Madame Kagoro Traoré, promotrice de « Yakharé Encens »

Madame Kagoro Traoré est sage-femme de profession, en service au centre de protection maternelle et infantile (PMI) à  Badalabougou en commune V du district de Bamako. Agée d’une quarantaine, elle dirige depuis 2006 l’entreprise « Yakharé Encens » qui produit de l’encens et des produits désodorisants traditionnels. Elle a accepté de répondre à  quelques questions. Comment vous est venue l’idée de fabriquer ce genre de produits ? Vous le savez, je suis sage de femme de formation. Mais en bonne femme sarakolé, il m’est venu à  l’esprit de faire un peu commerce. Au début, je ne faisais que l’encens ordinaire conditionné dans les bouteilles que je déposais dans des boutiques. La forte demande des clients m’a finalement motivée à  y consacrer plus de temps et même à  ouvrir un magasin. Mon entreprise fabrique de l’encens ordinaire, le Gueni, Djekalani, Magnokisenie, Gongondili mougou, les pots ou « vases magiques ». En à  un mot, de l’encens et tous les autres produits associés. Ces produits sont utilisés pour leur parfum agréable, pour embaumer les pièces (chambres, salon, salles de réunion, salles de conférence… 24 heures sur 24 heures sans feux ni fumée). En plus de la bonne odeur, mes produits ont une valeur ornementale. Les femmes peuvent les utiliser comme secret de séduction. Les produits que vous venez de citer sont bien connus des maliens, et surtout des maliennes. Mais il semble que vous ayez apporté des innovations? En effet , par exemple le petit encensoir est remplacé par un pot ou un vase. Ces récipients sont ornés de cordes en sisal, de coquilles et autres figures … J’utilise presque exclusivement des produits locaux et cela permet de les valoriser. La partie florale est constituée de gongodili ou babi (vétiver). Le récipient est rempli de produits de conservations de parfum (gueni, magnokisseni, moromoroni). Ce qui donne un mélange de parfum qui sert à  humidifier la partie florale et conserve ainsi la bonne odeur. Ces pots de vases sont de dimensions et d’ornement différents selon le choix et la grandeur de la salle. Votre boutique en désemplit pas. Qui sont vos clients ? La plupart des clients sont en Europe. En général ce sont des maliens vivant en France, aux Etats unis et en Espagne. Au Mali, je ravitaille essentiellement des hôtels, restaurants, ONG et entreprises, services publics, parapublics et privé et ménages. Il faut noter que les autorités du Mali ont fait la promotion de mes pots d’encens. Vous pouvez les voir dans les salles de réunion à  la primature et à  la présidence et dans les services publics. Je trouve cela vraiment très encourageant. Avec voter petite entreprise, C’’est toute une chaà®ne de personnes que vous faites travailler… Tout à  fait. Puisque J’utilise des matériaux locaux, les exploitants de ces matériaux locaux et tous ceux qui travaillent à  un niveau quelconque de la chaine de fabrication et de commercialisation (fabricants de cordes de sisal, ramasseurs et vendeurs de pot et de vases, vendeurs de gueni entre autres), ont du coup une source de revenus. Moi-même J’emploie une dizaine de personnes dans mon magasin, tous salariés. Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontée ? Ma principale difficulté, C’’est la traque des faussaires. Mes produits ont des contrefaçons malgré le brevet que J’ai déposé. Sur le marché, on trouve aujourd’hui partout des pots d’encens semblables aux miens et qui ne sont pas mes produits. Vous avez été sacrée meilleure femme inventeur en 2007. Oui, J’ai obtenu le prix de meilleur femme inventeur, grâce à  mon concept « encens sans feu ni fumée ». C’’était au salon des inventions et des innovations technologiques 2007. J’etais à  mes débuts et C’’est un peu par hasard que J’ai appris l’organisation de ce salon à  la télévision. J’avais foi en l’originalité de ma démarche, même si certaines personnes me décourageaient, trouvant ce travail salissant. Alors J’ai sauté sur l’occasion pour me présenter. Ce prix que J’ai reçu par la grâce de Dieu m’a beaucoup encouragé. Et ce la m’a convaincue que, quel que soit le métier que l’on fait, il faut l’aimer d’abord et l’on aura la reconnaissance du monde. Avez-vous un message à  adresser à  nos lecteurs? Je veux que l’on croit aux femmes et que l’on se dise qu’elles peuvent avoir des projets novateurs capables de contribuer efficacement à  la lutte contre le chômage et la pauvreté. Mon cas en est une parfaite illustration. Avec l’utilisation des produits locaux, je lutte contre la pauvreté et tout en améliorant des techniques anciennes de parfumerie qui revalorisent notre culture et renforcent notre identité.

La révolution du Woussoulan

A la maison, au bureau, les femmes maliennes ont la science pour rendre agréable le lieu o๠elles se trouvent. Après avoir installé de beaux rideaux et rendu l’intérieur accueillant et chaleureux, elles le parfument à  l’aide d’un produit qui est maintenant connu de par le monde : l’encens, appelé en bambara « woussoulan ». Fabriqué à  partir de racines, de grains ou d’écorces séchés, traités et auxquels on ajoute le parfum de son choix, le woussoulan est devenu au fil des siècles, un argument de séduction inévitable dans la panoplie de la jeune malienne et au-delà  même dans le sahel tout entier. Mais l’encens traditionnel tel que nous le connaissons à  un inconvénient : la fumée ! Car, il faut le brûler pour que se dégagent ses veloutes ensorcelantes. C’’est le principe même de l’encens, pourrait-on répondre ! Le problème est que avec la vie active que de plus en plus de femmes mènent aujourd’hui il est difficile de s’adonner à  cette pratique. Au risque de voir le patron piquer une sainte colère quand il voit son bureau enfumé comme le cratère d’un volcan. Alors, les femmes maliennes dont l’ingéniosité n’est plus à  démontrer ont trouvé la solution. Elles ont inventé le « woussoulan sans fumée » ! Le principe est le même : des racines, cette fois-ci celles du vétiver (ban’bi) qui prolifère au bord des cours d’eau chez nous, que l’on fait sécher et que l’on coupe et qu’on entasse artistiquement dans un pot en terre. Auxquelles s’ajoutent le parfum choisi par la vendeuse ou la cliente et enfin des clous de girofle (guéni, en bambara) qui jouent le rôle de capteur de mauvaise odeur. Le tout donne un bel objet de décoration qui peut être installé partout, dans un salon comme dans un bureau avec comme avantage principale la maniabilité, on se brûle plus les doigts !, et l’esthétique sans oublier l’absence de fumée, donc plus de patron mécontent. Mme B. Soumaré est commerçante au grand marché de Bamako. Sa spécialité, les produits féminins et en particulier les woussoulan et les ceintures de perles. Selon elle, depuis quelques temps, les pots de « woussoulan sans fumée » se vendent comme des petits pains. « Je vais livrer des bureaux dans des banques, l’administration. C’’est un produit très apprécié par les femmes mais aussi par les hommes. Même les ministres en ont dans leur bureau ! » Les prix varient selon la taille du pot. Il peut aller de 5000 à  50 voire 100 000 fcfa. Les pots en terre viennent en général de Ségou o๠Mme Soumaré a un fournisseur qui lui donne des produits bien faits et résistants. En général, elle les livre aux clients fidèles mais vend aussi sur site à  ceux et celles qui viennent la voir après avoir entendu parler de ses produits. Une cliente nous dit toute sa satisfaction vis à  vis de ce produit qui l’a convertie à  l’utilisation de l’encens. « Je n’étais pas fan du woussoulan, mon mari n’aimait pas non plus. à‡a fume et on trouvait que ça n’apporte rien parce que l’effet est passager. Mais depuis que J’ai découvert celui-ci, je n’en manque jamais. à‡a sent durablement bon, il suffit de renouveler le parfum et adieu les mauvaises odeurs, C’’est formidable ! ». Comme tout produit qui marche, le woussoulan sans fumée connait des contrefaçons. Mme Soumaré met en garde les clients contre les pots vendus partout aujourd’hui et qui pourraient être dangereux si les parfums avec lesquels les racines sont aspergées ne sont pas de bonne qualité. C’’est donc un véritable marché qui s’ouvre pour les fabricants et revendeurs de produits d’entretien ou de décoration.