Africités : Entretien croisé avec Jean Pierre Elong Bassi et Khalifa SALL

Avec ses cheveux blancs, sa démarche rapide, et ses yeux vifs, Jean Pierre Elong Bassi est l’homme pivot d’Africités. Secrétaire général de Cités et Gouvernement Locaux Unis d’Afrique, l’instance qui pilote le sommet, Mr Elong Bassi est un sage, une somme d’expériences et un esprit éclairé qui nous parle des motivations, qui ont conduit à  Africités. De son côté, Khalifa Sall est un maire dynamique, et engagé pour sa ville Dakar. Journaldumali.com : Pourquoi le choix de la ville de Dakar pour ce 6è sommet ? Quels critères déterminent le choix d’une ville africaine ? Jean Pierre Elong BASSI : Tout se passe en 18 mois. Il y a un appel à  candidatures. Et des villes africaines se manifestent pour abriter le sommet Africités. Ils donnent le cahier des charges, les conditions d’hébergement, de transport, la capacité d’accueil des hôtels, l’organisation. Et lorsque tous ces critères sont donnés, le comité politique de CGLUA choisit la ville à  mieux d’accueillir le sommet et qui sera qualifiée. Il y a quand même près de 5000 participants et il faut savoir que toutes les villes du continent n’ont pas la capacité d’accueillir Africités. Le premier s’est tenu à  Abidjan, ensuite à  Windhoek en Namibie, à  Nairobi, Yaoundé, Marrakech et Dakar. Le 9 décembre, vous connaà®trez le nom de la ville hôte du prochain sommet. Pour aller plus loin, il faut des villes africaines qui donnent l’exemple. l’Afrique doit s’intégrer dans les grands courants mondiaux. Le Caire, Johannesburg, et Lagos, constituent le top 3 des villes urbaines de qualité supérieure. Ensuite, nous avons 15 villes qui structurent les marchés financiers. Elles vont de Nairobi à  Addis-Abeba, de Dakar à  Alger, de Yaoundé à  Dar es Salam. De cette manière, ces villes intègrent une géographie de l’Afrique qui peuvent intégrer les territoires et promouvoir le développement local. Khalifa SALL : Vous savez, une fois que vous êtes qualifié, le parcours du combattant commence. CGLUA est l’organisateur principal et la ville de Dakar accompagne le Sommet. Une agence de communication gère ensuite tout l’aspect com et ce qui est primordial pour nous, c’est bien sûr de faire mieux que Marrakech en 2009 et d’espérer vous satisfaire lors de ce sommet. Journaldumali.com : Comment prendre en compte la dimension environnementale face à  une urbanisation accélérée et les aspirations des populations des cités d’Afrique en devenir ? Jean Pierre Elong BASSI : Vous savez, la société urbaine africaine est entrain de naà®tre, sans pour autant gommer le substrat rural. Nous avons aujourd’hui, les primo-urbains qui sont nos parents, les nouveaux urbains qui constituent nos enfants et les ruraux, que sont-elles nos grands parents. Aujourd’hui, il faut comprendre ce que c’est de vivre en ville. Il y a malheureusement beaucoup de maires qui ne connaissent pas leurs villes. Et il y’a des africains qui savent aujourd’hui vivre en hauteur. Regardez l’exemple de Treichville en Côte d’Ivoire, elle s’est bâtie au fil des ans, seule et tôt ou tard, les Africains s’adapteront à  cette urbanisation croissante. Mais aujourd’hui, nous voulons dans cette réflexion intégrer les médias comme partie prenante du développement local et de tous ses aspects, environnementaux ou autre, de ce fait, nous avons mis en place une plateforme appelée MADDEL (Médias Africains pour le développement local). Khalifa SALL : En tant que maire, tous les aspects du développement comptent, y compris l’urbanisation croissante. Aujourd’hui, Dakar s’est développée très vite, à  tel point que les espaces piétons manquent, les rues, les trottoirs, les passages sont obstrués par toutes sortes d’occupation illégale ou anarchique. C’est tout ce schéma que nous revoyons face à  une ville qui s’agrandit, une banlieue de plus en plus étendue. Mais le comportement aussi doit être irréprochable. On ne peut en ville venir avec ses moutons et chèvres ou ses charriots. Lorsqu’on habite en appartement, il y a des pratiques que l’on ne peut perpétuer, c’est cela aussi l’esprit urbain. Bien entendu, nous ne négligeons pas la dimension environnementale, celle de l’eau ou encore des espaces verts…Il y a tant à  faire. Journaldumali.com : L’une des questions clés est celle du financement des collectivités locales ? Dakar perçoit-elle des taxe suffisantes ? Comment harmoniser les politiques de développement locales et urbaines ? Khalifa SALL : La question du financement est centrale. Il ne s’agit plus seulement d’un transfert de compétences ou de ressources. Les taxes et les impôts collectés auprès des citoyens ne suffisent plus. Il nous faut imaginer d’autres systèmes innovants de financement de nos programmes de développement urbain. Il faut même avoir recours aux marchés financiers, nationaux et internationaux pour recueillir un apport financier. Jean Pierre Elong BASSI : Aujourd’hui, l’ Afrique dont nous rêvons est celle qui se prend en main, qui enracine en chacune de ses villes, territoires ou localités un effort de gouvernance efficace. Des frontières tracées par le colonisateur, et des peuples séparés, nous érigeons la diversité comme arme contre les barrières. Pendant très longtemps, nous les Africains, n’avons pas su conjuguer diversité et unité, c’est ce que souhaite Africités en offrant une perspective de construction du continent à  partir de ses communes et ses territoires. Thomas Sankara disait : « Chaque matin, les peuples africains, abattent les murs érigés aux frontières par les colonisateurs »…