes de la circonscription d’Ansongo voteront le 31 janvier, sans qu’on ne sache encore ce qui se passera à Talataye. Du côté des différents partis, on croit en une campagne civilisée, car dit-on : « dans le cercle d’Ansongo, tout ce qui peut-être problème vient d’ailleurs. Entre nous ici, on se connaît…»

Partielles à Ansongo : En ordre de bataille !

Sur le terrain, candidats de la majorité présidentielle et de l’opposition s’affrontent pour mobiliser la population et s’assurer un autre siège à l’Assemblée nationale.

Depuis le 19 décembre 2015, dans la circonscription d’Ansongo (région de Gao), la campagne bat son plein. Cinq candidats sont en lice pour conquérir le siège laissé vacant par feu l’Honorable Halidou Bonzeye: Souleymane Ag Elmahmoud, éleveur, pour le RPM ; Ibrahim Abdoulaye Touré, enseignant, APR ; Salerhoum Talfo Touré, enseignant à la retraite, pour l’ADEMA-PASJ ; Abdoulbaki Ibrahim Diallo, médecin, URD et Djibril Hassimi Maïga, cultivateur, ASMA-CFP. Le scrutin aura lieu le dimanche 10 janvier 2016, et le 31 janvier prochain, en cas de second tour. Pour les candidats de la majorité présidentielle, au nombre de 4, remporter ce scrutin est crucial, comme l’explique le secrétaire général de l’ASMA-CFP et maire d’Ansongo, Amadou Mahamane Cissé : «Ansongo a deux députés, dont l’un de l’opposition. Il nous faut donc un élu supplémentaire pour la majorité ».

Aussi, une campagne de proximité a débuté dans les villages comme Tin Hama, où d’autres candidats ne se risquent pas. « Généralement, la plupart des voix qui font gagner les candidats viennent toujours de la « brousse », ce sont eux qui votent massivement », renchérit Mahamane Cissé. Selon ses pronostics, la majorité présidentielle est quasi assurée de remporter l’élection. « Nous avons convenu que le candidat de la majorité qui arrivera au second tour sera automatiquement soutenu par les autres ». Pour l’URD, premier parti de l’opposition, ces calculs ne tiennent pas. « En zones nomades, ce sont les chefs de tribus qui décident, et personne d’autre. Pour les zones sédentaires, ce sont les grandes familles. Notre candidat a le soutien des grandes familles ! », déclare le Dr Beffon Cissé, secrétaire mandataire national pour la liste URD d’Ansongo. Ce scrutin pourrait redistribuer les cartes de l’affrontement entre majorité et opposition.

Pour complexifier la donne, dans cette circonscription forte de 7 communes, tous ceux qui sont candidats se connaissent, et sont soit camarades ou parents, seuls leurs partis respectifs les séparent. Le candidat Abdoulbaki Diallo, porte-étendard de l’URD, est par exemple soutenu par un autre parti de la majorité présidentielle, le Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), dont le président, Choguel K. Maïga, ministre de la Communication, est originaire de la région.

En attendant la réponse des urnes, une question subsiste. La campagne se déroulerat-elle dans la transparence et dans un climat apaisé ? Si certains candidats pensent que tout ira bien, d’autres signalent que les fraudes sont fréquentes dans certaines zones où les structures comme la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sont insuffisamment représentées. « Nous allons faire des élections transparentes et apaisées pour démontrer qu’à Ansongo il y a la paix et la ré- conciliation », conclut Amadou Mahamane cissé, optimiste.