À quoi rêvent les (jeunes) femmes maliennes ?

Les femmes africaines, souvent maintenues dans des rôles sociaux que la jeune génération entend désormais dépasser. Quelques jeunes Maliennes nous livrent leur vision de leur avenir en tant que femme, africaine…

Les jeunes femmes maliennes « en veulent ». Aminata, jeune cadre et maman, éclate de rire à la question de savoir à quoi rêvent les jeunes femmes maliennes. « Mais à la même chose que les autres dans le monde ! Réussite, famille, aisance financière, etc. », confie-t-elle. Âgée de tout juste 30 ans, elle se dit être le prototype de la nouvelle génération et surtout des défis auxquels elle est confrontée. « Je parlerais d’indépendance. Pas dans le sens de faire n’importe quoi, mais plutôt comme la capacité de faire ses propres choix », déclare de son côté Mouna. « On nous plaque des rôles sur les épaules et quand tu essaies de faire les choses à ta façon, tu es regardée de travers. La femme à la maison qui subit le diktat de son mari et se contente de faire des enfants, c’est fini ! », continue-t-elle.

Il en est encore beaucoup pour qui le rêve est de « trouver chaussure à son pied ». Nana Safi, 23 ans, étudiante, avoue espérer un mari qui lui donnera les moyens de s’adonner à sa passion, le commerce. Aïcha Camara, elle aussi, aspire à être une femme au foyer, dans tous les sens du terme : « ne plus devoir travailler, faire des enfants et m’occuper de ma maison ». « Se marier est avant tout un devoir pour toute femme musulmane », tempère Sadya, qui veut faire carrière dans la diplomatie, et qui estime que cela n’est pas incompatible avec le mariage. « Les deux se complètent », assure-t-elle. Mme Touré Djenebou Dembélé avoue, du haut de son expérience de femme mariée, qu’il « n’est pas facile de jongler entre vie professionnelle et conjugale ». « Je voudrais dans un futur proche entreprendre et développer une activité commerciale».

S’affirmant de plus en plus sur les plans professionnel, social et même politique, les jeunes femmes maliennes « évoluent ». Les réseaux sociaux contribuent beaucoup à la construction de cette génération qui, à l’écoute de ce qui se passe ailleurs, tente de se bâtir un avenir, tout en gardant à l’esprit les valeurs sociétales dont « elles ne gardent que les bonnes, celles qui donnent une vraie place à la femme au sein de la communauté. Et il en existe ! », conclut Aminata.

Intarissable Tantie Sira…

Première bachelière du Mali. Directrice du Lycée des jeunes filles de Bamako. Ce sont les premières qualifications qui viennent à  l’esprit à  l’annonce de son décès. Mais, Sira DIOP, c’était pour moi, une tante d’un caractère unique. Je me souviens de la dernière fois… Toujours le sourire, toujours dynamique. Malgré la canne qui l’aidait à  marcher, elle ne se laissait jamais abattre. Elle était une force de la nature, un de ces êtres si solides que l’idée qu’elle puisse disparaà®tre un jour, n’effleurait jamais l’esprit. Elle adorait les tous petits, c’était une grand mère attentionnée qui ne manquait jamais de conseils et aimait se rendre dans son champ de temps à  autre. Et pourtant, le roc s’en est allé, laissant des proches brisés mais fiers de cette grande dame, emblème de la cause féminine. Symbole même de l’émancipation des femmes, mais attention, Tanti Sira, le disait toujours.  » Ce n’est pas une lutte contre les hommes. Ici, c’est la promotion des femmes. » Elle qui connaissait si bien les siens et son pays, savait composer avec les hommes et les femmes pour aller vers le progrès social, en toute complémentarité. Elle fut donc cette jeune bachelière émérite, puis une enseignante reconnue qui a formé une partie de l’élite féminine du Mali et la Directrice d’un lycée célèbre de Bamako de 1951 à  1962. Celui des Jeunes filles, après avoir elle même été formée à  l’école de Rufisque au Sénégal. Nos mères et tantes qui ont fréquenté cet établissement, connaissent Mme Diop Sira. Chacun pourra évoquer ce parcours immense, ce curriculum si riche, qu’il donne le tournis. Présidente de l’Union Nationale des femmes du Mali, au lendemain des indépendances, pionnière de toutes les luttes féminines, elle a œuvré dans les ONG, les villages d’enfants SOS, l’Unesco, et auréolée du Prix Rafao des femmes d’Afrique de l’Ouest, elle a poursuivi le combat de l’émancipation des femmes : « Dans les sociétés matriarcales et les femmes étaient presqu’à  égalité avec les hommes. », rappelait-elle. Et jusqu’à  ce Code de la Famille, en 2009, oà¹ à  l’inverse d’autres militantes, elle évoquait les dangers du recul que pouvait apporter le rejet du nouveau texte, rien ne dissuadait Mme Diop Sira de dire la vérité. L’épisode fut douloureux pour les femmes, mais Sira Diop avançait, avec conviction, patiente, consciente du temps que prendrait les choses pour équilibrer cette société, conservatrice, avide d’ouverture, mais toujours en recherche d’elle même. La réalisatrice Fatoumata Coulibaly, lui a consacré un documentaire de 26 mn, au titre évocateur : Sira DIOP, le fleuve intarissable, « Badjiba Djabali ». Et cette idée, c’était tout elle. L’intarissable Sira DIOP, un fleuve o๠il fait bon se désaltérer, tant il est riche de connaissances, d’expériences, d’anecdotes, de leçons de vie. Comme toute force de la nature, Tanti Sira avait besoin de se reposer, et lorsqu’elle fut l’invitée de l’Union Africaine, en marge de l’anniversaire des 50 ans de l’organisation, elle me raconta qu’elle n’avait pas voulu aller à  Addis-Abeba, mais elle a finalement honoré la cité éthiopienne de sa présence. Cette fois, elle s’est en allée pour un dernier voyage… Dors en Paix tanti Sira… !